Même si la météo locale à cette époque de l'année n'avait pas permis à Romeo de ressortir ses tenues de soirées de l'époque où il vivait encore dans l'hémisphère Sud de la planète, cela n'avait pas empêché notre marin de s’adapter et de troquer ses habituels bermudas et autres pantalons de toile idéaux pour danser au profit d'un jean taille basse, certes plus serrant, mais qui avait pour lui l'avantage d'être plus épais et donc plus chaud que le reste de sa garde-robe pas encore très bien adaptée au climat nordique. Avec ça, comme pour mieux faire contraste avec le jour où Tessa était venue le trouver au garage et était tombée sur un mécano crasseux et mal fagoté, il s'était habillé d'une chemise noire et sobre, au col ouvert pour lui permettre de respirer à son aise et pour ne surtout pas lui donner des airs endimanchés qui, de toute façon, n'auraient pas collé avec sa coiffure toujours aussi sauvagement négligée qu'à l'accoutumée. D'ailleurs, dans sa marche détendue qui le menait vers l'entrée du bar, alors qu'il soupçonnait Tessa de déjà l'y attendre vu la vingtaine de minutes de retard qu'il avait au compteur, le vent mordant n'avait de cesse d'ébouriffer ses mèches rebelles et de les tordre en tout sens si bien qu'il eut l'air particulièrement " dans le vent " (et c'était le cas de le dire ...) lorsqu'il ouvrit la porte du bar et qu'il s'avança d'un pas conquérant vers le comptoir, histoire de jouir d'un point d'observation stratégique dans sa recherche de l'américaine avec laquelle il avait rendez-vous.

Arrivé sur place, il profita d'un tabouret libre pour retirer sa veste et l'y déposer négligemment avant d'entreprendre son inspection des lieux. S'il était déjà venu ici pour saluer Clyde et prendre de ses nouvelles, ç'avait quasi systématiquement été en journée, lors de ses pauses entre deux réparations au garage. Aussi n'avait-il encore jamais eu l'occasion de fréquenter le Jack's Lounge de nuit, mais l'endroit astucieusement éclairé pour permettre aux clients d'y voir clair sans toutefois se sentir éblouis ainsi que les joyeux éclats de conversations qui flottaient dans l'air lui laissaient présager que les soirées dans cette établissements s'avéraient aussi, si ce n'était plus, sympathiques et agréables que les journées. Soudain, son regard s'arrêta sur une crinière brune qui tombait en cascade dans le dos d'une silhouette familière. Appréciateur, son regard toisa de bas en haut les jambes puis le dos de la jeune femme tandis qu'elle avait de toute évidence misé sur sa tenue vestimentaire, elle aussi, non pas pour avoir chaud - on aurait même pu penser le contraire vu le peu de tissu qui la recouvrait - mais certainement pour s'assurer de lui plaire. Il fallait bien reconnaître qu'elle portait divinement bien les bottes à talons et que ses bas on ne peut plus tape à l’œil mettaient scandaleusement en valeur ses jambes ; chose qui ne l'aiderait pas à se concentrer si – comme il aurait pu le parier avant même de l'accoster – elle se mettrait en tête, à un moment ou un autre de la soirée, de se coller à lui comme elle l'avait déjà fait en début de semaine.

Cela dit, loin de s'inquiéter des éventuels rebondissements que Tessa saurait assurément induire dans le déroulements de leur soirée, il accrocha un sourire avenant sur son visage et marcha vers elle jusqu'à se retrouver assez près pour, silencieusement, se pencher à son oreille et y glisser un murmure amusé : « Ils avaient pourtant pas dis qu'une léopard s'était échappée du zoo … Attention alors : si t'es vilaine je kidnappe et je te rends dans ta cage ! »

« SÉRIEUX? Non, attends, c'est pour lui que tu t'es aussi... » Excitée comme une puce, l'amie de Tessa avait brusquement échappé la tasse qu'elle tenait entre les mains. « Provocante? » ajouta la brune avec un sourire en coin alors qu'elle observait son reflet dans le miroir et remontait son bas gauche un peu plus. « Exactement. Romeo. Oh Romeeoooo. » « Ta gueule, t'es chiante! » répliqua Tessa en attrapant le coussin qu'elle avait posé sur la chaise près d'elle pour le balancer au visage de son amie. « Tu me raconteras tout? » « Certainement pas! » « La vie est vraiment injuste. T'en as rien à foutre de lui et t'as un rencart avec alors que moi, je le vois dans ma soupe et ... » « Qui t'a dit que j'en avais rien à foutre? C'est sexy, un brésilien. » ajouta Tessa en appliquant une couche de gloss sur ses lèvres. « Tessa amoureuse! Ce serait une première! » « Dis plus jamais ça. Je tombe jamais amoureuse. Je couche avec, je les largue, mais je tombe pas amoureuse. » Virulente, elle avait fusillé son amie du regard et cette dernière préféra hausser les épaules avant de quitter la chambre, ne serait-ce que pour ne pas se prendre une nouvelle réplique en pleine gueule. Quand Tessa était dans cet état, mieux valait la laisser tranquille et elle l'avait appris à ses dépens de longues années auparavant. Incertaine quant-à la manière de coiffer ses cheveux, elle tenta de les remonter, mais plissa le nez avant de les laisser retomber sur ses épaules. C'était mieux comme ça. Elle maquilla de noir le contour de ses yeux et appliqua une couche de mascara avant d'être satisfaite du résultat. Son mini-short en jeans était presque imperceptible sous le débardeur blanc assez long qu'elle avait décidé de mettre, le décolleté plongeant. De beaux anneaux d'argent aux oreilles - d'une taille relativement normale - venaient compléter son accoutrement et ce fut chaussée de bottes à talons dont elle ne se départait que rarement qu'elle put affirmer qu'elle était prête.

Elle quitta l'appartement qu'elle occupait - ou plutôt qu'elle squattait - en compagnie de son amie, mais celle-ci rentra chez elle et Tessa termina le trajet seule jusqu'au bar où elle avait rendez-vous avec le brésilien. « Je te sers quoi, ma belle? » demanda le barman dès lors qu'elle se fut installée au comptoir du bar en posant son sac à main sur le siège à ses côtés pour garder une place pour Romeo, visiblement absent. « J'attends quelqu'un. Clyde travaille pas, ce soir? » « Et non. Tu voulais le rendre jaloux, ou quoi? » « Clyde? T'es malade! Vas donc jouer les emmerdeurs ailleurs, je suis occupée! » Pouffant de rire à la réplique de la jeune femme alors qu'elle venait de sortir de son sac à main son téléphone portable sans même le regarder, il s'éloigna en secouant la tête, visiblement amusé de la situation. Après tout, ce n'était pas comme si le comportement effronté de Tessa lui était inconnu; elle avait toujours agit comme ça, d'aussi loin qu'il se souvienne. Poussant un soupir sans cesser de regarder l'heure sur son téléphone et la porte du bar qui s'ouvrait au gré des entrées et des sorties des clients, elle en vint à croire qu'il lui avait peut-être posé un lapin pour l'emmerder ou la faire languir, attitude qui l'aurait davantage énervée qu'autre chose.

Alors qu'elle se plaisait à contempler - et à critiquer silencieusement surtout - la tenue de celle qui se tenait non loin d'elle, elle perdit le fil des secondes qui s'écoulaient et ne vit venir le loup que lorsqu'il se retrouva à quelques centimètres de son cou, derrière elle. « Ils avaient pourtant pas dis qu'une léopard s'était échappée du zoo … Attention alors : si t'es vilaine que kidnappe et je te rends dans ta cage ! » Se mordant la lèvre en penchant délicatement la tête de côté pour plonger l'une de ses prunelles dans les siennes tout en lui offrant une vue rudimentaire sur son décolleté, elle l'attira un peu plus à elle en rejetant son bras par derrière et en faisant pression sur son bassin. « Si tu fournis la cage, je fournis les menottes. » proposa-t-elle, visiblement amusée de la réaction première de son partenaire. Son but premier en s'habillant de la sorte n'avait pas été de se montrer grotesque et vulgaire à tous les points de vue, elle avait surtout pensé, à tort peut-être, que ça lui plairait. « T'es en retard, pouilleux! On est plus au Brésil, ici! » Et puis, tout en le détaillant du regard, elle se releva de son siège avant de poser ses deux mains sur la taille du matelot, visiblement ravie de la vue qui s'offrait à elle. « En vérité ... Je devrai troquer le terme pouilleux pour autre chose parce que t'es vraiment pas mal, ce soir. » Elle avait délicatement attrapé le tissu de son jeans pour le tirer vers elle jusqu'à ce que leurs lèvres se frôlent presque, se reculant brusquement avant l'instant fatidique, joueuse. « Hey mec! On va prendre de la tequila! » fit-elle en accostant le barman qu'elle avait gentiment envoyé balader quelques instants plus tôt, mais qui savait pertinemment qu'il allait en avoir pour son pesant d'or, avec elle.

