D'un geste fougueux, la brune s'était allongée sur celui qui l'avait traînée là dans l'espoir de lui faire voir la beauté de cette antre magique, incapable de réellement ouvrir les yeux sur la délicatesse des lieux et sur la musique douce que provoquait le ruisseau. Tout en l'embrassant dans le cou, elle attrapa le pan de son tee-shirt pour le relever, mais le regard que lui renvoya son compagnon suffit à la stopper net. « Qu'est-ce qui se passe? » Plantant l'une de ses mains au sol pour se retenir, agacée, elle arqua un sourcil. « Tu tires ton coup, je tire le miens, et on se casse. C'est ce qu'on avait dit, non? » « Ouais. Mais je pense que je tom ... » « Oh ta gueule. Prends tes affaires et casse-toi. » Se redressant avec une raideur qui n'était pas la sienne habituellement, elle repoussa brutalement la main qui échoua sur sa hanche. « Tess, mais qu'est-ce qui te prend? » « Casse-toi, j'ai dis ! Je ne suis pas le genre de fille qu'on peut impressionner avec un marais ! » Un marais ... Décidément, Tessa n'était pas souvent sortie de chez elle pour ne pas faire la différence entre un marais et un étang, l'un étant puant et Shrekien et l'autre étant tranquille et paisible. En fait, c'était surtout pour prouver à son partenaire qu'elle n'était en rien sous son charme grâce à ses capacités visuelles. La brune le regarda partir, les sourcils légèrement froncés, alors qu'elle gardait la tête haute et croisait les bras, décidée à se débarrasser de lui coûte que coûte. Pourtant, c'était dommage de le regarder s'en aller sans faire un geste pour tenter de le retenir, il lui semblait être un bon coup. Un peu déçue et frustrée de ne pas avoir eu ce qu'elle voulait, elle balança un caillou dans l'étang et se releva finalement.

Tout en faisant le tour du point d'eau pour profiter de la vue pourtant magnifique qui s'offrait à elle, elle envoya balader quelques brindilles sur son chemin, glissant une main dans ses cheveux pour les démêler aisément. Et puis, lorsqu'elle eut trouvé un saule sous lequel s'asseoir, elle appuya son dos contre le tronc de l'arbre et pencha légèrement la tête vers l'arrière, ses cheveux bruns voletant doucement au gré de la fine brise qui s'élevait en bouffées régulières. Pourtant, ce ne fut qu'après de longues minutes qu'elle comprit qu'on l'observait et pire que ça, qu'on la dévisageait. On la perçait à jour, on tentait de voir sous la dureté de ses traits et Tessa tourna brusquement la tête vers l'intrus qui la regardait, une tablette de dessin à la main. En fait, en tant qu'intruse, elle se la jouait plutôt bien puisqu'elle n'avait même pas vu l'inconnu lorsqu'elle avait atterri sous le saule. Se relevant d'un bond, elle fut à ses côtés en moins de temps qu'il ne le fallait pour dire « Aie! » et se planta là, les yeux rivés sur le dessin qu'il venait à peine de commencer. Il ne faisait toutefois aucun doute qu'elle allait se trouver sur la feuille blanche à la fin de son exercice et Tessa s'en vit faussement choquée. Le problème avec Tessa, c'était qu'elle jouait plutôt bien la comédie. « Je t'ai pas donné ma permission. Ça s'appelle un viol d'intimité. » Tout en croisant les bras, elle dévisagea l'inconnu à son tour et dut admettre que ses cheveux d'ébène et son regard profond lui donnaient l'air d'un véritable artiste. On l'aurait imaginé avec une tablette à dessin ou une guitare à la main sans même le voir avec, comme si c'était écrit dans le ciel. « T'aurais pu barbouiller les nénuphars là-bas, je parie que c'est la seule chose que t'arrives à faire! » Faussement vexée, elle avait le regard dur et l'expression de celles qui cherchaient à faire culpabiliser celui qui leur faisait face.

Pour occuper un après-midi sans cours, rien de telle qu'une petite virée dans le parc de la ville. C'est exactement la réflexion qu'Owen s'était faite en garant son van à proximité du petit étang qui faisait toute la beauté du parc en question. Le jeune saltimbanque était prévoyant, et il avait toujours sur lui sa planche à dessin. En cas d'ennui, il stoppait son véhicule, descendait et s'installait à l'endroit même où l'envie lui en avait prit. Son défi était de sortir quelque chose de chacun de ces arrêts. Dans des endroits qui n'ont a priori pas grand chose à dire, l'étudiant en art s'efforçait de dégainer ses crayons, et de capter la moindre petite chose qui pouvait être beau et intéressant à dessiner. Cet exercice se révélait à la fois plaisant, enrichissant mais aussi particulièrement complexe lorsqu'Owen s'arrêtait en bord de route, par exemple. Mais aujourd'hui, la tâche s'avérait plus facile que d'habitude. En effet, les abords de cet étang étaient parfaits pour ce genre d'activité. Les ombres et les couleurs qui s'y mêlaient promettaient au dessinateur beaucoup de travail, mais pour un résultat qui vaudrait probablement le détour. Le jeune homme descendit donc de son van, fit quelques pas dans l'herbe souple du parc et s'installa dans un coin ombragé, à l'abri d'un grand arbre, mais assez dégagé pour pouvoir capter chaque élément de ce somptueux paysage. Owen sortit un de ses crayons et s'apprêta à tracer les premiers traits sur sa feuille blanche, mais soudain une silhouette déboucha de nulle part, et fit irruption dans son champs de vision. Il l'observa en silence, et ses yeux suivirent la jeune fille en question jusque sous cet arbre, juste en face de lui, où elle décida de se poser. La scène était presque irréelle, et le vent donnait une toute autre dimension à cette fille ma foi assez « normale » qui venait de s'installer là. Aussitôt, le jeune étudiant trop heureux de pouvoir immortaliser un moment pareil, commença à griffonner les contours de la scène.

Mais après seulement quelques coups de crayon, Owen vit son modèle se lever, et foncer vers lui. Brusquement, il comprit que la jeune fille n'avait certainement pas appréciée d'être dévisagée de la sorte, et il se tourna le plus vite possible pour faire mine de dessiner autre chose. Malheureusement, elle fut plus rapide que lui, et arriva en trombe à sa hauteur tout en posant ses yeux sur la planche à dessin presque vierge. Quand elle s'adressa à lui, comme si elle l'avait toujours connu, Owen put constater qu'il n'avait pas eut tort. « Je... désolé, j'étais en train de dessiner quand tu es arrivée... » Le malheureux tentait de s'en sortir comme il le pouvait, sans trop faire de vagues, quitte à mentir un tout petit peu quant à son timing précis. Sans qu'il n'eut réellement le temps de le justifier, la jeune fille reprit de plus belle, et l'attaqua sur le fait qu'il devait tout juste être capable de dessiner quelques nénuphars. Owen n'étant pas d'un naturel très violent, surtout pas lorsqu'il se trouvait en face d'une fille, il décida d'abandonner avant même que le duel se soit véritablement engagé. Tout en secouant la tête, il plaça son crayon derrière son oreille, et commença à ranger la feuille sur laquelle il avait commencé son œuvre. Sans même tenter de recroiser son regard, le jeune homme se redressa, et repartit en direction de son van. « Pardon, je vais chercher un autre endroit... Tu peux rester, je te laisse tranquille. » Certes, les artistes étaient souvent mal vus, mais de là à se faire jeter de la sorte, Owen n'avait jamais vu ça. Et comme souvent, il préférait fuir avant que les choses ne s'enveniment et ne viennent lui gâcher son beau moment de repos.

« Je... désolé, j'étais en train de dessiner quand tu es arrivée... » Arquant un sourcil en jaugeant le dessin qu'il venait apparemment tout juste de commencer, elle croisa les bras, visiblement sceptique. « Ça va bien te prendre dix ans pour le terminer à ce rythme-là! » Elle le regarda ranger ses affaires en fronçant les sourcils, étonnée de ne pas se prendre un « J'étais là avant toi, donc tu dégages! » ou un « Je suis libre, je fais ce que je veux. » en pleine gueule. Tessa était tout de même excessivement franche et il n'était pas rare que les gens qu'elle côtoyait finissaient par en faire de même avec elle. Parfois, souvent même, il faut dire qu'elle méritait amplement les critiques et les reproches qui s'affalaient sur elle comme des bombes. Elle le regarda s'éloigner en se demandant réellement si elle faisait peur ou s'il était suffisamment timide pour ne pas oser la contrarier. Ce n’était pas comme si elle donnait l’impression de pouvoir lui arracher la tête avec la seule force de son petit doigt, non plus! « Pardon, je vais chercher un autre endroit... Tu peux rester, je te laisse tranquille. » « Attends! » Gracieuse, comme toujours, elle s’était mise à marcher un peu plus rapidement pour le rejoindre et le retint par le bras, le regard rivé dans le sien. Jouant des cils et des hanches pour se rapprocher de lui en douceur et en sensualité, elle fit mine de réfléchir quelques secondes. « Et si je préfère que tu restes? » Le jaugeant du regard sans défaire son emprise sur le bras de son vis-à-vis, la jeune femme renvoya sensuellement sa douce crinière vers l’arrière de manière à dégager son visage. Consciente de ses atouts, elle ne manquait pas d’en jouer et s’amusait clairement des situations où les gens, et particulièrement les garçons et les hommes, tombaient sous son charme.

« Je te croyais un peu plus orgueilleux. Ça ne te fait rien, que je te dise que tu dessines mal alors que je n’ai rien vu de tes œuvres? » Arquant un sourcil en relâchant finalement la prise qu’elle avait toujours sur le bel inconnu, elle recula de quelques pas, s’assurant néanmoins de ne pas le laisser partir tout de suite. Elle était prête à se glisser à ses côtés dans le van s’il osait partir sans elle ou couper court à la conversation et il n’y avait pas grand-chose dont elle avait peur. « Si je te laisse me dessiner, je peux le garder, après? Comme ça, je pourrai voir si tu es doué. » Volontairement aguichante et provocatrice, elle avait penché la tête de côté dans l'attente d'une réponse de sa part. Tessa avait toujours adoré être sous les feux des projecteurs et devant les caméras; c'était toujours elle qu'on voyait au premier plan sur les photos, elle qui souriait le plus et qui semblait prendre plaisir à ce genre d'activités. Enfant unique, elle avait eu toute l'attention sur elle depuis toujours et ses parents n'avaient pas manqué de lui donner tout ce qu'elle voulait puisque de toute façon, ils n'auraient personne d'autre sur qui jeter leur dévolu. Habituée depuis toujours à ce que ses moindres faits et gestes soient couronnés de succès, filmés ou applaudis, elle ne pouvait qu'adorer se retrouver au centre d'une photographie ou d'un dessin qui la mettait en vedette. On pourrait presque dire que toute sa vie consistait à jouer les modèles tellement elle était désormais habituée à jouer des hanches, des sourires et du regard pour obtenir tout ce qu'elle voulait. Le jeune homme était mignon, en plus, avec ses cheveux d'ébène et son regard fuyant et elle n'était pas contre l'idée de prendre la pose pour ses beaux yeux, même si elle n'avait pas envie de le lui dire clairement. Tessa était bien plus attirée par un brun au regard pénétrant que par un blond aux pupilles céruléennes et elle se trouvait justement en compagnie de l'un de ces mecs qui la faisaient craquer; un artiste de surcroit.

