Introduction
Je suis né le 27 juin 1984 dans l'une des villes les plus peuplées du Canada. Ma venue au monde n'a d'ailleurs pas été de tout repos pour ma chère et tendre mère: à vrai dire, je ne compte plus le nombre de fois où elle m'a parlé de cette soirée si particulière dans les moindres détails. Tout le monde s'attendait à ce que je vois la lumière du jour au cours du mois de juillet sauf de mon côté, je n'en avais fait qu'à ma tête et c'est donc avec deux semaines d'avance sur le planning prévu que j'avais finalement poussé mes premiers cris. Non content de provoquer une certaine panique chez mes parents, je m'étais en plus permis de les réveiller en pleine nuit histoire de pimenter encore un peu plus la situation. D'ailleurs, ce n'est pas à l'hôpital que ma mère avait accouché: le temps de se rendre à la clinique, j'étais sorti de son ventre avant même que le taxi, dans lequel elle se trouvait, ne parvienne à bon port. Je ne me lassais jamais d'écouter ce récit même si avec le temps, j'avais fini par le connaître par cœur: au fil du temps, rien n'avait changé et je buvais chaque parole que mon ange gardien prononçait comme si c'était la toute première fois qu'elle évoquait ma naissance. Comment aurait-il pu en être autrement?
Ma mère incarnait la douceur dans toute sa splendeur mais elle avait surtout un don pour toucher les gens en plein cœur: sur un plan purement émotionnel, j'étais intimement convaincu qu'elle n'aurait eu aucun mal à rendre inoffensif la pire des charognes. Chaque fois qu'elle s'évertuait à mettre ce souvenir sur le tapis, je la sentais un peu ailleurs comme si au fil de son récit, elle revivait pleinement cet accouchement qui semblait l'avoir tant marqué. De mon côté, je ne pouvais m'empêcher d'observer ce magnifique sourire qui illuminait alors son visage tandis qu'elle tentait tant bien que mal de cacher quelques larmes qui coulaient sur ses joues. En règle générale, nos deux regards finissaient toujours par se croiser et automatiquement, ma mère me serrait tendrement dans ses bras tout en glissant au creux de l'oreille quelques mots qui en disaient long sur l'amour qu'elle me portait: j'étais son enfant chéri, son petit trésor.
A elle seule, cette anecdote suffirait à résumer mon enfance. Dès ma naissance, j'étais devenu l'attraction de la famille et mes parents m'avaient rapidement considéré comme la huitième merveille du monde. On pouvait guère leur en tenir rigueur d'autant plus que durant plusieurs années, leurs différentes tentatives s'étaient avérées infructueuses: Kelly avait même subi une fausse couche et c'était une épreuve douloureuse dont elle avait eu le plus grand mal à se relever. Ma naissance les avait donc grandement soulagés leur permettant de laisser aux oubliettes une période trouble de leur existence durant laquelle certaines de leurs plaies n'avaient jamais cicatrisé. Dans ces conditions, ils leur avaient semblé logique que je sois au centre des attentions et dès cet instant, je n'avais eu de cesse d'être choyé comme un prince. Quatre ans plus tard, une petite fille vint agrandir notre famille et si mes parents avaient d'abord eu peur que je sois jaloux de ne plus être leur enfant chéri, il n'en avait en fait rien été. La vérité, c'est qu'elle occupa tout de suite une place privilégiée au fond de mon coeur à tel point que je n'eus de cesse de vouloir la protéger avec le temps. J'aurais pu me contenter d'être gentil à son égard mais je sus très vite que je voulais être son ange gardien: dire que je la surveillais comme le lait sur le feu était un euphémisme. Je jouais mon rôle de grand frère à la perfection tant et si bien que j'étais le premier à critiquer mes parents dès qu'ils la laissaient sans surveillance: pourtant, il était impossible d'affirmer qu'ils n'avaient pas l'instinct maternel vue la manière dont il m'avait élevé. Néanmoins, il fallait admettre que mes réactions étaient souvent excessives mais c'était généralement plus fort que moi: la simple idée que ma soeur puisse souffrir m'était insupportable. D'ailleurs, en grandissant, j'avais toujours craint que des tensions apparaissent dans notre relation: après tout, il aurait été normal qu'Elizabeth en ait sa claque de m'avoir sans arrêt sur le dos. Pourtant, cela ne s'était jamais produit et plutôt que de me rejeter, ma soeurette n'avait cessé de me confier qu'un tel dévouement la touchait au plus haut point. Il est vrai que j'avais beau la surprotéger, je veillais à ne pas contrôler sa vie: en d'autres termes, je ne me permettais pas d'intervenir sans arrêt dans son existence la jugeant assez mature pour qu'elle vole de ses propres ailes. En revanche, lorsqu'il fallait voler à son secours, j'avais toujours un bon conseil à lui fournir et j'étais le premier ravi de constater qu'elle m'accordait une confiance aveugle. En résumé, nous étions donc inséparables et il n'existait pas de mots assez forts pour décrire le lien fusionnel qui nous reliait. A cette époque, je n'étais encore qu'un adolescent innocent et je ne me doutais pas une seule seconde qu'un profond malaise allait finir par s'installer dans notre relation. Comment aurais-je pu imaginer une seule seconde que j'allais tomber amoureux de ma propre soeurette? Que laffection que je lui avais toujours porté tournerait bientôt à l'obsession? Cela semblait totalement inconcevable, et pourtant...
