Sujet: "But if you run You can run to the Coney Island rollercoaster" Mer 24 Aoû - 21:58
Le phare était un des derniers endroits où l'on aurait trouvé Tonia Hasbrough il y a quelques années. Elle ne venait jamais à Doubling Point Light. Sauf lors de soirées entre amis qui finissaient invariablement sur la plage et, pour faire romantique, un garçon ou l'autre l'emmenait se promener au pied du phare. Mais elle n'était jamais venue là d'elle-même. Ni même à Squirrel Point Light. Elle trouvait les phares lugubres. Elle avait probablement regardé trop de films d'horreur.
Toujours est-il que Doubling Point Light, le phare le plus proche de son petit cottage sur la plage et assez reculé de la ville pour être complètement isolé, était devenu son repère favori. Elle n'y croisait jamais personne et se sentait libre d'y faire ce qu'elle voulait. Elle n'y venait que très rarement. Et surtout quand elle se sentait très mal. Lorsque les souvenirs de sa vie à New York se faisaient trop présents. Aujourd'hui était un de ces jours-là. Elle s'était réveillée avec un mal de tête abominable et avait trouvé à côté d'elle, sur l'oreiller, un mot de son compagnon d'un soir. " C'était génial. A bientôt. Jack" Elle fronça les sourcils en examinant le petit papier froissé. Elle ne se souvenait pas de grand chose de sa soirée précédente. Elle avait travaillé chez Pete, comme pratiquement tous les soirs. Elle se rappela qu'un jeune homme l'avait draguée. Il était plutôt pas mal. Comme elle finissait avant la fermeture du bar, il l'avait raccompagnée. Ils avaient bu tous les deux sous le porche, dans la petite balancelle grinçante et avaient probablement dû finir au lit, à en juger par le mot. Elle jeta un oeil à l'horloge suspendue au mur. 14h30. Rien d'étonnant dans la vie de Tonia Hasbrough. Elle émergea de son lit uniquement pour s'engouffrer dans sa douche d'où elle ne sortit qu'après une dizaine de minutes. Elle enfila une petite robe légère avant de sortir s'asseoir sous le porche. Elle retrouva les vestiges d'une bouteille de tequila bon marché et de cigarettes. Elle mit tout de suite les déchets dans un sac poubelle qu'elle alla déposer dans la poubelle métallique à l'arrière de son cottage, côté route. Elle se prit à espérer qu'Abbey ne passe pas tout à l'heure. Les choses devenaient compliquées entre les deux jeunes femmes. De leur amitié était né un semblant de relation amoureuse qui n'en n'était pas vraiment une. Elles étaient proches, sûrement trop, et les choses dérapaient parfois. De plus en plus souvent, ces derniers temps. Bien sûr, dans ces moments-là, elle était au paradis et en oubliait tous les soucis qu'elle avait. Et puis quand Abbey s'en allait, elle se mettait irrémédiablement à réfléchir. Leur relation était malsaine et finirait par les détruire toutes les deux si elles continuaient sur cette lancée. Mais c'était beaucoup trop difficile de résister au réconfort qu'apportaient les bras d'Abbey et ses doux baisers.
Du réconfort, c'était cela qu'elle était venue chercher à Doubling Point Light. Elle avait grimpé les escaliers en courant, pour sentir tous ses muscles brûler lorsqu'elle arriverait en haut, sentir son souffle trop court et l'air lui arracher la gorge. Debout contre la vitre, le front appuyé contre le verre, elle plongea son regard dans l'océan. Les vagues se suivaient, l'une après l'autre, inlassablement. Comme un éternel ballet. Elles venaient lécher le sable et retournaient d'où elles venaient. Des mouettes volaient près du port et elle pouvait entendre leur cri d'ici. Elle allait parfois sur la jetée de Conney Island pour entendre les mouettes et voir les vagues, lorsqu'elle ne se sentait pas bien à New York. A croire que sa ville natale lui manquait plus qu'elle ne l'avouerait jamais. Au phare, elle venait chercher la solitude. Elle s'assit sur le sol, le front toujours collé à la vitre, les yeux rivés sur les vagues. Elle écouta son souffle se calmer, fit des dessins dans la buée qu'elle créait sur le verre froid, comme une enfant. Au fond, c'est ce qu'elle était encore: une enfant. Une enfant qui avait grandi trop vite. Elle se perdit dans ses pensées, les yeux dans le vague, revoyant les flashes des photographes, se rappelant de l'ivresse des backstages, de l'euphorie d'un shooting, des discussions avec les maquilleurs... tout cela lui manquait. Quand oublierait-elle donc?