« Si tu fournis la cage, je fournis les menottes. » « Grrr ! » Ronronna-t-il, joueur, en posant une main sur sa taille. « T'es en retard, pouilleux ! On est plus au Brésil, ici ! » Levant les yeux au ciel, il la laissa se dégager de lui et se lever de son siège pour lui faire face. En retard, il l'avait toujours été, que ce soit à l'école, au travail où aux soirées, et le fait d'être au Brésil où non n'y changerait probablement jamais rien. Il était comme ça, il aimait flâner en plus de se laisser facilement distraire de l'heure butoir à laquelle arriver à un rendez-vous. « En vérité ... » En sentant la traction que les mains de la jeune femme effectuaient sur son jean pour le rapprocher d'elle, Romeo se laissa faire, toujours aussi amusé de voir à quel point elle prenait ses aises vis à vis de lui et en continuant à se demander si elle en faisait de même avec chacune des personnes qu'elle connaissait aussi peu qu'elle ne le connaissait. Pour tout dire, il n'avait pas besoin de poser la question à quiconque pour avoir un avis assez précis sur la réponse éventuelle. D'après ce qu'il avait retenu d'elle, il lui paraissait évident que Tessa n'était pas du genre à demander la permission. Et, dans un sens, tant mieux. Quoi de plus barbant, après tout, qu'une fille frileuse, hésitante et timide ? « Je devrai troquer le terme pouilleux pour autre chose parce que t'es vraiment pas mal, ce soir. » « Merci ... » Murmura-t-il avec un sourire de biais, tandis que le mot avait à peine le temps de mourir sur les lèvres toutes proches de l'américaine avant que cette dernière ne s'esquive pour mieux passer commande au barman.

Sans se départir de son aisance, il décida de revenir à la charge et entra cette fois-ci dans le rôle de celui qui attire l'autre en l'attrapant par l'un des anneaux en jean qui permettaient de passer une ceinture autour de sa taille féminine lorsqu'elle en avait envie. Ce soir là, en l’occurrence, il n'y avait aucune ceinture pour faire obstacle et c'était tant mieux. Son indexe s'accrocha avec adresse à la anse de tissu et tira délicatement vers lui la propriétaire du vêtement. « En vérité ... » Reprit-il, sur le même ton de confidence qu'elle avait utilisé une seconde ou deux auparavant, afin de l'obliger à recentrer son attention sur lui. « T'es pas mal non plus. » On aurait pu s'attendre à ce qu'il pousse son mimétisme jusqu'à venir lui aussi la narguer du bout des lèvres, mais il préféra adapter sa version du compliment en glissant plutôt sa main libre le long de la cuisse de la jeune femme pour venir emprisonner entre ses doigts le haut de son bas. « C'est l'avantage du froid ... » Murmura-t-il, en souriant, « A Brésil il fait trop chaud pour que les filles portent ça ... » Effectivement, peu de brésiliennes s'encombraient de bas de ce genre quand les températures avoisinaient les 28 ° en soirée … « Finalement, peut-être j'aime un peu l'Amérique et le climat du Nord. » Sa manière à lui, sûrement, de sous-entendre qu'il était content de l'avoir retrouvée dans ce bourg pourtant reculé et qui aurait pu paraître plus qu'improbable pour retrouvailles, sans pour autant qu'elle ne se sente pousser des ailes en prenant l'aveu pour une déclaration d'amour ...

« Tequila ! » La voix du barman qui revenait avec deux verres d'alcool interrompit le jeu de regards et incita Romeo à tourner les yeux vers le comptoir tandis que ses mains retournaient bien gentiment dans ses poches. Maintenant que les consommations lui faisaient de l’œil, il réalisait qu'il avait soif et ne tarda pas à prendre place sur le tabouret libre à côté de celui de Tessa. « Tu vois, je retarde, mais j'ai pas perdu la route, moi ! » Releva-t-il, taquin, comme référence à sa présence en ces lieux - par opposition aux déambulations hasardeuses de sa comparse lors de leur première rencontre – et en attrapant un verre avant de tendre l'autre dans sa direction. « Qu'est ce qu'on trinque ? » S'interrogea-t-il par la suite, le verre suspendu en l'air, en quête d'inspiration.

Ravie de le savoir aussi réceptif, Tessa prit plaisir à se retrouver de nouveau à quelques centimètres du brésilien, aucunement vexée par la façon dont Romeo était parvenu à l'attirer jusqu'à lui. « En vérité ... T'es pas mal non plus. » Visiblement charmée par le ton qu'il employait - et qui lui rappelait en tout point sa propre attitude quelques instants auparavant - la jeune femme se mordit la lèvre avant de se rapprocher très légèrement de manière à ce qu'elle n'ait qu'à lever délicatement les yeux pour plonger son regard dans le sien. « Je savais que le style léopard te plairait. Y'en a pas qui courent les rues, au Brésil? » susurra-t-elle à son oreille en accueillant avec un frisson le geste de Romeo, apparemment destiné à lui faire envie. Un frémissement lui parcourut l'échine alors que la main du brésilien glissait sur sa cuisse dénudée, démarche qui soutira un sourire rayonnant à la jeune femme maintenant qu'elle savait qu'il n'était pas du genre à la laisser jouer toute seule. « C'est l'avantage du froid ... A Brésil il fait trop chaud pour que les filles portent ça ... » Amusée, l'une de ses mains glissa sur le bras de Romeo afin de venir se poser sur la sienne en y octroyant une légère pression. « Finalement, peut-être j'aime un peu l'Amérique et le climat du Nord. » « Le Brésil aussi, c'est en Amérique. » blagua-t-elle en jouant sur les mots, tentant vraisemblablement de l'exaspérer joyeusement. « Il faut bien qu'il y ait des avantages à vivre en Sibérie. » avoua-t-elle en exagérant le climat frileux du nord. Le Maine n'était pas non plus l'Arctique et si la température n'y était pas aussi clémente qu'au Brésil en vertu des vents et des pluies proéminentes, Tessa ne pouvait pas affirmer crever de froid même en été.

« Tequila ! » La jeune femme porta son attention sur le barman alors qu'elle abandonnait l'idée de se montrer de nouveau entreprenante avec celui qui était visiblement attiré par la perspective d'une bonne cuite. « Tu vois, je retarde, mais j'ai pas perdu la route, moi ! » Levant les yeux au ciel en riant, Tessa poussa un soupir d'un air faussement exaspéré. « Pour se perdre à Arrowsic, faut vraiment être nul. C'pas comme si t'avais des dédales de rues interminables, avec des tonnes de mecs bourrés qui dansent la salsa même dans les rues! Tu te reconnais? » demanda-t-elle en pouffant de rire, ramenant aussitôt ses fesses sur le tabouret qu'elle avait occupé quelques instants auparavant en attrapant le verre qu'il lui tendait. « Qu'est ce qu'on trinque ? » « À ton bateau qui, au rythme où ça va, ne sera pas réparé avant 2014? » proposa-t-elle en riant, arquant un sourcil charmeur et blagueur afin de ne pas vexer son compatriote. Elle ne le connaissait pas suffisamment pour savoir si oui ou non elle pouvait se permettre ce genre de remarques sans qu'il ne le prenne mal, mais au vu de ce qu'elle savait déjà de lui et de son attitude, ce n'était certainement pas ce genre de petite boutade qui allait le freiner. Tout comme Tessa prenait la vie à la rigolade, elle avait l'agréable impression que Romeo ne faisait pas exception à la règle. En vérité, elle n'avait vu le bateau du brésilien que quelques jours après son arrivée au village, sans savoir qu'il lui appartenait, et ne savait plus vraiment où en étaient les réparations, si bien qu'il pouvait être presque entièrement réparé qu'elle n'en aurait rien su. Toutefois, puisqu'il avait affirmé que ça prenait plus de temps que prévu, elle en avait conclut qu'il n'était pas encore prêt de remettre la barque à flot, ce qui s'avérait être une bonne chose en soi.