Son moment de repos commençait donc sur les chapeaux de roues mais, peu enclin à s'énerver et à faire un scandale, Owen avait décidé de battre en retraite. Après tout, il y avait une multitude d'autres coins sympa à dessiner à Arrowsic, et il pourrait tout à fait revenir un autre jour pour pouvoir s'exercer sur cet étang. Et puis il n'avait pas envie de se prendre la tête maintenant, encore moins avec un inconnue comme celle qui se tenait devant lui à ce moment-là. Alors il était parti, il lui avait tourné le dos et s'était dirigé vers son van qui était décidément son refuge en toutes situations. Ce faisant, il pensait être tranquille et continuer son chemin sans encombres, mais c'était sans compter sur la ténacité de l'inconnue en question. Alors qu'il commençait à peine à avancer vers son véhicule, la jeune femme l'appelait déjà. Il continua sans se retourner et en faisant mine de ne pas avoir entendu, mais il entendit derrière lui des pas, et bien vite elle le rattrapa, osant même l'agripper par le bras. C'est à cet instant précis qu'elle planta on regard dans le sien, et Owen remarqua pour la toute première fois ses yeux. Sublimes. En même temps, c'était aussi la première fois qu'il osait la regarder en face, sans trop avoir le choix d'ailleurs. Cependant, le jeune homme n'était pas certain de tout comprendre. Quelques minutes plus tôt, il se faisait tout bonnement jeter parce qu'il voulait la dessiner, et voilà qu'elle lui demandait maintenant de rester. Owen fronça les sourcils en l'observant. En plus du reste, il avait la vague impression qu'elle essayait de le séduire. Il était alors face à deux options : selon la première, il se faisait tout simplement des films. La seconde option disait que cette fille était complètement folle, ou qu'elle ne savait absolument pas s'y prendre avec les hommes. Quoi qu'il en soit, avec ses cheveux dans le vent, elle réussissait à capter le regard d'Owen qui se trouvait de plus en plus mal à l'aise, et surtout complètement perdu.

« Ça ne me fait absolument rien puisque je ne te connais même pas. » Le jeune homme avait répondu un peu sèchement, et sans savoir si c'était à cause de ça, l'inconnue lâcha son bras. Owen en profita aussitôt pour reculer, et ainsi avancer un peu plus près de son van. « Si je te laisse me dessiner, je peux le garder, après? Comme ça, je pourrai voir si tu es doué. » Cette fois, le jeune saltimbanque se retourna carrément, et pressa le pas pour arriver devant son véhicule et en ouvrir la porte côté conducteur. Avec un petit rire, il répondit : « Certainement pas non ! Je dessine pour moi, rien d'autre. » Puis il grimpa sur son siège et claqua la porte. Ce qu'il disait était vrai : il avait pour habitude de ne jamais montrer ses dessins à personne. De toute façon, Owen n'avait pas grand monde à qui les montrer, et ça l'arrangeait bien. Il considérait le dessin comme une chose personnelle, et il avait beaucoup de mal à dévoiler ce genre d'éléments, même devant des gens qu'il connaissait bien.

Une fois dans son van, il fit glisser sa planche à dessin derrière son siège, inséra la clé dans le contact et démarra. Il devait quitter cet endroit au plus vite avant de se faire d'autres films sur la brune qui le poursuivait, et surtout avant d'avoir à lui dévoiler ses dessins. Mais quelle idée lui avait traversé l'esprit quand il avait commencé à la dessiner ? Il réalisait maintenant son erreur, mais il était trop tard. La prochaine fois, il se contenterait de dessiner des paysages, ou mieux : des natures mortes, c'est beaucoup moins dangereux, et surtout beaucoup plus prévisible qu'une belle inconnue au bord d'un étang.

« Certainement pas non ! Je dessine pour moi, rien d'autre. » Vexée par le refus catégorique de l'inconnu, Tessa le laissa faire lorsqu'il prit la direction du côté conducteur. Partagée entre l'envie de lui montrer de quelle planète elle venait et celle de le laisser filer pour lui montrer qu'elle ne courrait jamais après les hommes, elle n'eut que le temps d'ouvrir la portière pour s'installer à ses côtés, visiblement destinée à le poursuivre. Elle n'avait pas envie de le regarder s'éloigner ou de le laisser disparaître comme ça et la seule perspective d'imaginer ses sombres prunelles attirées par son corps tel un aimant alors que ses mains reproduisaient les fines courbes de ses hanches la séduisait. « À quoi ça sert de dessiner si on ne sait pas ce que ça vaut? Picasso ne serait pas devenu célèbre en gardant ses tableaux pour lui. » évoqua-t-elle en haussant délicatement les épaules tout en profitant de sa position pour balancer de nouveau ses cheveux derrière elle en un geste sensuel destiné à le faire craquer. Elle voyait bien à quel point il semblait la craindre ou la détester, comme si l'intimité intérieure de son van venait soudainement d'être souillée par son entrée en trombe. Elle n'avait pas habitude à s'imposer dans une voiture, mais sa vie entière était destinée à suivre ses instincts et ses envies, à quoi bon les restreindre? Elle avait voulu le suivre, elle l'avait fait. Rien ne semblait se mettre au travers de sa route et lorsque c'était le cas, Tessa faisait tout ce qui était en son pouvoir pour contourner les obstacles, ou les éliminer. Elle ne se laissait jamais démonter et ce n'était certainement pas un van apparemment réservé à son propriétaire qui l'arrêterait.

« Tu as dis non pour me donner le dessin, mais tu n'as pas dis non pour me dessiner. Et si je demande seulement à le voir? » rectifia-t-elle en se rapprochant de lui légèrement, effleurant son bras de ses doigts alors qu'elle récupérait les pans de son propre débardeur pour le soulever et le retirer complètement, sans réellement le quitter des yeux. Assurée d'attirer son attention avec son soutien-gorge noir et son cou délicatement offert, elle cambra légèrement les reins de manière à faire ressortir son buste, tentant de prendre la pose pour un dessin qu'il voudrait bien faire d'elle. Aucunement pudique, Tessa se fichait bien qu'on la photographie en petite tenue et elle n'était pas contre l'idée de se dénuder complètement, un jour. Fière de son corps, délicate et sensuelle, elle n'avait pas l'impression de s'offrir à la vue des pervers, elle aimait simplement avoir le regard des autres posés sur elle. « Comme ça, ça t'irait? Tu pourrais t'exercer sur un modèle humain; les corps et tout ça, c'est pas facile, non? » Un léger sourire charmeur s'était emparé de ses lèvres alors qu'elle les rendait volontairement pulpeuses. Maitresse de la séduction lorsqu'elle se retrouvait dans un bar et qu'était venu le temps de draguer les mecs saouls ou déjà relativement éméchés, elle avait un certain talent pour se faire valoir, mais ne parvenait pas à comprendre ceux qui résistaient à son charme et qui refusaient de se laisser faire. Un mec était un mec et Tessa avait appris depuis longtemps qu'ils ne disaient que très rarement non à une femme. Elle ne voyait pas pourquoi certains se montreraient différents des autres et, ses atouts mis en valeur, elle espérait que son bel inconnu n'était pas de ceux qu'elle pouvait classer dans la catégorie « frigides », là où séjournait déjà Colton. Elle n'avait même pas l'intention de lui demander quelque chose en retour; il pouvait regarder sans prendre la peine de s'inquiéter.

La seule et unique chose qu'Owen demandait aujourd'hui, c'était un peu de calme et de repos. Juste le silence, la solitude, et un beau paysage à dessiner pour se détendre. Mais visiblement, son destin en avait décidé autrement, et avait mis sur son chemin cette fille un brin collante qui ne semblait pas vouloir le lâcher. Sans aucune sorte de honte, la jeune femme en question grimpa dans son van en vitesse et Owen comprit à ce moment-là qu'il ne s'en débarrasserai pas aussi facilement. Mais qu'avait-elle donc à vouloir le faire rester alors qu'elle venait tout juste de l'inciter à partir ? Il soupira longuement en fermant les yeux, puis se résigna à couper le contact de son véhicule. « Je n'ai pas besoin de savoir ce que ça vaut, je ne veux pas devenir Picasso ! Et puis, qui me dit que t'y connais assez pour juger mes dessins ? » Malgré l'attraction que cette fille étrange exerçait sur lui, il s'efforçait de lui parler froidement, pour chercher à l'éloigner, à la faire fuir. Mais en réalité, c'était exactement l'effet contraire qui se produisait, et Owen était désormais comme prisonnier dans son propre van. Bizarrement, elle lui donnait l'impression de savoir exactement ce qu'elle faisait. Chacun de ses gestes paraissait être calculé, et destiné à le faire craquer. Mais le jeune homme n'était pas certain de saisir le but de ses manœuvres. En quoi un simple dessin l'amenait-elle à insister comme ça ?

Alors qu'Owen tentait de se concentrer pour trouver une solution, la jolie brune n'avait de cesse de se rapprocher de lui. Plus il faisait semblant de l'ignorer et d'être insensible à ses approches, plus elle essayait de capter son regard et son attention. Si bien qu'elle finit par ôter son débardeur. Le jeune saltimbanque cru alors halluciner. Dans sa vie, il avait été confronté à tout un tas de situations plus ou moins épiques et gênantes, mais celle-ci dépassait de loin toutes les autres. Il ne put s'empêcher de tourner la tête vers elle, et resta figé un long moment devant le « spectacle » qui s'offrait à lui. Bien sûr, son instinct lui disait de foncer et de ne pas laisser échapper une telle occasion, mais sa timidité et sa maladresse constituaient un frein qui lui semblait insurmontable. Et quand bien même, quelque chose lui paraissait anormal chez cette fille. Elle s'était introduite dans son van, dans sa maison et son seul refuge comme ça, sans rien demander, sans même lui laisser une seule chance de refuser. Et un tel geste ressemblait en tous points à une agression pour lui. Jamais personne ne s'était permis de s'immiscer de cette manière dans sa petite vie, et même si la tentation était grande, Owen se refusait à craquer. A la vue du sourire à tomber que venait de dégainer sa voisine, le jeune homme déglutit, puis détourna de nouveau le regard. Elle n'avait pas le droit de faire ça. Petit à petit, il sentait bien qu'il était en train de perdre pied, mais il devait se concentrer, et se sortir de là au plus vite. Alors que ses joues s'empourpraient de plus en plus, il décida de lui répondre, mais sa voix se faisait de moins en moins sûre. « Euh.. je ne dessine jamais sur des modèles humains. Désolé. Tu... tu peux remettre ça.. » ajouta-t-il en saisissant le débardeur qui avait atterri près de lui. Ses doigts glissèrent sur le tissu, et il observa son propre geste d'un regard un peu rêveur. Puis il secoua frénétiquement la tête, et lâcha le débardeur pour qu'elle le récupère sans avoir à toucher sa main. Il avait alors très envie de partir, de rouler à toute vitesse vers la forêt, cet endroit où il se sentait si bien et si seul. Mais elle était là, bien décidée à le faire craquer, et Owen attendait avec une pointe d'appréhension le prochain moyen qu'elle mettrait en œuvre pour arriver à ses fins.