Extrait de mon journal intime
- Mercredi 25 juin 2004, 21H00 :Plus les jours passent, plus je me demande pourquoi je poursuis mes études: si cela ne tenait que moi, je les aurai arrêtées depuis bien longtemps. Heureusement que je fréquente le même établissement depuis deux ans: cela me permet d'être en bonne compagnie. Mes camarades ne sont pas tous des flèches mais quand il s'agit de délirer, nous sommes tous sur la même longueur d'onde et c'est bien là l'essentiel. Je ne le clamerai sûrement pas sur tous les toits mais au fond de mon coeur, je m'estime chanceux de les connaître. Parfois, j'aimerais bien savoir comment ils me perçoivent de leur côté: quoi que réflexion faite, je ne suis pas certain que je receverais beaucoup de louanges de leur part. Il faut dire que je suis loin de tout mettre en oeuvre pour qu'ils m'apprécient: pourquoi prends-je toujours un malin plaisir à me foutre de leur gueule dès qu'il m'en offre l'occasion? Je pourrais m'en abstenir mais la vérité, c'est que c'est toujours plus fort que moi: j'ai besoin de les rabaisser pour satisfaire mon égo. Un jour, il faudra peut-être que j'arrête d'être tellement superficiel: le pire, c'est que je sais que je vaux mieux que cela.
Demain, il faut absolument que je m'achète des fringues. Cela fait maintenant deux semaines que Ryan nous a prévenus qu'il organisait une fête gigantesque dans sa baraque et pour l'instant, je n'ai toujours rien à me mettre sur le dos. Hors de question que je ne sois pas au top: tous les jeunes de mon quartier y seront et j'ai une réputation à défendre. En plus, il paraîtrait que j'ai tapé dans l'oeil de Brittany: j'espère que ce ne sont pas simplement des bruits de couloir. Si seulement cela pouvait être vrai: elle est si séduisante que tout le monde se bagarre pour la mettre dans son lit. Si jamais, je suis le premier à réussir cet exploit, je n'ai pas fini de me la raconter par la suite: quel pied ça serait. C'est décidé: samedi, je lui sors le grand jeu.
Durant le dîner, Elizabeth n'a pas prononcé le moindre mot et cela ne me dit rien qui vaille. Je sais qu'il lui arrive souvent d'être ailleurs mais ce soir, c'était différent. A force de la protéger, j'ai la sensation de la connaître par coeur et je suis intimement persuadé que quelque chose la tracasse: je l'ai lue dans son regard. Tout ce que j'espère, c'est qu'elle ne me cache rien de grave. Quand je sais à quel point le malheur de certains camarades peut me laisser de mardre, je suis toujours surpris d'être aussi stressé dès qu'Elizabeth ne se montre pas sous son meilleur jour. J'aime tellement ma petite soeur que je pourrais sacrifier ma vie pour sauver la sienne. Elle est tout pour moi: c'est mon petit trèsor. Rien ni personne ne pourra jamais le changer...
