Il termina son café infâme et jeta son gobelet à la poubelle. Il se dirigea vers le gymnase en courant, il n'avait pas eu l'occasion de courir ce matin et ça lui manquait. Il en faisait pas parti de ses profs de sport qui sont en jogging sans qu'on sache vraiment pourquoi. Il n'était pas devenu prof pour surveiller des ados turbulents et glandeurs. Non, la preuve était encore le fait qu'il virait les élèves à tour de bras lorsqu'ils ne voulaient pas travailler. Enfin, il jeta un coup d'oeil à rapide à l'emploi du temps. Du basket... et bien il n'y avait plus qu'à aller chercher les ballons dans la réserve avant que les mioches débarquent. Les mioches qu'il adorait pour la plupart, des mioches qu'ils voulaient aider, des mioches pour qui il se donnait dans son métier. Non, pour rien au monde il voulait revivre les longs mois durant lesquels il avait attendu ce stupide procès à cause de cette gamine qu'il n'avait jamais pardonnée. Rancunier ? Peut-être mais, elle avait manqué de foutre toute sa vie en l'air pour une note de sport. Stupide, vraiment.
Quelques minutes plus tard, un brouhaha avait pris possession des vestiaires. Les filles prenant tout leur temps pour être les plus belles possibles pour jouer -une nouvelle fois c'était ridicule- et les mecs était certainement en train de se lancer quelques vulgarités affectives. « Monsieur, j'ai oublié mes baskets ... » Il regarda les pieds de la demoiselle en question, elle était perchée sur des escarpins, pas très hauts mais, parfaits pour ce faire une entorse. Si ça avait été la première fois, il lui aurait certainement dégotté une vieille paire de basket mais, avec cette fille là, c'était chaque semaine la même chose. Et voilà, le cours n'avait pas encore réellement débuté et une de ses élèves était déjà dehors. Non, Ashton n'était pas le plus cool des profs loin de là et il le revendiquait. « Luke, poubelle. » L'adolescent lui fit un sourire avant de se diriger vers la poubelle, chaque semaine c'était le même cirque ou presque. Les élèves arrivaient enfin en masse et il ne fallait qu'une minute de plus pour que toute la classe soit au complet.

Les choses se passaient plutôt bien, mais, bien sûr ça ne pouvait pas durer. L'entraînement était devenu collectif et Ashton surveillait de près sa classe, il savait que les choses pouvaient avoir tendance à dégénérer dans ses moments là. Il surveillait plus particulièrement Mattia, pas parce qu'il devait absolument se battre non mais, parce qu'il avait de l'affection pour ce jeune homme. Il voulait le voir réussir mais, pour ça, il fallait qu'il comprenne que dans le sport, être excellent ne suffisait pas. Il voulait lui mettre du plomb dans la tête... en fait, il se retrouvait dans ce gosse. Il le protégeait autant qu'il pouvait, toujours de loin certes mais, il le faisait. Il détourna les yeux une fraction de seconde et déjà les garçons étaient en train de se bousculer, Mattia était dans le lot. Il espérait sincèrement qu'il n'était pas la cause de tout ça mais, pour l'heure il fallait surtout qu'il arrête tout ça. Il s'interposa sans trop de problèmes entre les deux - normal ils n'avaient pas encore commencé à se foutre sur la gueule, la violence était à son minimum-. « Oh! C'est quoi votre problème ? » l'autorité se faisait entendre dans sa voix et très rapidement les autres élèves avaient détournés la tête pour voir la scène, l'écouter.

Bien sûr, il fallait que son Mattia soit au centre de tout ça. Il n'aimait pas que ce gosse s'attire des emmerdes, simplement parce qu'il l'appréciait et qu'il voulait le meilleur pour lui. Si seulement cette petite tête pouvait comprendre qu'il fallait essayer de composer avec les autres par moment. Mais, non, ça ne rentrait pas malgré les efforts du professeur, enfin, il avait certainement du temps avant de comprendre... ou peut-être pas. Il entendait le souffle court de l'adolescent, l'adrénaline certainement. Il devait lui en vouloir, d'avoir interrompu cette bagarre, qui n'avait même pas débuté. Tant pis, il ne pouvait laisser les garçons se battre comme ça, il devait tenir son rôle. « Il a jeté la balle dans le ventre de ma soeur. » « Rien » Deux réponses en quelques secondes, deux réponses différentes. Davis ne pouvait pas la fermer et se contenter de nier l'altercation, non il fallait qu'il balance le jeune homme, qu'il l'enfonce. Davis était un vrai merdeux, le genre de mec mal aimé dans la classe qui vengeait en rapportant les conneries des uns et des autres, au risque de le payer à la sortie, quand les professeurs ne pouvaient plus le couvrir. Sa soeur, elle n'était pas mieux, mademoiselle pot de peinture, empotée, menteuse et surtout je n'attrape pas la balle, on sait jamais qu'elle me mange. Exaspérante, c'était même étonnant qu'il ne l'ait pas encore viré... c'était un peu systématique. Enfin, là n'était pas le sujet, le brunet prit un ballon entre ses mains, montra à chaque élève qu'il ne plaisantait pas, qu'il était énervé. Oui, énervé ou faussement énervé, ce genre de choses, il s'en foutait un peu, ce qui ne plaisait pas c'était le fait que son petit protégé soit au centre de ça, même s'il ne le montrait pas. Il remarqua que Mattia s'éloignait vers les vestiaires. « Davis, tu sors du terrain, Mattia tu restes là, je crois qu'il faut qu'on parle. » Davis tenta de protester mais, le regard de son professeur l'en dissuada, c'était amusant de faire peur aux gosses sans dire un mot, il aimait savoir qu'il était respecté et en même temps, il ne laissait le choix à personne. Il lança avec force la balle dans les mains d'Emily, mais, elle le laissa pitoyablement passer à côté d'elle en se décalant, une cruche dans toute sa beauté. « Putain Emily, tu attrapes les ballons et tu fais quelque chose de tes dix doigts ! La porte n'est pas loin, autrement. Bouge ton cul bordel ! » Il tourna le dos à la demoiselle, complètement outrée part de tels propos, inutile et insupportable cette gosse. Les autres élèves ne tardèrent pas à retourner à leurs échauffements n'ayant pas envie de se prendre une soufflante par monsieur Clarke.

