❝ I guess I would never be able
to thank you enough for that
because it's so hard
to say thank you.❝

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Assise sur le canapé alors qu'elle tentait désespérément de reprendre le contrôle de ses esprits, Tessa ne put qu'attendre que ça passe. Sa tête tournait et pour la première fois depuis des jours, elle ne s'était jamais sentie aussi faible. Relever la tête et ouvrir les yeux lui faisaient perdre l'équilibre et il fallait être fou pour croire que tout allait bien. Or, Tessa pensait que ça finirait par passer et au bout de plusieurs minutes de repos, elle se sentit mieux et put même se lever afin de récupérer un verre dans l'armoire et se servir un verre d'eau. Poussant un soupir alors qu'elle posait les yeux sur la fenêtre de l'appartement dans lequel elle se trouvait, elle dut admettre que le grand air lui ferait certainement du bien et elle se décida à sortir après avoir enfilé un jeans et un sweatshirt par-dessus lequel elle glissa une veste. L'hiver était à leur porte et le vent, ce jour-là, était suffisamment glacial pour la faire frissonner. Fin prête, elle plissa les yeux alors qu'elle sentait le monde tourner autour d'elle et put enfin retrouver une vision relativement normale dès lors qu'elle glissa la clé dans la serrure pour verrouiller la porte.

Tout comme elle l'avait prédit, l'air frais sembla revigorer ses membres affaiblis et elle poussa un soupir soulagé maintenant qu'elle se sentait un peu mieux. Serrant autour d'elle la veste qui ne parvenait malheureusement pas à la protéger du froid, elle décida néanmoins de continuer à marcher puisqu'elle n'avait pas envie de retrouver l'espace confiné de l'appartement, ayant l'impression que le vent parvenait à rendre ses idées plus claires. Sans vraiment s'en rendre compte, ce fut près des quais et des phares qu'elle se retrouva et elle se mit à marcher de long en large, calmement, alors qu'elle tentait de serrer ses bras le plus possible contre elle afin de les empêcher de trembler. Une silhouette floue mais familière lui apparut et elle put reconnaître Colton lorsque tous deux furent suffisamment près pour bien définir leurs traits. Elle s'approcha de lui avec ce petit sourire qui ne la quittait pas lorsqu'elle se retrouvait en sa compagnie, ne serait-ce que pour l'énerver un tant soit peu, et ajusta son pas sur le sien, sans doute un peu trop rapide alors que les arbres se dédoublaient et qu'elle devait redoubler d'efforts pour bien voir. « Encore seul? Décidément, c'est une habitude ...! » fit-elle d'une voix qui se voulait ferme et moqueuse, mais qui manquait un peu d'aplomb.

L’air frais lui caressant le visage le ramenait sans cesse à cette réalité qu’il essayait de fuir à tout prix. Il quittait sa maison car elle ne lui apportait plus que tourment et désespoir. En venant s’installer ici, à Arrowsic, avec celui qu’il aimait plus que tout, il espérait trouver enfin le repos. Il espérait pouvoir respirer à plein poumon et se sentir entier pour la première fois. Mais son imbuvable colocataire en avait décidé autrement. Si bien qu’avec les semaines passées, une distance inévitable s’était créée entre eux. Colton le regardait désormais d’un regard vide, vide de tout sentiment. Il savait qu’il l’aimait, il savait qu’il n’aimerait jamais que lui mais puisque cela ne voulait rien dire, autant ne pas se faire de mal. C’était pour ces raisons qu’il fuyait machinalement leur maison. Rester dans la même pièce que lui ne faisait qu’alimenter sa douleur et sa colère. Il avait décidé d’avancer, tant pis si Angus n’était pas d’accord. Tant pis s’il devait se contenter de l’aimer en secret, à jamais et pour toujours, il en serait ainsi. Et cette fois là, ses pas le menèrent encore vers les phares. Il ne savait pas ce qu’il pouvait bien trouver à cet endroit, mais