- Vendredi 14 avril 2006, 22h00 : Parfois, j'en arrive à me demander ce qu'il me passe par la tête. Suis-je foncièrement méchant ou simplement trop orgueilleux? A force, je vais finir par croire que je suis comme Docteur Jekyll et Mister Hyde. Le pire, c'est que j'ai la sensation de revivre sans arrêt le même rituel: je ne peux pas m'empêcher de faire mon intéressant. Pourquoi est-ce si vital à mes yeux d'être continuellement sous le feu des projecteurs? Ce qui m'insupporte tellement, c'est que je suis conscient de ma bourde dans la mesure où j'éprouve des remords mais je sais que demain, lorsque je serai entouré de mes camarades, je ferai comme si de rien n'était: à la limité, j'afficherai même un joli sourire histoire de montrer que je suis fier de mon oeuvre. Parfois, je me demande ce qui me retient de me foutre des claques. Qu'est-ce que j'avais besoin de draguer cette jeune fille? Bon, c'est vrai qu'elle est charmante à souhait mais ce n'est pas comme si j'avais du mal à collectionner les conquêtes: je ne crois pas éxagérer en disant qu'elle me tombe toutes dans les bras. J'aurais pu choisir n'importe quelle demoiselle mais il a fallu que je jette mon dévolu sur cette proie simplement parce que l'un de mes amis avait parié que je ne parviendrais pas à la séduire. Comme il avait froissé mon égo, j'ai voulu lui donner tort et j'ai réussi: mais à quel prix? Par ma faute, un couple s'est brisé, des larmes ont coulé et deux coeurs ont volé en éclats. Il n'y a pas de quoi fanfaronner.
Un peu plus tôt ce matin, quelque chose d'assez surprenant m'est arrivé. N'ayant pas entendu mon réveil, je me suis levé en retard: il faut toujours que ces imprévus se produisent le jour où tu as un examen à passer. Quoi qu'il en soit, je suis donc tombé de mon lit quand j'ai réalisé que j'étais à la bourre et dans la précipitation, je me suis empressé de rejoindre la salle de bain dans le but de prendre une douche. Comme j'étais à moitié dans les vapes, je n'ai pas prêté attention et je suis rentré dans la pièce en étant persuadé qu'elle était inoccupée: je me suis lourdement trompé. En réalité, ma soeur était en train de se laver mais j'ai compris tout de suite qu'elle ne se doutait pas de ma présence dans la mesure où elle n'a pas gueuler: cela faisait déjà plusieurs années qu'elle militait pour qu'on ajoute une serrure à cette porte. Ce qui est étrange, c'est que j'ai soudainement eu la tentation de regarder la silhouette de ma soeur au travers de la vitre embuée de la douche. Logiquement, j'aurais dû me reprendre immédiatement en réalisant que je dépassais les limites du raisonnable mais il n'en a rien été. Je sais que je me répugne à la simple idée d'écrire ces mots mais j'ai été littéralement subjugué par la corps d'Elizabeth à tel point que j'en ai eu la chair de poule. D'ailleurs, je crois que j'ai frôle la correctionnelle dans la mesure où j'ai été à deux doigts d'entrouvrir la baie vitrée: heureusement que ma mère est passée par là pour demander à ma soeurette d'arrêter de monopoliser la salle de bain. L'air de rien, je me suis sauvé en quatrième vitesse rejoignant ma chambre afin de remettre de l'ordre dans mes idées. Je n'explique pas mon comportement mais je préfère me dire que c'est parce que je suis en manque de sexe et que je perds donc la boule dès que je vois le corps d'une femme. Pourvu que ce ne soit pas plus grave...