« Je n'ai pas besoin de savoir ce que ça vaut, je ne veux pas devenir Picasso ! Et puis, qui me dit que t'y connais assez pour juger mes dessins ? » « J'ai fais du dessin déjà. Et je me regarde suffisamment souvent dans le miroir pour savoir si ce que tu dessines est ressemblant. Les feuilles, c'est beau, mais tu ne peux pas leur demander leur avis. » Haussant les épaules en répondant à son interrogation comme s'il s'agissait d'une parfaite certitude, elle se montrait nonchalante tout en essayant vaguement de lui faire comprendre qu'elle était la mieux placée pour juger ce qu'il voulait faire. De toute façon, elle ne voulait pas vraiment juger, elle voulait surtout voir ce qu'il pouvait réussir à faire en la prenant pour modèle. Elle était belle et elle le savait, elle ne voyait pas à quoi ça pouvait bien servir de se cacher. Elle voyait bien qu'elle réussissait à attirer son attention et qu'il lui semblait désormais de plus en plus difficile de résister, mais ce n'était pas encore assez. Elle aurait pu se contenter de ce qu'il pouvait réussir à lui donner et le laisser tranquille, mais elle voulait qu'il sache ce qu'il manquait. Elle voulait lui donner envie et elle ne voyait pas trente-six mille façons d'y arriver. Apparemment, il était timide et Tessa savait pertinemment comment elle devait agir lorsque ce genre de situations se présentaient. Non seulement elle devait prendre les choses en main parce qu'elle n'obtiendrait jamais rien autrement, mais elle devait aussi forcer le destin. Rester assise sur le siège côté passager ne relevait pas de l'impossible et elle ne voyait sérieusement pas à quoi cela pouvait bien servir sinon l'empêcher de partir parce qu'il ne voulait pas se coltiner une occupante supplémentaire.

« Euh.. je ne dessine jamais sur des modèles humains. Désolé. Tu... tu peux remettre ça.. » Sérieusement? Elle avait suivit son regard des yeux et elle savait qu'il ne s'était pas empêché de plonger le nez dans son décolleté. C'était exactement ce qu'elle voulait et loin d'elle l'idée de le lui reprocher, seulement ... Elle se savait sur la bonne voie et elle n'avait pas l'intention d'arrêter. « Je parie que t'as jamais dessiné de dentelle. Je pourrais le garder, si tu veux. » murmura-t-elle alors qu'elle s'était penchée vers lui, un doigt sous la bretelle de son propre soutien-gorge en faisant volontairement abstraction du vêtement qui venait d'échouer sur ses genoux. Aucunement gênée de se retrouver à moitié dénudée devant lui, elle replaça ses cheveux d'un seul côté de son visage afin de dénuder de nouveau son cou, sa main s'y attardant comme une invitation à l'y rejoindre. Elle laissa son doigt parcourir délicatement son épaule avant de faire baisser légèrement la bretelle de son sous-vêtement, son regard cherchant le sien afin de tenter une hypnose psychologique et délibérément sensuelle. Pourtant, il lui semblait que ses tentatives se révélaient infructueuses à cause de la ténacité de son opposant, mais Tessa ne renonçait que rarement à un défi qu'elle s'était elle-même lancé. Pour l'instant, elle ne lui demandait rien de plus que d'accepter de poser ses prunelles sur elle pour en faire une reproduction et elle ne voyait pas vraiment où il pouvait trouver le mal. « Si c'est parce que tu te sens mal à l'aise, on peut aller ailleurs. Je prendrai la pose que tu voudras! » Ses doigts glissaient délicatement sur le bras du jeune homme encore inconnu de manière à créer des cercles destinés à lui procurer au moins quelques frissons. « Et pour quelqu'un qui ne prend pas de modèles humains, t'avais l'air bien inspiré, tout à l'heure. Allez, essaie, juste pour voir! Je suis à ta disposition, tu ne peux pas refuser ça! » Délibérément soucieuse de ne pas ressortir du van bredouille, la jeune femme avait passé l'une de ses jambes du côté de son artiste et serrait sa cuisse tout contre la sienne, jouant d'une moue convaincante pour tenter de le pousser à accepter sa proposition. Son sourire se faisait charmeur, son nez se plissait alors qu'elle inclinait très légèrement la tête de manière à ne pas perdre le contact tout en lui offrant une vue un peu moins discrète sur sa nuque et son cou dénudé.

D'après ses dire, la jeune fille avait donc déjà dessiné. En entendant cette « révélation », Owen se surprit à ressentir un léger sentiment d'espoir. Si elle avait déjà dessiné, si elle s'intéressait aux même choses que lui, peut-être qu'elle le comprendrait... En réalité, Owen avait beaucoup de mal à trouver des amis avec qui partager ses passions et ses idées. Dans un sens, ce n'était pas plus mal, ça prouvait qu'il était unique. Mais il aurait tellement voulu rencontrer des gens du même monde que lui ! En plus d'être séduisante et visiblement très entreprenante, était-il possible qu'elle soit une de ceux-là ? Cependant, quelque chose clochait dans le comportement et la façon d'être de sa voisine. Quelqu'un comme lui n'aurait très certainement pas agit comme ça ! En effet, Owen était plutôt du genre timide et réservé, il était rêveur, constamment dans son monde, ce qui ne semblait pas être le cas de la jeune fille qui s'évertuait à capter son attention depuis déjà plusieurs minutes. Mais outre sa timidité, le jeune homme avait de plus en plus de mal à cacher son intérêt pour cette fille, ses formes, les sous-vêtements qu'elle exposait juste sous son nez, ses cheveux et surtout, SURTOUT ses yeux. Des yeux qu'il avait presque peur de croiser sous peine de rester hypnotisé. Elle était bien consciente du pouvoir qu'elle exerçait sur lui, et semblait en jouer tant et plus pour qu'il finisse par craquer. Pour déjouer ses plans, Owen faisait en sorte de regarder ailleurs et pour cela, il n'avait pas tellement le choix. La seule chose qui était à la portée de sa vue, c'était son volant. Il riva donc ses yeux dessus dans l'espoir de ne plus en bouger. Tout à fait conscient d'être passablement ridicule, c'était néanmoins le seul moyen qu'il avait trouvé pour ne pas céder aux avances de la belle.

« Je n'ai pas envie de dessiner de la dentelle. » Owen restait campé sur ses positions, évitant toujours son regard et prenant presque le ton d'un enfant qui boude. La jeune femme ne cessait d'effleurer son bras, et Owen devait fermer les yeux de temps à autres, et se concentrer pour ne pas frissonner sous ses doigts. Même s'il ne la regardait pas, il sentait dans sa voix tout un tas de sous-entendus qu'elle aurait certainement voulu lui faire découvrir. « C'est pas ça... Et on n'ira nulle part. » Décidément, Owen avait tout à fit l'air d'un gamin faisant la tête, mais rien ne semblait pouvoir décourager l'inconnue. Tout à coup, il sentit la pression de sa cuisse contre la sienne, et dans une pulsion qu'il ne put contrôler, il fit glisser sa main dans sa direction. Il la frôlait, sentant sa peau chaude sous ses doigts, il craquait... Ses gestes se firent plus assurés, et peu à peu, il se redressa et se retourna vers elle. Owen avança alors doucement, jusqu'à ce qu'il sente le contact de ses longs cheveux noirs contre son visage. Il était désormais à quelques centimètres d'elle, quelques millimètres peut-être, mais il ne l'avait toujours pas regardée dans les yeux. Il respirait son parfum, tout en se remémorant leur rencontre pour le moins inattendue. Puis, il réalisa enfin ce qui était en train de se passer, ce qu'il était en train de faire. Lui qui était d'ordinaire si timide se retrouvait là avec une inconnue à moitié, dans son propre van, sur le point de s'envoyer en l'air avec elle sans rien demander de plus ! A cette pensée, le jeune homme recula, puis regarda la main de l'inconnue en question qui parcourait toujours son bras et la repoussa brutalement. Les sourcils froncés, il planta pour la première fois son regard dans celui de la jeune femme. « Attends, qu'est-ce que tu veux au juste ? Un dessin ? Et puis ? Pourquoi est-ce que ça t'intéresserait d'abord ? Je... je ne connais même pas ton prénom, et tu entres chez moi comme ça ?! Qu'est-ce que tu me veux ? »

« Je n'ai pas envie de dessiner de la dentelle. » « Je savais que tu dirais ça. Je pourrai l'enlever, si tu veux. » D'une voix douce alors qu'elle tentait de se montrer délicate, pour une fois, elle haussa les épaules en faisant glisser l'une des bretelles de son soutien-gorge le long de son bras. Elle cessa toutefois son geste pour s'intéresser un peu plus à lui et à cette facilité qu'il avait d'éviter son regard alors qu'elle savait pertinemment qu'il mourrait d'envie de se laisser aller. Franchement, quel homme pouvait résister à des avances aussi directes? Elle parvenait presque à imaginer et à ressentir le dilemme qui le prenait de court et si elle ne comprenait pas pourquoi il refusait de s'abandonner alors qu'elle était tout de même assez claire dans ses intentions, elle espérait qu'il laisserait bientôt tomber les fortifications qu'il avait instaurées tout autour de lui pour ne rien ressentir. Elle opta néanmoins pour une possibilité, l'énonçant à voix haute en tentant de le rassurer quant-au fait qu'ils puissent s'éloigner là où personne ne les trouverait jamais. « C'est pas ça... Et on n'ira nulle part. » Tessa poussa un léger soupir de mécontentement alors qu'elle aurait bien aimé se retrouver dans la broussaille, à moitié nue, à jouer les mannequins. « Je peux mettre une main sur mon sein, si ça te rend mal à l'aise de jouer les Jack. Tu le verras pas, comme ça. Ou sinon, tu me dessines habillée et on verra plus tard pour le reste! » Elle faisait de toute évidence référence au film Titanic, mais elle n'était pas certaine qu'il puisse saisir l'allusion. Il avait l'air tellement ... timide, alors qu'il était si séduisant! Il ne pouvait décidément pas douter de son charme, non? Elle aurait presque pu lui renvoyer dans la gueule que c'était sa faute à lui si elle agissait comme ça et qu'elle ne cessait pas de le surprendre, c'était lui qui l'avait d'abord fixée!

Alors qu'elle ne s'y était pas attendue, elle sentit la main de l'artiste sur sa cuisse et se mordit la lèvre à ce contact, un petit sourire éclairant son visage sans doute un peu pâle pour ce temps-ci de l'année. Il lui semblait qu'il venait tout à coup d'acquérir une grande confiance en lui et malgré ce qu'on pouvait penser, ce n'était pas pour déplaire à la brune. Elle pouvait sentir son souffle dans son cou et sa main qui se faisait un peu plus entreprenante et fougueuse le long de sa jambe, ce qui ne manqua pas de lui soutirer quelques frémissements. L'une de ses mains glissa au creux de sa nuque afin de le sentir plus près d'elle, mais elle n'eut pas le loisir de goûter à ses lèvres - elles étaient pourtant si proches! - puisqu'il la repoussa brusquement, en un élan de conscience soudaine à peine voilée. Désormais presque lassée de ce jeu de séduction qui n'aboutissait pas, elle conserva néanmoins un contact visuel avec l'inconnu, ne serait-ce que pour tenter de lui transmettre par la pensée ce qu'il manquait en se braquant de la sorte. « Attends, qu'est-ce que tu veux au juste ? Un dessin ? Et puis ? Pourquoi est-ce que ça t'intéresserait d'abord ? Je... je ne connais même pas ton prénom, et tu entres chez moi comme ça ?! Qu'est-ce que tu me veux ? » « Chez toi? Oh, God ! J'oubliais que les artistes étaient un peu tarés, mais ... J'adore ça! » avoua-t-elle en arquant soudainement les sourcils, intéressée. Il avait réussi à capter son attention avec ce genre de revirement puisque Tessa avait toujours adoré qu'un homme change désespérément d'attitude en sa compagnie. « On peut recommencer du début, si tu veux. » débuta-t-elle avant de lui tendre la main sans se préoccuper de sa poitrine presque à découverte.« Je m'appelle Tessa. Enchantée! Je peux savoir le tiens, maintenant? » Ayant ramené sa jambe de son côté du van, elle devait faire un effort surhumain pour ne pas chercher un contact supplémentaire, n'ayant pas envie, non plus, de l'effrayer. « Je ne vais pas te le cacher, j'aimerais bien voir ce que je peux donner sur une feuille blanche. Et puis, ça me ferait sans doute marrer de voir ton expression concentrée afin de ne pas t'attarder trop longtemps au même endroit. Tu ne fais donc jamais rien d'un peu fou? » demanda-t-elle en arquant de nouveau un sourcil, assurée de tenir là la réponse à toutes ses interrogations. Il était trop prude et il refusait de faire quoi que ce soit qui puisse contrevenir à ses valeurs ou à ses principes alors que Tessa, elle, n'en avait aucun.

