Sujet: (colton) • Bartender, please. Fill my glass for me. Dim 21 Aoû - 23:00
Bartender, please. Fill my glass for me.
Nettoyant les tables qui avaient été utilisées à l'heure du midi, Clyde entamait une nouvelle journée de travail. L'après-midi promettait d'être longue. Le ciel était éclairé d'un grand soleil, et il y avait peu de chance que les gens viennent s'enfermer au Jack's Lounge. Cela ne gênait pas particulièrement Clyde dans la mesure où cela lui permettrait d'avancer les différents cocktails du soir afin que ses collègues ne soient pas trop débordés. Il avait beau apprécié de manière générale son travail de barman, il préférait quand il n'y avait pas foule, et qu'il pouvait s'occuper de chacun des clients comme il se devait. Certains préféraient être seuls, mais d'autres venaient au bar pour pouvoir discuter avec le barman, et ne pas avoir à rester seul à longueur de journée. Les vieux loups de mer, comme les appelaient Jack, étaient les clients qu'il préférait, notamment parce que peu importait ce qu'ils avaient fait de leur vie, Clyde avait toujours l'impression de pouvoir apprendre quelque chose d'eux. Si ils avaient été marins, ils racontaient la difficulté à rester en mer pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines. Si ils avaient fait un autre métier, ils parlaient de leur vie, ou de leur montée fulgurante, ou de quoique ce soit qui leur traversait l'esprit. Chacun avait l'intention qu'il désirait, et il arrivait même que des clients qui ne se connaissaient ni d'Eve ni d'Adam finissent par sympathiser. Des jeux de carte, de dès pouvaient même prendre place, et le barman était toujours invité à y participer. C'était exactement ce qui faisait que certains habitants détestaient se rendre au Jack's lounge, mais c'était également ce qui avait poussé Clyde à postuler une fois qu'il eut fini le lycée. Combien d'heures avait-il passé là en compagnie de son père à siroter une menthe à l'eau en écoutant ce bougre de Jack faire son show ? Au fond, lorsqu'il y pensait, le Jack's Lounge avait toujours fait partie de sa vie, et cela serait probablement le cas jusqu'à sa mort. Ce n'était pas ce dont il avait rêvé, bien au contraire, mais c'était toujours mieux que rien. Retournant derrière le bar, il passa le torchon sur son épaule, et rangea les verres qu'il avait ramené dans le lave-vaisselle puis se redressa observant les lieux. Il n'y avait deux ou trois clients, et tous était déjà servi. Il refit alors le tour du bar, et s'assit quelques secondes sur l'un des tabourets. Même en voulant avançant ses collègues de la soirée, il n'avait pas tant de choses à faire, et il décida donc de prendre le temps de déguster un café. Il entendait d'ores et déjà Jack râler si il avait été là, mais le patron était en déplacement pour quelques jours, et Clyde ne risquait donc rien. Alors que le jeune homme reposait sa tasse, et s'apprêtait à se remettre au travail, il aperçut le seul client installé au bar entrain de l'observer. Un léger sourire se dessina sur les lèvres alors qu'il reconnaissait Colton Aames. Il connaissait le jeune homme depuis sa plus tendre enfance. Ce dernier était venu passer de nombreux étés, et ils avaient tout simplement sympathisé, en compagnie de l'ami de ce dernier, Angus.Leur amitié avait persisté au fil des années, et maintenant que Colt vivait à longueur d'années à Arrosic, ils avaient l'occasion de se voir plus régulièrement, ce qui n'était pas pour déplaire à ces derniers.
« Hey Aames ! Qu'est-ce que je te sers ? » s'enquit-il alors qu'il repassait derrière le bar pour servir son ami. Il se rapprocha de l'endroit où ce dernier était assis. Comme toujours, un carnet de dessin et un crayon se trouvait à coté du jeune homme. Il n'était pas particulièrement fan du style du jeune homme le trouvant trop... noir, mais il ne pouvait nier que le jeune Aames avait un véritable talent dans ce qu'il faisait. Il ne savait le nombre d'heures qui lui avaient fallu pour améliorer sa technique, mais Clyde en était, en tout cas, très admiratif. Lui n'avait pas réellement de talent de ce genre, et si cela ne lui manquait pas – encore moins maintenant qu'il savait qu'il n'en aurait pas grande utilisé, ni même pour très longtemps – mais cela ne l'empêchait de reconnaître les travaux des autres à leur juste valeur, aussi peu conventionnel soient-ils. « Tu travailles sur quelque chose de particulier ? » lui dit-il, montrant d'un signe de tête son carnet, alors qu'il lui servait sa commande. Le bip familier du lave-vaisselle retentit, et Clyde s'occupa à ranger les verres à leur emplacement tout en écoutant la réponse de Colton.