il lui sembla qu’il s’y retrouvait souvent. Lorsque ses pensées obscurcies guidaient ses pieds, il finissait par observer les bourrasques qui lui offraient l’océan et ses merveilleux. Il montait ces marches, regardait à l’horizon et faisait une nouvelle promesse à l’espoir. Celui de ne jamais abandonner malgré tout. Peut-être paraître distant, peut-être jouer les indifférentes, mais jamais renier ses sentiments. Même s’il l’avait voulu, il ne l’aurait pas pu de toute façon. Parce que Colton était ainsi. Trop rêveur, trop accroché et si désespérément perdu. Depuis toujours il cherchait sa voie, et, finalement peut-être qu’elle était là. Juste devant lui. Ces phares, ces lumières dans la nuit, comme pour éteindre les ténèbres… Et puis, il sentit une présence à côté lui. Incapable de se montrer concerné, il continua sa marche comme si de rien n’était. Ignorant cette présence qu’il devinait être Tessa. Par ce parfum si particulier qu’elle dégageait et par le sourire arrogant qu’il voyait du coin de l’œil, malgré lui. « Encore seul? Décidément, c'est une habitude ...! » Il s’attendait évidemment à ce genre de remarque. Tessa était une insupportable personne qui se plaisait à rabaisser son prochain. Porter des coups-bas, c’était son domaine. Elle s’y connaissait mieux que quiconque, il en était persuadé. Malgré lui, et surtout grâce à quelques séances d’entrainement, il sourit. De ces sourires hypocrites et horribles qu’il maudissait toujours. « Encore à faire chier son monde ? Ce n’est plus habitude pour toi, c’est une maladie ! » Le ton de sa voix n’avait rien d’un reproche. Il avait plutôt l’air tranquille, calme et apaisé. Au fond, si Colton pouvait résister à Angus, il le pouvait d’autant plus avec Tessa. Ce n’était qu’une petite peste, mais dans le fond, elle n’était pas plus méchante qu’une mouche. « Et pourquoi tu reviens toujours à la charge ? Je me plais bien tout seul, sinon je t’aurais invité… » Il se tourne finalement vers elle et lui offrir un de ces sourires sournois qui dit : tu vois, je vais bien, ne t’en fais pas pour moi.

« Encore à faire chier son monde ? Ce n’est plus une habitude pour toi, c’est une maladie ! » Elle sourit. Elle avait toujours adoré la facilité avec laquelle Colton parvenait à répliquer à ses boutades. Alors qu'elle devait faire un effort constant désormais pour bien voir ce qui se trouvait autour d'elle, elle eut beaucoup de mal à réunir les mots et à les assembler de manière à former une phrase cohérente. Elle dut penser et repenser avant de parvenir à dire quelque chose, ses sourcils se fronçant soudainement devant la perte de sensation auditive et visuelle qui venait de la frapper de plein fouet alors qu'elle tentait de suivre le rythme imposé par les pas de Colton. « Je fais chier seulement ceux qui en valent la peine. » Ainsi, elle affirmait qu'il en valait la peine, mais ça ne la dérangeait pas plus que ça étant donné qu'il devait bien se douter qu'elle ne perdait pas son temps avec ceux qui ne le méritaient pas. Elle n'était pas du genre à gaspiller les minutes pour des gens qui n'en avaient rien à faire et même si Colton semblait la détester de prime abord, il lui avait prouvé, à la foire, qu'ils pouvaient néanmoins cohabiter sur le même trottoir ou sur le même quai. Calquant ses pas sur ceux du jeune homme, elle sentait son coeur battre la chamade sous le stress que provoquaient ses étourdissements. Ça lui était déjà arrivé, mais jamais aussi fort et jamais de cette façon. Elle avait l'impression de se retrouver au centre de l'un des manèges de la foire, celui qui tournait à l'envers et qui finissait toujours par vous donner des nausées. « Et pourquoi tu reviens toujours à la charge ? Je me plais bien tout seul, sinon je t’aurais invité… » Le sourire de Colton sembla la revigorer pendant un bref instant, alors