Sujet: Re: "But if you run You can run to the Coney Island rollercoaster" Sam 27 Aoû - 13:59
Ereinté, Clyde était sur le point d'exploser. Il avait une semaine plus que chargée, et était tout simplement entrain de perdre son sang froid. Il n'y avait de grave en soit, rien de plus que d'ordinaire en tout cas, mais il commençait sincèrement à être fatigué de tout cela, et ce, d'autant plus qu'il n'avait pas trouvé de moments à s'accorder. Sollicité de tous les côtés, il avait passé les deux dernières semaines à courir à droite à gauche, tantôt pour le travail, tantôt pour passer du temps avec ses amis ou sa famille. Il prenait du bon temps, il en avait conscience, mais aussi sociable qu'il soit, Clyde continuait d'avoir besoin de ses moments de solitude pour se ressourcer, et faire le point. Encore plus depuis qu'il avait appris sa leucémie. Se rendre aux phares, seul, grimper toutes ses marches qui paraissent interminables à n'importe qui et profiter de la seule présence des mouettes tandis que les vagues heurtent le phare, c'était tout ce à quoi il aspirait lorsque le tout devenait trop dur. Après tout, il devait gérer plus de choses qu'il ne s'en sentait capable, et il n'y avait aucun mal à prendre du temps seul. Il évitait cependant d'en parler pour ne pas inquiéter plus que de mesure son entourage. Ils étaient déjà quasiment tous convaincu qu'il ferait mieux de suivre un psy... Autant ne pas leur donner plus de raisons de le penser. Certes, il était mourant, mais Clyde restait optimiste, et était heureux. Certains aimaient écrire, lui aimer aller sur le phrase. Mais ils ne comprendraient pas, c'était certain. Tout comme il ne comprenait pas la réaction du jeune homme. Il s'y était fait dans l'ensemble, mais il savait pertinemment que son équilibre restait fragile, et que si il ne prenait pas ces quelques heures pour lui, il ne tiendrait pas. Quel serait l'intérêt de leur dire tout ce qu'il pensait ? En montant les marches du phare, il décida de dire à voix haute tout ce qu'il avait sur le coeur. Eut être se sentirait-il mieux, ainsi. Après tout, crier en haut du phare lui faisait parfois du bien. Il ne perdait de toute façon rien à essayer – personne ne venait ici, personne ne pourrait l'entendre, et encore moins les destinataires de ses messages. Prenant son temps pour monter ses marches qu'il connaissait par coeur, il commença donc par Tessa, à qui il reprochait de nier l'évidence. Il ne lui en voulait pas, il comprenait, et acceptait de la laisser se fourvoyer à ce sujet, mais elle se faisait probablement plus de mal qu'elle ne le pensait, et elle ne le méritait pas. Vint rapidement le tour de ses parents – il fallait sincèrement qu'ils cessent de s'inquiéter ! Oui, leur fils allait probablement leur précédé au paradis, mais ce n'était pas non plus pour la semaine prochaine. Qu'ils soufflent, pendant qu'ils le pouvaient encore. Ils ne profitaient plus de rien, invitaient de moins en moins d'amis à la maison, et leurs traits étaient constamment tirés. Si ils savaient combien Clyde s'en voulait de leur imposer ça. Il s'excusa de maintes fois, et continua ses plaintes jusqu'à ce qu'il en ait marre. Il lui restait une bonne centaine de marche à gravir lorsqu'il s'arrêta. Cela ne lui ressemblait pas, et quoiqu'il en dise, cela ne le soulageait pas vraiment. Il était quelqu'un de fort, et si ce n'était pas toujours facile, il savait qu'il aurait le coeur le plus léger lorsqu'il redescendrait ses marches. Il augmenta alors le rythme de sa montée, ignorant le déchirement que cela provoquait au niveau de ses poumons, et c'est essoufflé mais soulagé d'avoir atteint son but qu'il aperçut une silhouette assis à la place à laquelle il se posait d'ordinaire.
