« Ne craint rien car rien n’est jamais perdu. »
Aujourd'hui« Raph’ tu.. tu es revenu.. » La voix de Maëlle se voulait faible. Presque lointaine alors que la demoiselle ne se trouvait qu’à quelques centimètres de moi. A la fois si proche et si éloignée.
« Oui… je… je suis revenu en effet… depuis quelques jours. » Je me surprenais moi-même à avoir employé presque le même ton qu’elle. Comme si ma gorge s’était soudainement enrouée, refusant de parler à haute et intelligible voix. La revoir après tant d’années me troublait, plus que je n’avais pu l'imaginé. Nous restions là, en plein milieu de la rue, plantés comme deux piquets. Aucun de nous deux ne semblait savoir comment engager la conversation. Tout simplement parce qu’aucun de nous deux ne savions réellement ce que nous étions aujourd’hui l’un pour l’autre. En partant d’Arrowsic il y a quatre ans, en mettant fin à notre relation j’avais vraiment tout foutu en l’air entre nous. Il avait fallu que je parte. Que je parte à la découverte de mon passé, pour pouvoir assurer mon avenir. C’était vrai, je n’avais pas eu le choix. Ou alors, c’était ce dont j’essayais de me persuader depuis quatre ans.
« Bon, hé bien… on… on se recroisera alors… je pense… » Détournant le regard, Maëlle reprit sa route, me laissant là, ahuri.
4 ans plus tôt.« Je vais partir pour Sidney… aujourd'hui. » « Quoi ? Comment ça ? » Doucement, j’attrapais ses mains et l’attira contre moi. J’avais le cœur battant, sachant d’ores et déjà que ce qui allait suivre n’allait pas être facile. Non, cela allait même être très difficile. Tendrement, j’entrelaçais nos doigts, le regard plongé dans ses beaux yeux azur. Je ne pouvais y déceler une totale incompréhension. Ma réponse qui se faisait attendre sembla la crisper et sans que je n’aie le temps de la retenir elle se recula, m’obligeant à lâcher ses mains.
« Dis-moi ! Tu t’en vas ? Tu me laisse ? Pourquoi ?! » Ses larmes commençaient déjà à rouler sur ses joues. Cette vision me déchira littéralement le cœur. S’il y avait bien quelque chose que je ne pouvais supporter c’était de voir la femme que j’aimais pleurer.
« Maëlle, s’il te plaît… Il faut que… il faut que j’y aille, je… » Timidement, j’osais me rapprocher d’elle et posais ma main dans le bas de son dos, l’obligeant ainsi à se blottir contre moi. Ses sanglots se faisaient réguliers et chacun d’eux tordaient mon cœur de douleur.
« Je sais Raph… je sais… Tu dois y aller… » Posant mon menton sur le haut de son crâne, je fermais les yeux.
« J’ai besoin de savoir… de savoir ce qu’il s’est passé, tu comprends ? De savoir ce qu’est devenu Alice… et… Si je ne le fait pas maintenant je ne le ferai jamais… » . Je me reculais légèrement, posant mes mains sur ses joues et collant mon front au sien.
« J’aimerai tellement venir avec toi… » Purée, elle allait par me faire chialer alors que je m’étais promis intérieurement d’être fort. Pour elle. Si elle continuait, je ne trouverai jamais la force de la quitter. De partir.
« Je reviendrai, je te le promet…. » « Quand ? » J’effleurai tendrement ses lèvres. L’envie subite de la dévorer me prenait mais je devais résister. Mon avion partait cet après-midi et je prenait la route dans quelques minutes.
« Je ne sais pas Maé… Je ne sais pas combien de temps il me faudra… Je ferai au plus vite, je te promets… » . Notre relation s’était arrêtée ainsi. Sur une promesse de ma part, refoulant les larmes qui s’agglutinaient dans mes pupilles et que je refusais de montrer. Par fierté. Parce que j’étais un homme et parce que ma grand-mère m’avait toujours dit qu’un homme ne devait pas pleurer. J’étais partit le jour même, m’envolant à l’autre bout du monde. L’Australie, Sidney. A la recherche de mes origines, à la découverte de mon enfance dont je n’avais quasiment plus aucun souvenir. Aucun, à part un : l’existence d’une petite sœur. Alice.