« Je peux mettre une main sur mon sein, si ça te rend mal à l'aise de jouer les Jack. Tu le verras pas, comme ça. Ou sinon, tu me dessines habillée et on verra plus tard pour le reste! » Owen leva les yeux au ciel avec un air proche du désespoir. A vrai dire, le seul Jack qu'il connaissait, c'était Jack Sparrow, et il doutait fort que la jeune fille veuille parler de celui-ci. Mais il décida de ne pas s'arrêter sur cette description douteuse, il ne voulait définitivement as en savoir plus. L'inconnue lui demandait à présent de la dessiner habillée, chose qui en soi, ne semblait pas insurmontable pour un artiste digne de ce nom. Mais comme pour beaucoup d'autres choses, Owen était un peu particulier... Il aurait très bien pu sortir ses planches et ses crayons, la dessiner, et ainsi lui permettre de repartir et de se retrouver seul, tranquille dans son van. Mais il aurait été tellement mal à l'aise... Il lui était déjà arrivé de prendre un modèle humain pour ses œuvres, mais il s'agissait à l'époque du clown qui travaillait dans le cirque où il était né. Ce clown qui lui avait servi de professeur pendant tant d'années, et avec lequel il passait des journées entières à perfectionner les acrobaties qu'il voulait bien lui apprendre. Autant dire qu'Owen connaissait cet homme par cœur, et qu'il le considérait à juste titre comme quelqu'un de sa propre famille. Il avait donc été relativement facile pour lui de le prendre comme modèle, mais aujourd'hui, c'était une autre affaire. Se retrouver devant une parfaite inconnue, aussi séduisante et entreprenante, à moitié nue, avec un regard de braise braqué sur lui... Non, décidément, c'était beaucoup trop pour le jeune artiste. Un de ses plus grands défauts était d'être timide, et cela dressait souvent des barrières entre lui et un certain nombre d'occasions qui lui passaient sous le nez. Les avances de la jolie brune à côté de lui en était la preuve irréfutable.

Alors que le jeune homme était sur le point de craquer, et de succomber au charme de l'inconnue qui s'était introduite de force dans son van, il eut un brusque mouvement de recul, comme une soudaine prise de conscience qui lui évita tout débordement involontaire. Comme s'il avait été vexé d'être si faible, Owen s'en était ensuite prit à la jeune fille, lui demandant presque violemment ce qu'elle attendait réellement de lui. Elle commença par une réflexion sur les « artistes » qui incita Owen à la fusiller du regard. Puis, elle lui tendit la main pour entamer les présentations qui auraient dut être faites il y a longtemps. Sans la lâcher des yeux, le jeune homme attrapa sa main, et la serra doucement. Pour toute réponse, il souffla un timide : « Owen ».

Tessa le soupçonnait donc d'être incapable de se concentrer sur son dessin tant qu'elle était en face de lui. Et forcément, elle n'avait pas tort, Owen le savait pertinemment. Le défi semblait bien trop périlleux pour lui, mais elle savait y faire. En effet, elle venait tout juste de l'attaquer sur le fait qu'il ne fasse jamais rien de « fou ». Comment pouvait-elle dire ça sans même le connaître ? Un tour du monde en solitaire dans son van, ce n'était pas assez fou pour elle ? Son regard s'était alors emplit d'ironie, et d'un ton presque charmeur qu'il ne contrôla pas vraiment, Owen lança : « Peut-être plus que tu ne le crois... » Il fut lui-même un peu surpris de sa propre réflexion, mais esquissa un léger sourire, et continua : « Je suis sûr que j'ai déjà fait plus de trucs fous que toi... » Malgré son caractère discret, il y avait bien un sujet sur lequel Owen était intarissable : son périple autour du monde. Lorsqu'on le lançait sur le sujet, il était capable de parler pendant des heures, sans même s'apercevoir de l'ennui qu'il pouvait susciter chez interlocuteurs.

« Peut-être plus que tu ne le crois... » Soudainement amusée par la tournure que prenait la conversation, Tessa se mordit la lèvre alors que des tonnes d'idées toutes plus folles les unes que les autres germaient dans son esprit. Il n'avait peut-être pas conscience de ce que cette phrase pouvait signifier pour elle, mais elle n'allait pas tarder à lui donner un aperçu, convaincue qu'il ne résisterait plus cette fois-ci. « Je ne demande qu'à voir. » souffla-t-elle alors que son regard se plantait dans celui d'Owen sans prendre la peine de faire l'effort de se montrer discrète lorsqu'elle le dévisageait. Elle adorait la profondeur de ses prunelles, vraiment; c'était comme plonger dans un abyme infini d'où elle n'était pas vraiment certaine de ressortir intacte. Il lui semblait qu'elle avait des milliers de choses à apprendre sur lui et qu'il se montrerait intéressant, voire original, ce qu'elle appréciait beaucoup. Quelqu'un qui avait des choses à dire gagnait bien évidemment son respect et elle s'ennuyait moins rapidement, ayant toujours tendance à vouloir en apprendre davantage. Toutefois, elle n'était pas non plus du genre compréhensive et à l'écoute, ce qui pouvait paraître quelque peu contradictoire au vu de son attitude habituelle. Elle aimait être intéressée et captivée, mais elle aimait également être au centre de l'attention afin de savoir interagir avec ce qu'elle connaissait. Or, Owen semblait toutefois gagner des points puisqu'il était timide, mais mystérieux, ce qui était loin de déplaire à la brune.

« Je suis sûr que j'ai déjà fait plus de trucs fous que toi... » Alors là, il venait de piquer sa curiosité et Tessa passa de nouveau ses jambes du côté conducteur avant de s'asseoir à califourchon sur lui, ne serait-ce que pour le provoquer. Attrapant d'une main les cheveux bruns qui lui barraient le visage pour les mettre d'un seul côté de son visage, ses lèvres attrapèrent les siennes avec fougue alors que ses mains glissaient sur sa nuque avec une impétuosité digne de celles qu'on pouvait parfois retrouver dans les films. « Et ça, ça entre dans les trucs fous que t'as déjà fait? » demanda-t-elle en un murmure à son oreille, visiblement sous le charme. Les mains de la jeune femme glissaient avec délicatesse sur le haut du dos d'Owen, sous son tee-shirt, afin de tenter de lui procurer quelques frémissements alors que ses lèvres se posaient à nouveau sur les siennes en un baiser qu'elle voulait doux et agréable. Toujours assise sur les genoux du propriétaire du van, elle ne faisait pour l'instant aucun geste déplacé cherchant à le déstabiliser, mais elle espérait qu'il finirait par apprécier l'effort de gentillesse dont elle faisait preuve en sa compagnie. « Je t'ai jamais vu ici, Owen. T'es là depuis longtemps? » Puisque Tessa était à Arrowsic depuis sa naissance et qu'elle ne l'avait quitté brièvement que pour les vacances, elle avait le mérite - et l'avantage! - de connaître à peu près tout le monde. Elle savait généralement qui était marié à untel, qui trompait untel, qui possédait tel magasin et qui était parti pour ne revenir que de nombreuses années plus tard.

Comme Owen avait put le craindre, sa dernière phrase eut un effet immédiat sur sa voisine. Il faut dire qu'en y réfléchissant, elle était remplie d'un tas de sous-entendus qu'il n'avait à première vue pas réalisés. Sa phrase avait tout bonnement des airs de provocation auxquels il n'avait pas pensé : maintenant, il fallait assumer. Ni une ni deux, Owen vit Tessa s'approcher de lui, puis s'installer sur ses genoux à califourchon. Mais cette fois, il l'avait bien cherché ! Par conséquent il n'essaya même pas de lutter, ni de la repousser... De toute façon, elle avait l'air bien trop têtue et obstinée pour accepter qu'il ne refuse ses faveurs une nouvelle fois. Sans vraiment lui laisser le choix, la jeune femme lui offrit un baiser fougueux, peut-être même un des baisers les plus fougueux qu'Owen n'ait jamais connu. Ce faisant, il sentait ses mains parcourir sa nuque et cette fois, il ne put réprimer un léger frisson. Le jeune homme avait fermé les yeux, comme pour se détacher de toute responsabilité dans cette histoire, mais lorsque les lèvres de Tessa quittèrent les siennes, il esquissa un nouveau petit sourire en coin. Alors qu'elle s'approchait encore pour lui chuchoter quelque chose à l'oreille, les mains d'Owen vinrent innocemment se poser sur ses hanches. « Et ça, ça entre dans les trucs fous que t'as déjà fait? » Évidemment, avec les promesses qu'il venait de lui évoquer, la jeune femme voulait à présent expérimenter l'étendue des trucs fous qu'il avait pu faire dans sa vie. Tout en rouvrant les yeux pour pouvoir la fixer, Owen étouffa un petit rire. « Pas vraiment non... Mes trucs à moi étaient.. d'un autre ordre on va dire ! » Et pour cause. Sans être forcément plus sages, ses défis à lui relevaient plus de l'aventure et du dépaysement, que du fait de réussir à ramener telle ou telle fille dans son lit. Bien sûr, il était conscient que la plupart des garçons de son âge n'avaient qu'une chose en tête : les filles. Ou plutôt : le sexe. Mais le jeune saltimbanque était assez loin de tout ça, trop absorbé par son propre monde, ce monde impénétrable que personne ne comprenait à part lui, et dans lequel il évoluait seul. C'est entre autres pour ces raisons-là qu'Owen se retrouvait quelque peu décontenancé en face de Tessa. Par manque d'habitude peut-être, par timidité aussi... Bref, jamais personne ne l'avait mis face à une telle situation avec elle, et il lui fallait toujours un round d'observation avant d'engager quoi que ce soit, avec qui que ce soit. Son round d'observation justement, Owen le menait depuis le début, et il n'arrivait décidément pas à cerner cette fille qui l'avait abordé. Elle avait commencé par l'engueuler, puis l'avait prié de rester pour la dessiner, elle était entrée de force dans son van, s'était à moitié déshabillée devant lui, l'avait embrassé le plus fougueusement du monde et semblait à présent être aussi douce qu'un agneau. Il y avait réellement quelque chose d'étrange en elle, étrange mais fascinant.