C'était étrange de voir quelqu'un ici. Il se doutait pertinemment qu'il n'était pas le seul à y venir, mais malgré ses visites plus que régulières, c'était la première fois qu'il avait l'occasion d'y rencontre quelqu'un. Il aurait préféré être seul, et contempla quelques secondes l'idée de redescendre pour se rendre jusqu'au second phare, mais il n'en avait pas le courage. Et il y avait bien assez de place pour qu'il se trouve en compagnie de cette jeune femme sur le phare. Par politesse, il salua la jeune femme – un peu aussi pour éviter qu'elle prenne peur en l'entendant, ou quelque chose du genre. « Bonjour. » Rapidement, cependant, il tint à lui préciser qu'il avait lui aussi l'intention de rester seul. « Ne vous inquiétez pas, je ne vais pas vous déranger. » Il se dirigea vers l'extérieur du phare sans plus de cérémonie et prit une grande inspiration. Le calme, enfin !
Sujet: Re: "But if you run You can run to the Coney Island rollercoaster" Lun 5 Sep - 11:49
Le visage collé à la vitre du phare, elle essayait de se vider l’esprit, de ne penser à rien. D’oublier. Le phare avait ce côté apaisant et pourtant loin d’être silencieux qui la rassurait. Le vent hurlait à cette hauteur et il s’engouffrait dans les moindres interstices entre les fenêtres en chantant une mélopée inquiétante. Le genre de bruit que l’on n’a pas envie d’entendre lorsqu’on est seul chez soi, en plein milieu de la nuit. Dans d’autres circonstances, elle aurait sûrement pris peur, mais ici, le sifflement du vent et les courants d’air la rassuraient. Prendre du temps pour elle était devenu un luxe, ces derniers temps. Depuis qu’elle était partie de chez ses parents pour s’installer dans ce cottage au bord de la mer, elle n’avait pas eu une minute pour souffler. Entre ses trop nombreuses heures au bar et les moments où Abbey venait se serrer contre elle, elle n’avait pas pris le temps de réfléchir. C’était bien cela son grand problème, car à force de ne pas réfléchir, elle allait invariablement retomber dans les mêmes travers, faire les mêmes erreurs. A nouveau, elle avait tourné le dos à ses parents qui, en plus d’être inquiets pour elle, faisaient de leur mieux pour l’aider à s’en sortir sans trop poser de questions. A croire qu’elle refusait tout simplement qu’on s’occupe d’elle. Elle était trop indépendante. Trop sûre d’elle. Elle surestimait sa force et sa capacité à réussir. A New York, lorsqu’elle avait envoyé valser ses parents en même temps que ses études, elle s’était sentie forte, libre et capable de tout. Mais les problèmes s’étaient accumulés et elle avait croulé sous leur poids. Elle regrettait d’avoir agi comme elle l’avait fait. Sur le moment, alors qu’elle était à deux doigts d’atteindre son rêve, elle était pourtant sûre de ne pas avoir fait une bêtise en tournant le dos à sa famille. En voulant « se débrouiller seule ». Là encore, elle n’avait pas supporté l’attitude de ses parents. Ils la couvaient, s’imaginaient que l’empêcher de travailler chez Pete parce que la clientèle n’était « pas fréquentable » lui éviterait des soucis. Seulement ils ne savaient pas quel genre de personnes elle avait fréquentées à NYC. Et les clients de Pete étaient des enfants de cœur comparé aux phénomènes qui dirigeaient des agences de mannequinat, aux photographes de mode parfois un peu lubriques et aux pervers d’agents qui ne pensaient qu’à prendre du plaisir et se faire du fric sur le dos de gamines innocentes.
Sa vie était compliquée et surtout faite de regrets. Abbey était la seule qui lui apportait un semblant de sérénité. Mais là encore, c’était compliqué et cette relation qu’elles entretenaient allait les détruire toutes les deux. Elles ne pouvaient pas continuer comme ça. Mais lorsqu’il s’agissait d’aborder ce sujet, elles perdaient toutes deux leur volonté. Abbey aussi était sûrement consciente que leur relation était une mauvaise chose, qu’il fallait faire machine arrière. Seulement c’était impossible. La seule façon, c’était qu’elles s’éloignent pendant un moment, qu’elles ne se voient plus. Mais c’était inconcevable, tant pour l’une que pour l’autre, et c’était bien là le nœud du problème.
