Abbey, ma douce, C’est étrange, l’autre jour en me baladant dans le parc, j’ai pensé à toi. Il y avait deux enfants qui se donnaient la main. Une fille, un garçon. Étroitement liés l’un à l’autre, comme s’ils avaient peur que le vent veuille les séparer. Mon cœur s’est serré en repensant à toi. Parce que tu sais, je suis désolé, désolé de m’être envolé. Mes raisons me semblent si lâches que je préfère les garder pour moi, encore un peu. Je n’ai pas voulu te faire de peine et pourtant, j’ai l’impression de n’avoir fait que ça. Tu me manque, tu sais ? T’écrire a toujours été une échappatoire, te savoir à mes côtés était l’une de mes plus belles connaissances. Et en un simplement claquement de doigts, j’ai tout effacé. Comme si rien n’avait existé. Tu m’épates. Je ne comprends pas que tu puisses me pardonner après cela, que tu sois celle qui fait le premier pas. Si je ne te réponds qu’aujourd’hui, c’est justement car ce fut le temps dont j’ai eu besoin pour me décider. J’avais tellement envie de renouer et pourtant tellement peur de retomber. Alors que tu vois, le fautif dans l’histoire, c’est moi. J’ai tout lâché, comme ça. Mes raisons sont mes raisons et elles m’avaient alors semblées justes mais… Je ne sais pas Abbey, me revoir avec toi assis sur un banc, racontant des histoires et crayonnant sagement, cela me fait du bien. Tellement de bien. Tu as raison, c’était beau à cette époque. Les mots nous étaient inutiles, il suffisait d’un regard échangé pour se comprendre. Mais je crois que l’on n’a un peu perdu de tout cela. Tu penses que tu m’as fait fuir, alors que ce n’est pas le cas. J’ai fuis seul, comme un grand. Pour les mauvaises raisons, d’ailleurs, et j’espère qu’un jour je pourrai te les expliquer et que tu me comprendras. Mais je ne veux pas gâcher tout cela, pas après ta première lettre. Alors, je veux simplement te dire que… quelle joie est-ce de revoir ton coup de crayon ! Tu n’as rien perdu, tu as tout gagné. C’est épatant, tellement vivant ! J’aurais aimé t’en faire un, t’envoyer une esquisse que tu aurais pu contempler et où tu m’aurais retrouvé. Mais la vérité, tu vois, c’est que j’ai perdu de mon innocence et tout ce que je fais devient froid malgré moi. Je ne veux pas te faire fuir, alors, j’espère que tu m’enverras un peu de toi pour que je puisse redevenir moi. Complètement, totalement et… désespérément. Si j’ai disparu, pardonne-moi. Si je t’ai blessée, pardonne-moi. Si je te déçois à nouveau, oublie-moi. Je ne veux pas être l’un des bourreaux de ton cœur. Je veux être ton ami, pour la vie. Alors, écris-moi Abbey ! Ecris-moi jusqu’à ce que ta main s’engourdisse et jusqu’à ce que les mots viennent à te manquer. Parle-moi de tout ! De rien ! De ce que tu veux. Mais donne-moi cette chance, la seconde, la dernière, pour te montrer que je partirai plus. Tu as vu, je suis revenu et je me suis installé… Peut-être qu’un jour, on pourra de nouveau dessiner ensemble comme si c’était la seule chose qui importait. Je l’espère et j’en rêve, secrètement. Alors, n’oublie pas et réponds-moi.