Un peu plus tard, il se posa sur les gradins du gymnase avec Mattia. Il fallait qu'il lui fasse la morale, du moins techniquement mais, il n'en avait pas vraiment envie. « Qu'est-ce qui t'as pris ? » il n'était même pas froid ou méchant, il lui parlait comme à son habitude, d'un ton posé il essayait simplement de comprendre même si au fond, il ne fallait pas chercher plus que son nombril. Mettre un rapport de force entre lui et l'adolescent ça serait inutile et complètement contraire à leur relation. Enfin, toujours est-il qu'il ne pouvait pas tolérer ce genre de comportement dans l'enceinte du lycée et même en dehors il n'aimait pas trop savoir que le jeune s'attirait des embrouilles mais, bon, il était du même genre alors il préférait se taire que de passer pour un abruti qui donne des leçons sans les appliquer. Il regarda un instant la classe, des élèves plus ou moins appliqués, d'excellents élèves, des garçons aux tendances voyeurs, une Emily et ses copines complètement empotées faisaient tâche sur le terrain, elles regardaient les ballons passer. Il allait craquer, une fois de plus. Pourquoi fallait-il qu'on lui mette si peu d'élèves correctes et autant de pétasse ? Enfin il reposa son regard sur l'adolescent, il le comprenait vraiment et en même temps, il fallait qu'il grandisse, Mattia.

Les deux garçons avaient les yeux posés sur le terrain, l'un réfléchissait sûrement à sa réponse, l'autre se disait qu'il aurait voulu éviter ça. Il détestait ne pas voir son petit protégé sur le terrain, tout simplement parce qu'il savait que le sport était l'un des rares cours qu'il appréciait. Cependant, il ne pouvait pas montrer aux autres élèves qu'il appréciait Mattia plus que Davis. Enfin, après une conversation, il y retournerait c'était certain. Et une fois cette conversation à terme, le professeur, lui, il ferait le grand ménage sur le terrain, comme d'habitude, après quoi, les matchs pourraient débuter. Enfin, il reposa son regard sur l'adolescent qui ne tarda pas à lui répondre. « Je lui ai juste envoyé le ballon. C'était peut-être un peu fort, je n'ai pas trop contrôlé, mais ce n'est pas de ma faute si sa soeur est une manchotte! » Ashton laissa un rire lui échapper, non, il ne pouvait pas être sérieux en l'entendant dire ça, surtout qu'il n'en pensait pas moins. Non, il n'était pas d'accord sur le fait qu'il envoie des balles à ses camarades et compagnie mais, au lycée, il faisait la même chose et même après, c'était de la taquinerie. Enfin, il n'y avait pas de frère protecteur dans les parages quand il le faisait. C'était la seule chose qu'il pouvait comprendre chez Davis, qu'il protège sa soeur parce que même si c'était une pimbêche, elle restait sa soeur et Ashton savait bien qu'un frère pouvait tout donner pour sa frangine. Du moins, pour lui c'était comme ça mais, Ella était l'opposé d'Emily. Mais, il n'en restait pas moins un abruti de première et une balance, ça le professeur ne supportait pas. « Davis n'a pas apprécié, c'est tout. » Oh vraiment ? Il ne l'aurait pas deviné. C'était drôle de constater toute la haine qu'il avait contre ce Davis, drôle tout en étant étrange. L'adolescent le regarda un instant avant de s'attarder sur le terrain. Le professeur en fit autant, pour surveiller un peu sa classe. Quand le chat n'est pas là, les souris dansent, c'était un peu près ça sur le terrain. Peu importe, sa crise de prof autoritaire serait pour plus tard, il n'était pas pressé. « De toute façon, il ne perd rien pour attendre.. » Ashton lui décolla une très légère claque derrière la tête, le genre de truc qu'aurait pu faire un grand frère, un père ou peu importe mais, ce n'était pas bien méchant. « Tu veux vraiment que je gobe tout ça ? Il a dû faire bien plus que ça, pour que tu désires à ce point lui foutre ton poing dans la gueule. » Il afficha un sourire malicieux, il l'avait pris pour un lapin de trois semaines ? Il y avait forcément autre chose. Néanmoins, il n'avait pas envie de le forcer à en parler, il voulait simplement qu'il comprenne qu'il n'était pas totalement con quand même. « Des cons comme Davis tu en rencontreras partout. Y compris au tennis. Il faut que tu apprennes à passer au-dessus... » Il laissa sa phrase en suspend espérant que l'adolescent l'ait compris. Il pouvait rencontrer des connards partout, surtout dans la compétition, le tout était de savoir se moquer de ce qu'il faisait, de ce qu'il disait au moment propice. Après, Ashton n'avait jamais dit qu'on ne pouvait régler ses comptes plus tard, à un moment plus approprié...