qu'elle put vraisemblablement le regarder sans sourciller. Il était mignon, quand même, à tenter de trouver une raison à ses agissements, mais elle savait pertinemment qu'il n'était pas tout seul par plaisir. Personne ne pouvait aimer être tout seul et Tessa n'échappait pas à la règle. Elle détestait être seule et ce n'était pas pour rien qu'elle avait décidé de s'entourer d'un groupe d'amis qui aurait dû lui être fidèle lorsqu'elle était plus jeune, mais qui avaient eu tendance à déserter les rangs lorsqu'ils avaient eux-mêmes choisi une voie différente. « C'est ce que disent tous les solitaires pour justifier leur choix, mais ils rêvent de ... » Colton ne sut jamais ce à quoi il rêvait en secret puisque Tessa sentit ses entrailles se nouer et sa vision s'obscurcir brusquement. Les tremblements de ses mains et de ses membres semblèrent s'intensifier alors qu'elle stoppait inopinément sa marche, visiblement atteinte d'un malaise. Sans qu'elle puisse ne serait-ce qu'avertir, elle s'effondra, ses jambes ne parvenant plus à supporter son poids, son cerveau ne parvenant plus à diriger les opérations. D'ailleurs, l'opérateur de son corps semblait préférer de loin qu'elle perdre conscience puisque ce serait le signal d'alarme qui ferait en sorte de lui montrer à quel point elle n'était pas invincible.

Colton ne remarqua pas le malaise de Tessa, le regard perdu dans la contemplation de l’horizon. À vrai dire, sa présence l’indifférait totalement, il aurait même préféré qu’elle ne soit pas là, avancer sans trop se préoccuper de ce qu’elle pouvait bien dire ou faire était donc la meilleure chose à faire. « Je fais chier seulement ceux qui en valent la peine. » Colton esquissa un léger sourire, pas plus troublé que ça par l’aveu qu’elle venait de lui faire. De toute façon, il n’avait jamais eu la prétention de prétendre en valoir la peine et qu’elle lui dise de cette façon ne lui donnait pas davantage confiance. Dans le fond, il était persuadé que valoir la peine pour Tessa ne voulait rien dire. C’était simplement une bonne victime pour ses affligeantes remarques et coups tordus. Il ne répondit rien, puisque n’importe quelle réponse suffirait à relancer la jeune femme. Elle prendrait sans doute un malin plaisir à retirer ses paroles, lui rappelant qu’il ne comptait pour rien et pour personne. Il ne put toutefois s’empêcher de lui faire remarquer qu’il était très bien seul et que sa présence n’avait pas été requise. « C'est ce que disent tous les solitaires pour justifier leur choix, mais ils rêvent de ... » Ils rêvent de ? Colton aurait aimé entendre la suite, mais l’arrêt soudain de Tessa lui fit froncer les sourcils alors qu’il se tournait vers elle, il ouvrit la bouche pour lui demander ce qu’elle pouvait bien avoir lorsqu’il vit ses jambes flancher, et la demoiselle plier sous son propre poids. S’approchant rapidement d’elle, il tenta de la rattraper mais ne s’attendant pas à un poids si lourd, ils s’écrasèrent au sol. L’un et l’autre, la demoiselle sur lui. Le cœur de Colton se serra, angoissé par cette situation de crise qu’il ne comprenait pas. Que pouvait-elle bien avoir ? Maladroitement, il tapota ses joues pour l’éveiller. Murmurant son nom à de nombreuses reprises, Colton était désemparé de la voir si inerte. Que pouvait-il faire ? Posée sur lui, il était tout bonnement incapable de la repousser, son regard circulant à la ronde, cherchant un peu d’aide. Mais il semblait qu’ils se trouvaient seuls et qu’il devrait donc trouver une solution par lui-même. Tapotant sa joue plus fort, Colton parla légèrement plus fort pour que la demoiselle l’entende au-delà de son malaise. « Tessa ? Eh oh, redescends parmi nous ! » Il saisit sa main dans la sienne, serrant plus fort que jamais. Apeuré, et littéralement troublé par l’intérêt soudain qu’il semblait lui porter.
