« Docteur Bradford! » Ross se retourna, sa blouse blanche ouverte sur le thorax alors que sa chemise était elle-même légèrement déboutonnée, la cravate un peu plus lâche. « Que puis-je faire pour vous, Majory? » « J'ai madame Moore au téléphone et elle veut absolument vous voir aujourd'hui. » Ross poussa un soupir alors qu'il passait une main lasse et fatiguée sur son visage. « J'ai terminé pour aujourd'hui, mais vous pouvez lui donner un rendez-vous demain matin, j'arriverai une vingtaine de minutes plus tôt pour la voir. » « Parfait. Passez une belle soirée, docteur Bradford. » « Vous aussi, Majory! » Épuisé, Ross la regarda tourner les talons et il fit de même de son côté lorsqu'il fut à peu près certain qu'on ne le retiendrait pas plus longtemps. Techniquement, Hazel devait finir en même temps que lui, ce jour-là, et malgré son retard de plusieurs minutes, il décida de passer par l'étage de la pédiatrie afin de voir si elle était prête à partir. Il salua les gens qu'il croisa dans le couloir et qui le connaissaient autant, sinon plus, que ceux qui faisaient partie de son propre département puisqu'il passait parfois le temps en discutant de tout et de rien avec eux lorsqu'il passait voir sa femme. « Hey Ross ! Salle 623, si c'est Hazel que tu cherches! » Le médecin sourit avant de lui faire un signe de tête pour le remercier alors que l'autre était déjà loin, apparemment pressé.

Ross se dirigea donc vers les chambres alors qu'il avait d'abord eu dans l'idée de la rejoindre à son bureau et la porte entrebâillée derrière laquelle il trouva sa femme le fit sourire alors qu'il s'y appuyait. Hazel avait toujours été douée avec les enfants et ce n'était pas pour rien qu'elle avait opté pour la pédiatrie. Toutefois, la voir là, avec un bébé d'à peine quelques mois dans les bras, ça lui donnait la chair de poule. Elle était tellement belle! Elle ferait une mère formidable et il n'avait aucun doute là-dessus, mais il ne parvenait pas à laisser ses vieux démons de côté pour lui offrir ce qu'elle demandait depuis des années. Il y avait un blocage, tout simplement, et la voir avec des millions d'enfants ne pourrait jamais rien y changer. Silencieux afin de ne pas déranger sa belle, Ross la regarda, simplement, et fut surpris de voir à quel point elle était concentrée. Chaque fois qu'il la voyait, il savait pourquoi il était tombé amoureux d'elle. Elle était séduisante, douce, patiente, intelligente et parfaite, tout simplement. Ses pensées virevoltèrent un moment alors qu'il avait l'impression que le temps s'était suspendu et il ne fit aucun mouvement pour lui montrer qu'il était là et qu'il l'attendait. De toute façon, les médecins savaient l'heure précise à laquelle ils commençaient les consultations, mais ils ne savaient jamais l'heure à laquelle ils allaient quitter l'hôpital. Ça faisait partie du métier et Ross l'avait accepté depuis longtemps déjà.

Ce fut néanmoins lorsque son regard croisa celui de sa femme qu'il se permit d'ouvrir un peu plus la porte alors qu'un sourire fatigué prenait possession de ses lèvres. « Journée de fou, aujourd'hui, je n'ai pas eu le temps de te voir beaucoup. » avoua-t-il alors qu'il appuyait son dos sur le mur sans la lâcher des yeux. « Qu'est-ce qu'il a? » demanda-t-il en fronçant légèrement les sourcils, désignant le petit bout de chou qu'elle tenait entre ses bras d'un léger coup de menton.