Sujet: Re: (colton) • Bartender, please. Fill my glass for me. Lun 22 Aoû - 2:17
Écouteurs aux oreilles, clope au bout des lèvres et crayon à la main, Colton refaisait le monde pour la nième fois. C’était sans nul doute le seul passe temps qui ne l’obligeait pas à se marteler le crâne de questions insensées. Son meilleur ami n’était pas à la maison et il n’avait pas la moindre idée d’où il pouvait trainer. Si d’ordinaire il aurait pu se faire un sang d’encre à cette pensée, il avait décidé de rester calme et de ne plus y songer. Angus ne pouvait passer que du bon temps, de toute façon. Du bon temps avec quelqu’un d’autre que lui. Et moins il s’y attarderait, mieux il se porterait. Pourtant, une fois encore, c’était son visage et ses boucles hirsutes qui apparaissaient sur la feuille blanche qu’il tenait face à lui. Inconsciemment, il avait reproduit sa hantise préférée. Pourquoi fallait-il toujours que le problème soit le même ? Les cendres qui s’étaient accumulées au bout du filtre glissèrent sur le papier et réveillèrent l’artiste léthargique. Cillant enfin, Colton se rendit compte de ce qu’il venait de réaliser et agacé par sa propre propension à tout diriger vers son bien aimé, il arracha la page avec hargne et la déchira en milles morceaux. Il en avait assez d’être aussi accablé par ce mal-être persistant. Comme s’il était toujours de trop dans son propre corps, deux personnes en une. Celui qui s’attachait désespérément à Angus et l’autre qui luttait pour ne pas avoir à y songer. Une guerre que ni l’un ni l’autre ne pouvait gagner puisqu’il cohabitait bien trop étroitement. Attrapant un bout de papier entre ses doigts, Colton s’amusa à le brûler du bout fumant de sa cigarette, un sourire profondément sournois aux lèvres. Sur le malheureux détritus qu’il avait rattrapé au vol, un crayon avait dessiné une prunelle froide et désespérée. Celle-là même qu’il voyait en fermant les yeux alors qu’il envoya valser son mégot quelques mètres plus loin. Il était grand temps de s’amuser, lui aussi. Ou du moins, grand temps de quitter le domicile pour rejoindre un lieu où il faisait bon de vivre. Cette idée le poussa à se mettre debout à quitter définitivement cette terrasse qu’il commençait à abhorrer. Tout dans cette maison lui rappelait Angus, tout dans cette maison lui rappelait ces choses interdites…
Alors, décidé, il avait fermé la porte derrière lui. Pourquoi ne pas aller voir ce bon vieux Nicholls ? Et c’était ainsi qu’il s’était retrouvé accoudé au bar de Jack’s Lounge, son crayon à la main, hypnotisé par la vue de son ami. Il n’en fallait pas beaucoup à Colton pour être impressionné, il lui fallait même un rien par moment… Et Clyde était l’exact reflet de ce qu’il ne parvenait pas à saisir. Malade mais amoureux de la vie. Comment était-ce possible ? Lui-même ne pouvait pas s’empêcher de lui en vouloir à cette putain de vie et… d’autres personnes semblaient s’y complaire. Étrange. Incompréhensible. Parfois, le jeune homme avait rêvé de ne pas le connaître. Il n’avait jamais été du genre à faire face mais plutôt du côté de ceux qui fuit. Combien de fois n’avait-il pas fuit ? Les deux mains n’auraient certainement pas suffit ! Alors, il se contenta de rester là, sagement assis et… Sa main s’empara du crayon et il se mit à dessiner. Des esquisses prenaient doucement forme et chaque seconde, les détails se faisaient plus voyants et accrocheur. Le crayon dansait sur le papier de glace telle une ballerine sur la scène d’un ballet. Dansant joyeusement pour présenter au monde, les choses qu’il ne parvenait pas à voir seul. « Hey Aames ! Qu'est-ce que je te sers ? » Colton redressa la tête étonné, il n’avait pas remarqué qu’il avait quitté sa place de départ pour venir se loger derrière le bar. Il déposa alors son bloc de feuille et son crayon à côté de lui, avant de sourire sans humeur. « C’est Colton. Même pour toi. Et je veux bien un verre de flotte, s’te plait. » Il ne supportait pas qu’on l’appelle par son nom de famille. Ça lui rappelait bien trop son maudit père et même si Clyde était un ami, cela n’y changerait rien. Il avait un prénom, qu’on s’appliquer à le nommer de la sorte ! « Tu travailles sur quelque chose de particulier ? » Colton prit le verre d’eau que lui tendait son vis-à-vis et y trempa les lèvres, interdit. Il n’avait pas vraiment envie de montrer son dessin à Clyde. Pour deux raisons. La première étant que c’était ses traits qui emplissaient la page autrefois blanche et que l’artiste n’aimait pas partager