Relevant son verre afin de trinquer à cette idée on ne peut plus farfelue de le savoir encore avec elle pour plusieurs années, elle but d'un coup sec le shooter en grimaçant agréablement sous le trajet de l'alcool fort au creux de sa gorge. Si un seul verre ne permettait pas de s'hydrater comme elle l'aurait voulu, elle devait avouer que se retrouver en compagnie de Romeo suffisait à lui faire monter l'alcool à la tête. Laissant sa jambe frôler la sienne avec délice, elle fit exprès de ne pas le regarder, comme si ce geste était totalement imprévu, voire même accidentel. « Tu t'en allais où comme ça, avant l'ouragan? T'avais l'air à ta place parmi les pouilleux, qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis? » demanda-t-elle en posant son regard sur lui, visiblement intéressée par sa réponse. Elle s'était un peu rapprochée de manière à ce qu'il entende un peu mieux ce qu'elle avait à dire avec la musique et le fond des conversations externes à la leur, laissant l'une de ses mains se poser sur la cuisse de ce dernier pour prendre appui.

« À ton bateau qui, au rythme où ça va, ne sera pas réparé avant 2014 ? » L'accompagnant dans son rire entendu, Romeo acquiesça et tapa son verre contre celui de la jeune femme avant d'avaler, tout comme elle, le contenu d'un seule traite. Lorsqu'il reposa le récipient sur le comptoir, il secoua légèrement la tête en poussant un " ah ! " silencieux, révélateur des picotements que l'alcool fort avaient fait naître dans sa gorge ; et, tandis qu'il effectuait un moulinet de l'indexe en direction du barman pour lui faire comprendre qu'il payait la deuxième tournée, son regard tomba sur la jambe de Tessa qui, mine de rien, s'était rapprochée de la sienne jusqu'à venir la frôler. De là, ses yeux firent la navette entre ladite jambe et le profil de sa propriétaire jusqu'à ce qu'un sourire désabusé lui étire les lèvres lorsqu'il réalisa - loin d'être dupe - que ce faux air de ne pas y toucher n'était qu'un stratagème de plus dans le jeu de séduction de la belle.

« Tu t'en allais où comme ça, avant l'ouragan ? T'avais l'air à ta place parmi les pouilleux, qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis ? » Penché en direction de Tessa afin de mieux entendre ce qu'elle avait à dire sans qu'elle ait à crier, Romeo observa sans rien dire le manège de sa main qui prenait appui sur sa cuisse. Avec un sourire toujours plus large, il rît de plus belle et répondit sur le ton de la dérision, puisqu'il pensait déjà savoir de quelle manière désinvolte, voire même moqueuse, elle allait lui répondre après avoir entendu ses explications : « Quoi, les pauvres ont pas le droit de voyager ? » Fit-il, faussement vexé, avant de reprendre. « J'ai pas choisi la destination de fin encore ... D'abord je tourne l'autour du monde, après je décide si je reviens à Brésil. » Sentant venir le sarcasme et les remarques de la belle sur ses ambitions folles et le caractère quasi utopique, voire même naïf, de ce voyage qu'il avait pourtant déjà mis en marche, il prît un faux air sérieux et profita que leurs nouvelles consommations leur soient servies pour s'emparer des deux verres et pousser une fois de plus l'un d'eux verre Tessa.

Là comme pour donner à ses explications un côté plus métaphysique et, en quelque sorte, pour prouver que ce voyage n'était pas qu'un sujet sur lequel plaisanter en le traitant d'idiot du village aux perspectives d'avenir démesurées, il leva sa tequila et porta un nouveau toast : « Au voyage pour trouver le sens de ma vie et ma place dans le monde. » Son regard, pénétrant, s'accrocha volontairement à celui de la jeune femme avant qu'il n'avale une nouvelle fois, cul-sec, le contenu de son verre. « Et toi, le sens de ta vie ? Comment il va ? » Finit-il par demander après avoir ravalé une grimace et battu des cils pour faire passer le frisson provoqué par l'alcool.

« Quoi, les pauvres on pas le droit de voyager ? » « Se promener dans les ruelles c'est déjà un effort et un voyage en soi! » rigola-t-elle avant de reprendre son sérieux pour écouter ce qu'il avait à dire. « J'ai pas choisi la destination de fin encore ... D'abord je tourne l'autour du monde, après je décide si je reviens à Brésil. » Arquant un sourcil en manquant s'étouffer avec sa salive, elle n'eut aucun mal à prendre à la légère ce qu'il venait d'affirmer. C'était bien la deuxième fois qu'on lui parlait de tour du monde, c'était donc devenu une tare? Tout le monde partait comme ça, à la dérobée, sans prendre la peine de se demander si c'était réaliste ou si, au contraire, c'était un rêve d'une ampleur démesurée? Sceptique, la jeune femme avait délaissé la cuisse de Romeo pour attraper le verre qu'il poussait dans sa direction, un sourire moqueur aux lèvres. « Encore heureux que tu ne te sois pas perdu dans le Triangle des Bermudes. » C'était sa façon à elle de lui faire comprendre les dangers de son expédition et le scepticisme avec lequel elle accueillait la chose. Non seulement elle ne croyait pas qu'il puisse réaliser son but de faire le tour du monde, mais elle pensait également qu'il mettait la barre beaucoup trop haute quant à ses propres capacités de navigateur. Être aux commandes d'un bateau sur le bord de la baie n'avait rien à voir avec le fait de se retrouver en plein océan, perdu et désorienté pendant des jours. « C'est même plus du courage, à ce point-là, c'est de la folie! » rit-elle en secouant légèrement la tête, un rire délicat, mais avec une pointe d'angoisse, perçant alors qu'elle haussait les épaules de manière à le rassurer sur le fait que ce n'était décidément pas de ses affaires et qu'elle n'en avait à peu près rien à foutre.

« Au voyage pour trouver le sens de ma vie et ma place dans le monde. » « Et moi j'irai déposer un verre de tequila sur ta tombe, si on retrouve ton corps. » blagua-t-elle sans perdre le contact visuel qu'il s'était plu à instaurer. Avalant d'une traite le contenu de son verre, Tessa grimaça en riant, prenant à la légère ces rêves de liberté et ces envies aventurières. Pour l'instant, il était cloué ici et il ne semblait pas prêt à reprendre son voyage de sitôt, pas tant que son bateau ne serait pas remis à flot. « Et toi, le sens de ta vie ? Comment il va ? » Surprise du sens évoqué par ses paroles, elle resta silencieuse un moment, perplexe. Haussant les épaules en arquant un sourcil, elle finit par reporter son attention entière sur Romeo, tentant de retrouver ce charme qu'elle savait largement démontrer en toute occasion, bien qu'il l'ait quelque peu déstabilisée. « Il roule dans le bon sens! Faudra prendre garde à tes fesses quand j'aurai rejoint les forces de l'ordre! » menaça-t-elle en levant l'index de manière à l'avertir. Évidemment, Tessa avait beaucoup de mal à imaginer ce que serait sa vie lorsqu'elle terminerait ses études, pour la simple et bonne raison qu'elle aimait trop tout ce qui touchait à la fête pour s'en priver. De toute façon, ils étaient nombreux à pouvoir donner l'exemple, elle n'était pas obligée de se retrouver dans le lot, non? Suivant le rythme musical de son pied afin de penser à autre chose qu'à sa vie relativement chaotique, elle n'eut qu'à lever les yeux et croiser le regard du barman d'un signe de tête entendu pour qu'il leur amène de nouveaux verres d'alcool; autant partir la soirée du bon pied, non? Le barman déposa deux verres devant chacun d'eux alors qu'un léger sourire en coin prenait naissance sur les lèvres de Tessa. « À notre soirée de retrouvailles. » fit-elle à son oreille avant de lever le premier verre pour trinquer avec lui et avaler l'alcool cul sec. Toutefois, pour le second, elle s'amusa à amener son propre verre aux lèvres de Romeo, comme ces amoureux qui entrelaçaient - ou qui s'emmêlaient, c'était à voir - les bras de manière à faire boire à l'autre le contenu de leur verre, visiblement curieuse de voir sa réaction alors qu'elle-même semblait s'en amuser.