Jolie Abbey, Une nouvelle lettre de toi, et voilà que mon cœur est en joie. Tu n’imagines pas l’impatience avec laquelle j’ai pu guetter ce maudit facteur. Et voilà que finalement, il m’a apporté tes mots. Que j’ai lu et relu, sans jamais m’en lasser. Et finalement, même si on a changé, on est toujours liés. Toi et moi. Toujours les mêmes problèmes et toujours ces choses qui nous empêchent d’avancer. J’ai peur moi aussi, de la réalité. Elle n’est faite que de sombres choses, j’ai l’impression et tu vois, jusque là, je croyais être le seul à m’en être rendu compte. Je suis à la fois peiné et rassuré que tu fasses partie de mon monde. De notre monde. Celui de deux gamins, comme tu l’as dit, Abbey. Alors ? Dis-moi, tu t’es retrouvée au détour du chemin que tu avais abandonné ? Tu vas mieux désormais ? J’ai besoin d’entendre que ta vie s’est arrangée et que tout se passe bien pour toi. Tu sais, juste histoire d’y croire un peu. De garder en moi une toute petite part d’espoir. Pour que tout s’arrange pour chacun d’entre nous. Mais si ce n’est pas le cas, j’aimerais que tu me le dises. Ne me dorlote pas comme l’enfant que j’étais. Je le suis toujours, Abbey, cet enfant que tu gardes en mémoire… Sauf que voilà, aujourd’hui, je dois prétendre être un homme. C’est dur, plus que je ne l’avais soupçonné. Mais je m’accroche, désespérément. Et tu viens de faire de moi, l’homme le plus heureux de la Terre. Dans le domaine du possible, me concernant, en tout cas. Savoir que tu me pardonnes est la plus belle des choses qui me soit arrivée depuis que je suis ici. Je t’avoue que, parfois, je regrette mon choix. J’aurais du rester là-bas, la grande pomme est plus vaste pour se perdre et plus large pour se dissimuler. Parce que malgré tout, je crois que je me sens plus seul que jamais. Du moins je l’étais avant tes lettres. C’est fou, magique comme tu le dis si bien, Abbey. Je ne savais pas que les mots pouvaient être aussi salvateurs. Alors, s’il te plaît Abbey… promets-moi de m’écrire encore et toujours. Je sais, c’est déplacé de demander quelque chose après ma fuite. Oui, je sais, tu m’as pardonné… Mais je ne suis pas certain de pouvoir en faire de même. Je me déteste de t’avoir fait ça et je chercherai un moyen de réparer mes erreurs ! Alors même si tu me le certifie déjà dans ta lettre, promets-moi de m’écrire. Ecris-moi toujours, Abbey, que je trouve le chemin qui me mènera à toi. Deux enfants, main dans la main, avec pour seul alliés des crayons et du papier. Cette image est gravée dans mon esprit et bientôt, je t’en ferai une esquisse. Parce que jamais tu ne dois l’oublier. Toi et moi, à jamais. Amis pour la vie, ou simplement deux enfants perdus dans le monde des grands.
Comme un amant éperdu pleurerait sur les photos de sa bien aimé, ta lettre m’a dangereusement touché. En plein cœur, là où ça fait boum boum et où la vie peut s’arrêter en une fraction de seconde. Il est tellement bon de se savoir compris et tellement triste de savoir sa peine partagée. J’aurais tellement préféré que tu me dises que tout allait bien et que tu avais repris le dessus. Parce que tu vois, Abbey, dans mon esprit je t’avais confectionné un temple bonheur. Un endroit rien qu’à toi, la maison du bonheur. Et là je me rends compte, qu’encore une fois, je me suis leurré. Parce que je ne suis qu’un idiot qui préfère croire en ses rêves, rêver sa vie. J’aimerais t’apporter ce bonheur qui te manque, celui que tu réclames à corps et à cris, celui que tu mérites… J’aimerais te dire de venir à moi sans plus tarder. De nouer nos mains et serrer nos cœurs l’un contre l’autre mais tu as raison, il faut rester patient. J’ai peur d’aller trop vite et de tout gâcher. Tu prétends avoir besoin de moi et, honnêtement, je te crois mais… Est-ce vraiment la meilleure des choses ? Ne suis-je pas pour toi un tourment de plus ? J’aimerais penser que non et pourtant, après tout ce que je t’ai fait, je ne peux pas me résoudre à songer autrement. Je sais ce que tu veux dire lorsque tu parles de ces gens qui t’ont oubliés et ceux qui sont restés, je comprends la solitude, je comprends tout, toujours. Parce que c’est toi. La seule à qui je peux dire : avec toi, je n’ai pas peur de vieillir. C’est bizarre, tu ne trouves pas ? Je troquerais notre éternelle enfance pour un peu maturité à tes côtés. Parce qu’il faudra bien passer par là, non ? Et oui, bien sûr, j’aime Arrowsic. J’ai toujours aimé cet endroit. Pourquoi, je n’en sais rien. Mais je sais qu’ici, je me sens entier. Tu as raison à propos de New York. Ce n’est pas nous, ça ne l’a jamais été… Pourtant j’y avais construit une vie et je crois qu’aujourd’hui, elle me manque un peu. Je suis entier ici, mais si seule. Oh bien sûr, il y a Angus mais… Vivre avec lui c’est comme vivre avec le fantôme de l’opéra. Et puis toi, si proche et si lointaine à la fois. Je rêve te serrer contre moi et de m’oublier entre tes bras. Parce que notre amitié est sans doute l’une des plus belles qu’il m’ait jamais été donné d’avoir et de partager. Je te ferais bien une promesse à mon tour, celle de ne plus partir. Mais je t’avoue que je ne peux m’y résoudre. Je ne veux pas te donner cet espoir si je ne suis pas certain de ce qu’il adviendra par la suite. Je suis tellement fatigué par moment, et j’ai envie de tout lâcher… tu sais, comme une envie de dire au revoir au monde. Jusqu’ici le courage le courage m’a toujours manqué mais j’ai peur qu’un assaut m’envahisse et te trahisse. Je ferai tout pour que ça n’arrive pas. Je passerai ma vie à attendre. Pour toi. Pour nous. Ensemble, c’est tout. Et je ne sais plus si je te l’ai jamais dit un jour mais… Je t’aime vraiment énormément Abbey. Tu es comme une lumière dans la nuit, un papillon qui est venu délicatement se déposé sur le bout de mon nez pour illuminé mes jours. C’est ridicule comme image et pourtant, c’est la seule qui me vienne. D’ailleurs, tu sais, j’ai essayé de te dessiner un petit quelque chose. J’espère que tu aimeras et que cela te fera sourire. Mais dis-moi, quand est-ce qu’on se reverra ? J’ai tellement envie que ce jour arrive et pourtant, j’ai peur d’en fixer la date. Avant, je veux tout savoir. Tout ce que tu ne m’as pas encore dit. Alors, Abbey, tu fais quoi de ta vie ? De tes amis ? Et les emmerdes ? Je pense à toi souvent et j’attends inlassablement tes réponses. C’est comme une bouffée d’air dans ma vie sans oxygène. J’ai besoin de toi Abbey. Envers et contre tous. Pour toujours. Jusqu’à ce que…
Sujet: Re: Ҩ BOITE AUX LETTRES. Mer 26 Oct - 19:38
Colton Aames Arrowsic, Maine
Jill Strugatsky Abbey Arrowsic, Maine
Fait le 26/10/2011, à Arrowsic, Maine.