ces croquis avec les modèles. Et la seconde étant que… Il fallait avouer que son style peu joyeux reflétait un peu trop le côté morne de toute chose. Autrement dit, Clyde n’était définitivement pas à son avantage. Et même si le dessin était loin d’être fini, ce ne serait probablement jamais le cas. C’est comme s’il était déjà mort sur le papier. Gêné, le jeune homme récupéra son bloc qu’il appuya contre sa poitrine en ajoutant fébrilement : « Nope. Et tu ne veux pas voir, crois-moi. » Serrant étroitement son bien entre les bras, il observait les gestes de son interlocuteur avant de détourner la conversation : « Alooooors ! Quoi de neuf, le vieux ? » Ce ton faussement enjoué en disant beaucoup sur le véritable état d’esprit de Colton. Gêné et presque honteux d’avoir tué son ami malgré lui.
Sujet: Re: (colton) • Bartender, please. Fill my glass for me. Mer 24 Aoû - 1:03
Chaque personne avait une réaction différente face à la maladie de Clyde. Certains étaient dans la même gamme, naturellement, mais les déclinaisons en étaient infinies et à chaque fois que ce dernier pensait que plus aucune surprise n'était possible, quelqu'un venait lui prouver le contraire. L'attitude que pouvait arborer son entourage provoquait diverses réactions en celui-ci : tantôt il était épaté, même si cela était rare ; tantôt il était profondément exaspéré ; d'autres fois encore il était déçu, et parfois même il était blessé. Le point commun que l'on pouvait trouver à chacune de ses réactions était que le comportement de la personne concernée changeait nécessairement vis à vis de Clyde. Ses parents semblaient penser qu'adopter une attitude qui conviendrait à un adolescent était la meilleure solution. Tessa vérifiait régulièrement qu'il était toujours en vie, ou du moins, pas hospitalisé. Jack, son patron, lui demandait régulièrement quelles heures il préférait faire, alors que ce vieux loup de mer n'avait jamais toléré qu'on ne demande ne serait-ce qu'un jour de congé. Son ex petite-amie acceptait de lui rendre tous les services du monde pour peu qu'il lui pardonne de l'avoir quitté avant qu'il ne tombe malade. Et maintenant, Colton refusait de lui montrer ses dessins. Prenant une profonde inspiration, Clyde fit de son mieux pour ne pas perdre son sang froid. Ce n'était peut être que des coïncidences, mais il en doutait sincèrement. Il comprenait à quel point cela était difficile pour tout son entourage de gérer sa maladie. Mais il n'avait à vivre le changement que d'une vie ! Pour Clyde, c'était sa vie ainsi que toutes celles qui l'entouraient qui étaient bousculées ! Il avait conscience que sa vie serait bien plus courte qu'elle ne devrait l'être, que tout le monde, et pas uniquement lui, devait s'ajuster à cette idée. Il avait conscience que sa maladie allait modifier la vie de tas de gens et que cela ne devait pas être facile de gérer tout cela. Mais en toute honnêteté, il avait simplement besoin que tout reste pareil. Il essayait de garder la tête haute au maximum, d'oublier l'épée de Damoclès qui pesait au dessus de sa tête, mais tout son univers était ébranlé, et la moindre petite chose était devenue irréalisable sans que cette donnée n'entre en jeu. Peut être même avec Romeo ! Il était celui qui se conduisait le plus normalement en sa compagnie, cela ne faisait aucun doute. Mais aurait-il jamais poussé les limites de Clyde à ce point si la leucémie qui rongeait peu à peu le temps qui lui était accordé sur cette terre lui était restée inconnue ? Il n'en était pas certain. Il n'était de toute façon plus sûre de rien, sinon qu'il n'y avait que lui pour essayer de rendre les choses aussi normales que possibles. Et c'était profondément éreintant. La brutalité avec laquelle Colton ramena le bloc de dessin contre son torse manqua de faire exploser Clyde de colère de peu. Il laissa volontairement tomber son torchon jusqu'au sol, écoutant son ami lui répondre, et s'accroupit le temps de prendre de profondes respirations, espérant que cela l'apaiserait. Il avait profondément besoin de laisser retomber la pression, de trouver quelque chose qui permettrait le baromètre de son humeur de repartir de zéro mais c'était loin d'être gagné d'avance. Il n'avait aucune solution qui lui venait à l'esprit, et ce pauvre Aames risquait de se prendre un flot de paroles tout aussi injustes que violentes dans la figure si le leucémique ne trouvait pas le moyen de prendre les choses sur lui. Une visite s'imposait à son lieu thérapeutique par excellence ; les phares.