D'aucuns, et Tessa en faisait visiblement partie, trouvaient que sa décision prise sur un coup de tête était folle en plus d'être irréaliste, qu'elle représentait un danger pour sa vie et qu'il avait plus de chances de mourir avant d'avoir réellement fait le tour du monde plutôt que d'arriver à bon port. Mais cela ne l'atteignait ni ne le chagrinait outre mesure. Il fallait dire que si Tessa avait pour caractéristique celle de tout se permettre sans se soucier d'avoir la permission des autres, Romeo, lui, n'avait pas pour habitude de s'interdire quoique ce soit sous prétexte que l'opinion publique ne tendait pas à approuver la nature de ses entreprises. Ce tour du monde, c'était le sien. Son voyage, son périple, tout comme sa vie n'appartenait qu'à lui ; ce qui le laissait avant toute chose maître de son esprit et capitaine de son âme (comme disait l'autre ...). Combien de fois dans sa vie aurait-il eu l'occasion d'abandonner et de se morfondre s'il avait fallu qu'il écoute à chaque fois les remarques de ceux qui ne croyaient pas en lui ? Depuis le premier jour de son existence, il était né avec les aprioris que les petites filles riches comme Abrams avaient sur les gens des classes sociales dites défavorisées, comme la sienne, mais il n'en avait jamais démordu et persévérait à croire que c'était son courage et sa foi inébranlable en l'avenir et en lui-même qui faisaient toute sa richesse. Car, après tout, n'avoir peur de rien et ne pas faire preuve d'un rationalisme tout juste bon à tuer dans l’œuf toute idée hors norme et non conventionnelle, c'était ça sa vrai valeur, sa vrai force, ce qui faisait de lui un homme libre, heureux et fier d'être qui il était, au mépris des idées qu'on pouvait se faire sur son caractère considéré comme fougueux, irréfléchi et parfois qualifié de puéril. En parfait accord avec lui-même, il n'eut donc aucun mal à laisser glisser sur lui les propos sceptiques et moqueurs de l'américaine. C'est même avec sourire qu'il lui répondit et qu'il laissa la conversation embrayer sur sa vie à elle, sans plus chercher à justifier son choix personnel.

« Il roule dans le bon sens ! Faudra prendre garde à tes fesses quand j'aurai rejoint les forces de l'ordre ! » Là, il ne put retenir un éclat de rire à mi-chemin entre insolence et mépris, mais il se garda bien de tout commentaire, comme si souligner le fait qu'elle n'était pas prête de l'impressionner n'était pas nécessaire et qu'il ne voulait pas se donner la peine de briser ses rêves d'agent tyrannique et autoritaire au possible. Au lieu de quoi, il se contenta de secouer la tête avec entendement et attrapa l'un des verres que le barman venait de déposer devant eux, à la demande silencieuse de Tessa. « À notre soirée de retrouvailles. » « À nous. » Paracheva-t-il sur le même ton, en levant une fois de plus le coude, sans nécessairement réaliser qu'ils descendaient les verres à une vitesse peut-être un peu trop rapide pour un début de soirée. Mais qu'importe l'ivresse, la fête n'avait pas de limites et il était le premier à le savoir ...

Lorsque la jeune femme s'arrangea pour entremêler leurs bras tout en lui plaçant sous le nez sa deuxième tequila, il ne put réprimer un haussement de un sourcil charmeur tout en se prêtant au jeu et en avalant une gorgée de l'alcool qu'elle lui proposait. Cependant, il refusa de mimer l'exacte réplique de son geste pour elle aussi la faire boire dans son verre. Au lieu de quoi, il s'humecta les lèvres, retira sa téquila de la portée de Tessa alors que le verre n'était plus qu'à un centimètre où deux de sa bouche, reposa le récipient sur le bar et surprît tout le monde (on entendait par là la principale concernée, une cliente qui les regardait du coin de l’œil mais aussi le barman qui n'avait pas lâché la scène des yeux, pariant probablement avec lui-même sur celui des deux qui finirait ivre avant l'autre ...) en profitant de l'état d'incompréhension dans lequel son attitude venait de plonger sa comparse pour se pencher vers elle et capturer ses lèvres avant même qu'elle n'ait pu se reculer, cette fois-ci. De surcroit, il profita de sa main libre (celle qui ne maintenait pas son verre sur le comptoir) pour prolonger ce baiser chaste en capturant au creux de sa paume la nuque de la jeune femme ... Ce n'est qu'après quelques secondes de pression à la fois appuyée et délicate qu'il consentit à s'écarter d'elle pour mieux la gratifier du sourire resplendissant qu'on lui connaissait bien. « Goutte tes lèvres maintenant ... » Lui intima-t-il, malicieusement, « Elle ont le goût des téquilas. »

A cet instant, Romeo resplendissait de la force intrépide, sans peur et sans reproches qui faisait peut-être de lui un imbécile heureux aux yeux de la jeune femme, oui, mais un imbécile qui osait ce que bon nombre d'hommes ne se serait probablement pas permis tandis que, accoudés à ce bar, ils étaient en proies à tous les regards et, par conséquent, à toutes les moqueries en cas de riposte manuelle (comprenez " gifle bien sentie ") ^^

« À nous. » Alors qu'elle s'apprêtait à avaler le liquide alcoolisé en approchant ses lèvres, ravie de voir qu'il prenait plaisir à jouer le jeu malgré le ton sans doute un peu trop sarcastique qu'elle avait utilisé afin de parler de son projet d'avenir, elle fronça légèrement les sourcils alors qu'il reculait sa main de manière à poser le shooter sur le comptoir, devant eux. Malicieuse, elle plongea son regard au creux du sien - trop tard - et ne vit pas venir le coup qu'il se décida à lui asséner en l'embrassant avec délicatesse, sa main juchée tout contre sa nuque. Frémissante alors qu'elle ne s'était pourtant pas attendue à ce genre de sensations, elle répondit avec un peu plus de fougue à ce baiser, fermant même les yeux afin de profiter de cet instant comme elle aurait sans doute aimé le faire trois ans auparavant, à Florianopolis. « Goutte tes lèvres maintenant ... Elle ont le goût des téquilas. » Presque déçue de le voir s'éloigner alors qu'elle mit quelques secondes avant d'ouvrir les yeux, ce fut un sourire rayonnant qu'elle lui servit avant de passer impétueusement sa langue sur ses lèvres en réponse à sa requête, se faisant volontairement aguicheuse du même coup. Se mordant la lèvre alors qu'elle saisissait entre le pouce et l'index le petit verre qu'il avait finit par délaisser, elle avala l'alcool d'une traite sans le lâcher des yeux alors qu'elle sentait son coeur battre à tout rompre dans sa poitrine et des frissons lui parcourir l'échine. Décidément, ce mec-là était différent des autres et la soirée serait possiblement différente de ce qu'elles étaient habituellement lorsque Tessa se trouvait dans la place. Au diable les tentatives d'allumage sur la moitié des gars présents; ce soir-là, elle n'avait d'yeux que pour lui. Séduisant, de bonne compagnie et charmeur de surcroît, il avait décidément tout pour lui plaire et elle n'en démordrait pas.