Mattia ne perdait pas une seconde pour répondre à son professeur, avec toute la simplicité du monde, un sourire sur le visage. « J'aurai du choisir la boxe, plutôt que le tennis alors. » Ah c'est sûr que pour cogner c'était plus simple mais, ce n'était pas le sport de Mattia, tout simplement. Ashton esquissa un sourire, que pouvait-il bien lui répondre ? Rien, de toute façon ça faisait bien longtemps que son choix était fait et ses paroles n'étaient pas sérieuses. Le jeune homme posa son regard sur le terrain, tout comme le professeur. « Il m'a juste insulté. Je l'ai mal pris. » Il se tourna vers son élève. Vraiment ? Il l'avait insulté ? C'était ça qui l'avait tant énervé ? Le jeune Jarvis était donc vraiment impulsif, tout comme lui. Enfin, généralement, Ashton était violent quand on disait un mot de trop concernant sa famille. Néanmoins, le professeur ne se permettait pas de juger. Il ne savait pas les mots qu'avait prononcé Davis.

Il regardait l'adolescent avec un regard protecteur et bienveillant. Qu'est-ce qui le poussait à surveiller ce gosse comme ça ? Il n'avait pas besoin d'un ange gardien et pourtant, Ashton persévérait dans son comportement de protecteur, si l'on peut dire. « Je voudrais bien réussir à passer au-dessus. Mais quand je l'ai entendu dire ce qu'il a dit, ça m'a mis en colère.. »Il n'y avait plus l'ombre d'un doute, Davis avait touché un point très sensible. Cependant, le professeur garda ses constatations pour lui, il avait bien compris que son élève n'en dirait pas plus, Mattia ne voulait pas être une balance et il ne le pousserait pas à le devenir. « Tu y parviendras un jour, à passer au-dessus de ça. Il le faudra bien. » Pour qu'il progresse en tennis, ça passait aussi par là. Combien de joueurs utiliser les insultes, les menaces comme seules armes plutôt qu'une balle et une raquette ? Tous les sports avaient leur cota de saloperies.

L'adolescent observa son professeur, un sourire en coin sur les lèvres et tout en passant une main sur son visage, il reprit la parole. « Vous devez trouver ça con » Le brunet regarda son élève et avec une petite tape sur l'épaule il lâcha tout simplement. « Pas con. Impulsif. » Il se releva aussitôt, assez de paroles, assez de temps perdu à être assis. « Ce qui serait con, ça serait de ne pas jouer. Montre moi ce que tu vaux. Un match face à Davis. » Il ne lui laissait pas vraiment le choix et c'était un bon moyen de lui apprendre à passer au-dessus des insultes. Il serait obligé de jouer sans donner de coups mais, en pouvant lui rendre la vie infernale sur le terrain.

Une fois au milieu du troupeau d'élève Ashton annonça la couleur. Ce n'était pas parce qu'il était sur les gradins, qu'il n'avait rien vu, de ce fait, une bonne partie des élèves s'était retrouvé dans les vestiaires, Emily était évidemment dans le lot. Il avait fait signe à Davis de revenir sur le terrain. « Davis, Mattia, vous me faites une équipe chacun. Vous choisissez un joueur à tour de rôle. Je veux des équipes mixtes. » Il lança successivement un regard accusateur aux deux garçons. « Et aucune violence ne sera tolérée sur le terrain, compris ? Et échauffez-vous rapidement tous les deux. » C'était fou de changer de ton comme ça, passer du professeur compréhensif au professeur autoritaire mais, il fallait ça pour tenir une classe d'adolescent.

Aucun des deux garçons ne rechigna face à la décision et aux ordres de leur professeur et heureusement. Ashton ne les lâchait pas du regard un seul instant, que ce soit pour choisir les équipes ou même pour l'entraînement, il n'avait pas envie d'assister à un match de boxe. Il n'y avait rien à signaler bien sûr, la tension était palpable en vue des regards noirs qu'ils se lançaient mais, ça, le prof n'en avait absolument rien à faire. Il avait choisi deux arbitres pendant que les équipes se mettaient en place. Deux filles, elles savaient très bien arbitrer et même si elles n'étaient pas très douées avec un ballon de basket entre les doigts, elles se donnaient toujours à fond dans ce qu'elles faisaient et c'était tout ce qu'Ashton leur demandait. Il comprenait -aussi- qu'elles ne soient pas choisies par les deux capitaines : ils voulaient tous les deux gagner. Le match commença, avantage à Mattia mais, les choses pouvaient vite tourner, Davis n'était pas mauvais en basket.

Les deux garçons se battaient becs et ongles pour avoir cette victoire. C'était bien plus qu'un simple match qui se jouait là. C'était intéressant de constater que malgré tout, l'équipe de Mattia jouait ensemble. La balle passait dans toutes les mains libres et libératrices. Le ballon se retrouva dans les mains de l'équipe adverse au moment où la pauvre Sarah se retrouva bloqué par un mec, face à qui elle ne faisait pas le poids, personne ne pouvait lui en vouloir. Immédiatement, l'objet arriva dans les mains de Davis, comme si c'était le centre du jeu, le seul joueur qui comptait. L'adolescent jouait alors avec les nerfs de son camarade, de gauche à droite, de droite à gauche, il dribblait avec pour seul but de narguer Mattia. À force de jouer avec le feu, il risquait de se brûler. Peu importe, Ashton observait attentivement la scène, ce soir, en faisant son bilan de fin de séance, il allait pouvoir en marquer des choses, sur chacun de ses élèves, pas uniquement sur Mattia ou Davis. Il noterait des choses, positives ou non.
Le jeu continuait, le score était vraiment serré. Les allers retours sur le terrain allaient de bon train, l'issue était plus qu'incertaine. « Le capitaine de l'autre équipe semble déjà fatigué. » C'est-ce que Mattia venait de lui confier, faisant mine de ne pas voir son adversaire. Le professeur fit un sourire en coin, les rôles étaient inversés, c'était Mattia qui jouait avec les nerfs de Davis et non l'inverse. En effet, le match avait beau poursuivre, il percevait la colère du jeune homme, ça se lisait sur son visage et il aurait parié que Mattia y était pour quelque chose. Là où il était plus futé que son adversaire, c'est qu'il ne risquait pas de perdre la balle, lui.