Il se redressa au moment où ce dernier lui demandait ce qu'il y avait de neuf. Il n'y avait rien de neuf – rien dont il puisse parler sans mettre tout le monde mal à l'aise en tout cas. Il y avait bien le retour en ville de Tessalie mais avait-il seulement envie d'en parler ? Y avait-il quelque chose à relever ? Cela réveillait quelque chose en lui, c'était certain, sans qu'il ne sache le définir. Mais il n'aspirait pas à en parler. La seule chose à laquelle il aspirait réellement maintenant était d'apercevoir ce dessin. Que pouvait-il y avoir de mal à cela ? Oui, les dessins de son ami avaient toujours été très noir, représentant généralement la mort dans toutes ses morts, entre autres choses toutes aussi joyeuses. Et oui, la mort allait très rapidement faire partie du quotidien de Clyde, mais il l'avait accepté ! Il avait fait le deuil d'une vie d'une soixantaine d'années vécues à se dire qu'on aurait toujours plus de temps, il avait même appris à apprécier pleinement les moments qu'il lui restait – il gagnait une vie d'une trentaine d'années vécues pleinement en échange. Il savait que la mort faisait partie de la vie, et était probablement l'un de ceux qui comprendraient le mieux l'art du jeune homme – ou qui les jugeraient le moins. Mais il fallait à tout prix protéger ce pauvre Clyde de ce qu'il attendait, apparemment. C'est donc avec une certaine mesquinerie qu'il décida de répondre à son ami. « Rien de particulier. Et toi ? Comment ça se fait que tu n'es pas avec Angus ? » Il ne savait pas réellement la relation que ces deux-là avaient, mais elle était particulière. Aames n'avait un sourire sincère aux lèvres que lorsque ce dernier était dans les parages, et la remarque de Clyde était plutôt basse. Mais c'était la seule manière qu'il avait trouvé d'attendre que la colère passe, et c'était peu comparé à ce qu'il aurait pu dire – du moins, c'était peu pour lui. Pourtant, cela restait quelque chose qui ne lui ressemblait pas, et qui, si cela mettait trop son ami mal à l'aise, le ferait culpabiliser dès lors qu'il se serait rendu au Squirrel Point Light.
Sujet: Re: (colton) • Bartender, please. Fill my glass for me. Dim 4 Sep - 13:40
C’est toujours face aux problèmes que l’on découvre la véritable personnalité de ceux qui nous entourent. Parfois, certaines personnes pensent au malade et font les choses pour lui. Continuant de vivre comme si rien n’avait changé, dans l’espoir peut-être vain, que les choses iraient en s’arrangeant. D’autres par contre, ne pensaient qu’à eux. Sous prétexte de protéger un ami, ils le fuyaient pour ne pas le fatiguer, ne pas l’abîmer davantage. Colton avait toujours fait partie de cette deuxième catégorie. Égoïste malgré lui, il se donnait raison d’être fuyant et distant. A ses yeux, tout serait plus simple. Pourquoi s’accrocher si tout risque de voler en éclat ? La question lui avait souvent martelé l’esprit lorsqu’il se trouvait face à Clyde. Tant et si bien qu’il n’avait pas pu retenir sa main lorsqu’elle s’était mise à danser. Reflétant un futur peut-être plus proche qu’ils ne le pensaient. Traits tirés, poches sous les yeux, corps squelettique et pierre tombale avoisinante, tel était le dessin qu’il avait représenté. Il ne pouvait décemment pas montrer cette esquisse. Si Clyde n’était pas encore mort, son dessin aurait pu paraître de mauvais augure et l’aurait peut-être mis mal à l’aise. Tout comme Colton l’était en serrant le calepin contre son torse. Tendu et incapable de calmer les agitations de son palpitant, il s’empara de son verre d’eau et y trempa à nouveau les lèvres. Comme incapable d’avaler le liquide à grosse goulée. Il aurait pourtant aimé si noyer dans son verre, histoire de disparaitre de la surface de la terre et de ne pas devoir face à quelque chose de trop grand, trop important pour lui. « Rien de particulier. Et toi ? Comment ça se fait que tu n'es pas avec Angus ? » Tremblante, sa main redéposa le verre sur le comptoir à l’entente de cette question. C’était vraiment bas de la part de