Alors que ces pensées défilaient dans son esprit, Tonia fut tirée de ses songes par des bruits de pas dans les escaliers. C’était l’avantage du phare : les escaliers de métal résonnaient au moindre pas. Impossible d’arriver discrètement. Son corps se raidit. Elle n’avait envie de voir personne, et surtout pas envie qu’on la voie ainsi. D’ordinaire, elle essayait de faire bonne figure, même si son agressivité à fleur de peau surgissait à tout moment. C’était un autre de ses problèmes, et elle aurait tout fait pour pouvoir s’en débarrasser, mais c’était le seul moyen qu’elle avait trouvé jusqu’ici pour éviter qu’on lui pose des questions. Eviter d’avoir à parler. Elle était seule, beaucoup trop seule, elle aurait bien besoin d’amis, de présence autour d’elle, mais elle ne pouvait simplement envisager de raconter sa vie au premier venu. A Arrowsic, les ragots couraient toujours trop vite. Elle ne voulait pas prendre le risque que tout le monde sache pourquoi elle était revenue après avoir dénigré publiquement ses origines.
Finalement, les pas se rapprochèrent et elle entendit la respiration un peu haletante de quelqu’un avant de voir à qui elle avait affaire. C’était Clyde Nicholls, un type qui travaillait dans un bar d’Arrowsic. Elle ne le connaissait pas très bien, il était plus âgé qu’elle et ne l’avait jamais vraiment fréquenté. Elle savait juste qu’il était un peu aventureux, casse-cou et toujours prêt à faire la fête. Mais c’était des bruits de couloir, comme le reste. Elle n’avait rien contre lui, juste contre sa présence en ce moment. Elle ne s’était pas préparée à voir quelqu’un gravir les marches pour se réfugier ici. Un instant, elle se demanda quelle pouvait bien être la raison de sa présence dans le phare. Personne ne venait ici par plaisir. « Ne vous inquiétez pas, je ne vais pas vous déranger. » Sa voix résonna dans la petite cabine vitrée, un peu étouffée par le bruit du vent. Les nerfs à fleur de peau, elle ne put s’empêcher de répliquer. « C’est trop tard, c’est déjà fait. » Elle ne voulait pas vraiment être méchante, c’était plus fort qu’elle.
Sujet: Re: "But if you run You can run to the Coney Island rollercoaster" Ven 9 Sep - 23:51
D'une manière générale, Clyde était quelqu'un de patient. Il lui arrivait comme tout le monde de faire preuve d'impatience, mais il préférait plutôt attendre soit que le moment opportun arrive, soit que cela passe, selon ce dont il s'agissait. Ce n'était pas toujours évident, et il aurait parfois préféré avoir un tempérament plus sanguin, plus impulsif. Certaines personnes, Clyde en avait parfaitement conscience, n'hésitaient pas à en profiter, se servant plus ou moins de sa passion dans leur intérêt. Cela ne lui posait naturellement pas plus de problèmes que cela, il aurait agi différemment sinon, c'était certain. Mais sur certaines choses, il savait se montrer intransigeant. La première de l'une d'elle était sans aucun doute dans le bar où il travaillait. Il exigeait qu'on le respecte, et le premier qui avait un mot de trop vis à vis de lui se trouvait dehors. C'était la politique du Jack's Lounge, et quand bien même cela n'aurait pas été le cas, il était fort probable que cela ne change rien pour le jeune homme. Par extension, il exigeait ce même respect dans la vie de tous les jours, et il n'hésitait pas à hausser la voix ou à répondre le même genre de remarque désobligeante que la personne en face de lui si cette règle de base n'était pas suivi. La seconde était lorsque que quelqu'un empiétait trop sur ses plates bandes. Il n'était pas le genre de personne à marquer son territoire, mais si la personne se mêlait de ce qui ne la regardait pas, ou marquait, elle, son territoire, cela ne plaisait pas particulièrement au jeune homme. Il essayait naturellement de se montrer diplomate, mais il ne fallait pas aller trop loin. Or, l'attitude de Tonia était à la limite du respect, et la jeune femme entendait probablement le voir partir à agir ainsi. Et, puisque ce lieu tenait particulièrement à coeur à Clyde, puisque c'était le seul et unique endroit où il se sentait parfaitement à sa place, et qu'il n'avait trouvé de pareil refuge nulle part ailleurs, il ne tolérerait pas une attitude pareille. Il voulait bien comprendre que la jeune femme puisse être là pour les mêmes raisons que lui, et qu'elle ait besoin de calme afin de pouvoir se ressourcer, mais son attitude était parfaitement déplacée. Clyde était quelqu'un de discret, et il n'avait vraiment eu aucune intention de l'importuner. Malgré le vent, il se serait placé à l'extérieur du phare, ce qui ne le gênait absolument pas car cela lui permettait de profiter de l'air marin au maximum. Mais d'ores et déjà d'humeur maussade, et relativement en colère, Clyde n'allait pas tolérer une telle réflexion. Le ton de la demoiselle était froid, voire glaciale, et il ne faisait aucun doute sur le fait qu'elle le prenait de haut. C'était mal connaître, le jeune homme. Il ne savait pas comment elle s'appelait, bien que son visage lui soit familier, et il était donc probable qu'il en soit de même pour la jeune femme. Elle n'avait donc aucune raison d'agir de la sorte contre lui. Il hésita quelques secondes, n'étant pas certain de vouloir se lancer dans des débats de ce genre.