Puis, les choses commencèrent à tourner au vinaigre quand une nouvelle fois, Davis et Mattia se retrouvèrent face à face. Davis s'étala lamentablement sur le sol, ce qui fit rire bon nombre de ceux qui ne jouait pas. Ashton en aurait bien fait autant s'il n'avait pas été prof. Il se dirigeait vers le terrain, en courant, tout en faisant signe aux deux arbitres de venir avec lui. Évidemment, Davis s'était déjà relevé et il criait déjà au scandale. « On joue là! On n'se bat pas Mattia! » Son camarade faisait de son mieux, pour garder son calme. «On est mauvais perdant Davis?.. »Ashton récupéra la balle, façon de dire, je suis là maintenant, y en a qui ouvre son clapet, je m'énerve. Il se tourna vers les deux arbitres, un regard sérieux. « On va vite régler le problème. Les arbitres, vous sifflez une faute ou pas ? » Au moins, elles étaient neutre dans l'histoire et il savait qu'elles prendraient cette décision en fonction de ce qu'elles avaient vu et rien d'autre. Le professeur prenait bien soin de ne pas influencer leur jugement de quelques manières que ce soit. Bien qu'il était persuadé que Davis avait simulé sentant la fin du match et la défaite approcher. « Pour moi, il n'y aucune faute. Davis est simplement tombé, pour toi Skye ? » La petite brunette confirma d'un hochement de la tête avant de rajouter d'un ton neutre. « Aucune faute n'a été commise. » Elles étaient toutes les deux formelles. Le professeur les remercia alors qu'elles retournaient déjà à leur place, s'attendant à ce que le match reprenne. Mais, ce n'était nullement l'attention du professeur, il comptait bien mettre les points sur les « i » . « Si vous voulez faire du théâtre il y a un amphithéâtre pour ça, ici c'est le sport ! Je veux voir des sportifs. Par là, j'entends, des personnes qui se donnent à fond peu importe leur niveau, je veux voir des gens qui transpirent et qui, malgré la défaite, peuvent être fiers d'eux parce qu'ils ont tout donné! Je veux que vous soyez tous sportifs et fair-play. Y en a marre de vos conneries ! Vous allez reprendre ce match, jouer en équipe et dans les règles de l'art. Celui qui fait l'acteur encore une fois, celui qui l'ouvre encore une fois risque d'avoir de bien mauvaises surprises. » Il plaça le ballon dans les mains de Mattia avant de siffler la reprise du match pour repartir à sa place. Tout le long il avait parlé suffisamment fort pour que chacun entende. Tout le long, il avait utilisé le vouvoiement pour que chacun comprenne que sa remarque était valable pour chacun d'entre eux. Tous les élèves avaient compris qu'il était énervé, ils savaient tous qu'à présent, il fallait serrer les fesses et éviter de se plaindre.

Davis avait tout simplement fait ce qu'Ashton détestait le plus, il avait triché, manqué de fair-play, simulé. Une chose était sûre, ce gosse n'avait pas les qualités pour être un sportif, contrairement à Mattia qui l'avait épaté en gardant son calme, à croire que les leçons moralisatrices commençaient à lui rentrer dans le crâne.

Il n'avait pas mâché ses mots, il n'avait pas été tendre mais, merde, ce crétin avait commis la pire erreur. Tricher, simuler feindre un problème, avec le professeur Clarke, ce n'était pas une bonne idée. Il n'y avait rien de mieux pour le mettre hors de lui et l'entendre crier sa colère. Il avait été fier de la réaction de Mattia mais, ceci n'avait pas été suffisant pour canaliser sa colère contre Davis, contre ces adolescents qui ne foutaient rien et qui pensaient tout savoir de la vie. Maintenant, ils avaient tous intérêt à se faire tout petit, les menaces en l'air, ce n'était pas le genre de la maison. Et au fond, chaque adolescent craignait de voir ses parents convoqués, de passer ses mercredis après-midi en retenue ou encore d'avoir une remarque incendiaire sur le bulletin.

Le match avait repris son cours et Ashton regardait tout ça d’un œil sévère. Néanmoins, il devait admettre qu’il était agréablement surpris. À croire que ses mots avaient eu un impact sur la classe. Le jeu se faisait en équipe et dans le plus grand des fair-play, pas de mots provocants, pas de jeu de balle frustrant, pas de triche. Pour une fois, il avait l’impression d’être fasse à un match de basket et non pas face à des gosses de maternelle qui se jette du sable dans les yeux. Bon, la comparaison était peut-être un peu exagérée mais, certain jour, il n’avait pas l’impression d’être face à des jeunes de dix-sept ans, il avait plutôt la sensation que même des gosses de huit ans pouvaient être plus mature. Notamment, quand il avait le droit aux crises de nerfs pour un ballon mal lancé, pour une -soit disant- erreur d’arbitrage ou un tas de conneries du même niveau. Enfin là, il était ravi que sur les dernières minutes du match, la plupart se donne à fond, dans l’objectif de gagner dans les règles de l’art, de gagner comme le désirait leur prof de sport. L’équipe de Davis, enfin surtout Davis, semblait avoir baissé les bras, le gamin n’était plus animé par le désir de gagner mais, par de la rage qui faisait qu’il ne réfléchissait pas à son jeu. Il s’énervait tout seul et se mettait dans des situations délicates sans l’aide de personne. Aucun doute sur le fait qu’il voyait la défaite arriver et que son ego avait pris un coup.