« Elles ne goûtent pas la tequila ... Elles goutent toi. » affirma-t-elle avant de poser ses deux pieds au sol et de reculer en instaurant toujours une plus grande distance entre eux. Se déhanchant au rythme de la musique alors qu'elle avait toujours conservé ses prunelles au creux des siennes, elle tendit les bras, langoureuse, de manière à l'inviter à danser en sa compagnie. Électronique, la musique n'était décidément pas la meilleure pour se laisser aller et danser en suivant le rythme musical, mais Tessa n'en avait que faire et s'enfonça à travers la foule des danseurs - quoique les qualifier de danseurs était quand même un terme un peu obsolète en voyant à quel point ils préféraient tenir leurs verres en se contentant de quelques pas de danse ou de quelques sauts de temps à autre - avant de tourner les talons et de se diriger comme une princesse très légèrement affaiblie par l'alcool et l'ambiance déjà réchauffée du lieu vers le promontoire où se tenait le DJ, y grimpant sans demander la permission afin de porter ses lèvres à son oreille pour lui demander la chanson qu'elle voulait. Cliente régulière, ce dernier eut un léger hochement de tête, sourire aux lèvres, alors que la jeune femme était déjà redescendue et cherchait son brésilien du regard. La chanson précédente tirant sur sa fin, Tessa tourna la tête vers celui qui accèderait à sa requête et un clin d'oeil amusé lui fit comprendre que sa chanson suivrait bientôt. Voire très bientôt.

Dès les premiers accords, elle sut que c'était la sienne et se mordit la lèvre avant de tenter de faire les pas qu'il lui avait appris des années plus tôt et dont elle ne se rappelait que quelques bribes. Toutefois, elle avait le déhanchement à la perfection - elle l'avait tellement pratiqué ! - et ne s'en priva pas, laissant ses cheveux glisser derrière elle en un volute de fraîcheur. Ses prunelles trouvèrent enfin les siennes et s'y accrochèrent, malicieuse.

« Elles ne goûtent pas la tequila ... Elles goutent toi. » Ça avait fait son effet ! Pas de gifle, pas de râteau mémorable, rien d'autre qu'un sourire charmé et une invitation silencieuse à la suivre sur ce qui semblait être une piste de danse improvisée, au beau milieu du bar, et sur laquelle quelques clients gigotaient, sans grande conviction, tout en parlant et en sirotant leur verre. Comment alors ne pas afficher un sourire à la fois fier de son coup et teinté d'une suffisance adorable qu’horripilante ?

Toujours partant pour se trémousser - origines latines obligent - Romeo ne se fit pas désirer plus longtemps et emprunta le sillage laissé par l'américaine tandis que cette dernière s'enfonçait jusqu'à l'estrade sur laquelle œuvrait le DJ. L'attendant en retrait, notre marin eut tout le loisir de constater que la téquila commençait à faire son effet et que passer de la position assise à la position verticale en si peu de temps avait fait naître en lui une agréable impression d'ivresse. Juste assez saoul pour ne plus s'inquiéter des détails superflus et pour ne focaliser son attention que sur ce qui était important, à savoir le déhanchement de Tessa maintenant que la musique électronique avait laissé place aux rythmes sucrés et sensuels de son pays, il se rapprocha d'elle et lui attrapa les mains comme pour l'inciter à se laisser guider. Il était agréablement surpris de constater qu'elle n'avait pas tout oublié des pas qu'il lui avait appris quelques années auparavant et, ce soir, sachant qu'ils avaient une nouvelle fois toute la nuit devant eux, il se serait bien vu lui en apprendre de nouveaux, comme si décor, position géographique et températures nordiques n'avaient plus d'importance et que le fait de danser sur un air de salsa les renvoyait à cette nuit dans les bars de Florianopolis où ils avaient fini par se rendre compte que l'autre n'était pas nécessairement le petit merdeux et la petite conne qu'ils avaient pensé au début.

Peut-être n’était-ce que l’effet de son imagination, mais Romeo avait la très nette impression que Tessa et lui étaient fait pour danser ensemble. Elle, intuitive, savait s’adapter à chacun de ses pas tout en restant fluide et sensuelle dans ses mouvements tandis que lui, élevé à la salsa et aux rythmes qui vous entrainent que vous en ayez envie ou non, n’avait qu’à guider la belle pour que leur duo étonnement complémentaire fende la foule et virevolte au gré des accords de guitare et des effusions de trompette. Et plus la musique allait crescendo en s’emportant et en prenant un rythme toujours plus fougueux, plus la parade de leurs corps transportés se faisait fougueuse et téméraire. Avec l’alcool et l’application qu’il s’avait mettre à ses gestes lorsqu’il dansait sur ce genre de mélodies, Romeo était capable de sentir la musique jusque dans la plus infime fibre de son corps. Il avait d’ailleurs l’impression d’avoir transmit à Tessa, le temps cette danse, cette capacité qui faisait de lui un danseur à la fois sans gêne et sans hésitations ; si bien que la jeune femme ne sembla ni surprise ni réticente lorsque, sur la dernière note salsa, il referma l’un de ses bras autour de sa taille pour la faire basculer en arrière et se courber d’une façon qui lui permit, par la même occasion, de s’incliner par-dessus elle pour venir lui embrasser la gorge. Point final, tombé de rideau. Un nouveau sourire se dessina sur son visage tandis que ses lèvres se décollaient lentement de la peau douce et tiède de la jeune femme. Doucement, il s’aida de leurs mains entrelacées pour la redresser en position normale et profita que la playlist du DJ embraye sur un slow bien plus calme pour la faire tourner une dernière fois sur elle-même avant de la ramener contre lui et de poser ses mains sur ses hanches.



« Je crois le DJ veut faire passer un message de jalousie avec cette musique … » Murmura-t-il à son oreille après avoir dégagé ses cheveux vers l’arrière d’un délicat geste de la main et en se basant sur ce qu’il comprenait des paroles de la chanson pour en arriver à cette conclusion. Sans scrupules, son regard profita que Tessa se trouve dos tourné à l’estrade sur laquelle œuvrait ledit DJ pour décocher un regard insolent à ce dernier tout en profitant de sa proximité avec la belle pour respirer son odeur. Tant pis pour lui, après tout. Il n’avait qu’à se bouger avant.

Le laissant attraper ses mains avec délice alors qu'elle était prête à suivre la cadence qu'il saurait leur instaurer, l'esprit agréablement embrumé par l'alcool qu'ils venaient tous deux d'ingérer, elle se surprit à apprécier de le savoir aussi directeur. Elle voulait qu'il guide leurs pas, elle adorait se montrer détendue afin qu'il lui soit facile de l'entraîner dans des figures complexes qu'elle ne connaissait pas, mais qu'elle semblait déjà maîtriser par la seule force des mains de Romeo qui lui montraient où placer les siens. Fougueuse, mais on ne peut plus gracieuse, elle bougeait les hanches au rythme de la musique et tout son corps semblait appeler au plaisir que lui procurait cette danse effrénée en compagnie de celui qui avait su attiser sa curiosité dès le départ. En fait, Tessa Abrams pouvait bien dire ce qu'elle voulait, mais Roméo ne manquait pas de l'intriguer; elle ignorait qui il était, elle ne savait plus que penser de son voyage autour du monde et il était tellement séduisant qu'elle avait l'impression de fondre dans ses bras. Tessa ne ressentait jamais ce genre de choses, d'habitude, puisqu'elle prenait les hommes comme des objets et refusait de s'attacher lorsqu'elle les fréquentait. Avec lui, c'était différent et elle adorait jouer, le voir frémir sous ses caresses parfois subtiles, parfois moins. Il ne semblait pas timide, ni même pudique, et il lui semblait que c'était l'une des raisons pour lesquelles ils se complétaient si bien. Au diable ce que tout le monde pouvait bien penser de leurs mouvements fluides et sensuels alors qu'ils ressemblaient à des étrangers refusant d'accepter que les moeurs et les coutumes aient pu changer. La jeune femme avait eu envie de lui faire plaisir et elle devait avouer que ce genre de danse - mais aussi toute la proximité qui en résultait - lui avait manqué.