Les mains de Tessa glissaient désormais dans son dos, alors qu'elle l'embrassa une nouvelle fois, beaucoup moins violemment. Toujours accroché à ses hanches, Owen n'essaya toujours pas de se dégager, mais n'en profita pas pour prolonger son baiser pour autant. Il était un homme, et il était donc, par définition, faible face à une fille aussi jolie que Tessa. Mais il n'était pas non plus le premier passant mort de faim du coin, et il savait se contenir quand il le fallait. Aussi, Owen se contenta de répondre calmement aux question de la jeune femme, en essayant d'omettre qu'elle était assise sur lui, et que ses propres mains se baladaient désormais passablement dans le bas de son dos. « Je me suis arrêté ici il y a deux, à peu près. Mais je fais en sorte de ne pas trop traîner en ville, je préfère être au calme... C'est certainement pour ça que tu ne m'a jamais vu... » En effet, sauf exception, le jeune homme passait toutes ses soirées mais aussi ses nuits et ses week-end dans un coin reculé de la forêt qui bordait Arrowsic, si bien qu'il ne connaissait pas grand monde en ville. De temps en temps il passait bien quelques jours chez sa meilleure amie, pour les commodités, mais il ne s'y éternisait jamais, bien trop friand de liberté et de grands espaces.

« Pas vraiment non... Mes trucs à moi étaient.. d'un autre ordre on va dire ! » Frétillante sous les doigts d'Owen alors que ce dernier caressait timidement sa taille, elle accueillit d'un bon oeil ce qu'il venait de lui avouer, consciente de le pousser de ce fait dans ses retranchements, ce qui était loin de lui déplaire. Elle avait toujours aimé déstabiliser les gens et leur prouver qu'ils n'étaient pas si en maîtrise d'eux-mêmes qu'ils voulaient bien lui faire croire. « Tester, c'est pas interdit. » fit-elle simplement en caressant sa joue de son pouce. Si elle-même tentait de le séduire, lui tentait de la frustrer et il y arrivait à un point tel qu'elle ne parvenait même plus à se dire que l'acte en lui-même vaudrait la peine. Elle adorait draguer, elle adorait qu'on la regarde et qu'on fantasme avant de se dire qu'on pouvait toucher, mais elle en avait marre de devoir faire tout le chemin toute seule.

« Je me suis arrêté ici il y a deux, à peu près. Mais je fais en sorte de ne pas trop traîner en ville, je préfère être au calme... C'est certainement pour ça que tu ne m'as jamais vu... » Un peu lasse de tenter le tout pour le tout alors qu'Owen ne réagissait pas plus que ça à ses avances, ses épaules s'affaissèrent légèrement. Le baiser qu'elle venait de lui accorder était trop doux pour appartenir à la Tessa qu'elle connaissait, mais elle avait espéré qu'il puisse faire mouche. Les hommes aimaient habituellement les femmes entreprenantes et fatales, mais si ça se trouve, Owen préférait la douceur à la fougue. Franchement, elle ne voyait pas ce qui pouvait le retenir de lui retirer ce qui lui restait de vêtements en ne prenant même pas la peine d'apprendre à la connaître. Non, vraiment, elle lui offrait ce dont il rêvait sûrement sur un plateau d'argent et il se permettait de le refuser? Les mains de l'artiste caressaient maintenant le bas de son dos et lui procuraient des frissons qu'elle ne parvenait pas à contrôler, mais qui n'étaient pas tant dus aux caresses qu'à ce qui venait brusquement d'éclater comme une bombe dans l'esprit de la jeune femme. « Rester enfermé, c'est nul. » maugréa-t-elle en faisant la moue, étirant le bras afin de récupérer son haut, quelque part sur le siège côté passager. Elle l'enfila rapidement, toujours grimpée sur les genoux d'Owen, avant de lui voler un rapide baiser et d'ouvrir la porte du conducteur pour se laisser glissement à terre. « J'ai compris pourquoi tu fais ça. C'est vraiment une tare d'être gay! » marmonna-t-elle en haussant les épaules, tournant brusquement les talons pour rejoindre le coin tranquille de l'étang où elle s'était arrêtée quelques instants plus tôt. Un peu déçue de ne pas avoir réussi à obtenir ce qu'elle voulait, elle fit la moue, appuyant la tête contre le tronc de l'arbre en fermant les yeux pour tenter de retrouver la quiétude qui avait été la sienne avant qu'elle ne se rende compte qu'il l'épiait. Vraiment, elle était persuadée qu'il était gay puisqu'à ses yeux, c'était la seule raison qui puisse l'empêcher de profiter du fait qu'elle s'abandonnait entièrement à lui sans rien demander en retour.

Alors qu'Owen commençait à peine à se détendre, l'imprévisible inconnue décida de tout faire basculer. En un clin d’œil, elle attrapa son haut, l'enfila au nez et à la barbe du jeune homme avant de lui voler un nouveau baiser, furtif, puis de sortir du van. Avant de prendre la poudre d'escampette, elle lui accorda tout de même une dernière réflexion relevant de sa sexualité qui lui paraissait visiblement douteuse. Owen resta bouche bée devant cette affirmation, et la regarda tourner les talons puis s'enfuir vers l'arbre auprès duquel il l'avait vue pour la première fois. « Hey ! N'importe quoi, je ne suis pas gay ! » Fronçant les sourcils, le jeune homme se repassa tous les derniers événement en tête, et se mit soudain à rire en la voyant partir. Après tout, elle n'avait pas tout à fait tort ! Quel homme normalement constitué aurait pu résister à ses charmes et à ses avances ? Évidemment, l'attitude dédaigneuse qu'il avait prise avait du la vexer au plus haut point. Sans bouger de son siège, il secoua la tête en souriant, et claqua la porte du véhicule. Ses doigts se posèrent sur la clé mais, au moment de remettre le contact, une idée lui traversa l'esprit. Il n'allait tout de même pas partir comme si rien ne s'était passé ! En plissant les yeux, il tourna la tête pour vérifier que la jeune femme n'avait pas bouger, et il put constater qu'elle était bel et bien adossée à l'arbre, les yeux fermés et la tête nonchalamment appuyée contre le tronc. La main du jeune homme recula, et il abandonna pour un temps l'idée de partir sans plus d'explications.

Sa planche à dessin posée sur les genoux, Owen était extrêmement concentré. Il avait cette mimique caractéristique, les sourcils froncés et la langue pointant légèrement au bord de ses lèvres. Depuis qu'il était tout petit, c'est en effet à cela qu'on reconnaissait les moments où il était concentré et absorbé par ses dessins. Son crayon décrivait de grands traits sur sa feuille blanche, puis il semblait s'attarder sur des détails, noircir des points précis... Bref, dans le plus grand silence, Owen réalisait le dessin qu'il avait en tête depuis le début. Après l'entrevue rapprochée qu'il venait d'avoir avec la protagoniste de son œuvre, il put lui donner tout un tas de détails qui auraient été impossible à distinguer de loin. Son travail dura quelques dizaines de minutes, tout au plus, mais le jeune homme n'eut pas besoin de recommencer une seule fois, ni même de donner un seul coup de gomme. Il était sûr de lui, de ses observations et de ses capacités à les retranscrire sur le papier. Lorsqu'il eut terminé, il s'accorda quelques instants pour prendre un peu de recul sur son dessin, et pour vérifier qu'il n'avait rien oublié. Tout y était. On voyait une partie de l'étang, ainsi que les plantes vertes qui l'entouraient. Il y avait aussi cet arbre gigantesque, magnifique, qui surplombait la quasi-totalité de la scène. Au centre, une superbe fille aux longs cheveux d'ébène était assise dans l'herbe, et dans un coin, à peine visible, on distinguait un chapeau melon. Sous ledit chapeau, un homme semblait s'affairer au-dessus d'une feuille de papier...

Plutôt satisfait, Owen regarda tout autour de lui, soucieux de trouver une idée de génie pour faire parvenir son œuvre jusqu'à son destinataire. Le jeune homme descendit de son van et attrapa un bout de bois qui se trouvait juste sous ses pieds. Il enroula ensuite son dessin sur lui-même, y apposa son bâton et entreprit d'attacher le tout avec un brin d'herbe. Après plusieurs essais, Owen arriva à ses fins, et avança doucement vers l'arbre où Tessa était toujours installée. Tout près de l'étang, il repéra une touffe de roseaux derrière laquelle il alla se cacher, avant de balancer sa petite invention par-dessus les hautes herbes. Entre deux roseaux, il vérifia tout de même que son projectile était arrivé à bon port, et guetta la réaction de la jeune femme avec un sourire au coin des lèvres, sans pour autant sortir de sa cachette.

Alors que Tessa tentait visiblement de chasser de son esprit sa tentative ratée de séduction auprès du dit Owen, elle poussa un bref soupir, lasse. Elle avait beaucoup de mal à comprendre certaines réactions masculines et elle avait beau y passer des jours - mais surtout des nuits - elle ne parvenait pas toujours à mettre le doigt sur ce qui clochait. Après tout, lorsqu'ils se montraient trop insistants ou trop sentimentaux, elle les rabâchait rapidement là où ils venaient, mais lorsqu'ils refusaient d'entrer dans son jeu, elle se plaisait à les provoquer et obtenait souvent assez rapidement ce qu'elle voulait. Owen défiait toute loi de probabilité en la repoussant de cette façon, si bien qu'elle avait la désagréable impression d'avoir eu raison en envisageant la possibilité qu'il soit attiré par les hommes plutôt que par les femmes. Tessa ne voyait pas d'autre explication, en vérité, puisqu'elle ne connaissait décidément personne qui aurait pu agir ainsi dans son large cercle de connaissances. Du moins pas avec elle. On la repoussait rarement et quand c'était le cas, c'était bien souvent pour jouer ou pour tenter de lui montrer qu'elle était loin d'être la plus forte à ce jeu du chat et de la souris, qu'il y avait meilleur joueur qu'elle et qu'elle n'avait qu'à ouvrir les yeux pour s'en rendre compte.

Toutefois, trop concentrée sur l'orientation sexuelle d'Owen pour réellement prendre conscience de ce qui se passait autour d'elle, elle sursauta brusquement lorsqu'un morceau de bois entouré d'une feuille de papier termina sa course à quelques centimètres de l'endroit où elle était assise. Elle n'eut d'ailleurs qu'à étirer le bras pour l'attraper et défit l'emballage avec un sourire aux lèvres avant de découvrir un portrait d'elle-même au centre d'un paysage qu'elle connaissait bien pour y être exactement, accompagnée de celui qu'elle reconnaissait bien évidemment. Étonnée de la rapidité avec laquelle il avait concrétisé son oeuvre, elle ne put qu'admirer la douceur des formes et la finesse des traits. Non, vraiment, elle n'avait pas eu tort de lui demander un dessin, il le faisait à merveille. Relevant néanmoins la tête en cherchant l'auteur des yeux, elle dut se relever afin d'apercevoir le sommet du crâne d'Owen et se dirigea vers lui en se mordant la lèvre. Arrivée à quelques pas de ce dernier, elle hocha la tête en arquant un sourcil, admirative. « T'as du talent. Je suis presque plus belle là-dessus qu'en vrai. » fit-elle afin de tenter de le charmer un minimum en le complimentant. Si c'était un technique qu'elle utilisait souvent pour manipuler à sa guise les esprits trop naïfs, elle devait avouer ne dire que la vérité dans ce cas-ci. Non seulement l'artiste était séduisant et mystérieux, mais le dessin qu'il venait de faire représentait assez bien sa facilité à reproduire en images le monde qui l'entourait. « T'as jamais pensé intégrer une école d'art? À moins que tu y sois déjà. » Elle s'était approchée en écartant sur son passage les feuilles qui lui barraient le chemin et se retrouva rapidement à une distance on ne peut plus amoindrie de celui qui venait de la dessiner à son insu. Elle avait cru qu'il partirait, qu'il était trop sage pour oser ne serait-ce que poser les yeux sur elle, mais elle se rendait compte que les apparences étaient parfois trompeuses. Son regard se posa sur une souche d'arbre à quelques pas de là et elle ne put s'empêcher de s'y imaginer pendant qu'Owen agitait son crayon pour reproduire les formes et la nudité qui aurait été la sienne. « Je peux le garder? Je peux te laisser mon numéro, si tu changes d'avis et si t'as envie de te lancer dans l'art des corps féminins sensuels, excitants et surtout: dénudés. » Ne prenant pas la peine de spécifier si elle parlait toujours du dessin ou si toute cette mise en scène allait encore bien plus loin, elle avait simplement frôlé son bras de sa main, se voulant volontairement aguicheuse. Il n'y avait personne ici, à quoi bon jouer à l'école buissonnière quand on pouvait faire mieux?