Au bout d’un temps qu’il lui sembla une éternité, Tessa rouvrit les yeux. Il ne lâcha pas sa main pour autant, caressant sa joue du bout des doigts de son autre main. « Est-ce que ça va ? Tu m’as foutu la frousse… On devrait aller à l’hôpital. » Sa voix était douce, paisible, ne cherchant qu’à la calmer. Colton ne bougea pas, incapable de faire le moindre mouvement de peur qu’elle retombe dans les pommes. « Tessa, qu’est-ce qui t’arrive ? » La question était ridicule, mais il n’avait que cela à la bouche.

Le noir. C'était le noir total et si Tessa parvenait à entendre un certain bruissement, lointain, elle ne pouvait pas ouvrir les yeux. Ses paupières étaient lourdes et il lui semblait qu'elle devrait donner toute son énergie pour y parvenir. Pourtant, lorsque son corps sembla reprendre le peu de contrôle qu'il avait encore sur elle, la jeune femme sentit que sa tête était soulevée et que le sol se trouvait sous ses fesses. Ouvrant péniblement les yeux alors qu'elle avait la désagréable impression que son crâne était martelé, elle tenta de se redresser, ayant complètement oublié l'endroit où elle se trouvait et la personne qui l'accompagnait. « Est-ce que ça va ? Tu m’as foutu la frousse… On devrait aller à l’hôpital. » Secouant la tête de toute ses forces en tentant de se redresser, Tessa reconnut la voix de Colton alors que sa bouche était sèche et qu'elle perdait totalement le fil de ce qui se passait autour d'elle. La jeune femme devait faire un effort surhumain afin de garder les yeux ouverts et elle plissa le front en tentant de prendre une grande inspiration, ce qui fit tourner le monde autour d'elle. « Je veux pas aller à l'hôpital, Colton. S'il te plaît. » Le suppliant du regard alors qu'elle ne se sentait vraiment pas bien, Tessa parvint à glisser une main au sol afin de ne plus être appuyée sur lui. Sa voix était faible - un murmure, en vérité - et la peur se répercutait sur le ton de sa voix alors qu'elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Elle s'était toujours crue à l'abri, elle avait toujours cru qu'elle était plus forte que les autres et cette pensée - dérisoire - semblait la rattraper comme jamais elle n'avait été bousculée auparavant. Des larmes coulèrent sur ses joues alors qu'elle devait fermer violemment les yeux pour faire taire ce tournis et cet état d'instabilité qui l'accompagnaient depuis un moment déjà.

« Tessa, qu’est-ce qui t’arrive ? » Ouvrant les yeux en posant un regard effrayé au creux du sien, la jeune femme se mordit la lèvre alors que ses bras devenaient mous et qu'elle peinait à se soutenir d'elle-même. « Je sais pas. Ça va pas, Colton. » Terrorisée alors qu'elle sentait son corps qui refusait de lui obéir, Tessa avait l'impression désagréable de s'y sentir étrangère, comme si elle n'était plus la bonne personne pour l'enveloppe charnelle qui la soutenait. « J'ai froid. J'ai froid et ça fait mal ... » Redressant ses jambes contre elle alors que des larmes glissaient de nouveau sur ses joues, la jeune femme était pétrifiée par la simple idée de se rendre à l'hôpital puisqu'elle savait ce qui se passerait, une fois là-bas. On lui ferait passer une batterie de tests et on lui dirait qu'elle avait un problème, mais personne ne comprenait ce qui se passait, personne ne pouvait comprendre ce qui la poussait à faire ça. Elle ne faisait rien de mal et elle n'avait jamais eu de problèmes! Pourquoi maintenant? Son ventre lui faisait mal, on aurait presque dit qu'il se déchirait et les tremblements de ses mains et de ses membres en général s'était amplifié de manière à ce qu'elle ne puisse même plus contrôler ses gestes. Sa respiration s'accélérait proportionnellement à sa peur et la jeune femme ne réussissait plus à calmer ses frayeurs tellement elle savait que son état était loin d'être normal. « Colton ... » En un murmure douloureux, Tessa avait prononcé son nom comme si le jeune homme pouvait vraiment l'aider à aller mieux, comme s'il pouvait ne serait-ce que caresser son dos en lui disant que tout irait bien pour qu'elle se sente mieux. Colton n'était pas magicien et il y avait bel et bien trop de dégâts pour qu'il puisse faire quoi que ce soit.