Détendue, elle suivait ses gestes à la lettre et le laissa faire en lui accordant une confiance absolue lorsqu'il la fit basculer, persuadée qu'il la retiendrait. Néanmoins, les lèvres du brésilien dans son cou lui auraient fait perdre prise si seulement ses mains ne l'avaient pas soutenue, alors qu'elle sentait une vague de frémissements l'envahir. La tête lui tournait dans cette position et ce fut d'un léger soupir soulagé qu'elle accueillit le redressement qu'il lui offrit, laissant échapper un rire léger alors qu'il la faisait tournoyer et qu'elle collait par la suite volontairement son corps au sien pour lui faire regretter de lui faire perdre autant ses repères. « Je crois le DJ veut faire passer un message de jalousie avec cette musique … » Amusée par les paroles de son partenaire, Tessa ne prit même pas la peine de jeter un coup d'oeil au jaloux, préférant profiter de cet instant de répit pour approcher son oreille de celle de Roméo. « Pas mon genre. » murmura-t-elle avant d'attraper délicatement et subtilement son lobe entre ses lèvres alors que son souffle venait caresser son cou d'un effleurement léger. Sans se douter du jeu de regard qui se passait dans son dos, elle glissa avec douceur l'une de ses mains sur la joue de Romeo alors que ses prunelles se fondaient dans les siennes et qu'elle était persuadée qu'on pouvait ressentir les battements de son coeur à des kilomètres à la ronde. Aguicheuse, mais néanmoins soucieuse, cette fois, de le charmer véritablement plutôt que de simplement s'assurer de le chauffer, elle laissait son corps épouser le sien sans le quitter du regard, ses doigts traçant délicieusement quelques courbes sur sa nuque de manière à le faire frissonner.

« L'ambiance est sympa ici aussi, non? » Malgré la musique, ils étaient si proches qu'elle n'avait pas réellement besoin de parler très fort pour qu'il l'entende. Suspendue à quelques centimètres de ses lèvres, elle tentait de résister à l'appel, mais ne put y parvenir qu'en déposant ses propres mains sur celles qui entouraient sa taille de manière à se retourner, dos contre lui. Portant ses cheveux d'un seul et même côté de son visage, elle pencha légèrement la tête de manière à le regarder et à lui offrir son cou, ses doigts s'entrelaçant suavement aux siens alors qu'un sourire léger imprégnait ses lèvres.

C'est le murmure de Tessa à son oreille qui le fit revenir à leur conversation et cesser de narguer puérilement le Dj derrière ses platines. Stimulé par les quelques frissons qui naquirent au creux de sa nuque lorsqu'elle lui mordilla le lobe et se mit à lui caresser la joue, Romeo resserra subtilement sa prise autour des hanches de la jeune femme, comme pour mieux l'encourager à continuer sa danse à la fois rapprochée et juste ce qu'il fallait de lascif pour le maintenant en alerte, sans pour autant l'allumer comme cela avait été le cas dans le garage, quand la Tessa plus aguicheuse que charmeuse avait pris possession de la situation pour jouer avec sa capacité à résister aux tentations. Intéressé par l'intensité de son regard, il ne focalisa plus que sur elle pour lui rendre ses œillades et continuer leur danse au rythme lent du slow qui semblait bercer toute l'assistance.

« L'ambiance est sympa ici aussi, non ? » Après avoir levé les yeux au ciel pour mimer un semblant d'exaspération, Romeo profita de sa proximité pour asséner à l'américaine un coup de nez rebelle destiné à la faire taire. Ce n'est qu'une fois qu'elle eut tournée sur elle-même pour venir se coller dos à lui et qu'il eut terminé de souffler avec une taquinerie sensuelle un filet d'expiration le long de son cou qu'il se décida à répondre, en resserrant ses doigts autour des siens ( XD ): « Sympa, oui. » Avoua-t-il d'une voix égale, avant de continuer dans un murmure qu'il voulait qu'elle soit la seule à entendre, « Et je préfère quand tu fais du vrai charme que quand tu fais qu'allumer pour tester ... ». Nouvelle preuve de franchise de la part du Brésilien et cet aveu reflétait parfaitement le fond de sa pensée. Plus calme, plus naturelle et, quelque part, plus fragile lorsqu'elle se comportait comme elle se comportait avec lui depuis qu'ils étaient sur la piste de danse et non pas comme elle le faisait au bar avec un gringue trop avenant pour laisser de la place à tout ce qu'il y avait de beau et d'attirant dans le fait de sentir l'autre fébrile à l'idée d'entrer en contact avec lui, Romeo la préférait dans son rôle de Tessa " tout court " que dans celui de Tessa " prédatrice sexuelle à tendances nymphomaniaques ". Pour tout dire, en plus de la préférer dans cette attitude plus simple et plus vulnérable, il devait même avouer être plus attiré par elle lorsqu'elle se dévoilait sous ce jour peut-être un peu trop délicat pour l'image de peste qu'elle renvoyait si souvent qu'il n'avait aucun mal à deviner que tout cela n'était qu'une volonté de sa part pour rejeter on-ne-sait-quoi.

Curieux, il n'hésita pas à aborder le sujet (mettre les deux pieds dans le plat ayant toujours été sa manière favorite de procéder). Pour amorcer son intrusion dans le jardin secret de la belle, il s'appliqua tout d'abord à faire courir l'extrémité de ses doigts (toujours entremêlés aux siens) le long de son ventre, comme pour la détendre et la relaxer alors qu'il pensait la connaître assez pour savoir que ce qu'il ne tarderait pas à lui chuchoter à l'oreille risquait de la faire se refermer sur elle-même où, pis, se draper de moqueries et autres manières de peste comme elle semblait le faire à chaque fois qu'on abordait un point sensible ... « De quoi t'as peur Tess' ? » Susurra-t-il sans arrêter d'onduler au rythme de la musique, « Qu'on se déçoive de voir que t'es pas aussi gamine et peste que tu veux montrer ou que je préfère la Tessa romantique à l'autre qui dit qu'on couche quand je veux comme un jeu ? » Instant fatidique ... Encore une fois, il avait bien conscience qu'une claque pouvait se perdre en cours de route, mais qu'importe, ça ne serait ni la première ni la dernière qu'il se mangerait en pleine poire en guise de rançon à sa franchise dérangeante.

Spoiler:

Tessa accueillit son coup de nez en riant, mais redressa vivement les épaules lorsque le souffle de Roméo la chatouilla dans le cou. Elle tourna légèrement la tête vers lui, sensuelle, alors que son partenaire glissait quelques mots à son oreille. « Et je préfère quand tu fais du vrai charme que quand tu fais qu'allumer pour tester ... » « C'est plus facile, d'allumer... » Charmer était comme une seconde nature, chez elle, mais elle s'était rendue compte, avec les années, que c'était bien plus facile de faire comme s'il y avait rien de plus qu'un jeu, comme si l'autre n'était plus qu'un homme parmi tant d'autres. Néanmoins, il ne lui avait suffit que d'une danse pour revenir trois ans en arrière et retrouver le Roméo qu'elle avait connu et qui n'avait pas vraiment changé. Solide sur ses jambes malgré l'alcool, il la guidait à la perfection et elle n'avait plus qu'à laisser ses pieds suivre le rythme sans se poser de questions. Mais elle était trop proche. Cette danse-là ne lui permettait pas de conserver une distance raisonnable entre son propre corps et celui du brésilien et elle se sentait fondre dans ses bras. Elle l'avait toujours dis, elle n'était pas faite pour ça. Les câlins romantiques, les caresses n'ayant que le but d'attiser un feu que ni l'un ni l'autre ne voulait voir s'éteindre, les mots glissés à l'oreille avec une sensualité déconcertante ... Tessa réussissait particulièrement bien à demeurer indifférente aux avances de ceux qu'elle avait côtoyé en ne s'attardant qu'à la superficialité de chacune de ses relations. Or, c'était apparemment plus complexe avec Roméo puisque ce dernier parvenait à faire naître en elle une passion et une envie qu'elle aurait préféré voir s'écrouler plutôt que de prendre ainsi de l'ampleur.