« La prochaine consultation ? » Hazel se pencha par-dessus le comptoir de l'accueil du service pédiatrie. Fiona, l'infirmière en poste, fouilla un instant dans les dossiers avant d'en tirer un relativement fin et de le tendre à la pédiatre. « Merci ! » Tout en feuilletant le petit dossier qui concernait un bébé de sept mois, Hazel se dirigea jusqu'à la salle d'attente, sa blouse blanche grande ouverte claquant l'air dans son dos. « C'est au tour de la petite Rainbow Rosewood ! » Un sourire attendri ourla ses lèvres quand elle vit une jeune mère, blonde comme les blés et apparemment fatiguée, se lever avec un adorable bébé dans les bras et un petit garçon de cinq ans accroché à son jean. D'un petit geste de la main, elle leur fit signe de la suivre jusqu'à la salle de consultation 623. « Dites-moi tout, madame. Qu'est-ce qui se passe avec votre fille ? » La jeune mère déposa le bébé sur la table de consultation avant tout. « Ca fait quelques jours qu'elle a une toux inquiétante. Elle fait de la fièvre et son nez coule de façon assez impressionnante, si je puis dire... » Hazel acquiesça d'un signe de tête.

Tout ça ressemblait à un début de bronchiolite... « Voyons voir tout ça, crevette ! » La brune entreprit donc de dévêtir la fillette pour ne la laisser qu'en couche-culottes, puis la plaça en position assise, une main sur son dos, afin de placer l'embout de son stéthoscope sur sa poitrine. La petite poussa un grognement mécontent au contact froid de l'acier avant d'émettre une toux sèche qui fit apparaître un pli inquiet sur le front d'Hazel. Elle termina rapidement son examen, puis obligea tout doucement le bébé à ouvrir la bouche pour examiner son larynx à l'aide d'une petite lampe de poche. « Oh, ma pauvre puce, c'est enflé tout ça... Tu dois avoir mal... » Rainbow gazouilla avant d'attraper une des longues mèches brunes du médecin qui pendait devant ses yeux. « Rainbow, regarde-moi ! » A l'entente de son prénom, le bébé releva la tête et tendit le cou, ce qui permit à Hazel de glisser les doigts sous son menton afin de palper délicatement ses ganglions. « C'est bien ce que je pensais. »

La pédiatre se tourna vers la jeune mère qui se rongeait les ongles d'inquiétude. « C'est une rhinopharyngite ! Il faudra que vous fassiez attention, ça peut dégénérer en bronchiolite et apparemment, c'est déjà bien parti pour. Mouchez-la régulièrement, surélevez sa tête lorsqu'elle dort, avec un coussin sous le matelas et lavez-lui le nez avec du sérum physiologique. Pour la fièvre, utilisez du paracétamol si jamais elle est trop forte. » La blonde hocha la tête avec un petit soupir de soulagement, pendant que Hazel soulevait la petite Rainbow dans ses bras. Le bébé laissa filtrer son contentement en produisant une énorme bulle de salive. « Et... Dans combien de temps elle sera guérie, vous pensez ? Je veux dire, si ça ne dégénère pas en bronchiolite ? » « Normalement, une dizaine de jours suffisent. Si dans trois jours, vous sentez que sa toux a empiré, revenez me voir. » Elles échangèrent un sourire. « Je vais vous donner un flacon de sérum et une boîte de paracétamol, ça vous évitera d'aller jusqu'à la pharmacie. »

Toutefois, Hazel sursauta violemment quand elle aperçut Ross appuyé contre l'encadrement de la porte. Elle ne l'avait pas entendu arriver. « Bon sang, tu m'as fait peur ! » Elle secoua la tête, un léger sourire aux lèvres. Elle était contente de le voir. « Journée de fou, aujourd'hui, je n'ai pas eu le temps de te voir beaucoup. » Son sourire s'élargit. « Pareil pour moi ! La salle d'attente ne désemplit pas ! » Elle déposa la petite dans les bras de sa mère. « C'est mon mari, vous inquiétez pas. » « Qu'est-ce qu'il a? » Hazel haussa les épaules tout en ouvrant les placards, à la recherche des médicaments. « Rhinopharyngite ! Comme souvent à cette période de l'année... Voilà ! Tenez, madame Rosewood, et n'oubliez pas de venir me voir si l'état de votre fille empire ! » Les remerciements d'usage passés, la pédiatre referma la porte derrière la maman blonde et préféra venir se coller à son cher et tendre mari, les bras croisés autour de son cou. « Tu m'attendais ? » demanda-t-elle avec un petit sourire amusé.

