Où est-il ? Fichu portable. Je vais être en retard. Il faut que je mette la main dessus. J'attends un appel de ma prof. Pour confirmer l'entraînement. Je ne sais pas quand elle m'appellera. Je retourne mon lit. Les draps finissent au sol. Mes oreilles à l'autre bout de la pièce. Je retrouve enfin ce fichu portable. Au milieu du lit. Comme si c'était sa place, tiens. Je laisse tout en vrac. Ça ne me ressemble pas. Mais, je n'ai pas le temps. Je veux retrouver mon frère. Il sait combien j'aime être ponctuelle. Je dévale les escaliers avec mes affaires. « Où tu cours comme ça jeune fille ? » Mon père. Il tombe mal. Je n'ai pas le temps de lui expliquer. « Ashton, patinoire » Je pars en courant. La porte se claque. Le pauvre, il n'a pas le temps de répondre. J'avais déjà prévu d'y aller à pied. En marchant à un bon rythme, je serais à l'heure. Comme d'habitude je mets la musique dans mes oreilles. J'ai hâte de retrouver mon frère. Il me semble qu'il a besoin de parler. J'ai besoin de le retrouver. Je crois qu'il faut que je lui confie quelques trucs. Comme le fait que je ne sais que faire de mon avenir. Peut-être qu'il ne se bornera pas à me dire le sport. Peut-être. Je l'espère. J'ai besoin de l'avis du grand frère. Pas du professeur de sport. Enfin. Je verrais. Je ne suis pas certaine de lui en parler.

Je retrouvais mon frère. Assis sur un banc. Devant la patinoire. Il m'attendait mais, je n'étais pas en retard. C'est lui qui était en avance. Tant pis pour lui. Je courais vers lui. Il se leva aussitôt pour me rattraper. Me jeter dans ses bras, c'était systématique. J'enfonçais ma tête dans son cou. On aurait pu croire qu'on ne s'était pas vu depuis un siècle. On se voyait tous les jours. Ou presque. Enfin, au lycée ce n'était pas tout à fait la même chose. Lui de son côté, moi du mien. Je n'aimais pas qu'il s'immisce dans ma vie au bahut. Je savais qu'il le faisait quand même. Mais, discrètement. Enfin, je n'avais rien à me reprocher. « Prêt ? » Je lui faisais un doux sourire avant de l'entraîner à l'intérieur. J'aimais beaucoup aller à la patinoire. Il le savait. C'était probablement pour ça qu'il m'avait emmené là. Du moins, qu'il m'avait donné rendez-vous ici.

Une fois sur la glace, je patinais autour de mon frère en souriant. Je voulais lui parler de sujets sérieux. Je voulais savoir ce qui le tracassait. L'avantage de la patinoire, c'était de pouvoir en parler tout en s'amusant. « Alors, mon Ashou, de quoi avais-tu besoin de me parler ? » Il me l'avait dit. Qu'il avait besoin de me parler. C'est pour ça que je ne tournais pas autour du pot. J'étais pratiquement certaine que ça concernait son couple. À moins que ça ne soit le travail. Mais, j'en doutais. Ça se passait vraiment pour lui. Il était détesté de beaucoup d'élèves. Il était adoré par un tas d'autre. Comme d'habitude en fait. Je continuais à patiner, à côté, autour de lui, en attendant sa réponse.