Bien caché derrière son mur de roseau, et plutôt fier de lui, Owen attendait donc la réaction de Tessa, un sourire aux lèvres. Le jeune homme avait parfaitement visé, et son projectile s'écrasa à quelques dizaines de centimètres seulement de sa cible. Aussitôt, Tessa sursauta puis attrapa le mystérieux morceau de papier pour l'ouvrir. L'expression qui se dessina sur son visage fit chaud au cœur du principal intéressé. En effet, c'était le genre de choses qui valaient bien plus que des mots à ses yeux, et il préférait de loin un beau sourire à un long speech sur ses qualités de dessinateur. Alors que la jeune femme semblait le chercher du regard, Owen se baissa un peu plus derrière les roseaux, mais il ne put se dissimuler plus discrètement et fut très vite repéré. Tessa se redressa et se dirigea vers lui avec son dessin à la main. « T'as du talent. Je suis presque plus belle là-dessus qu'en vrai. » En entendant son compliment, Owen pencha légèrement la tête en esquissant une petite grimace. Autant dire qu'il n'était pas convaincu par ce qu'elle venait d'avancer. Et cette réaction venait tout juste de le trahir quant à ce qu'il pensait de Tessa... Mais il s'en était aperçu trop tard. Bien sûr, il la trouvait belle, il ne voyait d'ailleurs pas comment il aurait pu la trouver autrement. Mais ses avances un peu trop brusques gâchaient le tableau à son goût. Non pas qu'il ne soit pas tenté d'y répondre, mais Owen n'aimait pas particulièrement les filles trop « rentre dedans », il préférait quand tout se passait en douceur, naturellement...

Alors qu'il réfléchissait aux méthodes peu catholiques que Tessa employait pour l'aborder, cette dernière lui conseilla d'intégrer une école d'art. Owen se mit alors à rire, puis répondit avec un sourire : « C'est ce dont j'ai toujours rêvé, et c'est aussi un peu pour ça que je me suis arrêté ici. Je suis étudiant en arts, à Arrowsic. » Écartant les feuilles qui se dressaient entre eux, Tessa s'était à nouveau approchée de lui sans perdre son air aguicheur qui la caractérisait décidément si bien. Et une fois de plus, elle tenta de faire céder le jeune étudiant en passant ses doigts fins sur son bras. Ne pouvant réprimer un frisson, il décida néanmoins de ne pas s'attarder sur cette sensation, et de lui répondre le plus simplement du monde : « Oui, garde-le, je l'ai fait pour toi. Et.. je n'ai pas l'intention de changer d'avis à propos de... ça. » A vrai dire, Owen ne savait pas exactement comment prendre sa dernière proposition. Parlait-elle simplement d'un dessin, ou pensait-elle à tout autre chose ? Sans réellement la connaître, le jeune homme aurait pourtant plutôt penché vers la seconde option. Simple intuition. A cette simple pensée, il leva les yeux au ciel, comme désespéré par autant de culot. Néanmoins, une question continuait à le turlupiner, et il n'attendit d'ailleurs pas plus longtemps pour la lui poser. Après tout, elle n'avait aucune retenue en face de lui, alors pourquoi devrait-il en avoir, lui ? « Dis-moi, je peux te poser une question ? » Il ne lui laissa même pas le temps de répondre, et enchaîna aussitôt : « Pourquoi est-ce que j'ai l'impression que tu t'évertues à... me mettre dans ton lit ? » Plus qu'une impression, Owen en avait la certitude ! Ça, c'était dit. Peut-être pas avec le plus de tact possible, mais au moins il serait très vite fixé sur son « sort ». Après tout, il ne la connaissait même pas, et elle avait commencé par le détester... Alors pourquoi le vouloir à tout prix maintenant ?

Ravie de l'effet qu'elle venait de lui faire alors qu'il avait préféré taire, visiblement, son point de vue face à son affirmation, mais qu'il venait tout juste de se trahir de par son expression faciale, la jeune femme haussa simplement un sourcil amusé, comme dans l'attente d'une explication qui ne vint pas. De toute façon, Tessa n'avait pas besoin qu'on lui dise qu'elle était belle, elle le savait déjà. Prétentieuse? Évidemment. Elle ne manqua toutefois pas de lui dire à quel point elle trouvait qu'il avait du talent, ne serait-ce que pour ne pas paraître aussi égocentrique qu'elle l'était en réalité. Bien sûr qu'elle s'intéressait à ce qu'il faisait, mais c'était davantage pour son propre compte que pour celui d'Owen. « C'est ce dont j'ai toujours rêvé, et c'est aussi un peu pour ça que je me suis arrêté ici. Je suis étudiant en arts, à Arrowsic. » « Oh ... » Si elle ne s'était pas réellement intéressée, de prime abord, à ce qu'il faisait dans la vie, elle dut admettre qu'elle avait visé juste et qu'il était on ne peut plus à sa place. En vérité, elle ne le voyait pas vraiment ailleurs étant donné sa timidité et sa maîtrise des coups de crayon. Ne disait-on pas que les artistes avaient une façon un peu marginale de voir le monde? Sans doute Owen représentait-il ce groupe mieux que personne. Surprise et visiblement admirative du travail qu'il avait accompli en très peu de temps, elle n'osait même pas imaginer ce qu'il pouvait réussir à faire en passant des heures et des jours sur le même dessin. « Oui, garde-le, je l'ai fait pour toi. Et.. je n'ai pas l'intention de changer d'avis à propos de... ça. » Posant à nouveau ses prunelles sur l'oeuvre d'Owen, elle arqua un sourcil amusé avant de hausser les épaules. « Comme tu veux, mais ... Merci pour le dessin. » Tessa n'avait pas l'intention de s'éterniser, pas en sachant qu'Owen refusait de jouer le jeu et de s'amuser un peu. Elle pouvait le draguer des heures durant, elle avait la désagréable impression qu'il ne flancherait jamais. Puissant, l'orgueil masculin.

« Dis-moi, je peux te poser une question ? » Alors qu'elle avait tourné les talons pour s'éloigner, elle s'arrêta, un mince sourire aux lèvres, et se retourna, amusée. « Pourquoi est-ce que j'ai l'impression que tu t'évertues à... me mettre dans ton lit ? » « Ça, c'est un privilège qui se mérite. » débuta-t-elle en haussant les épaules, comme si tout ce qu'elle avait cherché à faire depuis le début de leur rencontre n'avait été que de le tenter un maximum pour en retirer ce qui lui plaisait et le jeter après. Bon, ce n'était pas tout à fait faux, mais il n'était pas obligé de le savoir et l'idée de le savoir déjà contre elle ne lui plaisait pas beaucoup. « Ou pas. » poursuivit-elle en ramenant d'un seul côté de son visage les cheveux qu'elle s'évertuait à utiliser sensuellement de manière à le charmer. S'approchant de lui jusqu'à poser ses mains sur son torse pour le faire basculer au sol au vu du peu d'équilibre qui était le sien dans une telle position accroupie, elle en profita pour passer de nouveau ses genoux de chaque côté de son corps, gardant néanmoins une certaine distance entre son corps à elle et le sien. « T'as jamais eu envie de pas avoir de compte à rendre à personne? Juste comme ça. Sans penser. Sans attaches. Sans rien? » demanda-t-elle en passant délicatement l'un de ses doigts sur le torse de l'artiste, destiné à lui procurer des frissons qu'il n'allait sans doute pas oublier de sitôt. Si toutefois Owen la repoussait, elle voulait tout de même qu'il se souvienne d'elle, du goût de ses lèvres et des sensations qu'elle pouvait faire naître en lui.

Alors que Tessa semblait résolue à repartir avec son dessin, en le laissant enfin seul, Owen ne put s'empêcher de lui poser une question. Cette question qui lui brûlait les lèvres de puis le début ou presque et à laquelle il aurait bien aimé avoir une VRAIE réponse. Claire, argumentée, grâce à laquelle il aurait pu en savoir un peu plus sur cette mystérieuse fille qui le persécutait depuis peut-être plus d'une heure. En entendant sa voix, elle s'immobilisa puis se retourna de nouveau vers lui. Elle avança d'un pas léger dans sa direction, en reprenant ses airs de charmeuse qui, il fallait bien l'avouer, ne déplaisaient pas au jeune artiste. Au-delà du fait qu'il la trouve bien trop entreprenante et étrange, ses courbes parfaites ne semblaient pas le laisser tout à fait indifférent. Et ses cheveux... Ses longs cheveux d'ébène qui n'en finissaient pas, et qui ondulaient autour de son visage au moindre petit souffle d'air... Ils avaient un pouvoir tout bonnement envoûtant sur Owen qui avait bien du mal à s'en détacher. Et visiblement, Tessa le savait. Elle ne cessait d'en jouer, des les faire passer d'un côté à l'autre de ses épaules, absorbant ainsi toute l'attention du jeune homme.

Le fait de parvenir jusqu'à son lit était donc, selon elle, un privilège. En plus d'être envoûtante, bizarre et sûre d'elle, la jeune femme était donc aussi extrêmement modeste... Alors qu'elle était une fois de plus tout prés de lui, prête à le frôler, elle le fit basculer d'un coup. Sa position accroupie n'aida pas vraiment le jeune saltimbanque qui maîtrisait pourtant ce genre d'acrobaties, et il se retrouva allongé dans l'herbe verte et odorante du parc. Tessa, elle, se dressait au-dessus de lui, comme victorieuse, sans lâcher le sourire qui était peint au coin de ses lèvres depuis son retour. En essayant de ne pas se démonter, Owen fit abstraction de sa situation pour le moins délicate et s'enquit : « Oh, et... qu'est-ce qui fait que je mérite ce privilège ? ». Il laissa un silence qui dura quelques instants, puis reprit en souriant : « Ou pas ? ». Petit à petit, et même si ce n'était a priori pas son but, il semblait rentrer dans le jeu de Tessa. Elle, restait presque impassible, égale à elle-même, usant de ses charmes jusqu'à le faire fondre, le faire craquer, sans qu'il ne sache pourquoi elle le voulait tant. La question qui suivit fit doucement rire le jeune homme toujours à terre. Il s'accorda un petit délai de réponse, en prenant grand soin de fixer le ciel, et pas la créature qui s'installait peu à peu sur lui. « Tu sais, ça fait bien longtemps que je n'ai plus de compte à rendre à qui que ce soit ! Je suis sans attaches depuis toujours... Je suis seul à bord depuis un bon bout de temps, et c'est très bien comme ça. » Tout en lui parlant, il arrachait machinalement les brins d'herbe qui avaient la malchance de passer sous ses doigts. Au fur et à mesure, il les balançait dans les longs cheveux de Tessa, en dissimulant à peine un petit sourire amusé. Puisqu'il aurait été ridicule de la prendre autrement, Owen avait décidé de prendre sa situation à la rigolade. Après tout, elle ne faisait rien de mal. Certes, elle le brusquait un peu, mais après tout ce n'était peut-être pas plus mal. L'air de rien, Owen continuait son petit jeu tout en adoptant une expression digne d'un petit ange. Pour l'heure, et tant qu'elle ne se faisait pas trop pressante, l'artiste décida d'abandonner l'idée de repousser Tessa. Maintenant, le moment de tranquillité qu'il avait prévu était définitivement foutu, et il n'avait plus aucun espoir de se retrouver seul. A la place, il avait l'opportunité de jouer avec une parfaite inconnue qui semblait apprécier ses qualités d'artiste, et il avait de moins en moins l'intention de s'en priver.