Les doigts du brésilien, entrelacés aux siens, glissèrent sur son ventre avec délicatesse alors qu'elle se serrait un peu plus contre lui en laissant son dos épouser parfaitement le torse et le ventre de son partenaire. « De quoi t'as peur Tess' ? » Sans même réfléchir alors qu'elle avait cru qu'il blaguait, Tessa répondit, à brûle pourpoint: « Les serpents, c'est pas mon truc. » Pourtant, elle aurait dû savoir qu'il ne s'en tiendrait pas à une seule question et que ce n'était que l'introduction; elle l'avait sous-estimé sur le coup. « Qu'on se déçoive de voir que t'es pas aussi gamine et peste que tu veux montrer ou que je préfère la Tessa romantique à l'autre qui dit qu'on couche quand je veux comme un jeu ? » Ses mouvements se firent un peu plus raides et elle se serait très certainement détachée de lui si seulement son odeur et ses caresses ne l'avaient pas retenue prisonnière. Laissant sa tête retomber sur le torse de ce dernier alors que ses sourcils froncés ne pouvaient qu'annoncer une réflexion profonde, elle se mordit la lèvre inférieure alors qu'elle retrouvait peu à peu la grâce et la fluidité qui la caractérisaient. « Être romantique, tout comme les serpents, c'est pas mon truc. » débuta-t-elle alors qu'elle profitait d'un léger relâchement pour se retourner de nouveau face à lui. Et là, sans crier gare, elle l'embrassa, ses mains glissant jusqu'à sa nuque afin d'approfondir le baiser. Vif. Brûlant. Passionné. Excessivement prompt. Pourtant, lorsque ses lèvres quittèrent les siennes et que ses doigts caressèrent en un mouvement impulsif et incontrôlé ses bras, elle porta son regard dans le sien, troublée. « Ou peut-être que j'ai peur de ça. » avoua-t-elle alors qu'elle venait d'avoir la réponse à sa question et qu'elle laissait ses doigts dessiner des cercles circulaires là où devait se trouver son coeur, inconsciemment. Ce qu'elle ressentait ne lui était pas étranger, mais pour la première fois depuis longtemps, elle avait l'impression qu'il avait sur elle un pouvoir qu'elle ne pourrait jamais contrôler. Même avec la meilleure volonté du monde. « Quand on ouvre son coeur, on perd. C'est bien plus facile de le garder fermé. » fit-elle simplement d'une voix qui se voulait ferme, tentant de se ressaisir.

Spoiler:

Sentir Tessa sa raidir, voire même se crisper, contre lui ne fit que confirmer à Romeo qu'il avait touché un point sensible en s'attardant sur les raisons du pourquoi de son comportement avec les hommes. S'il trouvait plaisant le fait que l'assurance de la jeune femme facilite ses rapports avec elle, notamment d'un point de vu taquin et sensuel, il n'en restait pas moins persuadé qu'il y avait trop de choses feintes dans cette attitude qu'elle se donnait pour que tout soit être réellement sincère. Intuitif, il s'accordait même à penser qu'aussi paradoxal que celui puisse sembler, cette attitude bravache et entreprenante cachait, en réalité, une crainte secrète et pour tout dire incompréhensible à ses yeux. C'était peut-être naïf ou simpliste de sa part de croire cela, mais il ne pouvait s'empêcher d'imaginer, derrière la carapace d'assurance et de solidité de l'américaine, une jeune femme bien plus craintive qu'il n'y paraissait et les propos qu'elle lui tint par la suite ne firent que lui donner raison.

Réceptif, docile, à l'écoute, il s'était laissé faire lorsqu'elle s'était retournée et lui avait rendu son baiser avec la même avidité que celle qui transparaissait dans la façon qu'elle avait de l'embrasser. Là encore, malgré les nombreuses questions qu'il se posait au sujet de la jeune femme et des nombreux faux semblants qu'il la soupçonnait d'entretenir pour garder le contrôle sur l'image qu'elle renvoyait d'elle-même, il n'aurait pu nier être sous le charme de son caractère aussi impulsif et passionné que le sien. Sans tomber dans un narcissisme bête à pleurer en aimant tout particulièrement chez elle les points communs qu'il trouvait avec lui-même, Romeo n'en restait pas moins ravi de pouvoir partager un feeling tout particulier avec cette personne dont la philosophie de vie et les envies correspondaient bien aux siennes.

« Ou peut-être que j'ai peur de ça. » Les mains sur ses hanches, le regard plongé dans le sien, Romeo n'eut aucun mal à saisir le trouble qui habitait les prunelles de l'américaine. Mais plutôt que d'en être gêné ou que de mettre un terme à ce face à face pour lui épargner de se retrouver dans cette position aussi délicate que précaire, il resserra sa prise autour d'elle tandis que ses doigts délicats provoquaient de légers frissons le long de son torse, là où le bout de ses ongles dessinait des cercles à travers le tissu de sa chemise. « Quand on ouvre son cœur, on perd. C'est bien plus facile de le garder fermé. » Le fait qu'elle cherche à se convaincre en formulant cette affirmation à haute voix ne le fit, contre toute attente, pas sourire. Au lieu de quoi, il préféra se demander quel genre de déception elle avait bien pu endurer pour en arriver à un tel niveau de réticence vis à vis de l'amour, des sentiments et de la confiance mutuelle. Peut-être, pensa-t-il alors, devait-on son magnifique rôle de garce provocante et aguicheuse à une non-envie de revivre un chagrin d'amour particulièrement mal soigné ? Avec tout son orgueil et son égo, il n'avait aucun mal à l'imaginer en rage contre elle-même d'être un jour tombée amoureuse et se promettant envers et contre tout de ne plus jamais renouveler l'expérience. Seulement, ce qu'il ne comprenait pas, c'était cette absence de contraste entre l'amour et l'indifférence qui caractérisait les femmes. Et pourtant, ce n'était pas faute d'avoir de l'expérience en la matière. Des sujets d'études, Romeo en avait vu défiler bon nombre. Blondes, brunes, grandes, petites, timides ou pas, toutes semblaient ne jurer que par l'amour absolu ou le néant total. Lui, en revanche, se positionnait dans l'exact nuance de gris qui séparait ses deux sentiments et prenait plaisir à subir les hauts et les bas des relations hommes/femmes lorsqu'il trouvait une partenaire capable d'accepter que rien n'était jamais acquis et éternel. S'il adorait l'amour, il n'en restait pas moins persuadé que c'était le caractère éphémère et / ou incertain de sa longévité qui offrait à ce sentiment toute la beauté du monde. Rien, alors, ne valait ce prétexte pour s'aimait vite et fort en profitant de chaque seconde avant que n'arrive le jour où la flamme faiblirait. En revanche, il n'excluait pas pour autant le fait qu'un haut puisse succéder à un bas et inversement. Puisque rien n'était irrévocable, toute espérance restait légitime et il était bien placé pour savoir qu'une passion pouvait renaître de ses cendres, même quelques années plus tard ... Pris dans l'instant présent, il s'évitait les tourments en évitant les projets d'avenir et toutes les incertitudes que ces derniers amenaient généralement avec eux. De cette façon, chaque seconde n'en était que meilleure et rien ne valait la certitude de n'être certain de rien au commencement d'un nouveau jour. Aussi tâcha-t-il d'exposer son point de vu à Tessa, ne serait-ce que pour lui prouver qu'on pouvait tout à fait vivre dans une alternative à sa vision des choses totalement catégorique : « Tu penses ? » Fit-il, mystérieux, tandis qu'il collait son front au sien. « Moi je dis qu'on gagne à ouvrir son cœur et tant pis si ça finit pas à l'église avec des enfants, la maison et le chien. C'est maintenant qui compte, c'est pas demain. Si tu oses pas, tu pas prendre le risque d'être surprise en bien, tu gardes juste la certitude - sans preuve - que ça peut être que perdant pour toi. » Mais, au final, pensa-t-il, tandis que la chanson changeait de nouveau *, la question qui se posait n'était pas tant de savoir si Tessa pensait réellement ce qu'elle disait que de savoir si elle était tout simplement prête à accepter qu'elle avait peut-être tort de le penser, quitte à tenter de s'ouvrir un peu plus pour confirmer ses réticences ou, au contraire, ouvrir les yeux sur ce qu'elle ratait en s'interdisant de changer d'avis.