« Bon sang, tu m'as fait peur ! » Ross eut un sourire amusé alors qu'il posait tour à tour son regard sur la jeune mère, sur le petit garçon et sur le bébé toujours au creux des bras de sa femme. « Pareil pour moi ! La salle d'attente ne désemplit pas ! ... C'est mon mari, vous inquiétez pas. » La jeune femme sembla d'abord surprise de la révélation, mais Ross hocha légèrement la tête dans sa direction pour la saluer, un léger sourire aux lèvres. Il préféra ne pas trop s'imposer dans la conversation le temps qu'Hazel termine la consultation, mais ne put néanmoins pas s'empêcher de demander ce qu'avait le bébé, visiblement inquiet. « Rhinopharyngite ! Comme souvent à cette période de l'année... Voilà ! Tenez, madame Rosewood, et n'oubliez pas de venir me voir si l'état de votre fille empire ! » Ross hocha la tête en poussant un soupir alors que les cas semblaient même se multiplier ces temps-ci. De nombreux patients venaient le voir et espéraient des antibiotiques et des médicaments, mais, malheureusement, Ross ne pouvait pas faire grand chose sinon leur proposer de bien se reposer et de boire beaucoup d'eau. Le médecin tendit néanmoins sa main à la jeune mère et serra même celle du petit garçon alors que ce dernier semblait vouloir faire comme les grands avant de lui tapoter délicatement la tête. Ils étaient adorables.

« Tu m'attendais ? » Le médecin accueillit Hazel contre lui en entourant sa taille de ses bras, posant son front contre le sien en fermant légèrement les yeux. « J'ai terminé ma journée, oui. » Il déposa d'abord un baiser sur son front, mais ses lèvres divergèrent rapidement jusqu'à celles de sa femme pour lui voler un doux baiser de retrouvailles. Ne travaillant pas dans le même département, il y avait des jours comme ça où ils ne se voyaient que très peu et elle finissait toujours par lui manquer, à la fin de la journée. « Tu étais belle à voir avec le bébé. » avoua-t-il sincèrement alors qu'il caressait délicatement et distraitement ses hanches. Il desserra finalement l'emprise qu'il avait sur elle pour s'asseoir sur le dessus du bureau après avoir retiré la blouse blanche qui faisait de lui un médecin. « J'ai envie de t'inviter au restaurant ce soir. Ça te dit? Une soirée tous les deux? » Ross n'avait aucun mal à admettre que leurs horaires respectifs ne leur permettaient en aucun cas de passer chaque soirée ensemble, mais il aurait parfois aimé rentrer et ne penser qu'à elle et à personne d'autre. Non seulement le temps venait à manquer, mais ils ramenaient parfois des pensées et des souvenirs de l'hôpital qu'ils auraient malheureusement dû laisser là-bas. Ross avait toujours été doué pour faire le vide dans son esprit et laisser les problèmes de l'hôpital à l'hôpital; or, certaines choses le touchaient parfois plus que de raison et il ne parvenait pas toujours à demeurer indifférent.