Colton n’avait pas l’âme de chevalier sans peur et sans reproche, il n’avait rien d’un héros, rien d’un homme capable de savoir comment agir en cas de pépin. Que du contraire. Il était farouche et apeuré, totalement heurté face à une situation trop importante pour lui, immobile devant l’urgence. Et même s’il n’aimait pas beaucoup Tessa – ces nombreuses remarques avaient eues raison de sa patience – il se sentait incroyablement mal à l’aise de ne savoir comment agir. Mais il voulait l’aider, peu importe comment, il le ferait. L’hôpital fut la première chose qui lui vint à l’esprit, au moins là-bas, il y aurait des médecins et ils sauraient quoi faire. « Je veux pas aller à l'hôpital, Colton. S'il te plaît. » Le regard suppliant qu’elle posait sur lui et cette voix emprunte d’une certaine détresse le déstabilisa. Il resta alors silencieux, ne voulant pas la brusquer davantage alors qu’elle s’appuyait au sol pour le libérer de son poids. Colton recula légèrement, si peu pourtant, refusant de s’éloigner alors qu’elle pourrait très probablement rechuter à un moment ou l’autre. Les larmes qu’il voyait s’éparpiller sur ses joues lui firent l’effet d’une gifle. Jamais Tessa ne lui avait parue plus humaine qu’à cet instant. Elle avait si souvent joué les grandes filles sûre d’elle et sans problème devant lui qu’il avait oublié qu’elle était comme tout le monde. S’il aurait pu profiter de cette vulnérabilité pour lui rendre la monnaie de sa pièce, Colton n’en fit rien. Le jeune homme la regardait, un air d’interdit imprégnant le moindre de ses traits. Que faire si elle ne voulait pas aller à l’hôpital ? Il y avait vraiment un problème et tant qu’ils ne sauraient pas de quoi il s’agit, jamais ça n’irait mieux. N’est-ce pas ?

Son regard posé sur lui le faisait frissonner de toute part, incroyablement mal à l’aise et gauche. Mais il n’était pas aveugle et les difficultés de la demoiselle à se soutenir ne lui échappaient pas. Aussi s’était-il approcher d’elle à nouveau pour poser un bras autour de sa taille. « Je sais pas. Ça va pas, Colton. » Cette remarque le fit rouler des yeux malgré lui. Il n’était pas stupide, merci, il voyait bien que ça n’allait pas. La question n’était pas là, ce qu’il voulait savoir lui, c’était pourquoi ça n’allait pas. Tout à fait différent, en soi. Mais il ne répondit rien, se mordillant la lèvre d’avoir montré un signe d’impatience dans un moment aussi… étrange. « J'ai froid. J'ai froid et ça fait mal ... » Et moi, je ne suis pas médecin ; ne put-il s’empêcher de penser. Il n’avait aucune idée de ce qu’il fallait dire ou faire pour l’apaiser ou calmer ses douleurs. Son bras autour de sa taille – bien que légèrement fuyant, refusant de trop la toucher – ne la soutenait que trop peu et il avait le désagréable sentiment de devoir faire plus. Tellement plus. Mais quoi ? Lorsqu’elle replia ses jambes sur elle et que les larmes se remirent à couler, Colton demeura de marbre, incapable de réagir. Mais le souffle dans lequel elle prononça son nom le força à réagir. Et contre tous ses aprioris, ses façons de faire en général, il encercle le corps frêle de la demoiselle entre ses bras. Déposant son front sur sa joue humide, serrant ses bras autour de son corps tremblant. « Chut. Calme-toi, chut. » Ses doigts vinrent alors essuyer les larmes de faiblesse qui ruisselaient le long de ses joues rougies. Ses lèvres se posèrent sur son front alors qu’il la berçait dans un léger mouvement d’avant en arrière. « Tessa, il faut vraiment aller à l’hôpital. Je ne suis pas docteur et même avec toute la volonté du monde, je ne peux pas t’empêcher d’avoir froid ou mal. » Il la serra plus fort contre lui, essayant malgré tout de la réchauffer, comme une enfant qui se serait écroulée au sol et se serait heurté le genou. Son cœur se serrait alors qu’il observa cette silhouette dans ses bras, silencieux, le malaise au creux de l’estomac. Il glissa l’une de ses mèches derrière son oreille et souleva son menton de l’index, lui offrant un regard qu’il voulait doux et compréhensif : « Qu’est-ce qui te met dans cet état ? » Colton ne connaissait pas suffisamment Tessa pour soupçonner quoi que ce soit. Il faudrait qu’elle lui dise si elle voulait de l’aide. Il ne pouvait pas deviner seul.