« Si je vous gêne tant que ça, n'hésitez pas à descendre. Je ne vous en voudrais pas. » cracha-t-il, finalement, son regard planté dans celui de la jeune femme. Si une telle attitude l'étonnait lui-même, cela avait un réel effet soulageant, et puisqu'il ne connaissait pas la demoiselle, il se moquait bien de la blesser ou non. Bien qu'il ne soit pas fondamentalement méchant, Clyde n'était pas non plus arriviste. Il n'allait pas culpabiliser pendant des lustres parce qu'une jeune fille ayant probablement une bien haute image d'elle estimait qu'il n'avait pas le droit de venir au phare. Il s'agissait d'un lieu public, et il avait autant le droit d'être là que lui. Certes, les gens qui venaient jusqu'au sommet des phares étaient plutôt rares, mais il était arrivé à Clyde de croiser des touristes en redescendant, ou même des adolescents. Le fait qu'il la rencontre était peu de chances, mais que pouvait-il y faire ? « Vous savez, il y a un autre phare à quelques mètres. » lança-t-il avant de lui souhaiter une bonne journée, et de s'installer à l'extérieur du phare, appréciant le vide de l'océan se dessinant devant lui.
Sujet: Re: "But if you run You can run to the Coney Island rollercoaster" Ven 16 Sep - 20:44
Tonia avait conscience de se conduire comme une enfant gâtée imbue d’elle-même et que ses petites crises de colères étaient parfaitement ridicules, en plus d’êtres puériles et souvent fondées sur des inepties. Mais elle avait constamment les nerfs à fleur de peau, se sentait perpétuellement jugée et menacée et ne supportait tout simplement pas en ce moment d’être contrariée d’une manière ou d’une autre. L’agressivité n’était certainement pas la réponse à tous ses maux, bien au contraire, mais c’était le seul moyen qu’elle avait trouvé pour extérioriser ses angoisses intérieures. Tout à fait consciente que ses remarques injurieuses et son comportement colérique ne lui attiraient pas que des amis, elle se réjouissait néanmoins de la solitude qu’ils engendraient. Au moins, elle n’avait personne dans les pattes à qui expliquer qu’elle se sentait atrocement mal dans sa peau et qu’elle aurait préféré se jeter en bas de ce phare que de continuer à vivre dans cet état d’esprit. Les commentaires condescendants dans le but faussement altruiste de la consoler la rendaient plus malade encore que tous les regrets qu’elle pouvait bien avoir. Elle savait parfaitement qu’elle finirait par s’attirer des ennuis, à force de jouer ainsi avec les nerfs des gens, et qu’un jour quelqu’un perdrait patience avec elle. Elle s’étonnait d’ailleurs, avec une certaine pointe d’amertume, que ce n’était pas déjà arrivé. Peut-être que si quelqu’un la remettait en place un jour, cette mauvaise passe finirait par s’envoler. Mais elle en doutait. Le malaise était bien plus profond que cela et une bonne engueulade ne ferait probablement que la faire descendre plus loin dans son trou. Elle ne savait tout bonnement pas comment faire demi-tour, comment se comporter normalement à nouveau. Etrangement, faire preuve de méchanceté gratuite l’aidait à penser à autre chose qu’à ses malheurs de petite poupée brisée. Mais cela ne l’aidait pas à terme et elle finissait rapidement par culpabiliser de se montrer aussi égoïste et vindicative. Seulement cela, elle le gardait pour elle. Tôt ou tard, elle se rendrait bien compte qu’elle avait dépassé les bornes avec Clyde et elle aurait cela sur la conscience. Certes, ce genre de tracas ne la poursuivait pas jusque dans son sommeil, mais elle regrettait sincèrement certaines choses qu’elle avait pu dire ou faire à des connaissances. Ses parents les premiers.