- Mardi 16 septembre 2008, 06H30 : Cette fois, c'est certain: je déraille complètement. Je ne sais pas ce qui passe dans mon esprit mais je commence réellement à penser que je suis bon pour l'asile psychiatrique. Chaque matin, je me lève avec la peur au ventre parce que je suis incapable d'appréhender mes faits et gestes. Chaque nuit, je me réveille en sursaut parce qu'elle transforme mes rêves en cauchemars. J'évite même de rester trop longtemps seul en sa compagnie car si j'ai le malheur de croiser son regard de braise, je dois produire un effort surhumain pour ne pas céder à diverses tentations qui mettent en émoi chaque parcelle de mon corps. Au début, je pensais que je me sentirais mieux en la sachant loin de moi mais aussi incroyable que cela puisse paraître, je me consume de l'intérieur dès lors qu'une certaine distance nous sépare. Quand elle n'est pas présente à mon côté, je suis sur les nerfs car je me demande automatiquement ce qu'elle fait et surtout j'aimerais savoir avec qui elle est. Par le passé, je me posais déjà la question mais mon simple but était alors de jouer mon rôle de grand-frère: aujourd'hui, je ne supporte tout simplement plus l'idée qu'un autre homme puisse l'approcher. Je désire tellement prendre possession de son sublime corps que j'ai appris à ignorer les autres femmes: Elizabeth est la seule déesse qui excite tous mes sens.
Ce matin encore, je n'ai pas pu m'empêcher de la contempler par le trou de la serrure de la salle de bain. Chaque fois qu'elle dandine son corps, je sens mon coeur battre la chamade et je ne sais pas ce qui me retient de la plaquer contre un mur pour l'embrasser. A ce rythme, je ne donne pas chair de ma peau...
- Jeudi 12 août 2010, 03H00 :Je hais cette garce, elle me donne envie de vomir. Si cela ne tenait qu'à moi, je la torturerais durant des heures entières histoire qu'elle ressente le dixième de la souffrance que j'éprouve au quotidien simplement parce qu'elle respire. Je regretterais peut-être d'avoir écrit de telles horreurs à son sujet quand l'effet de l'alcool se sera dissipé mais peu m'importe: c'est de sa faute si je passe la plupart de mes nuits dans le bar du coin alors j'ai bien le droit de l'insulter et de la traîner dans la boue si cela me soulage d'un poids. Depuis que je l'ai embrassée, j'ai la vague impression qu'elle se fiche de moi. Elle pourrait me parler de ce qu'elle ressent, me dire si elle a apprécié ce geste ou si celui-ci l'a répugné mais au lieu de m'ouvrir son coeur, elle garde le silence et m'évite. Il n'y a rien de plus oppressant que de demeurer dans l'ignorance quand on est habité par des sentiments qui n'ont pas lieu d'être mais cela lui semble bien égal: je la croyais plus mature. Après tout, c'est son choix: elle n'aura qu'à l'assumer.
Pas plus tard que cet après-midi, elle se faisait encore sauter par un jeune homme qu'elle avait dû rencontrer le jour-même. Je me suis empressé de mettre fin aux festivités histoire de me détendre un peu les nerfs. L'enfoiré a détalé comme un lapin mais comme je suis quelqu'un de généreux, je lui ai laissé un petit souvenir avant qu'il ne parte en lui explosant le nez. Evidemment, ma soeurette a moyennement apprécié mon intervention mais c'était le cadet de mes soucis. Je l'ai remise à sa place en lui balançant les pires insanités à la figure. Et dire qu'à une époque, nous étions si proches: les temps ont bien changé...
- Mardi 9 août 2011, 20h00 :Une fois de plus, j'ai passé ma journée à la surveiller du coin de l'oeil: heureusement que je suis très habile pour ne pas me faire repérer. D'après ce que je peux observer, elle semble s'épanouir dans sa nouvelle vie. J'admets volontiers que cela me fait plaisir qu'elle se soit reconstruite mais egoïstement, je reconnais que par instant, je regrette qu'elle ne soit pas triste: j'aurais au moins l'impression de lui manquer un tant soit peu. En même temps, je ne peux pas lui en vouloir si elle m'a oublié: je lui en ai fait tellement bavé dans un passé récent que je ne mérite pas sa pitié. Pourtant, je ne désespère pas de venir à sa rencontre dans un proche avenir mais franchir le pas n'est pas chose aisée. D'une part, je crains sa réaction car il n'est pas exclu qu'elle me repousse et d'autre part, je sais que je suis encore éperdument amoureux d'elle. Il est donc normal que je garde mes distances pour le moment: le simple fait de la voir quotidiennement me réchauffe le coeur. J'aimerais tellement lui dire à quel point elle m'a manqué, je souhaiterais lui avouer qu'elle est tout ce dont j'ai toujours rêvé mais je me connais et je sais que mon égo surdimentionné m'empêchera une nouvelle fois de m'afficher à coeur ouvert...