18 décembre 1994 – Sidney. Toute l’école dans laquelle se trouvaient les enfants Hogan était partie en sortie. C’était quelques jours avant les vacances de Noël, et les élèves étaient tous plus excités les uns que les autres. Les instituteurs avaient décidé de pique-niquer au bord d’un étang. Le soleil était au rendez-vous et, dans l’hémisphère sud, vous vous doutez bien que la neige, eux, ils ne connaissaient pas ! C’est alors que la catastrophe arriva. Raphaël et un de ses petit camarade chahutait, un peu trop violement, mais les maîtresses étaient trop plongées dans une discussion des plus intéressante pour y faire attention. Dans le chahut, une petite fille fut bousculée et elle se retrouva à l’eau. Les deux enfants ne firent pas tout de suite attention et continuèrent à s’amuser, jusqu’à ce qu’une autre élève en vienne à crier «
Aliiiice !! Alice !!! Elle est tombée dans l’eau !! » Du haut des ses 5 ans, la jolie poupée ne savait pas nager. Elle se débâtit du mieux qu’elle pu, mais rien à faire. Cédant place à la panique, son frère n’hésita pas une seconde et, alors qu’il s’apprêtait à plonger pour aller la sauver, il senti une main vigoureuse le retenir. «
Non Raphaël, ne saute pas, on ne veut pas d’autre accident ! Les pompiers sont en route, ils vont venir la repêcher ! » Il eu beau tout faire pour aller la chercher, l’ensemble des enfants fut emmener plus loin, loin de la panique et des cris perçant que pouvait lancer la petite Alice. Mais lorsque les pompiers arrivèrent, il était presque trop tard… La petite, entre la vie et la mort, fut transportée à l’hôpital le plus proche. Sa sœur était dans le coma. Et c’était de sa faute. Il se sentait coupable. D’une part parce c’était lui qui l’y avait projeté –pas intentionnellement, évidement, mais surtout parce qu’il n’était pas aller la sauver. Et aujourd’hui, il était responsable des larmes qui coulaient des yeux rougis de sa mère, et du regard plein de haine que pouvait lui lancer son père. Le soir même, de nouveaux cris se firent entendre. Cette fois-ci, à la maison familiale. «
Tout est de ta faute Raphaël ! A toujours faire des bêtises, voilà ce que tu as fait ! Ta sœur ne se réveillera certainement jamais, et c’est de ta faute ! » Hurla sa mère. «
On t’avais pourtant prévenu ! A la prochaine connerie, tu filais vivre chez ta grand-mère ! En pleine cambrousse ! C’est ça que tu veux ?! » En entendant ses mots, si durs, prononcés par son propre père, le petit devint plus blême qu’il ne l’était déjà. Sa grand-mère vivait loin. Très loin. Dans un autre pays, au beau milieu de nulle part ! Pire que ça, elle avait chez elle une tripoté de chats et… Raphaël y était allergique. «
Non !! J’ai pas fait exprès, j’ai pas fait exprès, je ne veux pas aller chez grand-mère ! ». Mais malgré les grosses larmes qui roulaient sur ses joues, le lendemain matin, le petit Hogan fut expédié chez Mamie Gabby. Mamie Gabby habitait à l’autre bout du monde. Et plus précisément aux Etats Unis, dans une petite ville du nom d’Arrowisc. Et en voyant débarqué son petit fils, un grand sourire fendit son visage. Peu après l’arrivée de son petit fils, Mamie Gabby donna la totalité de ses chats, et prit un chien. Raphaël n’était pas allergique au chien, et il fut ravi d’accueillir son nouveau compagnon de jeu.
Les années passèrent… Dix-huit ans. Raphaël avait bien grandit. En 9 ans, il n’avait jamais revu ses parents. Deux ou trois fois peut-être, à l’occasion de son anniversaire, il avait reçu une petite carte. Rien de plus. Il ignorait si Alice s’était réveillée, si elle était vivante, ou si le pire était arrivé. Finalement, il avait adopté Arrowisc. Il se sentait ici comme chez lui, c’était sa nouvelle maison. Sidney bien vite oublié, il se fit son cercle d’amis ici, mais il avait de grandes difficultés à accorder sa confiance aux autres. Il se sentait trahi. Trahi par ses propres parents, ceux pour qui, pendant de nombreuses années, il avait voué un culte. Son père avait été son modèle, et sa mère, si belle ne pouvait, selon lui, ne pas être méchante. Et même plusieurs années après être arrivé à Arrowisc, il était persuadé que ses parents allaient revenir le chercher. Mais 9 ans plus tard, il n’avait plus d’espoir, et les haïssait. Puis Grand-mère Gabby est tombée malade… Et est morte. Il venait de perdre la dernière personne pour qui il avait confiance. Les funérailles furent courtes et intimes. Seuls quelques amis, tous aussi vieux les uns que les autres vinrent célébrer la mémoire de cette chère grand-mère défunte. Sa fille et son beau fils ne vinrent pas, ce qui engendra chez Raf une haine envers ses géniteurs encore plus grande. Testament ouvert, Mamie Gabby lui a tout légué. Du contenu de son compte en banque au tournevis, qui, rangé au fond du jardin n’avait plus vissé de vis depuis fort longtemps.