Le coup sifflet annonçant la fin du match se fit entendre. Ce n’était pas une victoire écrasante mais, c’était une belle victoire pour l’équipe de Mattia. La fin du match avait rattrapé les gamineries et les altercations. Un sourire discret mais, fier s’afficha sur le visage du professeur. Il était heureux de constater que Mattia, son petit protégé, essayait de travailler sur lui-même. Enfin, il ne montrait rien, pas en classe, devant les autres élèves. « Bien, c’était un beau match, si on oubli vos gamineries… » Regard noir pour Davis, il avait intérêt à se faire tout petit et à ne pas dire le moindre mot, surtout maintenant qu’il avait perdu. Le professeur annonça ensuite un autre match, pour que ceux qui n’avaient pas jouer. Il s’approcha de Mattia, avant que le match commence, alors que ce dernier était en train de boire -de l'eau évidemment-. « Tu peux être fier de toi… Pas parce que t’as gagné le match hein, ça on s’en fout, c’était qu’une sorte de… revanche. Je parle de ton comportement, quand Davis a senti qu’il perdait. » Bon l’adolescent avait certainement compris de quel évènement parlait son professeur. Ce dernier afficha un sourire sincère tout en ébouriffant les cheveux du jeune homme. Il se décida à siffler le début du match.

C'était étonnant de constater combien la remarque d'un adulte pouvait compter, il suffisait de regarder le sourire du jeune Jarvis pour comprendre qu'il était flatté par le commentaire de son professeur. En même temps, Ashton aimait surligner les défauts mais, il aimait aussi applaudir les progrès. C'était un peu ça le sport, accepter ses défauts pour mieux les travailler. Le brunet ébouriffa les cheveux de l'adolescent, qui bougeait la tête pour éviter que ses cheveux ne soient la représentation d'une guerre nucléaire. « Ne me décoiffez pas de trop! Sinon, toutes les filles que j'ai à mes pieds vont se défiler. » Le professeur se mit à rire, tout comme son élève. « Parce que tu as des filles à tes pieds ? » De la pure taquinerie avant de siffler le début du match. Il se doutait que Mattia en faisait craquer plus d'une, c'était bien pour cela qu'il s'était permis une telle chose. En revanche, avec sa passion pour le tennis, Clarke doutait fortement que les histoires d'amour de l'adolescent soient très longues, les filles aiment être le centre du monde.

Ashton avait reposé son regard sur le match qui était très différent du précèdent. Des balles qui sortent, des fautes toutes les deux minutes, des cris plaintifs, des voix aiguës, des joueurs qui marchent au lieu de courir. Bref, même si beaucoup se donnaient à fond, ils traînaient tous quelques boulets. « Je peux quand même être fier de l'avoir battu aussi. Ça lui servira de leçon! On n'embête jamais Mattia Jarvis » Il ria tout en regardant rapidement son élève. C'est vrai, il pouvait être fier et puis, il était d'accord avec lui, il ne fallait jamais se laisser marcher sur les pieds. « Ouais, c'est vrai. Tu peux être fier. » Il afficha un sourire sans répondre à la deuxième partie de la phrase, non pour ça, il se contenta d'un regard rapide pour lui faire comprendre qu'il était du même avis.

Concentré dans le match, le professeur Clarke cracha entre ses deux un quelques paroles qui ressemblaient à ça : « Putain, faut leur mettre un sextoy entre les mains pour qu'elles jouent correctement ? Elles pénalisent toute l'équipe. » Oui, il n'était pas tendre avec ce genre de fille, même s'il en pouvait pas se permettre de leur dire ce genre de remarques entre quatre yeux, il n'en pensait pas moins. Depuis qu'il était passé devant la justice à cause de cette gamine à Portland, il avait un avis bien mitigé sur une certaine catégorie de fille. « J'ai été tenté de jouer aussi bas que lui à un moment. » Il se tourna vers Mattia, avec les yeux ronds. Il ne s'attendait pas à une telle révélation et pour être honnête, le rire de l'adolescent le soulagea quelque peu même s'il se doutait qu'il était sincère. « Mais bon, je suis peut-être un élève turbulent, je ne suis pas un élève suicidaire. » Il ria, non, c'est vrai il n'aurait pas aimé ça du tout et le jeune homme ce serait pris une soufflante à noter dans ses mémoires, sans aucun doute possible. « Crois-moi, tu aurais connu un sort bien pire que la mort. » Il afficha un visage très strict, très sérieux, l'espace de deux secondes, avant de sourire à nouveau. Il préférait rire de ce qu'insinuer le jeune Jarvis plutôt que de se braquer ou de réagir comme un con. Surtout que cette remarque était plus que fondée. Ashton n'aimait pas la triche alors, si en plus c'était son protégé qui venait à faire une telle chose, ça passerait très mal.

Un nouveau regard sur le match, pour mieux déprimer, la colère du professeur était plus que lisible dans chacun des traits qui composaient son visage. C'était ça le problème dans le fait d'être prof de sport, certain élève ne servait vraiment à rien. « Je ne sais pas si je réussirai à faire ça chaque fois que quelqu'un m'énervera.. Sans que ça paraisse, se contrôler, c'est aussi fatiguant que de jouer. » Un sourire plein de fierté s'afficha sur le visage d'Ashton, qui paradoxalement gardait les marques de sa colère, outré par ce qu'il voyait sur le terrain. Il dut se tourner vers Mattia pour que cette colère s'envole. « Je rêve ou tu commences à être sportif ? » Encore une petite vacherie mais, elle avait du sens cette fois. L'adolescent avait très certainement cerné ce qu'il voulait dire : il avait la performance et maintenant il commençait à avoir l'esprit, l'un ne pouvant pas aller sans l'autre. « Tu y arriveras de mieux en mieux, tu verras. » Il lui sourit avant de lâcher un soupir d'exaspération devant une nouvelle sortie de balle.