La journée était enfin terminée. Hazel se laissa aller contre Ross, un léger sourire aux lèvres. « J'ai terminé ma journée, oui. » Pour une fois qu'ils finissaient à peu près en même temps. Généralement, ils avaient toujours quelques heures de décalage, à cause d'une consultation surprise ou d'un examen important à terminer... Elle tendit le cou quand il vint cueillir ses lèvres, cherchant ensuite un deuxième baiser. Il lui avait manqué. Ils ne s'étaient vus qu'en coup de vent le matin même puisque la pédiatre commençait plus tôt que son homme, et travailler dans deux départements différents n'aidait pas toujours. Il leur arrivait de se retrouver pour la pause de midi, mais jamais bien longtemps... Un petit soupir passa ses lèvres et elle se blottit contre lui, la joue appuyée contre son torse, une petite moue enfantine aux lèvres. « Tant mieux. Je te veux rien que pour moi cette nuit. » « Tu étais belle à voir avec le bébé. » Un vague sourire un peu amer étira les lèvres de la brune. Qu'il ne s'étonne pas si elle répliquait... « Merci. C'est juste dommage que ce ne soit pas mon enfant... » Toujours le même problème. Elle était fatiguée de se battre tous les jours avec Ross sur ce sujet. Peut-être qu'elle allait laisser tomber cette histoire. Si elle était moins têtue...

Hazel laissa son époux s'écarter d'elle sans pour autant le quitter des yeux, croisant les bras sous sa poitrine. Elle l'observa retirer sa blouse en se mordillant la lèvre, la tête légèrement penchée sur le côté. « J'ai envie de t'inviter au restaurant ce soir. Ça te dit? Une soirée tous les deux? » Un grand sourire enthousiaste étira les lèvres de la brunette. « Portables et bipeurs éteints ? Vraiment rien que tout les deux ? » Elle sautilla légèrement pour marquer son approbation avant de lui sauter dessus pour l'embrasser fougueusement. « Je suis pour ! » Pour une fois qu'ils pouvaient se faire une petite soirée en amoureux ! Elle imaginait déjà tout ce qu'ils pouvaient faire, tous les deux. « Restaurant, et après on rentre à la maison, je t'embarque dans la chambre et je t'y retiens captif de la meilleure façon qu'il soit... » fit-elle avec un sourire particulièrement suggestif. C'était une idée qui l'enthousiasmait, et pas qu'un peu. Depuis combien de temps ne s'étaient-ils pas retrouvés dans le même lit en même temps, et surtout réveillés et prêts à faire tout un tas de trucs déconseillés aux moins de dix-huit ans ? Quelques semaines déjà. L'un ou l'autre était toujours trop crevé en rentrant pour penser à autre chose qu'à dormir. Hazel fronça les sourcils et considéra un moment sa tenue – un jean, une paire de bottes à talons et un haut à manches longues bleu pâle. Tout dépendait, maintenant, dans quel genre de restaurant Ross comptait l'inviter. « Tu crois que je devrais me changer ? » demanda-t-elle avec une petite moue critique, en relevant la tête.

« Merci. C'est juste dommage que ce ne soit pas mon enfant... » Ross avait d'abord voulu la complimenter sur son travail et sur la puissance et le professionnalisme qu'elle semblait dégager lorsqu'elle travaillait, mais il n'avait pas vraiment envisagé cette répartie qu'elle pouvait avoir à ce sujet. Il se mordit la lèvre en baissant finalement les yeux, visiblement honteux d'avoir osé laisser échapper quelques bribes d'informations qui avaient pu lui remettre en tête cette idée d'avoir un enfant de lui. Il avait la chance d'avoir une femme merveilleuse à ses côtés et la seule chose qu'elle voulait à la puissance mille, il ne pouvait pas la lui donner. Il ne pouvait rien faire, il ne pouvait rien dire. Il avait tout faux et il le savait puisqu'un bébé ne serait que le fruit de leur amour. Il savait également qu'il risquait de mettre en danger son couple en lui refusant toujours ce qu'elle avait demandé depuis des années et c'était bien la dernière chose qu'il voulait faire. Il en était amoureux et ne voulait pas la perdre, mais il voulait qu'elle soit heureuse et il avait l'impression qu'elle ne le serait jamais totalement si elle ne devenait pas mère. Il préféra donc s'appuyer sur le bureau de la salle d'examen en s'éloignant légèrement, silencieux. Il n'avait plus rien à dire et même si ses entrailles se tordaient sous la douleur d'avoir à lui dire non, encore une fois, il ne se sentait pas prêt à avoir une nouvelle discussion avec elle. Il avait envie de passer une belle soirée et il ne voulait pas qu'ils se disputent.