Je savais qu’il n’aimait pas Ashou. Comme surnom. Je savais que j’étais la seule à l’appeler comme ça. C’était une habitude de gosse. Il ne pouvait rien faire contre ça. Il souffla un grand coup. Il était stressé. C’était rare de voir mon frère anxieux. Il était assez détendu. Habituellement. J’imagine que le sujet n’était pas facile pour lui. « Tu crois que je suis prêt à être père ? » Quoi ? Que venait-il de dire ? Père ? Eh bah oui ! Évidemment qu’il était prêt ! Il avait Lou-Amaryllis à ses côtés. Il a un cœur débordant d’amour. Oui, bien sûr qu’il était prêt ! « Je veux dire tu sais que… enfin… » Il ne savait pas comment s’exprimer. Mon pauvre frère. Je lui pris la main. Afin de patiner un peu avec lui. « Tu sais Ashton, je te crains plus que papa. » Je lui souriais avant de reprendre. « Je veux dire, tu n’es pas seulement aimant, protecteur et gentil. Tu sais te montrer autoritaire, fixer des limites. Tu sais comme moi que tu serais excellent dans le rôle de père. Parce que tu te donnes à fond pour ceux que tu aimes. Parce que tu es un frère exceptionnel. C’est en toi Ashton, il faut simplement que tu l’acceptes. » Je patinais avec lui alors que son visage était toujours livide. Il se rendait malade ave cette histoire. Que craignait-il à m’en parler ? Mon avis ? Certes, il serait toujours franc mais, tout de même. « N’en parle pas aux parents hein ? » Je riais. Lui non. Mais, moi oui. Comment pouvait-il imaginer que j’en parle aux parents. Ils étaient déjà assez fouines comme ça. Dès que je voyais Ashton c’était l’interrogatoire après. Sous prétextes qu’ils n’avaient pas assez de nouvelles. La blague. « Tu sais bien que je ne dirais rien. » C’est vrai. Il le savait. « Arrête de te prendre la tête mon Ashou. Tu as la femme idéale pour fonder un foyer. Peut-être que tu ne te sens pas prêt mais, rappelle toi, est-ce que tu sentais prêt à partir de la maison pour aller à Portland ? À te débrouiller tout seul ? Tu prétendais l’inverse pour que j’y crois, pour que les parents te laisse partir mais, t’avais la trouille ! C’est la même chose Ashton. Il faut simplement que tu franchise le pas. » Il savait que j’avais raison. Parfois, il n’osait pas. Portland, il s’était forcé. Pour ses études. Là, il fallait qu’il se mette un coup de pied au derrière. Pour sa femme. Je l’imaginais déjà avec un enfant dans les bras. Je voyais déjà son regard débordant d’amour. La protection dont il pourrait faire preuve. Je voyais déjà son sourire. Devant les premiers pas. Les premiers mots. Les premières dents. Les premiers dessins. Les premières médailles. Les bons points. Je voyais déjà ses yeux cernés. Devant les bêtises de son enfant. J’imaginais sa fierté. Mon frère était fait pour être père. Il avait de l’amour à revendre. Au fond de moi, je sentais qu’il suffisait d’un bébé. Pour qu’il prenne goût à la vie de famille.

Ashton J. Clarke a écrit:

« Would you like to stay forever ? »

Ella, ce petit ange blond était un monstre sincérité, elle déballait tout, comme ça, sans pincette. Au fond, c’est de ça dont son frère avait besoin et c’Est-ce qu’elle faisait. Dans un même temps elle arrivait à détendre le sujet en lu prenant la main avec son innocence digne d’une gosse de quatre ans. Ils patinaient ensemble, main dans la main alors que les mots tombaient. « Tu sais Ashton, je te crains plus que papa. » Elle afficha un tendre sourire et il en fit autant. Oui, c’est vrai et il le savait, bien souvent c’était lui qui faisait la morale à sa sœur et non ses parents. « Je veux dire, tu n’es pas seulement aimant, protecteur et gentil. Tu sais te montrer autoritaire, fixer des limites. Tu sais comme moi que tu serais excellent dans le rôle de père. Parce que tu te donnes à fond pour ceux que tu aimes. Parce que tu es un frère exceptionnel. C’est en toi Ashton, il faut simplement que tu l’acceptes. » Elle avait probablement raison, elle le connaissait si bien. Mais, en même temps, père c’était tellement différent de frère, c’était une autre relation, bien plus complexe, enfin d’après lui. Comment supporterait-il les mots qui volent plus haut que les pensées et les portes qui se claquent ? Oui, il envisageait le pire, il craignait vraiment de ne pas être à la hauteur. Pourtant, les paroles de sa petite sœur parvenaient à le rassurer un peu. La blondinette ria quand il lui demanda de ne rien dire aux parents. C’est vrai qu’il y avait très peu de chances pour qu’elle leur parle de ça, même si elle subissait un interrogatoire en rentrant. Ses parents trouvaient qu’il ne donnait pas assez de nouvelles alors qu’il les voyait minimum une fois par semaine. « Tu sais bien que je ne dirais rien. » Elle avait raison, il le savait mais, il voulait tout de même s’en assurer. Il afficha un petit sourire comme pour s’excuser d’avoir douté. « Arrête de te prendre la tête mon Ashou. Tu as la femme idéale pour fonder un foyer. Peut-être que tu ne te sens pas prêt mais, rappelle toi, est-ce que tu sentais prêt à partir de la maison pour aller à Portland ? À te débrouiller tout seul ? Tu prétendais l’inverse pour que j’y crois, pour que les parents te laisse partir mais, t’avais la trouille ! C’est la même chose Ashton. Il faut simplement que tu franchise le pas. » Ses yeux se firent ronds, elle n’avait jamais cru à ses mensonges ? Il avait toujours juré qu’il était apte à partir de la maison mais, en fait il avait la trouille, c’était l’envie qui lui avait permis de surmonter cette peur insoutenable. C’était grâce à cette envie qu’il avait survécue aux yeux pleins de larmes de la belle Ella. Mais, apparemment, il n’avait jamais su lui mentir alors qu’il croyait le contraire. Enfin, toujours est-il qu’elle avait probablement raison. C’était la peur qu’il l’empêchait d’accepter cette idée de devenir père, c’était cette peur qui bloquait tout mais, en même temps, avec un enfant, il ne pourrait pas faire machine arrière. À Portland, si ça se passait mal, il suffisait qu’il retourne chez ses parents mais, là ? Il n’avait pas de filets de secours. Il préférait ne rien répondre.