Clyde. Lui faire ça, à lui… Si tout le monde n’avait pas encore saisi la relation qui unissait les deux jeunes hommes – eux y compris – ses proches le connaissaient suffisamment pour savoir qu’il s’agissait d’un sujet qui fâche. Un peu comme si on s’obstinait à parler des nuages à un aveugle. Il avait le désagréable sentiment qu’on voulait lui montrer ce qu’il ne pourrait jamais voir. Cela faisait de lui une sorte d’handicapé de la vie, incapable de vivre sa vie pleinement mais plutôt par procuration. Et dans le fond, il savait que ça y ressemblait. Sa vie, aussi morne soit-elle, n’avait que pour tout ciel bleu : la tristesse intrinsèque d’un amour inavouable. Pourquoi donc Clyde avait-il osé poser cette question ? Les yeux de Colton étaient restés sur le verre, admirant l’eau ondoyante alors qu’il serrait bien davantage son dessin contre lui. Peu téméraire, il refusait de lever les prunelles pour faire face à ceux de son ami. Tant qu’il n’aurait pas de réponse plus ou moins cohérente à fournir, il ne se sentait pas le courage de l’affronter. Pourtant, il se fit violence et redressa la tête. Ses prunelles audacieuses se posèrent dans celle de son ami alors qu’il détaillait chaque trait de sa mâchoire tendue. « C’est vache, ça. » avait-il alors sifflé entre ses dents, plus pour lui que pour le barman. Pourtant, c’était à lui qu’il voulait faire comprendre qu’il avait été loin et qu’il transgressait les règles de la bien séance. En quoi cela pouvait-il l’intéresser de savoir pourquoi il n’était pas avec Angus ? Il ne pouvait pas, tout simplement, profité du fait qu’il était venu le voir ? A priori, il était supposé être son ami et donc, ravi de lui croiser et non le rabrouer de la sorte. Colton déglutit, incapable de trouver les mots qui pourtant lui brûlait la langue. « Je serai avec Angus quand tu seras à l’hôpital, ça te va comme réponse ? » Lorsque ses propres mots vinrent se poser à l’orée de son oreille, Colton ne put s’empêcher de se mordre violemment la langue, conscient d’aller trop loin à son tour. Certes, Clyde n’avait pas été des plus fins mais lui, il s’était montré cruel et c’était loin de lui ressembler.
Gêné d’avoir été aussi mesquin, il s’empara à nouveau du verre d’eau mais cette fois, il l’avala d’une traite, manque de s’étrangler au passage. Toussotant pour faire passer le malaise, il tendit son esquisse à son ami. Détournant le regard, incapable d’affronter ses traits lorsqu’il découvrirait ce qu’il avait dessiné. Cette tombe avec pour seuls mots : Clyde Nichols. Pas de date, pas de mots d’amour, pas de R.I.P pourtant mérité. Rien. Son ami visiblement émacié par sa maladie et cette tombe qui l’attendait. « Je ne voulais pas te le montrer. Désolé. Je ne suis pas vraiment l’ami rêvé pour… » Pour quoi ? Que voulait-il dire ? Lui-même n’en avait aucune idée, incapable de comprendre les sentiments entremêlés qui parcourait son être alors qu’il observait un point invisible derrière Clyde. Ce n’était pas l’ami rêvé pour des adieux, ni pour se sentir envie. Colton était mort depuis si longtemps, quelque part, il n’était donc pas apte à redonner un souffle de vie à son ami. Il aurait aimé pourtant. Parce que malgré tout, il s’accrochait à la vie comme une bouée de sauvetage, se disant qu’un jour il arriverait à surmonter ses démons. Mais ce n’était pas suffisant. Pas dans une situation pareil. Et il ne savait pas trop quoi dire au barman pour renouer une relation plus saine, moins houleuse et critique. « Je veux pas que tu finisses comme ça… » Avait-il alors murmuré en désignant le dessin du menton. Jamais il n’aurait pu le supporter. Jamais il n’aurait pu l’accepter. Jouant avec le verre en face de lui, encore et toujours, il évitait le regard de celui qui, un jour, le quitterait pour aller danser avec les anges. Il avait l’espoir assez ridicule que les diablotins leur coupaient leurs ailes afin de le voir redescendre… Toujours face à ses rêves d’enfants et à ses espoirs ridicules qui faisait de lui un ami des plus incompréhensibles.