Le jeune homme remit ses cheveux en place sous le regard amusé de son prof de sport. « He oui! Les sportifs plaisent aux filles. » Clarke afficha un large sourire amusé, Mattia avait déjà tout compris. Oui, Ashton avait souvent joué de ses talents pour mettre les filles dans son lit. Avant qu’il ne rencontre sa femme, il y en avait une différente chaque soir, les plus chanceuses avaient eu le droit à une semaine à ses côtés. En repensant à cette période, il afficha un sourire idiot, ouais, c’était pratique d’être sportif.

Enfin, le professeur se ressaisit à moitié. Il quitta son sourire bêta pour un rire tout en disant avec sérieux que le jeune Jarvis pouvait être fier de lui. C’est vrai qu’il avait vraiment pris sur lui et qu’il avait gagné, pourtant, tout au long du match, l’issue était restée incertaine. Alors oui, il était fier de lui. Il savait que ce n’était pas forcément le cas de ses collègues mais, pour la plupart ils ne comprenaient pas le caractère de Mattia. Ils souhaitaient tous des élèves attentifs, coopératifs et posés alors que ça, le professeur Clarke en avait un peu rien à foutre. Les élèves pouvaient bien avoir le caractère qu’ils voulaient tant qu’ils se donnaient à fond. De toute façon, ils étaient forcément tous différents.

Clarke avait reposé son regard sur le match pitoyable qui se déroulait. Il devenait fou, à tel point qu’il ne retenait pas vraiment ses propos, que les oreilles innocentes de Mattia soient présentes ou non. D’ailleurs, il entendit le rire de son élève. C’est à ce moment qu’il pensa qu’il avait peut-être pensé un peu trop fort mais, étrangement, il s’en foutait. « Monsieur Clarke, il faut que vous réussissez à vous contenir» Le ton amusé de son élève le fit sourire à son tour. Il déposa son regard sur le jeune homme. « Je me contiens, la preuve c’est que je ne leur ai pas balancer un ballon en pleine face. » Et puis il s’était abstenu de leur dire en face mais, Mattia n’avait tout de même pas tort, son professeur ne pouvait pas toujours se contenir.

Ce fut au tour d’Ashton d’être surpris quand son élève lui avoua qu’il aurait bien joué aussi bas que son Davis. Le professeur laissa donc entendre au jeune homme qu’il avait eu raison de ne pas le faire, s’il ne voulait pas connaître un sort encore plus sadique que la mort. Il avait tenu quelques secondes avec son air sérieux sur le visage, quelques secondes avant de rire mais, suffisamment longtemps pour voir la crainte suivit du soulagement sur le visage du jeune Jarvis. Oui, il était satisfait de sa connerie, un grand gamin, vraiment.

Il se concentra à nouveau sur le match, de toute façon la situation n’évoluait pas vraiment, ce qui avait le don de le mettre hors de lui. Il allait entendre parler de lui une fois que le supplice aurait touché à sa fin. Heureusement, il avait son petit protégé à ses côtés, sans lui, il serait certainement déjà sorti de ses gongs. Comme quoi, à tout âge il fallait garder le contrôle de soi et chercher le bon moment pour cracher sa colère. « J’ai mal aux yeux de les regarder jouer. Ça devrait être interdit de jouer aussi mal. » Ashton n’aurait pas mieux dit et c’est pour cette raison qu’il poussa un long soupir. Lui aussi, ça lui agressait les yeux de voir un match aussi pathétique. « J’ai envie de mettre fin à ce carnage, tu n’imagines même pas mais, il reste encore sept minutes de jeu. » Sept minutes pendant lesquelles il allait devoir supporter de voir une bande de pimbêches inutiles bousiller un match qui aurait pu être correct, sept minutes durant lesquelles il allait avoir envie de leur écraser la tête contre le sol. Sept longues minutes.  «  Ceux qui transpirent le plus dans ce match, ce sont les abrites » Et justement, une nouvelle faute venait d’être sifflée et s’en était trop pour le jeune prof qui fit signe de ne pas remettre la balle en jeu. Il arriva au pas de course su le terrain.

Il détailla la jeune fille qui venait, une nouvelle fois, de laisser passer la balle comme si elle était dangereuse. Clarke planta ses prunelles dans celle de l’adolescente et d’une voix ferme, il s’adressa à elle. « Tu vois ceci est une balle, pas une bombe. Si tu l’attrapes avec tes deux mains, tu ne risques pas de te blesser. Encore mieux, si tu l’attrapes correctement tes ongles seront épargnés. Et si tu ne veux pas dribbler, tu peux la renvoyer à tes camarades qui seront ravis de pouvoir jouer malgré le boulet qu’ils traînent. Maintenant, tu bouges ton cul ou tu sors. » La demoiselle déglutit péniblement et c’est satisfait que le professeur la délaissa. « Te laisses pas surprendre. » Et il balança fortement la balle dans les mains de la rouquine. Elle n’avait pas vraiment eu le choix de la rattraper, si elle voulait éviter une balle un peu trop forte dans sa poitrine rembourrée.

Le match reprit et Ashton rejoignit sa place, vers son petit protégé. « J’espère ne pas devoir faire ça avec tous les élèves qui ne savent pas rattraper une balle : je pensais vraiment avoir dépassé le niveau maternelle, je tombe de haut là. » Oui, il avait bien dit ce qu’il venait de dire. Il venait bien de confier indirectement, à son élève qu’il avait pris cette fille pour une gosse de trois, quatre ans. En même temps, même les petits bouts savaient rattraper une balle quand elle était lancée correctement.