Ashton continua à patiner à ses côtés, la tête dans la lune. Peut-être que la patinoire n’était pas la meilleure idée, s’il était autant ailleurs, s’il était autant perturbé par toute cette histoire. Il préféra s’évader quelques instants et profiter de sa petite sœur. « On fait une course ? Je suis sûr que je gagne ! » Il aimait la provoquer et voir son esprit de compétition ressortir, surtout qu’avec des patins, c’était elle la plus agile.

Il savait que j’avais raison. Pourtant, j’étais certaine que c’était le bordel. Dans sa tête. Qu’il cherchait. Qu’il trouvait. Mille et une excuses. Il pensait certainement à l’avenir avec cet enfant. Il allait certainement trop loin. J’étais certaine qu’il pensait à l’adolescence avant même d’avoir passé le stade nourrisson. Mais, en même temps, c’était normal qu’il se pose de telles questions. Il voulait être exemplaire. Il craignait forcément d’être en conflit. Avec cet enfant. Qui n’était pas encore né. Il se prenait trop la tête. Moi je savais qu’il serait un bon père. Parce qu’il protégeait toujours ceux qu’il aimait. Parce qu’il m’avait appris beaucoup de chose. Parce qu’il connaissait le juste milieu entre autorité et amour. Mon frère serait un bon père. Lou-Amaryllis serait une bonne mère. Il n’y avait plus qu’à le mettre en route ce bébé. Il fallait qu’il se jette à l’eau. Il le savait. Il était tétanisé. Mais, je serais toujours là. Pour le soutenir. Il ne disait rien. Pas un mot. Traduction : il était en pleine réflexion.

Il patinait à mes côtés. Je voyais bien qu’il avait la tête ailleurs. Mais, je ne disais rien. Je comprenais. « On fait une course ? Je suis sûr que je gagne ! » Il me provoquait là ? Je le regardais droit dans les yeux. Avec défi. Il affichait son sourire victorieux. Moi mon sourire malicieux. « Toi ? Gagner ? Laisse-moi rire ! » En lui disant ça, je le provoquais aussi. En lui disant ça, je marquais le début de la course. Un regard. 3,2,1 et c’était parti. Je ne pouvais m’empêcher de rire en patinant. Il savait que j’étais meilleur que lui avec des patins. Lui, il me battait baskets aux pieds. Ça avait toujours été comme ça. C’est donc sans surprise que j’arrivais la première. Enfin, je l’avais distancé de peu. Mais, j’avais gagné quand même. Sourire victorieux sur le visage avant de tirer la langue. « Avoue simplement que je suis meilleure que toi. » Il ne le ferait jamais. Pas en sport. Et puis c’était un mec. Je voulais simplement le taquiner. Je lui prenais doucement la main. L’obligeant à me suivre. « Comme j’ai gagné, tu me payeras un muffin tout à l’heure ? » Il connaissait ma gourmandise. Chocolat, sucreries et autres cochonneries Je pourrais me nourrir exclusivement de ça. Mais, j’évite. J’en consomme peu. Toujours pour la même raison. Le sport. « Dis, Ashou, tu le veux vraiment cet enfant ? » Je le regarde sérieusement. Et toute timide. Je n’aime pas poser des questions comme ça. Je sais qu’il voudrait clore le sujet. Mais, je préfère en décider autrement. Je ne veux pas qu’il soit seul avec ses pensées. Il serait capable de réfléchir de travers.

Je venais de gagner la course. Mais, mon frère ne pouvait pas admettre la défaite. Ça me faisait sourire. De le voir refuser ainsi l'évidence. C'était comme ça, depuis toujours entre nous. Quand ça concernait le sport. Ou même le jeu. C'était un jeu dans un jeu. Un truc de frère et soeur. « T'as eu de la chance, rien de plus » Il était vraiment de mauvaise foi quand il s'y mettait. Je ris. Il n'était pas sérieux. Je le savais.