* : je te laisse choisir la musique qui te plait ^^

Spoiler:

« Tu penses ? » Fronçant les sourcils alors qu'elle s'apprêtait à répliquer qu'elle en était certaine, le geste de son partenaire suffit à la faire taire alors qu'il collait son front au sien, visiblement intéressé à lui faire voir l'autre côté de la médaille. « Moi je dis qu'on gagne à ouvrir son cœur et tant pis si ça finit pas à l'église avec des enfants, la maison et le chien. C'est maintenant qui compte, c'est pas demain. Si tu oses pas, tu pas prendre le risque d'être surprise en bien, tu gardes juste la certitude - sans preuve - que ça peut être que perdant pour toi. » Surprise, Tessa eut un sourire légèrement amusé aux paroles de Roméo alors qu'il correspondait bien à ce qu'elle avait imaginé de lui. Ses idéaux n'étaient pas dans les années qui restaient encore à parcourir, mais bien dans les secondes et les minutes qui suivraient l'instant présent. Tessa n'avait pas toujours agi de cette façon puisqu'elle avait aimé s'entourer de gens - de filles plus particulièrement - sur lesquels elle avait une influence toute particulière. Elle n'avait pas pu omettre de penser à long terme puisqu'elle avait dû choisir son cercle d'amis avec soin, ne serait-ce que pour ne pas se retrouver toute seule, des années après. Pourtant, ces précautions-là n'avaient pas été suffisantes pour combler le vide ressenti par l'absence momentanée de ses parents puisque nombre de filles qui s'étaient autrefois crues ses amies ne lui parlaient presque plus ou avaient finit par déserter. Elle avait besoin de sentir qu'on tenait à elle malgré tout ce qu'elle pouvait bien dire ou faire, sans conditions. « T'as été surpris en bien, toi? » demanda-t-elle simplement, malicieuse, alors que la musique qui les enveloppait à présent la força à s'éloigner légèrement de lui en glissant ses mains dans les siennes.

Balançant les hanches et le corps tout entier au rythme un peu plus endiablé de la musique des Black Eyed Peas - un classique! - Tessa gardait néanmoins son regard vif et subtil dans celui de son partenaire. Elle était on ne peut plus ravie de l'avoir retrouvé ici puisqu'ils semblaient tous deux être sur la même longueur d'onde. Elle avait même l'impression - et c'était stupide de le penser ! - qu'il prenait soin d'elle en la serrant ainsi contre lui dès lors que la musique semblait ralentir un peu le tempo et ce qui la perturbait davantage, c'était surtout le fait qu'elle soit bien au creux de ses bras. Tessa n'avait pas habitude à se laisser gouverner par ses émotions puisqu'elle semblait toujours les prendre d'assaut et ainsi parvenir à les réduire à ce qu'elle croyait être le mieux. Avec les hommes, elle savait se montrer caractérielle, garce et fonceuse et ceux qu'elle avait fréquentés avant semblaient être de cette tranche masculine à apprécier ces quelques traits de sa personnalité. Dès qu'elle se rendait compte que sa technique pour refouler ses sentiments ou ses émotions semblait un peu moins bonne avec certains d'entre eux, elle ne tardait pas à y mettre un terme, volontairement insensible. Or, avec Roméo, c'était différent. Avec lui, elle avait peur de ne pas parvenir à instaurer une coupure aussi nette entre eux lorsqu'elle en ressentirait le besoin, comme si au lieu que ce soit elle qui ait le dessus sur ses appréhensions, c'était lui qui tirait les ficelles. Autant elle redoutait cette vulnérabilité, autant ça lui faisait du bien de savoir qu'elle n'avait plus à tout gérer et à tout prévoir. Ce même discernement semblait se répercuter dans leur danse puisque depuis le début, elle n'avait fait que suivre ses pas là où il avait bien voulu les amener, sauf peut-être lorsqu'elle avait sciemment mis un pas entre eux de manière à s'écarter légèrement, en proie à un désir soudain et plus fort de l'embrasser jusqu'à l'étreindre.

Toujours aussi frivole d'apparence, Tessa revint vers lui, redressant leurs bras dans les airs alors que ses mains attrapaient ses poignets et que son corps se collait de nouveau au sien. Ses lèvres frôlèrent avec sensualité la courbe de sa mâchoire alors que son souffle venait caresser son cou et sa nuque. « Comment trouves-tu l'instant présent ... ? » demanda-t-elle, malicieuse, alors que ses mains glissaient le long de ses bras sans cesser d'onduler son bassin tout contre le sien, lascive.

« T'as été surpris en bien, toi ? » A quoi aurait-il pu s'attendre d'autre ? Amusé, Romeo laissa se dessiner sur ses lèvres un sourire résigné tandis qu'il ravalait un soupire. Tessa aurait probablement aimé qu'il lui démontre l'efficacité de son point de vue à l'aide d'un exemple spectaculaire et tout à fait concret, mais il n'en avait pas à lui fournir et n'estimait pas préférable de lui mentir puisqu'il n'imaginait que trop bien le genre de déceptions que cela pouvait engendrer quand, comme c'était le cas à cet instant, les confidences se voulaient toutes plus sincères les unes que les autres. Aussi se contenta-t-il d'un furtif « Pas toujours, mais j'espoir encore » qui démontrait clairement que le fait de ne pas avoir trouvé l'amour de sa vie grâce à cette méthode ne le chagrinait pas outre mesure. Jeune, libre et fougueux, Romeo voyait le verre d'eau que représentait sa vie comme bien plus à moitié plein qu'à moitié vide et le jour où il se réveillerait en imaginant son existence comme un gigantesque compte à rebours avec une fin tragique pour dénouement final ne semblait jamais vouloir venir. D'aucun considéraient cela comme de l'inconscience, voire même de la naïveté, mais lui préférait se dire qu'il ne manquait pas de confiance en lui et que les personnes sûres de mourir et terrifiées de ne pas avoir assez vécu avant cette heure n'étaient - de toute façon - pas plus heureuses que lui pour autant, loin de là, même ...

Le changement de musique lui fit perdre le cours de ses idées et c'est sans avoir l'impression de perdre au change qu'il préféra de nouveau focaliser son attention sur Tessa. Une Tessa un peu plus distante d'un point de vue géographique (un mètre de marge après avoir passer un slow aussi collé serré faisait office de gouffre, ne trouvez-vous pas ?), mais qui ne lui avait jamais pourtant parue aussi proche, aussi abordable. Une Tessa qui faisait plus vraie que nature et beaucoup moins superficielle que celle dont il avait fait la connaissance à Florianopolis. Finalement, si, à cette époque, son but avait plus été de l'inciter à le connaître qu'inversement, il ne regrettait pas d'avoir ce soir pris le temps d'en découvrir d'avantage sur elle. La bonne surprise de ne pas avoir confirmation qu'elle était une coquille aussi vide que soignée d'apparence ne pouvait qu'entretenir son impression de passer une agréable soirée. Agréable soirée qui, conjuguée aux effets de l'alcool et à la façon qu'elle eut de revenir vers lui pour se coller lascivement à son corps, ne manqua pas de lui faire tourner la tête (en être fait de chair et de sang qu'il était - et donc faible, comme tous les hommes ...). « Comment trouves-tu l'instant présent ... ? »« Je réponds comme un américain : c'est cool ! » Répondit-il sans parvenir à se laisser faire une seconde de plus et sans plus réprimer son envie de repositionner ses mains sur les hanches de la jeune femme. Elle avait raison. Même s'il ne s'agissait pas de Salsa et s'ils étaient à des années-lumière des conditions dans lesquelles tous deux avaient fait la fête pour la première fois, l'ambiance de ce bar et les découvertes qu'il prenait plaisir à y faire savaient influencer sur sa perception des choses et le convaincre, au fil des secondes, que l'on pouvait effectivement passer de bonnes soirées aux USA. « Una otra Tequila ? » Proposa-t-il alors qu'il se sentait s'enliser avec délice dans les méandres de l'alcool mais que son caractère déraisonnable l'inciter à en vouloir un peu plus, au mépris des risques de dérapages ou d'oubli que cela pouvait induire. De toute façon, pensa-t-il en attirant Tessa vers le bar, le barman aurait vite fait de les claquer à la porte dès lors qu'il les estimerait trop saouls pour être encore servis. Et comme l'alcool tenait aussi chaud que les attitudes sensuelles de Tessa à son égare, il ne s'inquiétait pas quant au fait de prendre froid une fois dehors, lui qui pourtant n'appréciait pas les température scandaleusement basse de cet état Nord-Américain. Sans se faire de bile, il rassit donc l'une de ses fesses sur un coin du tabouret qu'il avait abandonné un peu plus tôt et fit signe au serveur de leur remettre une tournée. Quitte à s'éclater, autant prendre l'expression au mot et ne pas avoir peur de repousser les limites.