Avec ses petites économies, il se trouva un petit appartement. Pour pallier à son chagrin, il décida d’occuper sa vie à aider les autres et choisi de d’intégrer la petite caserne de pompier de la ville. Il se découvrit un penchant pour les filles, et appréciait leur compagnie, aussi bien habillées que déshabillées. Il profitait de la vie, sans forcément aller trop dans l’excès cependant. Raf restait un jeune homme de bonne compagnie qui, le soir venu, s’amusait comme il le pouvait pour oublier la misère de sa vie. C’est quelques mois plus tard qu’il fit la connaissance de Maëlle. Maëlle était belle, souriante. Charmante et attachante. Mais surtout, Maëlle était jeune. Elle n’avait que seize ans, il en avait dix-huit. Vu comme ça rien d’alarmant, sauf que les parents de la jeune fille voyait d’un mauvais œil leur relation. Estimant que Raphaël n’était pas une bonne fréquentation et surtout que leur fille était trop jeune pour sortir avec un garçon, ils lui interdirent rapidement de le revoir. Mais les deux jeunes ne firent en rien ce qu’ils leur étaient demandé et c’est en secret qu’ils tombèrent peu à peu amoureux l’un de l’autre jusqu’à ne plus pouvoir se passer l’un de l’autre. Deux ans passèrent ainsi, sans réelle ombre au tableau. Si ce n’est que Raph ne pouvait s’empêcher de se poser des questions sur son passé. Sur sa vie avant d’arriver ici. Cela le hantait et il prit alors la décision d’aller à la découverte de ce mystère…
Lorsqu’il posa le pied sur le sol Australien, Raphaël ignorait ce qu’il allait trouver, ni même si il allait trouver quelque chose. Il apprit à la mairie de Sidney que monsieur et madame Hogan habitaient toujours en ville mais la secrétaire refusa de lui donner leur adresse. Normal. Il mit alors tout en œuvre pour les retrouver et c’est au bout de plusieurs mois qu’il pu se permettre de sonner chez eux. C’est sa mère qui lui ouvrit la porte. Il n’eut pas besoin de se présenter. Elle le reconnu immédiatement et étouffa un sanglot. C’était la deuxième femme qu’il faisait pleurer en quelques mois et c’était selon lui beaucoup trop. Sauf que pour cette dernière il ne se sentait absolument pas coupable. Après tout, n’était-ce pas elle qui l’avait abandonné ? Elle le serra dans ses bras, Raphaël resta stoïque. Il ne ressentait rien, absolument rien. « Qu’est devenue Alice ? » demanda-t-il alors qu’il était toujours sur le pas de la porte.
Madame Hogan lui apprit alors qu’Alice était partie de la maison. Depuis un an et qu’elle ignorait réellement où est-ce qu’elle se trouvait. Elle avait quitté Sidney suite à une dispute avec son père… a propos de lui. De Raph. Parce que Monsieur et Madame Hogan avait certifiés depuis qu’Alice s’était réveillée de son coma que Raphaël était décédé à l’âge de sept ans. Si bien que quand elle tomba sur une lettre de Mamie Gabby, datée de 2000, accompagnée d’une photo de son frangin, Alice péta littéralement un câble.
Alors Raphaël se remit une nouvelle fois en route. A la recherche de sa sœur. Et là, si il ne lui avait fallu que quelques mois pour retrouver ses parents, Alice resta cachée pendant plus de deux ans. C'est finalement à Paris qui la retrouva. Leurs retrouvailles furent intense. Les deux enfants Hogan retrouvèrent bien vite la complicité et l'amour si fort qui les avait unis étant petits. Raphaël resta auprès de sa soeur plusieurs mois avant de décider de revenir aux Etats-Unis. Cela faisait quatre ans maintenant qu'il était parti. Quatre ans pendant lesquels il ne s'était pas passé une seule journée sans qu'il ne pense à Maëlle. Il n'avait eu aucune nouvelle d'elle mais elle lui manquait atrocement. Faisant promettre à Alice de venir lui rendre visite, le jeune Hogan rentra chez lui.