Puis, je lui dis que j'avais gagné un muffin. Évidemment il rit. Il adorait ma gourmandise. Me voir manger des sucreries avec tant de plaisir. Ou même apprécier les bons repas. Disons, que ça le ferait flipper. Si je devenais un squelette. Mais, ce n'était pas prêt d'arriver. « Marché conclu princesse ! » Princesse. J'adorais qu'il m'appelle comme ça. Depuis ma plus tendre enfance j'étais passée par tous les surnoms. Venant de lui, je trouvais ça vraiment agréable. Mais, il n'y avait que lui. Qui pouvait m'appeler princesse. Comme il n'y avait que moi qui pouvais l'appeler Ashou. Je le regardais avec beaucoup de tendresse. S'il repartait aujourd'hui, je ne le supporterais pas. J'ai pris l'habitude de voir sa bouille au lycée. Chaque jour. D'aller chez lui après mes entraînements. De le voir le week-end. De le faire rire de tout et de rien. J'ai repris l'habitude de vivre avec mon grand frère. Même si ce n'est pas sous le même toit.

Par la suite, j'avais pris un air plus sérieux. J'étais plus timide. Dans ma façon d'être. Dans mes questions. Je n'osais pas trop patiner. De peur de ne pas entendre sa réponse. Je voulais savoir si mon frère voulait vraiment ce bébé. Je ne voulais pas qu'il fasse un enfant à Lou pour lui faire plaisir. Je voulais voir ses yeux émerveillés devant sa femme enceinte. Je ne voulais pas voir mon frère soumis par la peur de perdre la seule qu'il aimait. Il inspira un grand coup avant de me répondre. « Oui, je veux vraiment cet enfant. J'aurais simplement voulu que ça se fasse plus tard » Parce qu'il avait peur très certainement. Ashton se prenait souvent la tête. En même temps, j'étais certaine qu'il voulait offrir à son enfant ce que les parents nous avaient donné. Ce n'était pas chose aisé. On pouvait dire ce qu'on voulait, ils avaient toujours été là pour nous. Et ils sont encore là. Ils nous ont toujours soutenus. Même quand il était à Portland, ils étaient là. Pour lui. Pour moi. Mais, je suis certaine qu'il fera aussi bien. « Tu n'as pas à avoir peur. Crois-moi. »Je glisse au creux de ses bras. J'ai besoin de le rassurer. En me serrant contre lui. La patinoire n'était peut-être pas le meilleur lieu mais, soit. « On va boire une boisson chaude ? » J'étais certaine qu'il serait d'accord, ni lui ni moi n'avait vraiment l'âme à patiner finalement. La faute aux confidences.

Son doigt sur le bout de mon nez. Nul doute qu'il repense au passé. Les boissons chaudes et chocolatées c'était notre truc. C'était notre moment privilégié l'hiver. Et ça aurait continué s'il n'était pas parti à Portland. Mais, les choses changent. Même si à ses yeux je reste sa petite soeur. Celle qu'il doit protéger de tout. Parfois je me dis qu'il me voit encore comme si j'avais cinq ans. Ça me fait rire tout en me désolant. J'aimerais qu'il comprenne que j'ai grandi. Que j'évolue. Mais bon, c'est Ashou, je ne peux pas me résoudre à lui en vouloir.

Ashton commanda un café Moi un simple chocolat chaud. Je me demandais comment il faisait. Pour boire ça. Ce truc à un goût immonde. Bien souvent ça revient à boire de la javel. Enfin, je me contente d'une grimace pour exprimer mon avis. Il n'a pas besoin de savoir que je trouve ce truc écoeurant. « Tu sais, je crois que ce bébé va m'obliger à mûrir... et j'étais bien avec mes quinze ans d'âge mental ! » Je riais. Tout comme lui. C'est clair qu'il allait devoir grandir, un peu. Mais, j'étais certaine qu'il allait continuer à sortir. Que les soirées bières et foot seraient toujours d'actualité. Que les heures à la salle de sport pour voir ses potes ne toucheraient pas à leur fin. En fait, j'étais certaine qu'il ne changerait pas tant que ça. Il prendrait simplement conscience à quel point la vie est précieuse. Et puis c'est vrai, peut-être qu'il aura plus envie d'être chez lui avec les deux amours de sa vie plutôt que dans un bar. Enfin il avait plus de neuf mois -normalement- pour évoluer. « C'est pas une mauvaise chose... comme ça t'accepteras peut-être que je n'ai plus quatre ans. » j'affichais un sourire malicieux. Avant de boire un peu. Une petite remarque pour le ramener à la réalité. J'ai bien vu tout à l'heure qu'il était plongé dans le passé. Une piqûre de rappel ne fait pas de mal.