Ma douce Abbey,
J’ai attendu ta lettre avec impatience, je l’ai guettée avec l’espoir illusoire qu’elle me sauverait de la vie. Parce que, sans le savoir, tu es la seule personne au monde qui semble me comprendre. Pourtant, lorsque j’ai ouvert l’enveloppe le cœur battant, je crois que j’ai pris peur. Comme à chaque fois. J’ai l’impression de me répéter inlassablement, l’impression de ne pas répondre à tes attentes… Mais tu t’accroches trop à moi, Abbey. Ce n’est pas ce que je souhaite, loin de là. Tu ne sembles pas t’en rendre compte, mais je suis un fléau. Un égoïste. Un monstre, peut-être même. Je suis parti une fois, j’ai tout gâché et toi, tu me donnes le bon dieu sans confession. Oh, tu ne devrais pas Abbey. Je vais tellement te décevoir. C’est ce que je fais de mieux, décevoir. Mon père avait honte de moi et c’est pour ça qu’il est parti, aujourd’hui, toi tu penses savoir qui je suis mais… Peut-être ne suis-je qu’une image façonnée que ton imagination se plait à arrangée ? J’ai envie de te voir, je le jure. Je rêve de presse ton cœur contre le mien, d’enlacer tes doigts au miens, de croire qu’à deux on sera plus fort parce que l’amitié est un rempart mais… S’il te plait, Abbey, ne fais pas de moi ta bouée de sauvetage. Tu te noierais avant même de me trouver. Je ne suis rien. Je ne suis personne. J’aimerais te dire que je pourrai te rendre heureuse, parce que c’est ce que font les amis mais je ne peux pas te mentir. Je ne suis pas heureux et ma vie est loin d’être magique. Et ce, malgré toutes mes espérances. J’aime tes croyances, vraiment, elle me fascine. Mais la réalité est tellement plus forte. Pardonne-moi, Abbey, pardonne-moi de ne pas être celui que tu crois. Tu es tellement importante pour moi, tu es ici, la seule personnage que j’affectionne véritablement et pourtant, la seule que je refuse de voir. Peux-tu le comprendre ? Peux-tu m’expliquer la raison de mes barrières ? Je suis ridicule, absurde, grotesque. Je ne mérite pas tant d’attention de ta part. Vraiment. Pourras-tu m’attendre encore ? Je sais que j’en demande beaucoup, Abbey. Je sais que tu attends ce moment et moi aussi mais… Cette perspective me noue les entrailles, elle me tort le cœur, me harpie l’esprit. Je veux te voir, je veux respirer ton parfum, caresser tes cheveux, te dire combien le monde est beau. Mais, tu vois, il y a un comme anguille sous roche et je ne sais pas quoi faire pour le surpasser. Tes mots me consolent pourtant, ils m’entourent de chaleur, me réchauffer le cœur. Quand je te lis, je me sens revivre doucement. Mais pas suffisamment pour braver vents et marrées. Peux-tu excuser mes faiblesses ? Peux-tu cesser de croire trop en moi ? Je… C’est fou, il y a ces trois petits mots sur la pointe de mon stylo et j’ai peur de les écrire. Comment les interpréteras-tu ? Qu’y verras-ty ? Que comprendras-tu ? Je vais les garder pour moi, encore un peu. Jusqu’à ce que l’on se retrouve. Parce que oui, on y arrivera. Et malgré tous mes doutes, je vais te le promettre. Attends-moi, Abbey.