Sujet: Re: (colton) • Bartender, please. Fill my glass for me. Mer 7 Sep - 21:40
Clyde n'était pas fier de la réplique qu'il venait de lancer au visage de son ami. Il s'était laissé emporter, et si cela pouvait arriver à tout le monde, il savait à quel point les gens seraient pressés de le pardonner si il expliquait la raison de son profond agacement. Naturellement, il était mourant. Ce n'était pas facile pour lui. Il avait bien le droit de s'énerver et de dire des mots cruels de temps en temps, c'était la moindre des choses. Ce genre d'argument l'agaçait profondément, parce qu'il n'estimait pas avoir plus de droit que n'importe quelle autre personne normalement constituée. Sa maladie était purement physique, elle n'avait aucune influence sur son mental, et par conséquent, Clyde refusait de modifier son comportement, de changer la personne qui il était, et ce en quoi il croyait simplement parce que son espérance de vie était diminuée. Il savait parfaitement combien Angus comptait pour Colton. Il savait que la relation qui les unissait aussi étrange soit-elle était la raison de la présence du jeune homme ici, et probablement tout ceux à quoi il pensait. Clyde savait également que si son ami venait le voir sans Angus, c'était principalement pour se changer les idées, et non pas pour qu'on lui demande où ce dernier se trouvait. Et bien que ce soit la raison pour laquelle il l'avait attaqué sur ce sujet, ce n'était pas vraiment mérité. Oui, Colt avait sans aucun doute tendance à vouloir épargner le barman sous prétexte qu'il était malade, et blablabla et c'était aussi agaçant que vexant selon le point de vue du leucémique. On lui retirait non seulement le droit de vivre sa vie jusqu'à ce qu'ils soient vieux, donc le droit de se marier, d'avoir des enfants, et de réaliser ses rêves, mais également le droit de vivre le peu de temps qu'il lui restait normalement – dans la mesure du possible. Mais Colton n'était certainement pas le seul à rendre les choses plus difficiles pour le jeune Nicholls, et il ne méritait donc pas de connaître les foudres de ce dernier. La colère ne s'apaisa cependant un chouilla que lorsque Colton lui fit remarquer que sa remarque était « vache ». Hésitant, Clyde appuya son dos contre l'endroit où les bouteilles étaient entreposées, et observa son ami. Il était plus que tenté de lui dire combien son attitude à lui aussi était vache, mais à quoi cela les mènerait-il ? La situation de Aames n'était pas forcément plus facile. Il s'accrochait à cette étrange amitié comme à la prunelle de ses yeux, et même si Clyde trouvait que cela s'apparentait à du masochisme – il était si malheureux ! - il ne souhaitait pas particulièrement le faire souffrir encore plus. Il s'apprêtait d'ailleurs à s'excuser de sa réplique lorsque Colton leva les yeux vers lui, et lui balança avec amertume : « Je serai avec Angus quand tu seras à l'hôpital, ça te va comme ça ? » Un sourire amusé se dessina sur le visage de Clyde. Pas blessé pour un sou, il serait le premier à avouer que celle-là, il l'avait cherchée. De plus, il avait appris à faire de l'humour sur cet avenir qui l'attendait, aussi morbide soit-il. Le jeune homme devait d'ailleurs remercier Romeo pour cela. Il hésita quelques secondes, puis ne put se retenir de lancer une boutade dans le but de détendre l'atmosphère. « Tu aurais mieux fait de dire « quand tu seras dans ta tombe ». » Devant le regard interpellé – choqué ? - de son ami, Clyde ajouta sur le même ton : « Tu serais avec lui plus longtemps, c'est toi qui voit hein. » Il conclut sur un clin d'oeil, et se servit une jus de fruit – lorsqu'il ne servait pas, il avait toujours soif. C'était probablement la présence d'autant de boissons autour de lui qui lui jouait un tour.