En haut de ce phare, elle s’était sentie puissante tout d’un coup et s’était permis de parler de cette façon à Clyde. Cela dit, rien ne l’aurait probablement empêchée de le faire au Jack’s Lounge. Elle n’était pas du genre à se soucier des conventions. C’était le cas du jeune homme, à ce qu’on en disait et il se faisait un plaisir de virer quiconque troublait la paix du bar. Ici, il ne travaillait pas et personne n’était là pour le voir. Il était peut-être aussi énervé qu’elle et il ne tarda pas à répliquer. Il avait parfaitement raison dans ce qu’il disait, mais dans l’état où elle était, Tonia n’avait aucune intention de l’admettre et de lui laisser la victoire. En l’entendant riposter, elle avait senti en elle poindre un brin d’excitation. Quelque chose l’excitait à l’idée de provoquer les gens et d’être inutilement méchant avec eux. C’était cruel et puéril, et loin de ce qu’elle avait pu être dans le passé, mais son mal-être l’avait tellement transformée qu’elle n’en n’avait plus rien à faire. D’ailleurs, en avait-elle encore à faire de quelque chose ? Son existence se résumait à se réveiller avec une gueule de bois dans les bras d’un mec aussi saoul qu’elle ou de passer des soirées draguées par des pervers de quarante ans dans le bar de Pete. Une vie minable qu’elle ne souhaiterait à personne et qu’elle menait pourtant faute de mieux. Faute d’avoir la force de vouloir mieux. Car le problème était là : elle n’avait même plus envie de se tirer de sa misère. Se complaire dans ses malheurs était devenu sa priorité numéro un, et pourquoi pas s’attirer les foudres de tout le monde pour en remettre une couche ? Elle avait perdu le goût de vivre et le mode d’emploi pour sourire. La seule personne sur cette Terre qui arrivait encore à lui soutirer un peu de joie, c’était Abbey Jill. Et c’était la seule personne qui n’aurait pas dû avoir une telle importance à ses yeux. Du moins sur certains plans.
« Si je vous gêne tant que ça, n'hésitez pas à descendre. Je ne vous en voudrais pas. » Visiblement, Clyde n’allait pas la laisser tranquille et c’était tant mieux. Se disputer avec les gens était devenu son moyen d’expression. Désespérément, c’était aussi la seule façon qui lui permettait d’avoir des contacts avec les autres. C’était désolant et affligeant, mais elle devait bien se rendre à l’évidence : elle ne s’était comportée décemment avec personne depuis son retour à Arrowsic. « Puisque vous êtes encore debout, pourquoi ne descendriez-vous pas ? Je ne vous retiendrais pas. Et puis comme vous dites, il y a un autre phare pas très loin. » Elle gratifia le barman d’un sourire ironique, secrètement heureuse de pouvoir passer ses nerfs sur quelqu’un. Désolée aussi pour Clyde qui s’était trouvé au mauvais endroit au mauvais moment, mais si ce n’était pas lui, ç’aurait été un autre.