C'est vrai que le professeur avait réagi un peu violemment, il l'admettait sans la moindre difficulté. Mais, contenir sa colère, c'était quelque chose qu'il avait bien du mal à faire quand il voyait un tel massacre. Ce n'était pas le fait qu'elle n'y arrive pas qui l'énervait c'était le fait qu'elle n'essaye pas, après, qu'elle soit forte ou non, ça ne représentait rien. Dans sa note, Ashton tenait plus compte des efforts que du niveau et ça même les basketteurs le savaient. C'est bien pour ça qu'ils se donnaient à fond au lieu de se la péter en disant sans cesse « moi je sais faire, moi je et moi je... »

Mattia, qui était toujours à ses côtés, reprit sa bouteille d’eau alors que son professeur se perdait dans le match. Il ne lâchait pas une seule seconde la chevelure rousse et elle devait le sentir, elle se retournait toutes les deux secondes en direction de son professeur. Pauvre petite, obligée de faire des efforts. Ashton ne pouvait s’empêcher de la regarder avec distance et mépris. Cependant, son petit protégé le tira de ses pensées. « En fait, vous êtes comme moi. Enfin, du moins, vous étiez comme moi. Vous essayez de faire en sorte que je reste calme en toute circonstance, que je m'énerve pas contre mes adversaires, et tout ça, c'est parce qu'il y a une raison.. » On pouvait dire que le brunet ne s’attendait pas à entendre une telle chose. Il fut tellement surpris qu’il se détourna de la rouquine pour regarder son élève. Il gloussa légèrement une fois l’effet de surprise dépassé. Touché, coulé, on pouvait dire que le jeune Jarvis l’avait plus ou moins percé à jour. Ce dernier monta sur le banc, pour mieux voir le match catastrophique, sans aucun doute. « Je suis sûr que quand vous étiez plus jeune -'attendez hein, je dis pas que vous êtes vieux- » Mattia afficha un sourire devant lequel Ash ne put s’empêcher de rire. Il n’allait pas être vexé pour une boulette qui n’en était pas vraiment une. Après tout, il était plus vieux que lui, ils avaient neuf ans d’écart alors, il comprenait qu’il puisse parler ainsi. « Mais quand vous aviez mon âge, je suis sûr que vous réagissiez exactement comme moi. Par exemple, là, face à Davis, si il vous était arrivé la même chose, vous auriez user de vos poings aussi. » Clarke avait le regard planté dans celui de son élève. On pouvait dire qu’il avait un sacré sens de la déduction, il avait raison sur toute la ligne. S’il avait été à la place de Mattia tout à l’heure, face à l’autre abruti, il se serait montré violent. Encore maintenant ça lui arrivait de se battre. Récemment, c’était Alec, le soit disant meilleur ami de sa femme qui avait reçu son poing en pleine figure et pour cause, il avait embrassé Lou-Amaryllis, il l’avait touché en profitant du fait qu’entre elle et Ashton ça n’allait pas. Enfin soit, tout ça pour dire qu’encore maintenant, il ne se contrôlait pas toujours.« Je me trompe? » Clarke secoua la tête négativement sans dire un mot.

Il posa son regard sur le match, histoire de faire un minimum son travail de prof même si ce foutu match le déprimait toujours autant. « J'ignorais que tu voulais faire psy ! » Il ria avant de poursuivre. « Personne ne m'a appris à me contrôler. La moindre insulte et je partais au quart de tour. Le pire c'est quand un quelqu'un osait parler de ma petite soeur, j'ai eu pas mal d'ennui à cause de ça... » Le brunet souffla, autant en repensant à tout ça qu'en voyant le match. Il s'en était attiré des emmerdes, pour un oui, pour un non. « Je ne savais pas ce que c'était d'avoir l'esprit sportif pour moi il fallait gagner à n'importe quel prix... j'étais jeune, con et par conséquent j'avais tors. » Il accorda un regard furtif à son petit protégé ton en souriant. « L'avantage, c'est que j'étais bon élève. Bon nombre de profs fermaient les yeux sur mon comportement, ce qui fait que je n'ai jamais été viré. Enfin bref, c'est à Portland, en tombant sur des mecs comme moi que j'ai pris conscience de tout ça. » Il afficha un grand sourire. Ouais, Portland, ça l'avait vraiment fait grandir, dans sa tête, c'est là qu'il avait compris ce que signifiait le mot « sport », même s'il avait mis du temps. « Alors, quand je te vois, c'est vrai que je trouve que tu me ressembles. Et j'ai pas envie d'agir comme on a agi avec moi, c'est aussi ça, apprendre de ses erreurs. » Bon, les confidences étaient faites et peut-être que maintenant le jeune Jarvis comprendrait pourquoi Ashton cherchait à le protéger autant, même de loin, même dans son dos. Enfin, le professeur priait pour qu'il ne s'aperçoive pas trop de ça non plus.

Clarke était agréablement surpris par l’analyse de Mattia, si bien qu’il ne put s’empêcher de lancer une petite boutade concernant la carrière de Mattia. Il lui avait dit qu’il ignorait qu’il voulait psy tout en sachant que pour son élève il n’y avait que tennis. « J'y pense pour ma retraite. » Il pensait déjà à se retraite ? Il était précoce. Enfin, le professeur laissa un rire s’échapper avant de poursuivre ses explications. Il était comme son élève. Il se retrouvait en lui, ils avaient le même côté impulsif, la même façon de réagir. Enfin, avec le temps, Ashton avait fait un travail sur lui-même, il avait appris à ne pas réagir constamment au quart de tour mais, c’était difficile et bien souvent, l’envie de frapper était plus forte que tout. Il fallait le comprendre, c’était un homme très attaché à sa famille et même si parfois il ronchonnait quand il devait subir le repas de famille, il ne pouvait pas se passer de ses proches. La plupart du temps c’était pour eux qu’il frappait parce qu’au fond, qu’on l’insulte lui, ça n’avait pas d’importance, du moins, ça n’en avait plus. À l’âge de Mattia, il frappait pour imposer le respect, il frappait au moindre mot de travers. Heureusement, c’était loin tout ça.