Il s'apprêtait à boire la première gorgée de nectar lorsque Colton lui tendit le dessin, sans pour autant oser le regarder. Intrigué, il reposa son verre, et attrapa le calepin avec précaution. Sa réplique avait vraiment du avoir un impact sur Colton pour qu'il change d'avis aussi rapidement. Avec attention, le visage vide d'expression, Clyde observa le croquis qui le représentait. Avoir cette image devant les yeux était perturbante. C'était comme se prendre la réalité de plein fouet. Le jeune homme ne vacilla pas pour autant – il réalisait plusieurs fois par semaine que tout ce qu'il faisait était sans lendemain, et pourtant, il semblait ne jamais réellement intégrer la nouvelle. Probablement parce que les médecins lui assuraient qu'ils finiraient peut être par trouver un donneur, qu'il y aurait peut être quelqu'un qui serait compatible avec lui, et pourrait le sauver. Aussi minces les chances soient-elles, l'esprit de Clyde semblait se focaliser sur cette donnée sans qu'il n'ait le moindre contrôle sur ce genre de pensées. Il releva cependant la tête au bout d'une dizaine de secondes, et regarda son ami, un léger sourire sur les lèvres, lui rendant son croquis. C'est ce moment que choisit Colton pour s'excuser. Clyde secoua la tête et l'arrêta. « L'ami rêvé pour quoi ? Il n'y a pas de bonne ou mauvaise attitude, Colt'. Ne sois pas désolé. Tu dépeins un futur certain. Il n'y a pas de honte à cela. » Il n'y avait pas un mot que le jeune homme ne pensait pas. Il n'y avait pas d'attitude parfaite, de choses à faire. « Essaie simplement de m'épargner un peu moins. Sois comme tu as toujours été avec moi. Je n'ai pas changé. » Cela ne serait jamais aussi facile, mais rien que de prononcer ces quelques mots avait un effet apaisant pour le jeune homme. Il n'avait pas prononcer ces quelques mots, pas même en substance, une seule fois. A l'aveu de son ami, ému, Clyde ne su pas quoi répondre. Il l'observa quelques secondes, et attendit que la réponse divine l'atteigne. Mais que pouvait-il dire ? Lui non plus n'en avait pas envie, mais c'était une évidence d'une certaine façon. Il jeta un coup d'oeil sur le dessin qui était resté sur le comptoir, et soupira légèrement. « Eh bien... je te déclare officiellement fleuriste de ma tombe. Tu n'auras qu'à t'arranger pour qu'elle ne soit jamais vide. »
Sujet: Re: (colton) • Bartender, please. Fill my glass for me. Mar 20 Sep - 18:29
« Tu aurais mieux fait de dire « quand tu seras dans ta tombe ». » Tourmenté par la propre facilité qu’il avait eu à sortir une phrase blessante et cruelle, Colton reçu cette réplique de plein fouet. Comme une gifle qu’on lui infligeait dans l’unique but de le punir. Sa bouche se déforma dans une grimace hideuse et étrange alors que ses yeux s’écarquillaient de stupeur. Choqué, somme toute, par la facilité avec laquelle Clyde semblait accepter les choses alors que lui-même n’y parviendrait sans doute jamais. Il songea à l’attitude qu’il aurait pu avoir face à un tel enjeu : la vie. Et il fut rapidement contraint à s’avouer qu’il manquait cruellement de courage et qu’il se serait, très probablement, laissé mourir. Seul, triste et souffrant. Cette perspective ne l’enchanta guère et il secoua légèrement la tête pour poser son regard sur Clyde, qui ajouta sur le même ton un : « Tu serais avec lui plus longtemps, c'est toi qui voit hein. » qu’il ponctua d’un clin d’œil. Cette façon de faire eu le mérite de soutirer un soupir au jeune artiste. Pourquoi fallait-il toujours qu’on lui rappelle combien il était faible lorsqu’il s’agit d’Angus ? Et pourquoi tout le monde était-il si pleinement conscient de ce qu’il pouvait ressentir alors que lui-même était incapable de comprendre, de dompter et d’accepter tout cela ? Boudeur, il vint se malaxer les tempes alors que les mots lui manquaient cruellement. Il rêvait de dire à Clyde de fermer sa grande bouche et d’arrêter de faire comme s’il pouvait comprendre. Ce que son cœur ou sa tête lui dictait était incompréhensible pour lui alors il n’avait aucune raison de prétendre en savoir plus. Désabusé, il fronça les sourcils et posa ses prunelles courroucées dans celles du barman. « Tu cours peut-être après le temps, mais ce n’est pas forcément le cas de tout le monde. Je m’en fous d’Angus. Je l’emmerde ! » Ses paroles furent craché comme du venin alors qu’il réalisait combien il n’y croyait pas lui-même. Il aurait tellement aimé pourtant. Les choses auraient été réellement plus simple et sa vie beaucoup plus paisible. Soupirant de nouveau, comme s’il était le condamné de l’histoire, Colton poussa son verre vers Clyde et d’un simple regard lui fit comprendre qu’il lui faudrait probablement un remontant. Il n’était pourtant pas friand d’alcool ou de bourrage de gueule en tout genre, mais il avait si longtemps lutté qu’il était désormais las et qu’il avait l’espoir que cela apaiserait les voix de sa conscience. Celles qui lui répétaient sans cesse ce qu’il refusait de croire.