« Oh, et... qu'est-ce qui fait que je mérite ce privilège ? [...] Ou pas ? » Amusée de le voir perdre peu à peu ses moyens alors que c'était ce qu'elle avait attendu depuis le début, Tessa posa un doigt sur les lèvres de l'artiste alors qu'elle-même semblait réfléchir à la meilleure formulation. « Déjà, t'es mystérieux. J'aime ça. T'as l'air de cacher pas mal de trucs et j'aime ça aussi. Les mecs fades et sans intérêt n'attirent que très rarement mon attention. » Elle venait de lui avouer en quelques mots qu'elle le trouvait digne du regard qu'elle lui portait et elle n'était pas certaine qu'il comprendrait la portée de cet aveu. Tessa Abrams ne s'intéressait aux gens que lorsqu'ils avaient quelque chose à lui apporter, rarement pour la beauté du geste. Elle n'était pas ce genre de fille à trouver une touche de bonté en chacun et elle n'avait pas de temps à perdre à tenter de découvrir ce que les mecs qu'elle fréquentait pouvaient bien avoir de différent des autres. Elle les fréquentait, c'est tout, et lorsqu'elle se lassait, elle n'avait plus qu'à les abandonner là comme de vulgaires chaussettes qui auraient trop servi et dont les orteils étaient troués. Ça ne servait à rien de garder un homme longtemps et elle le savait. Elle n'était visiblement pas faite pour ça, mais voilà que quelques exceptions venaient parfois enfreindre la ligne du politiquement correct en la projetant de l'autre côté de son terrain habituel. Elle ne comptait certainement pas prendre pour acquis que le jeune homme en sa possession était meilleur que les autres puisqu'elle doutait qu'il puisse exister de tels spécimens, mais il avait au moins le mérite d'attirer son attention, ce qui n'était pas peu dire.

« Tu sais, ça fait bien longtemps que je n'ai plus de compte à rendre à qui que ce soit ! Je suis sans attaches depuis toujours... Je suis seul à bord depuis un bon bout de temps, et c'est très bien comme ça. » « Sans attache? Tu m'as l'air du mec qui part comme un con en embarquant sur le dernier wagon d'un train, son baluchon à l'épaule. Je parie qu'il y a au moins quelqu'un qui te retient. Tu serais pas ici, sinon. » Sarcastique, elle avait plongé son regard dans le sien alors qu'elle laissait faire l'artiste malgré les brins d'herbe qui se mêlaient maintenant à ses cheveux. Arrowsic, c'était beau, mais ce n'était pas le genre d'endroit où on prenait la peine de s'installer pour longtemps lorsqu'on ne voulait que passer. Il n'y avait rien à faire, les boutiques étaient nulles et on ne trouvait jamais ce qu'on cherchait à moins de vouloir récolter quelques brins d'orge. Franchement, elle ne le connaissait pas plus que ça, mais s'il avait décidé de rester ici et d'y suivre des cours, il devait certainement avoir une raison. Provocante, elle attrapa les mains d'Owen pour les emprisonner dans les siennes et l'empêcher de poursuivre son petit manège, laissant du même coup leurs deux corps se frôler alors qu'elle se couchait presque sur lui, sans lâcher ses prunelles des siennes. « Embrasse-moi. » S'il était sans attache, s'il n'avait de compte à rendre à personne, Tessa était presque persuadée qu'il ne laisserait pas passer sa chance une nouvelle fois. Laissant sa crinière brune chatouiller le cou d'Owen, elle n'avait pas relâché son emprise sur ses mains, se retrouvant toujours en position de force alors que lui-même n'avait pas beaucoup d'options. Toutefois, si Tessa s'entraînait avec la force d'une combattante, elle savait pertinemment qu'elle n'aurait jamais le même calibre qu'un homme au niveau de la force physique. C'était comme ça, c'est tout.

S'il s'en tenait à ce que Tessa lui disait, Owen était donc un garçon mystérieux qui cachait un tas de choses. Bien. Il n'était ni fade, ni sans intérêt. Pas mal non plus. Même si ce n'était pas forcément le but de la manœuvre, l'artiste prit tout de même ces quelques mots comme des compliments. Visiblement, Owen était à son goût, tout simplement. C'était la seule explication qu'elle lui avait donnée quant au fait qu'il soit « à sa hauteur ». En réalité, la facette mystérieuse qu'il pouvait dégager n'était rien d'autre qu'une grande timidité, et qu'une volonté de tout garder pour soit, comme pour se protéger. Owen vivait vraiment dans son propre monde, et très peu de gens pouvaient y entrer avec lui. Pour cela, il fallait avoir acquis toute sa confiance, et ce n'était pas une chose facile. Beaucoup le prenaient pour un sauvage, et préféraient le laisser vaquer à ses occupations de Robinson ce qui, en général, l'arrangeait bien. Mais Tessa en avait décidé autrement, et il n'avait d'autre choix que de la laisser faire. Ses tentatives pour la faire dégager avaient toutes échoué, et même le fait de l'avoir vivement repoussée alors qu'elle était en train de lui sauter dessus dans son van n'y avait rien changé. Elle semblait têtue, et sûre d'elle. Peut-être un peu trop d'ailleurs. En premier lieu, Owen avait cédé concernant le dessin qu'elle lui réclamait depuis le début. Enfin, il n'avait cédé qu'à moitié puisqu'elle n'avait tout de même pas eut gain de cause sur le fait qu'elle pose nue pour lui. Maintenant, l'artiste se laissait un peu de temps avant de céder à ses autres avances, si tant est qu'il y cède un jour.

« Sans attache? Tu m'as l'air du mec qui part comme un con en embarquant sur le dernier wagon d'un train, son baluchon à l'épaule. Je parie qu'il y a au moins quelqu'un qui te retient. Tu serais pas ici, sinon. » En l'écoutant, un nouveau sourire se dessina sur les lèvres du jeune homme. Alors qu'il continuait son petit jeu consistant à décorer la chevelure de Tessa de tous les brins d'herbe à sa disposition, il se laissa un temps de réflexion. Bien sûr, il était ce genre de mec, ou plutôt il avait été ce mec-là. Mais la seule et unique chose qui l'avait retenue ici, c'était justement tout ce que les gens « normaux » fuyaient. A savoir, le calme, l'ennui, le fait d'être éloigné de tout... Peu de gens appréciaient ce genre de situations, mais bizarrement Owen recherchait ces endroits-là. Il se contentait de peu, et s’accommodait de tout ce qui pouvait arriver, alors le fait d'être complètement hors du monde et de la société de consommation lui convenait à merveille. Bien sûr, il y avait cette fille. Cette belle inconnue qu'il avait croisé en ville, puis qu'il avait aidé le jour où sa voiture était tombée en panne. Lip... Celle qui hantait ses pensées depuis l'instant où il l'avait croisée, mais qui malheureusement pour lui marchait aux bras d'un autre homme, beaucoup plus beau et musclé qu'Owen. Dès l'instant où il avait vu cet apollon ce balader avec elle, l'artiste avait perdu tout espoir de pouvoir la séduire un jour. Alors il se contentait de penser à elle, et d'imaginer ce qu'aurait été leur relation si son petit ami n'avait pas existé. Après avoir tourné et retourné tout ça dans sa tête, Owen leva les yeux vers Tessa, et lui répondit calmement : « Oui, je suis tout à fait ce genre de con. Mais personne ne me retient ici. Personne à part la tranquillité et l'éloignement des grandes villes où on ne peut pas respirer. Et puis, je fais des études maintenant, et... j'ai déjà fait un tour du monde, c'est bien suffisant pour le moment. » Avant même qu'il n'ait terminé sa phrase, Tessa s'empara de ses deux mains et s'allongea presque entièrement sur lui pour lui demander de l'embrasser. Pris au piège, Owen déglutit, sans cesser de la regarder dans les yeux. Puis, doucement, il vint poser ses lèvres sur celles de la jeune femme en un baiser timide, qui se fit plus insistant au fil des secondes. Alors qu'elle était en train d'obtenir ce qu'elle voulait, Tessa sembla se détendre, et n'anticipa pas le mouvement d'Owen qui la fit basculer sur le côté. En inversant les rôles, l'artiste se retrouvait pour la toute première fois au-dessus d'elle même si ses mains étaient toujours emprisonnées dans celles de Tessa. A son tour il approcha son visage tout près du sien, et lui demanda en murmurant presque, avec un sourire taquin : « Tu es toujours aussi... entreprenante avec ceux qui te méritent ? ».

« Oui, je suis tout à fait ce genre de con. Mais personne ne me retient ici. Personne à part la tranquillité et l'éloignement des grandes villes où on ne peut pas respirer. Et puis, je fais des études maintenant, et... j'ai déjà fait un tour du monde, c'est bien suffisant pour le moment. » Étonnée, la jeune femme pencha légèrement la tête de côté alors qu'elle n'avait pas à chercher bien loin pour tenter de se représenter un Owen vêtu des mêmes habits puants après avoir décidé de se laver dans le lac. « Un tour du monde, vraiment? Wow. » avoua-t-elle néanmoins en posant ses prunelles au creux des siennes en une attitude volontairement provocante. Toutefois, il avait du courage, c'était évident. Tessa ne se serait pas vue partir comme ça alors que tout la retenait ici et que toute sa vie était bâtie en ces lieux qu'elle n'aimait pas particulièrement, mais qui représentaient trop à ses yeux pour qu'elle abandonne tout derrière elle en levant les voiles. Curieuse de savoir s'il poursuivrait le jeu ou s'il reculerait devant la fougue dont elle faisait preuve, elle dut admettre qu'elle ne s'était pas vraiment attendue à ce qu'il accède à sa requête, persuadée qu'il la repousserait avant de lui affirmer qu'elle dépassait visiblement les bornes. Or, elle put de nouveau goûter à ses lèvres, d'abord doucement, pour ensuite l'embrasser avec ferveur en laissant ses cheveux chatouiller le cou et l'épaule de l'artiste. Prise au dépourvu, elle ne prit conscience du changement de situation que lorsqu'elle se retrouva sur le dos, Owen au-dessus d'elle. Ravie de le savoir dominer la situation, elle garda néanmoins ses mains dans les siennes afin de ne pas se retrouver entièrement sous son contrôle. Se mordant la lèvre sans le lâcher des yeux, elle sentit l'excitation faire surface et l'envie titiller chaque parcelle de son corps.