Une fois le discours du prof terminé, il sentit le regard de son élève se détacher de lui, pour regarder le match certainement, ou pour réfléchir qu’importe. « Donc, moi, je n'ai pas le droit à l'erreur. » Clarke ne quitta pas le match des yeux et sans réfléchir une seconde il ajouta simplement « Tout le monde à le droit à l’erreur. » Ce n’était pas une simple phrase qu’on dit comme ça, venant de la bouche d’Ashton ça avait un sens. Ce n’était pas parce qu’il tentait d’éviter à ce gamin de faire les mêmes erreurs que lui qu’il n’avait pas le droit à l’erreur. À tout âge on fait des erreurs, et c’est comme ça qu’on apprend, ne pas avoir le droit à l’erreur ça n’a aucun sens, ça reviendrait à ne pas avoir le droit d’apprendre quoique ce soit de la vie. En définitif, cela voudrait dire ne pas avoir le droit de vivre. Alors, oui, Mattia avait le droit à l’erreur, comme tout le monde.

« J'avais raison. Comme d'habitude, vous allez me dire. » Ashton ne put s’empêcher de rire. Bah oui bien sûr, il avait toujours raison. Il avait de la chance d’être perché sur son banc, autrement, son professeur lui aurait bien ébouriffé les cheveux, histoire de lui remettre les idées en place. « Tu veux dire que c’est une première plutôt. » déclara-t-il avec un petit sourire amusé sans quitter le match des yeux. « Et dîtes, vu que vous aimez bien me donner une deuxième chance, ça ne vous tente pas d'aller voir le prof de maths et de lui demander de m'annuler ma colle? » Il se tourna vers son élève en riant, il avait presque du mal à s’arrêter. Ce jeune ne manquait pas de culot et ça, Ashton adorait, ça permettait d’avoir une vraie relation, si Mattia l’avait crains, les choses aurait été beaucoup moins agréable. « Je ne le ferais même pas pour Ella alors je crois que tu vas devoir faire ton heure de colle. » Il ne savait pas ce qu’il avait fait mais, il préférait l’ignorer, il ne devait pas se permettre de juger si ses collègues avaient pris la bonne décision ou non.

Clarke se recentra sur le match et sur la rouquine. Une chose était certaine, il n’allait pas laisser partir ses élèves sans une magnifique petite gueulante, des séances comme ça, une fois pas deux. « Au moins, c'est rassurant de voir que quelqu'un d'aussi impulsif que moi s'en est bien sorti. » Bien sorti ? Il faisait le boulot qui lui plaisait, il l’avait choisi, il avait une femme qu’il aimait pas dessus tout même s’ils n’avaient pas toujours les mêmes désirs, il vivait là où il avait envie d’être, il avait une petite sœur extraordinaire qui faisait sa fierté, oui il avait plutôt bien réussi dans la vie, même s’il n’était pas le seul acteur. Le truc, c’est ça, c’est que pour réussir dans la vie, il faut prendre conscience du fait qu’on ne maîtrise pas tout et que chaque personne qui entre dans notre vie à son influence, c’est ce qui poussait beaucoup de parents à tenter d’éloigner leurs gosses des mauvaises influences. Il n’ajouta rien pour le moment, il préférait méditer alors que le jeune sportif continua, en murmurant. « C'est pas ce que croit la plupart des gens. Ils croient qu'on ne peut pas changer. Bon, j'avoue, je leur ai donné raison jusqu'à maintenant. » Ça c’était bien vrai. Beaucoup avait cru que le caractère d’Ashton finirait par lui porter préjudice mais, finalement, il marchait droit et avait la vie qu’il avait choisi, pas celle qu’il imaginait étant gosse, certes, mais, celle qu’il avait choisi. C’était déjà beaucoup, c’était peut-être même mieux. Enfin, il méditait sur les paroles de son élève sur son « jusqu’à maintenant. » il esquissa un sourire discret. Ça c’était une bonne avancée, c’était la preuve qu’il comprenait qu’il enregistrait, qu’il évoluait. « Mais pour eux, quand on est jeune et con, comme vous disiez, on le reste toute sa vie » Il afficha un sourire avant de se tourner vers le jeune Mattia. « Tu finiras par leur montrer qu’ils ont tors. Je suis intimement persuadé que tu t’en sortiras. » Il n’en ajouta pas plus, il avait dit l’essentiel et il devait se concentrer sur son boulot et siffler enfin la fin de sa match catastrophique. Il regarda Mattia, avec un certaine fierté dissimulée avant de faire venir tous ses élèves devant lui, l’heure de la gueulante avait sonné.

Une fois que ce fut le cas, le professeur dévisagea chacun de ses élèves, imposant un long et lourd silence. « J’imagine que ce n’est pas la peine de vous dire que c’était un match pitoyable, sans le moindre investissement digne des petites collégiens ? Que les choses soient bien claires, c’est la première et la dernière fois que je tolère une séance aussi pathétique ! Si vous n’avez pas vos affaires, ce n’est même pas la peine de vous pointer. Vos gamineries vous les laissez aux vestiaires, on n’est pas sur un ring de boxe ici. Et si par malheur vous n’avez pas envie de faire sport, ne venez pas ! La classe se portera à merveille sans quelques glandeurs. Je peux comprendre qu’on est des baisses de morales, qu’on ne puisse pas toujours donner le meilleur de soit même surtout dans le sport mais, des élèves feignant, qui n’en touchent pas une et qui se plaigne comme aujourd’hui, je ne veux plus voir ça. C’est bien clair ? Allez, tous aux vestiaires et interdiction de passer toute la sainte journée sous la douche dans l’objectif d’être en retard au prochain cours. Autrement, vous entendrez parler de moi. » Le professeur fit dos à sa classe ce qui signifiait que le cours était officiellement terminé, sur une note négative, certes, mais, terminé.