C'est comme-ci j'étais en train de me noyer, essayant de m'accrocher à quelque chose, de m'accrocher au sable fuyant entre mes mains pourtant si fermées. Personne ne pouvait me comprendre. D'ailleurs personne ne pouvait se douter de ce que je vivais, je devais être une merveilleuse actrice. Sourire, rire, sourire, rire, ... Shakespeare n'a-t-il pas dit "All the world's a stage" ? Je ne suis douée pour rien, ou seulement pour mes monologues intérieures, je suis aussi forte pour m'acharner sur mon sort et jouer la comédie. Sinon je ne suis rien.

Chapter one. FUCKING LIFE
Peut-être ai-je perdu mon semblant de bonheur lorsque mon père est mort. Cela fait huit ans et j'ai l'impression que je n'ai jamais vraiment été moi depuis son décès. Je n'ai pas le droit de me plaindre, j'ai une vie normale, avec ma mère on s'en est toujours sorti entre filles. Alors je souris, j'écoute les autres se plaindre et j'encaisse les mots durs à mon propos. On me dit toujours que lorsque l'on pense au passé, on revoit mon magnifique sourire, cette petite fille blonde dynamique et sautant partout, on pense à mon rire hantant la maison familiale... Je n'ai jamais été douée pour montrer mes sentiments, alors j'ai décidé de faire le trie : je ne voulais pas être la petite fille aux joues mouillées seule dans son coin. Aujourd'hui, je dois avouer que j'en ai presque mal aux joues de sourire tout le temps, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Ma mère a mis plus de temps pour passer le pas. Mon père avait été son premier amour et passer à autre chose était beaucoup plus dur à faire qu'à dire. Puis un jour elle me présenta Mark. Trentenaire, plutôt jeune par rapport à elle. Beau garçon, du genre coureur de jupons. Et dominateur. Il demandait, elle accourait, il ordonnait, elle obéissait. On emménagea chez lui, quittant Boston. Ma ville. Notre ville, à moi, ma mère et mon père. Je n'ai pas eu la force d'y retourner depuis, évitant Boston dès qu'il le fallait. Arroswic était une charmante ville. Charmant, c'est toujours le mot que l'on emploie lorsqu'on ne veut pas blesser les gens. La jolie Teddy au visage d'ange plût à l'unanimité dans sa nouvelle classe. Rapidement se formait un groupe d'amis autour de moi, j'avais ce don pour rassembler les gens, pour les faire se sentir spéciaux et aimés. Je pensais ne pas pouvoir tomber plus bas, mais la descente aux Enfers fut brusque et violente.

Chez "moi", ou plutôt chez lui, je m'énervais pour un rien. Je ne parvenais pas à conserver cette bonne heure tout au long de la journée, le soir j'étais en colère presque agressive en constatant la passivité de ma mère par rapport au comportement de Mark. Je ne supportais pas de la voir ainsi traitée, comme une simple bonne. J'étais invisible à ses yeux : son ascendant sur ma mère ne me plaisait pas. La faisant devenir objet, il se servait d'elle. Et de son compte bancaire of course. Je ne sais pas comment ma mère a pu discerner dans son comportement de l'amour, moi je vois simplement de l'acharnement, de la domination et de la violence. C'est d'ailleurs un soir après les cours que je découvrais que ce que j'avais vu pour l'instant n'était que la bande-annonce d'un mauvais film. Il était très axé sur la bouteille. Son péché mignon ? La vodka. Complètement à bouts de nerfs je lui avais pratiquement dit ses quatre vérités à ce monstre ! Je ne savais pas que de son côté aussi, ce n'était pas la bonne journée. J'ignorais aussi qu'il n'en était pas à sa première bouteille. Il avait réagi au quart de tour, me faisant perdre tous mes moyens. Il m'avait habilement saisi par les cheveux, me faisant perdre l'équilibre j'étais à présent à terre. Apeurée par son comportement je le regardais complètement désorientée. « Alors mon petit Ange on sourit plus ? » Puis les coups tombèrent. Mes jambes, mes bras étaient à présent douloureux, mais ce ne fut rien comparé à la douleur que je ressentis lorsque un coup atteint mon estomac. Mon souffle se coupa, je suffoquais tentant de retrouver un semblant de souffle. J'étais déconnectée. La tête me tourna. Je n'étais à présent plus au sol, il m'avait soulevée et me bloquait contre l'un des murs du salon. Un goût amer dans ma bouche me fit reprendre peu à peu mes esprits. J'essuyais du revers de ma main le sang qui coulait de ma lèvre. Je ne sentais pratiquement plus le reste de mon corps. Il rigolait. De mon état peut-être même de son oeuvre sur moi et encore plus des larmes qui commençaient à couler le long de mes joues. Je ne compris même pas ce qu'il se passa ensuite, sa main glissa de manière imperceptible sous mon tee-shirt puis son mon soutien-gorge. Je tentais à tout prix de me débattre, de m'écarter de lui, mais plus je le poussais et plus il se collait. C'est lorsque ses lèvres se collèrent sur mon cou que je parvins à me dégager de son emprise. Un coup de genou bien placé et j'étais déjà loin...