Il avait alors tendu le croquis. Bien qu’il ait été tout d’abord réticent face à cette requête, la blague de mauvais goût l’avait froissé et troublé. Plus totalement connecté la réalité, il voulait simplement détourner le sujet de conversation. Non pas que la maladie de son ami soit plus facile que ses histoires de cœur, mais… il n’avait que trop peu réfléchis avant d’agir. « L'ami rêvé pour quoi ? Il n'y a pas de bonne ou mauvaise attitude, Colt'. Ne sois pas désolé. Tu dépeins un futur certain. Il n'y a pas de honte à cela. » S’il n’y avait pas de honte à cela, pourquoi se sentait-il si mal ? Pourquoi son cœur cognait douloureusement contre sa poitrine sans qu’il ne puisse l’apaiser d’aucune manière ? Blasé, il ne répondit cependant rien. Contrarier, Colton se contenta donc d’écouter nerveusement les propos que Clyde laissait échapper. « Essaie simplement de m'épargner un peu moins. Sois comme tu as toujours été avec moi. Je n'ai pas changé. » Plus facile à dire qu’à faire, ne put-il s’empêcher de penser tout en frissonnant. Colton ne mettait pas fixait pas ces barrières lui-même, c’était inconsciemment qu’il se montrait aussi peu enclin à accepter les choses. Il savait que le barman n’avait pas changé, mais la situation si, et cela, c’était une chose dont il ne pouvait pas faire abstraction. Sa perception du monde était telle qu’il préférait s’imaginer que tout cela n’était qu’une illusion et que jamais il ne le quitterait… L’acceptation… C’était un stade qu’il était bien loin d’avoir intégré et il n’était pas certain d’y parvenir un jour ! Seul la colère et l’incompréhension persistait pour le moment. Et Clyde qui se pensait drôle avec ses répliques qui, pourtant, restait en travers de la gorge du jeune homme. « Eh bien... je te déclare officiellement fleuriste de ma tombe. Tu n'auras qu'à t'arranger pour qu'elle ne soit jamais vide. » Colton redressa le regard et le fusilla littéralement des yeux. Incapable de garder son calme face à cette avanie qu’il lui faisait, il se redressa et vint le gifler du bout des doigts avant de se laisser retomber lourdement sur son tabouret. Il resta silencieux quelques secondes avant de finalement prendra la parole et dire d’une voix distincte et qu’il souhaitait pleine de détermination : « Les fleurs c’est bon pour les tapettes, je viendrai pisser sur ta tombe. Comme un chien qui a perdu sa route. » Ses mains commençaient doucement à trembler autour de son verre que Clyde avait eu le soin de remplir comme il le lui avait demandé. Distrait, il avala une gorgée du liquide sans se demander de quoi il pouvait choisir. Lorsque la liqueur translucide lui glissa dans la bouche, elle prit soin de lui brûler la gorge au passage, le rendant d’autant plus irrité. Il ne parvenait pas à comprendre cette attitude soudainement dure et rebelle qu’il adoptait face à son ami. Peut-être que parler d’une maladie comme s’il s’agissait d’un jeu d’enfant était une mauvaise idée. « Bon, changeons de sujet. De quoi on parlait avant ? Quand t’étais ennuyeux, droit dans tes bottes et… Enfin, je n’vais pas faire la liste de tes défauts, sinon j’en ai pour la nuit ! » Il arriva à simulé un sourire amusé bien que la situation était loin de le divertir joyeusement. Que du contraire. S’il on creusait sous cette surface paisible de bonne rigolade amicale, se cachait un malaise grandissant et une peine bien dissimulée. « Aloooooooors, t’as une copine ? » Haussant les sourcils à répétition, il se pencha en avant comme pour accueillir la meilleure des révélations. Bah quoi ? Lui aussi il était curieux !