« Tu es toujours aussi... entreprenante avec ceux qui te méritent ? » Arquant un sourcil amusé alors qu'elle ne parvenait pas à saisir ce qu'il cherchait au juste, elle poussa un soupir avant d'attraper ses lèvres à nouveau en un baiser qu'elle voulait fougueux, violent presque. « Faudra leur demander. Je te donne des noms, si tu veux. » proposa-t-elle à son oreille avant de le repousser à son tour, joueuse. Les mains posées à plat sur le torse d'Owen, elle l'empêcha ainsi de s'avancer davantage, préférant désormais le garder à distance. Non pas qu'elle eut changé d'avis, mais l'un de ses plaisirs était de laisser un arrière goût d'inachevé lorsqu'elle passait par là, de manière à ce qu'elle finisse par manquer à celui pour qui elle avait craqué le temps d'une soirée ou d'une nuit. Tessa craquait toujours pour quelqu'un de toute façon, elle changeait de proie comme on pouvait changer d'idée dès qu'une option un peu plus intéressante s'offrait à elle. On ne pouvait pas dire qu'elle savait ce qu'elle voulait puisqu'elle ne parvenait jamais - ou très rarement - à se fixer entièrement un objectif sans jamais en déroger. Ses études étaient sans doute ce qu'il y avait de plus constant dans sa vie, mais l'idée de pratiquer un métier habituellement - ou du moins plus généralement - occupé par des professionnels masculins l'avait séduite, d'autant plus que les histoires véhiculées par son père l'avaient toujours intéressée et ce, depuis qu'elle était toute petite. Mais pour le reste ... Elle pouvait dire ce qui lui plaisait lorsqu'on le lui demandait, mais la journée d'après pouvait amener une réponse tout à fait différente. D'humeur changeante, tout comme ses idées, elle pouvait décider de détester quelqu'un du jour au lendemain sans réelle raison, ou même d'apprécier une certaine compagnie qu'elle n'aurait jamais pu se coltiner quelques semaines avant. « Raconte-moi où t'es allé. » ordonna-t-elle plus qu'elle ne demanda, les yeux rivés sur le visage d'Owen, néanmoins intéressée. « Et si tu me dis que t'as traversé l'Atlantique dans ton van en mettant les gaz pour échapper aux requins, navrée, mais je ne te croirai pas. » fit-elle en arquant un sourcil amusé, décidée à ne pas le laisser la mener en bateau.

Sans qu'il ne sache si elle bluffait encore une fois, ou si elle disait vrai, Tessa parut à la fois intéressée et impressionnée par le tour du monde d'Owen. Il est vrai que ce 'était une chose que tout le monde faisait, mais instinctivement, il avait pensée que la jeune femme n'était pas si facilement impressionnable. Elle lui avait montré jusqu'ici qu'il lui en fallait énormément pour être surprise ou déstabilisée... Tout ce qui comptait pour elle, c'était le fait d'être en position de force, et de gérer la situation de A à Z. Pour jouer un peu avec elle, et surtout observer sa réaction face à ça, l'artiste décida donc d'inverser la tendance. En quelques microsecondes à peine, il se retrouva perché au-dessus d'elle, sans pour autant avoir pu dégager ses mains des siennes. Et l'effet que cette initiative produisit ne fut pas désagréable puisqu'après s'être mordu la lèvre inférieure, Tessa embrassa de nouveau l'artiste, encore plus fougueusement qu'auparavant. Ce baiser avait quelque chose d'autoritaire, mais Owen l'avait apprécié. En même temps, comment un homme aurait-il pu ne pas apprécier un tel « cadeau » ? Le jeune homme se trouvait extrêmement faible sur ce coup-là, mais il décida très vite d'assumer cette faiblesse. Finalement, les agissements de la jeune femme n'étaient en rien une torture, et plus les minutes passaient, plus il la trouvait sympathique. En considérant qu'une inconnue qui s'introduit chez vous pour vous sauter dessus puisse vous paraître sympathique.

« Faudra leur demander. Je te donne des noms, si tu veux. » Ses doux chucottements le firent frémir, mais Owen ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel en assimilant leur contenu. Dans une légère grimace, il répondit : « La liste a l'air d'être longue, c'est... dévalorisant, je ne préfère pas savoir ! » Visiblement, il n'était en effet pas le premier à passer entre les mains expertes de Tessa, et le fait de sauter sur des inconnus était sans doute pour elle une habitude. Soit. Le jeune saltimbanque commençait à s'y accommoder. Mais comme pour le contredire, la jolie brune le repoussa, laissant ses mains plaquées contre son torse afin de l'empêcher de s'approcher de nouveau de son visage. Owen pencha un peu la tête sur le coté, pas certain de comprendre ce qu'elle faisait, alors qu'il était presque prêt à craquer, pour de bon. Elle ne le lâchait pas des yeux, et il tentait d'en faire de même, de soutenir ce regard bleu azur si bien souligner par la longue chevelure d'ébène de la jeune femme. En regardant ce « tableau », tout un tas d'idées de dessins lui vinrent en tête, et il se promit intérieurement de coucher ses désirs sur le papier une fois qu'il serait seul et plus tranquille. Décidément, cette fille l'inspirait. Avec un physique pareil, et une personnalité aussi marquée, il n'y avait absolument rien d'étonnant à cela.

Alors qu'il commençait à se perdre dans ses projets de dessins, Tessa lui demanda de raconter son périple autour du monde, en évitant toutes les histoires de super-héros qui pourraient éventuellement s'immiscer dans son récit. Avec un faux air insatisfait, le jeune homme soupira, puis grimaça et fit semblant de réfléchir. « Comment est-ce que tu as pu deviner... C'était le point fort de mon histoire ! » Tout en laissant échapper un petit rire, Owen se laissa retomber à côté d'elle, et porta son regard vers le ciel, rêveur. Il resta silencieux pendant un moment, en se remémorant les premiers temps de son excursion, et même le moment où il en avait eut envie. Puis, sans lâcher le ciel des yeux, il entama d'une voix douce : « Et bien... j'ai commencé par quitter le cirque où j'ai grandi, en Angleterre, et je me suis lancé sur les routes d'Europe... J'ai fait un bref crochet par l'Afrique, mais mon van n'a pas vraiment aimé la chaleur, alors je suis remonté vers la Russie, et puis la Chine. L'Australie... l'Amérique du Sud, les Etats-Unis... » La simple évocation de ce périple fou fit se dessiner un sourire sincère sur son visage. Puis, après une brève réflexion il réalisa qu'il était en train de raconter sa vie à une inconnue presque parfaite, allongé au milieu d'un parc, et ce après avoir repoussé ses avances, puis accepté pour enfin être rejeté à son tour. Il fronça les sourcils, concluant qu'il y avait décidément bien quelque chose de louche dans cette journée. Owen tourna alors la tête vers son interlocutrice, et demanda : « Et toi alors ? Depuis toute à l'heure tu parles de trucs fous, d'être sans attaches, libre... Tu viens d'où ? Quel truc fou t'as amenée ici ? » Après tout, il ne voulait pas être le seul à parler et à se livrer, et de son point de vue, Tessa devait avoir tout un tas de trucs exceptionnels à lui narrer. Du moins, c'est ce qu'il pensait.

« La liste a l'air d'être longue, c'est... dévalorisant, je ne préfère pas savoir ! » Tessa haussa les épaules, mystérieuse, alors qu'elle lui laissait le choix de faire les conclusions qui s'imposaient de lui-même ou de laisser couler sans y porter attention. La liste était peut-être longue, c'est vrai, mais il n'y avait pas de quoi en être fière - ce qu'elle n'avait visiblement pas compris. En effet, personne n'avait compté et elle avait finit par abandonner tous ceux qu'elle avait fréquenté, ne serait-ce que par crainte de s'attacher et bonheur de savoir qu'elle avait pleinement le contrôle de sa vie. Elle choisissait ceux et celles qui en faisaient partie et délaissaient ceux qui ne méritaient pas d'attirer son attention. En vérité, Tessa se lassait excessivement vite et rares étaient ceux qui parvenaient à l'intéresser plus de quelques mois. Pourtant, ça arrivait et c'était sa peur chronique de se montrer vulnérable qui prenait le dessus en la poussant à rompre avant de se savoir dépendante.

Insouciante, elle lui demanda de lui raconter son voyage, ses mains toujours posées sur son torse de manière à le retenir à une distance suffisante.« Comment est-ce que tu as pu deviner... C'était le point fort de mon histoire ! » Arquant un sourcil amusé en relâchant son emprise maintenant qu'il venait de se laisser tomber à ses côtés, soucieux, la jeune femme se redressa légèrement en posant les mains derrière elle, prête à écouter ce qu'il avait à lui dire - ou du moins une partie de ce qu'il avait à lui dire. « Et bien... j'ai commencé par quitter le cirque où j'ai grandi, en Angleterre, et je me suis lancé sur les routes d'Europe... J'ai fait un bref crochet par l'Afrique, mais mon van n'a pas vraiment aimé la chaleur, alors je suis remonté vers la Russie, et puis la Chine. L'Australie... l'Amérique du Sud, les Etats-Unis... » « On peut dire que tu sais profiter de la vie! » Presque impressionnée alors qu'il lui en fallait beaucoup, habituellement avant de s'enthousiasmer, elle tenta de croiser son regard afin de prévoir le sarcasme ou la sincérité de ses paroles. Apparemment, il avait bel et bien fait ce voyage et c'était un souvenir qui était encore présent dans son esprit au vu de l'air rêveur qui s'affichait sur son visage lorsqu'il en parlait. Tessa aurait aimé pouvoir affirmer avoir réalisé un projet d'une telle envergure, mais en même temps, elle considérait que rester ici était un défi aussi grand, voire plus. Non seulement elle devait composer avec le manque de boutiques, de restaurants - de gens même! - mais elle devait en plus tenter de supporter les gens qu'elle connaissait depuis l'enfance alors qu'Owen avait abandonné les siens derrière lui et tentait de refaire sa vie. Tout le monde pouvait admettre que c'était bien plus simple d'apprécier les qualités et les défauts de chacun lorsqu'on ne vivait avec eux que depuis quelques mois; dès que les années s'écoulaient, certains défauts devenaient carrément des vices.

« Et toi alors ? Depuis tout à l'heure tu parles de trucs fous, d'être sans attaches, libre... Tu viens d'où ? Quel truc fou t'as amenée ici ? » Pouffant de rire en baissant les yeux, Tessa se demanda ce qui avait poussé Owen à croire qu'elle n'était pas d'ici. Bien sûr ... Elle avait l'air de venir d'ailleurs, elle n'avait pas l'air d'être une fille conçue pour la nature, les champs et la petite ville - dans ce cas-ci on pouvait même parler de village - et c'était normal qu'on la surestime. « Je viens d'où, tu crois, d'Alaska? Je suis née à Arrowsic, j'ai toujours vécu à Arrowsic et je vais mourir à Arrowsic. » fit-elle simplement en se montrant on ne peut plus claire alors qu'elle aurait pu le laisser chercher. Et puis, se redressant soudainement, elle posa ses prunelles au creux des siennes pendant un bref instant. « Assez de questions! » Tout en se mordant la lèvre, elle tourna les talons et fit quelques pas incertains avant de reporter son attention sur lui en s'avançant de nouveau à quelques centimètres d'Owen. Récupérant le dessin qu'il avait fait pour elle, elle y posa ses lèvres avant de le laisser tomber sur le torse de l'artiste. Elle lui aurait bien laissé son numéro de téléphone, mais elle n'avait aucun moyen de l'écrire et de toute façon, elle était presque persuadée qu'ils finiraient par se croiser à nouveau dans les rues d'Arrowsic. « Ne m'oublie pas. » Tournant finalement les talons pour de bon, elle ne porta même pas un regard derrière elle avant de disparaître entre les arbres et les buissons.