Je buvais une nouvelle gorgée alors qu'il changeait totalement de sujet. Je crois que le principal était dit. Sur le sujet bébé. « Et au fait, ça se passe bien à la maison ? » Je souriais doucement. Je savais qu'il préférait passe par moi pour avoir des nouvelles. Les repas et les interrogatoires, ce n'était pas son truc. Je le comprenais parfaitement. « Très bien ! Enfin je veux dire, rien d'anormal. Maman crise parce que je passe trop de temps dehors et pas assez à la maison. Pourtant, elle sait que c'est pour la piscine, le baby-sitting ou même pour te voir ! Papa est égal à lui-même, il pose de problèmes à personne. Tata a appelé, avec maman, elles veulent faire un grand repas pour Noël, réunir toute la famille ! Tu vois le genre. Et puis elles s'y prennent tôt ! Enfin, voilà, tu sais l'essentiel. » J'avais un sourire jusqu'aux oreilles. On pouvait dire que c'était un bon résumé de l'actualité. Ma mère râlait toujours parce que j'avais trop d'activités, elle avait l'impression de vivre seule avec son mari. J'hésitais toujours à lui rétorquer que ce n'était pas plus mal. Moins j'étais présente, plus ils pouvaient avoir une vie de couple épanouie. Mais, ma mère ferait un arrêt cardiaque si elle m'entendait parler comme ça. Quant à ce repas, ça me faisait chier d'avance. J'imaginais déjà mille échappatoires. Petite fille sage et modèle, d'accord mais, le repas de famille, ça m'horripile. Ashton le sait. Il déteste ça aussi. Les adultes critiquent, interrogent avec un air grave. Enfin, c'est encore loin tout ça.

Il fit un signe négatif de la tête. Non ? Comment ça, non ? Il fallait que ça lui rentre dans le crâne. Je n’étais plus une enfant.« Non, tu resteras toujours mon petit bébé à moi. Même quand tu auras cinquante ans, à mes yeux tu n’auras pas franchi la dizaine ! » Il pouvait rire mais, je savais qu’il était sincère. J’affichais un air dépité. Il était irrécupérable. Je préférais ne rien dire. Je soufflais simplement. Il n’aurait pas d’autres choix, que d’accepter. Mais, je ne voulais pas gâcher la journée en abordant ce sujet épineux. Me voir devenir une femme, c’était trop douloureux pour lui. Même si je pense qu’il devrait rapidement se faire une raison. Pour sa santé psychologique.

Il était préférable de changer de sujet. Quoi de mieux que la famille pour changer le sens de la conversation ? Ma mère voulait faire un grand repas de Noël. Organisé avec ma tante. L’enfer sur terre en fait. Ashton n’en pensait pas moins que moi. J’en étais certaine. Il suffisait de faire attention au long soupir qu’il venait de pousser. « Magnifique ! Je vais déjà réfléchir à une excuse ! » Il laissa un rire lui échapper. J’en faisais autant en remettant une mèche derrière mon oreille. « Et moi dont ! » Je lui souriais grandement. De toute façon, qu’on y soit ou pas, ça ne changerait pas grand-chose. « C’est vrai que tu fais du baby-sitting… ça se passe bien ? » On voyait tout de suite le côté grand frère protecteur. Il ne connaissait pas Lydéric. Par conséquent, il s’inquiétait. Je souriais grandement. « Parfaitement bien. » Ce n’était pas un mensonge. Ce n’était pas l’entière vérité non plus. Mais, allez dire à votre grand frère trop protecteur que parfois vous prenez peur. Surtout que c’est absurde. Je n’avais aucun intérêt à en parler avec mon frère.

Il termina son café. Je l’observais à peine. J’étais un peu distraite. Je me perdais dans mes pensées. « N'empêche que maman n’a pas tors de crier. N’en fait pas trop Ella. Je sais que tu multiplies les entraînements, que tu passes des heures sur tes cours et que tu te donnes à fond dans un tas de choses. Au bout d’un moment ton corps ne te suivra plus. Je suis certain que ton médecin t’a déjà mis en garde ! » Oh non ! Il n’allait pas s’y mettre lui aussi. Je n’aimais pas les serments. Surtout quand on me disait ça. Encore, avec Ashton, je supportais mais, quand même. Je connaissais mes limites. Je poussais un long soupir. « T’inquiète pas. » Je terminais mon chocolat chaud avant de me lever. « Plutôt que de me sermonner, tu veux pas qu’on retourne sur la glace ? » Je lui prenais la main, avec grand sourire, sans lui laisser le temps de répondre. Fini les sujets qui fâche. Je voulais m’amuser.