Chapter two. FUCKING GUY ♥
Je ne pouvais pas retourner chez moi sans foutre en l'air la vie de ma mère. Sans foutre en l'air la mienne en même temps. J'étais certaine qu'il trouverait une putin d'excellente excuse à mon départ... Les larmes ne cessaient de couler, mon coeur ne cessait de se serrer et j'avais l'impression de toujours manquer de souffle. Je vivais une chute libre à l'infini. Errant dans toute la ville pendant des heures, la nuit était tombée et je me demandais finalement si je n'étais pas simplement morte : tel un fantôme je ne sentais plus rien, mon corps était endolori de partout et je n'avais pas encore vu les tonnes de bleus qui se dispersaient de-ça de-là.
J'évitais la lumière, fuyais toutes traces de vie. Mourir, c'est tout ce que je voulais, ne plus sentir ses mains sur mon corps, ne plus me rappeler ses lèvres avide sur mon cou... Je n'avais pas remarqué cette voiture se rapprocher de moi, jusqu'à ce que j'entende sa voix « Tu montes ? ». Si j'avais su que c'était mon sauveur, mon ange gardien peut-être même, je ne lui aurais pas répondu par un doigt d'honneur. Pourtant je montais dans sa voiture, il paraissait complètement inoffensif par rapport au connard auquel j'avais eu affaire quelques heures auparavant. Il devait être un peu plus âgé que moi, mais les larmes m'empêchèrent de le regarder plus longtemps, me sentant plus à l'abri que jamais je fondais en larmes et laissais mon chagrin apparaître. La voiture démarra, je restais, comme lui, silencieuse. En fin de compte, j'étais peut-être tombée sur un gars qui ramasse les filles dans la rue, mais il ne paraissait pas être l'un de ces sales cons.

Étrangement il me surprit. Il n'avait pas l'air très mature et c'est peut-être ce qui me fit baisser la garde. Attentif, charmeur, protecteur... Rapidement le dialogue s'installa entre nous, puis ce fut moi qui s'installa chez lui. Il s'appelait Lukaël et je n'adorais pas que son prénom. Les mois passèrent et nous devenions d'excellents amis, des confidents même. Cependant je gardais pour moi l'évènement qui avait engendré notre rencontre. Dire que sans cela je ne l'aurais jamais rencontré ! Lukaël est comme un grand frère, un ange gardien ♥ Il n'a pas que des qualités bien sûr, il a tendance a découché... et je me demande dans les bras de quelle pétasse il passe la nuit. Il est aussi très franc, mais c'est aussi ce qui le rend aussi vrai : il ne joue pas un simple jeu avec moi. Pourtant je ne parviens pas à m'ouvrir autant que lui envers moi. Les sourires sont revenus, j'ai refait mon stock grâce à lui. La douleur, elle, est toujours présente, mais je parviens de manière plus aisée à la cacher car je suis préoccupée par autre chose.
J'oublie d'où je viens parce que je me demande où je vais. Parce qu'à chaque fois que j'enfile une veste de Lukaël c'est n'est pas parce que j'ai froid mais parce que j'adore sentir son odeur. Parce que lorsqu'il sourit je ne peux m'empêcher de sourire. Mais surtout parce que lorsqu'il m'encercle de ses bras mon coeur s'emballe et ce n'est certainement pas parce que j'étouffe.