« Chut. Calme-toi, chut. » Enfouissant maladroitement sa tête au creux de son cou alors qu'elle s'en voulait à mort de se montrer aussi vulnérable, elle laissa les larmes couler d'elles-mêmes alors que Colton essuyait de ses doigts ces perles humides qui traçaient des sillons le long de ses joues. Les lèvres du jeune homme sur son front semblèrent la réconforter alors qu'elle fermait les yeux, en proie à une nouvelle crise d'équilibre. « Tessa, il faut vraiment aller à l’hôpital. Je ne suis pas docteur et même avec toute la volonté du monde, je ne peux pas t’empêcher d’avoir froid ou mal. » Une plainte s'échappa d'entre ses lèvres alors qu'elle prenait peu à peu conscience de l'ampleur de la situation. Et si sa mère avait raison? Et si elle avait des habitudes alimentaires qui mettaient en péril sa vie? Bien sûr que non. Dans le déni jusqu'à l'os, Tessa n'était pas prête à avouer qu'elle n'allait pas bien et qu'elle en était la principale responsable et elle préférait d'autant plus mettre la faute sur le dos d'une situation exceptionnelle plutôt que sur celui de mauvaises habitudes quotidiennes. « D'accord. » murmura-t-elle alors qu'elle gardait les yeux fermés, profitant de la chaleur de ses bras autour d'elle pour se sentir rassurée et en sécurité. Les tremblements de son corps semblaient s'être légèrement amoindris maintenant que Colton la serrait contre lui, mais elle ne se sentait pas suffisamment bien pour lui demander de la ramener chez elle en faisant fi du signal d'alarme que son corps venait tout juste de lui transmettre. Elle fouilla dans la poche de sa veste pour en sortir son portable et le posa doucement aux côtés de Colton, les yeux rivés sur l'appareil alors qu'elle avait que c'était certainement ce qui allait la conduire tout droit aux enfers.

Toutefois, lorsque le jeune homme redressa son menton de manière à la regarder dans les yeux, Tessa ouvrit les siens en tentant de retenir ses larmes, « Qu’est-ce qui te met dans cet état ? » La jeune femme se mordit la lèvre alors qu'elle tentait de baisser la tête avant de fuir simplement son regard. « Je ne sais pas, je ... » débuta-t-elle en haussant légèrement les épaules. Néanmoins, si elle ne savait pas pourquoi Colton faisait preuve d'une aussi grande tendresse envers elle en sachant tout ce qu'elle lui avait fait, elle en vint à la conclusion que c'était plus facile pour lui de ne pas s'inquiéter si elle lui fournissait une réponse proche de la vérité, sans l'être. En fait, Tessa perdait peu à peu le fil de ce qui se passait autour d'elle et ses paupières se fermaient presque d'elles-mêmes alors qu'elle aurait pu s'endormir tout contre lui si elle n'avait pas lutté autant pour demeurer éveillée. « J'ai pas assez mangé, je pense, c'est pas grave. » avoua-t-elle en un souffle alors qu'elle se blottissait un peu plus contre le thorax de Colton, fermant finalement les yeux, trop faible pour les garder ouverts. « Je suis fatiguée ... » chuchota-t-elle douloureusement à son oreille alors qu'elle déglutissait difficilement. « Tu vas venir avec moi, hein? » demanda-t-elle en enfouissant aveuglément sa tête au creux de son cou.