Sujet: Re: "But if you run You can run to the Coney Island rollercoaster" Sam 24 Sep - 10:24
Par sa réplique, Clyde avait espéré que la jeune femme laisserait tomber l'affaire, et lui permettrait de trouver le calme qu'il était venu chercher. Au lieu de ça, cette dernière répondit, et Clyde poussa un bruyant soupir las. En temps normal, cette querelle n'aurait probablement pas eu lieu, et si cela avait été le cas, elle ne l'aurait certainement pas affecté. Pourtant, là, les choses étaient foncièrement différentes. L'attitude de la jeune femme le mettait hors de lui, et il rêvait de lui cracher à la figure qu'il avait mieux à faire que d’écouter les caprices d'une gamine qui se croyait tout permis sous prétexte qu'elle avait été mannequin. Certes, l'on entendait des tas de choses sur la vie des mannequins, sur ce qu'ils enduraient,e t à quel point leur métier est difficile notamment à cause de leur régime alimentaire, mais il y avait des choses bien plus importantes, et elle avait choisi de vivre tout cela. C'était elle qui avait voulu partir, elle qui avait choisi cette carrière, et si elle était tombée de son piédestal, il ne pouvait – et ne voulait – strictement rien y faire. Il avait des problèmes bien plus graves à gérer – sa santé, par exemple. Sa vie allait-elle se résumer à ça désormais ? Il devait se battre, toujours. Se battre contre la maladie, se battre contre ses craintes, se battre contre ses proches pour faire tout pour qu'ils n'affectent pas trop leur vie de cette maladie, se battre contre lui-même, se battre contre les médicaments qui le rendaient terriblement malades, et maintenant se battre contre les petites merdeuses qui se croyaient supérieures à tout le monde, apparemment. Il échouerait, si c'était le cas. Bien que courageux, Clyde détestait se battre. Il trouvait cela profondément éreintant, et c'était probablement la raison pour laquelle il ne s'énervait que rarement lorsqu'on venait l'importuner ou lui faire des remarques déplaisantes. Il avait toujours essayé de calmer le jeu,peu importe les situations dans lesquelles il se trouvait car il faisait partie de ces gens qui pensaient que répondre à ceux qui cherchent à créer un conflit ne faisait que créer ce conflit plutôt que de les calmer. Quoi de mieux pour calmer quelqu'un qui cherche à se battre que de l'ignorer ? Quoi de mieux de laisser cette petite garde dans son coin à râler ? Rien, probablement. Mais pour une fois, Clyde n'avait pas envie de taire le fond de sa pensée, de laisser couler. Non, il ne redescendrait pas. Il n'avait pas à le faire – le phare était un endroit public. Il avait tout autant le droit d'être là qu'elle, et si elle n'en était pas satisfaite... qu'elle aille voir ailleurs si il y était ! De plus, cela l'épuiserait. Il n'était pas du genre à se reposer sur sa maladie, il essayait de vivre malgré elle, et se donnait rarement comme excuse pour ne pas faire quelque chose qu'il était leucémique – au contraire, à vrai dire, au grand damne de ses médecins.
Il se retourna alors, prenant appui sur la rembarre qui empêchait les plus imprudents de tomber, et la regarda, mauvais. « Ma condition ne me le permet pas. » A peine ses mots étaient-ils sortis de sa bouche, qu'il les regretta. Il n'avait jamais agi ainsi, et n'en avait même jamais eu en vie. Ce n'était pas faux ce qu'il disait, pourtant. C'était impossible pour lui, sans se mettre en danger, d'entreprendre de remonter toutes ses marches en si peu de temps. Rien que les descendre demandait un effort, ces derniers temps, et si il redescendait, cela ne serait que pour rentrer chez lui. Il était pourtant impossible pour lui de rentrer aussi nerveux, aussi agacé, et aussi à fleur de peau. Il ne supporterait pas de voir ses parents s'inquiéter de sa santé, de son état d'esprit. Il risquait de les blesser et c'était la dernière chose qu'il voulait. Ils étaient tellement présents pour lui, ils en avaient tellement fait... Comment pouvait-il envisager agir autrement ? Comment pourraient-ils seulement prononcer un mot de travers à leur encontre ? Ne lâchant pas le regard de la jeune femme, il continua alors, sans lui laisser le temps de répliquer : « Et surtout ce n'est pas moi que votre présence indispose. Si vous voulez vous comportez comme une petite garce égoïste qui croit avoir tous les droits, vous avez choisi la mauvaise ville, et le mauvais jour. » Il s'approcha, et lui montra du bras les escaliers. « La sortie, c'est par là. » Il ne lâcha pas son regard, bien que sachant pertinemment que cela ne serait pas aussi facile, malheureusement pour lui. « Et sincèrement, à moins que vous ne désiriez que je vous fasse descendre moi-même, j'apprendrai à me taire et accepter ma présence ici, ou je prendrai les escaliers tout seul. » A sa plus grande surprise, il était sérieux. Il ne la supporterait pas une minute de plus ici si elle continuait à se comporter ainsi, et si il fallait qu'il la fasse descendre lui-même... il le ferait – en la portant, évidemment. Il n'allait pas la jeter dans les escaliers, tout de même – même si l'image se révélait fort tentante pour le coup !