« D'accord. » Colton fut rassuré lorsque Tessa accepta sa requête, son cœur s’en sentit beaucoup plus aise. Au moins, il était certain qu’elle finirait par aller mieux. Que les médecins trouveraient la cause de son malaise et qu’il pourrait retourner à sa joyeuse petite envie sans embûche. Du moins, l’espérait-il. Mais il avait toujours été incapable de rester indifférent aux autres, s’imprégnant bien trop souvent de leur présence au point de vouloir être rassuré par l’état de la jeune femme. Ce n’est pas qu’il l’appréciait particulièrement, loin de la même, mais il se devait faire un effort s’il voulait garder l’esprit tranquille. Parce qu’il allait se préoccuper, imaginer le pire et sans doute, culpabilisé comme personne. Colton s’attribuerait les mérites de quelques choses qui ne le concernaient pas et ne le concernerait probablement jamais. Lorsqu’elle posa le téléphone à leurs côtés, il s’en empara et composé le numéro des urgences, demandant une ambulance près des phares. Mentionnant bien que la situation le dépassait et que la jeune femme peinait à rester éveiller. Pressant autant qu’il le put la dame qui essayait de le calmer, l’apeuré perdait peu à peu patience alors qu’il balbutiait pour donner les données exactes de leur localisation. Lorsqu’il raccrocha, il reporta son attention sur Tessa, le cœur au bord des lèvres. Des tas de nausées lui venait, sans doute exercé par la peur et le sentiment d’incompétence qu’il ressentait.
Colton posa la question encore une fois, voulant savoir ce qui se passait. À vrai dire, si elle arrivait à l’éclairer à ce sujet, peut-être pourrait-il davantage l’aidé. Mais elle s’obstinait, sans doute pour ne pas perdre la face. Elle devait se sentir bien honteuse de perdre aussi ouvertement la face devant lui. « Je ne sais pas, je ... » Colton fronça les sourcils, sentant l’agacement le gagner. Si elle ne parlait pas, il finirait par la gifler ou pire, la laisser retomber au sol et tourner les talons. C’est ce qu’il se plaisait à croire, bien qu’il en soit totalement incapable. « J'ai pas assez mangé, je pense, c'est pas grave. » Il pinça légèrement les lèvres, comprenant que Tessa avait plus de problèmes qu’elle voulait bien le laisser paraître. Elle ne mangeait donc pas ? Cela lui arrivait-il souvent ? Les questions se bousculaient à la porte de ses lèvres alors qu’il essayait de les garder pour lui, entendant le gémissement plaintif de la demoiselle qui lui susurrait sa fatigue. « Ne t’endors pas, s’il te plaît. Essayer de rester avec moi jusque l’ambulance arrive. Allez, un petit effort. » Il caressa ses cheveux avec douceur alors qu’elle enfuyait son visage dans son cou. « Tu vas venir avec moi, hein? » Non. Pourquoi viendrait-il avec elle ? « Evidemment ! » Le mot avait quitté ses lèvres sans qu’il ne puisse le retenir, laissant visiblement son inconscience prendre le pas sur la raison qui lui intimait de prendre ses jambes à son cou. A cet instant, il entendit les sirènes de l’ambulance et releva la tête pour faire signer aux urgentistes. S’en suivit les procédures de bases, alors que comme un con, il avait du tenir la main de la demoiselle durant tous le trajet ! « C’est votre petite amie ? » « Mais ça va pas ! Non. Mais… Elle m’a dit qu’elle n’avait pas mangé suffisamment, je… » L’urgentiste acquiesça et fit son travail alors que Colton, étroitement serré dans ce coin, restait pantois. Ils arrivèrent à l’hôpital et tout le monde descendit. Forcé d’attendre dans la salle d’attente qu’on vienne lui permettre une visite, j’imagine.

« Ne t’endors pas, s’il te plaît. Essayer de rester avec moi jusque l’ambulance arrive. Allez, un petit effort. » Tentant désespérément de garder les yeux ouverts alors que ses paupières semblaient chercher à se fermer de manière à ce que son corps puisse récupérer l'énergie qu'elle n'avait pas su trouver au sein des aliments, Tessa tremblait tout contre lui alors que pour la première fois depuis longtemps, elle était effrayée. Elle voyait bien qu'elle ne contrôlait absolument pas ce qui se passait et ça la terrorisait. Elle perdit néanmoins le fil du temps alors que les bras de Colton la réchauffaient et qu'elle s'y sentait à l'abri et n'eut même pas conscience de la sirène de l'ambulance tellement son esprit était ailleurs. Des bras la soulevèrent alors qu'on prenait sur place sa tension artérielle et qu'elle devait plisser les yeux afin de tenter de bien détailler, en vain, les silhouettes qui l'entouraient. On lui parlait. On voulait apparemment qu'elle réponde et qu'elle dise son nom, son âge et réponde à toutes ces questions qu'on pouvait bien lui poser: l'année en cours, la date, l'endroit où elle se trouvait. Effrayée, fatiguée et si faible, elle ne parvint qu'à dire son nom en faisant un effort considérable, sa main n'ayant toutefois pas lâché celle de Colton alors qu'on l'emmenait dans l'ambulance et qu'elle fermait les yeux sous les efforts incessants des ambulanciers pour la garder éveillée. Le trajet lui parut interminable alors qu'elle perdit complètement la notion du temps. C'était plus facile pour elle de ne pas lutter, de dormir, simplement. Son corps voulait qu'elle dorme, il était fatigué de lutter.

Toutefois, à la sortie de l'ambulance, ce fut le trou noir. Elle ne se réveilla qu'un peu plus tard, au creux d'un lit d'hôpital, une perfusion plantée au dos de sa main gauche. Non! Non, elle ne voulait pas tout ça, elle voulait rentrer! D'ailleurs, l'une des infirmières l'ayant prise en charge s'approcha avec un petit sourire, ravie de voir qu'elle était revenue à elle. « Enlevez-moi ça, s'il vous plaît! » se plaignit-elle en grimaçant à la vue de l'aiguille, presque affolée de voir le liquide qui s'en échappait au compte-gouttes. « Doucement, tu vas te faire mal à gesticuler comme ça. » « Je veux rentrer. Je veux pas rester ici, je vais bien. » fit-elle d'une voix qui se voulait convaincante, mais qui perdait toute crédibilité dès lors qu'on posait un regard sincère sur elle. Blafarde, encore très faible, elle ne devait certainement pas rentrer maintenant, même si le soluté commençait à faire effet et qu'elle reprendrait sans doute bien vite des couleurs. « Depuis combien de temps est-ce que tu n'avais pas mangé? » « Arrêtez, arrêtez! » coupa-t-elle en secouant vigoureusement la tête de gauche à droite, ce qui lui donna un tournis effroyable. Tessa dut prendre un petit instant de répit avant de poursuivre. « Je vais bien. » La jeune infirmière s'était rapprochée d'elle et avait posée une main qui se voulait rassurante sur son épaule frêle. « On va devoir te garder un petit moment, afin de te réhydrater notamment. Mais aussi ... Tu as déjà vu un... » « Un psy? Je vais bien, je vous dis. » protesta-t-elle d'une voix faible alors que des larmes coulaient sur ses joues. « Colton. Colton, dis-lui toi. Dis lui que j'ai rien. Je veux rentrer. » Colton venait d'apparaître dans l'encadrement de la porte et Tessa avait dardé sur lui un regard suppliant, persuadée qu'il était celui qui pouvait lui venir en aide. Elle ne pouvait pas retirer elle-même le fil qui la reliait à la machine parce qu'elle l'aurait fait, sinon. C'était stupide et Tessa Abrams était forte. Des larmes coulaient sur ses joues alors qu'elle tentait de les essuyer du revers de la main avant de grimacer, visiblement chamboulée.