Ce fut donc le moment qu'il choisit pour l'inviter au restaurant, décidant volontairement de passer sous silence ce reproche qu'elle avait décidé de lui faire puisqu'il ne se sentait pas d'attaque, ce soir-là, pour engager les hostilités. « Portables et bipeurs éteints ? Vraiment rien que tous les deux ? » Ross sourit à sa remarque alors qu'il sortait son bipeur afin d'en retirer les batteries. Cette nuit, ils ne seraient pas dérangés. Il accueillit sa belle dans ses bras et répondit avec tout autant de fougue à son baiser, resserrant ses bras autour d'elle alors qu'il avait le bipeur d'une main et les batteries de l'autre. « Je suis pour ! » Il captura de nouveau ses lèvres alors qu'un sourire ravi et soulagé agrémentait ses états d'âmes. « Je n'en attendais pas moins! » Il rangea dans sa poche le petit appareil et ce qui allait avec avant d'attraper les mains de sa femme et de la rapprocher de lui, ses mains caressant délicatement son dos. « Restaurant, et après on rentre à la maison, je t'embarque dans la chambre et je t'y retiens captif de la meilleure façon qu'il soit... » Ross eut un sourire entendu alors qu'il plantait son regard dans le sien, un léger sourire au coin des lèvres. « Je propose qu'on fasse livrer dans ce cas-là! » blagua-t-il avant d'attraper le visage de sa compagne entre ses mains et de lui arracher un nouveau baiser. « Tu crois que je devrais me changer ? » Ross sourit alors qu'il prit plaisir à la détailler, d'autant plus qu'elle le lui avait demandé. « T'es parfaite. » Le médecin ne s'était jamais vraiment senti à sa place dans ces grands restaurants aux mille et un couverts et aux manières exacerbée des serveurs comme des clients. Franchement, ce n'était pas les prix exorbitants des assiettes qui lui faisaient peur, mais bien l'ambiance générale d'un tel endroit. Tous deux y étaient déjà allés, à New York, et Ross avait adoré la plupart de ses soirées, mais ce n'était en rien grâce aux artifices supplémentaires qu'on avait pris plaisir à glisser au sein du service, mais bien grâce à la présence d'Hazel. Le lieu perdait vite tout intérêt à ses yeux si elle n'y était pas.

« Il est ... » Ross consulta sa montre et hocha légèrement la tête avant de poursuivre. « Presque 19h. Qu'est-ce que tu en dis si on s'y rend maintenant? » Ross devait néanmoins passer par la salle de repos afin de récupérer son manteau et déposer sa blouse blanche dans son casier, mais ça ne lui prendrait que quelques minutes, d'autant plus qu'Hazel devait sans doute s'y rendre aussi.

Spoiler:

Hazel ne chercha pas plus à relancer le débat, se contentant de l'observer. Des années qu'elle lui demandait une seule chose. Un bébé. Un enfant, un mélange d'eux deux. Des années qu'il lui refusait cette simple exigence en posant toujours plus de conditions. Finir leurs études, habiter ensemble, travailler ensemble, le mariage, et maintenant ce foutu poste de chef de services. Trop d'années de bataille qui l'avaient épuisée moralement. Elle avait déployé tous ses trésors de négociation et de patience juste pour avoir un bébé de lui. Elle était juste fatiguée. L'abandon semblait une option beaucoup plus convaincante. Elle se contenta donc de passer une main lasse sur son visage, la gorge nouée – mais elle ne pleurerait pas, non. Pas comme cette nuit-là, avec son père au bout du fil, où elle s'était soudainement sentie de retour dans sa peau de petite fille de six ans.

Ce fut ce moment-là que Ross choisit pour parler d'une soirée en amoureux. La brunette décelait parfaitement cette tentative de dévier le sujet, mais elle l'accepta pour une fois avec reconnaissance. Et, il fallait le dire, l'idée lui donnait envie. Ca faisait bien longtemps qu'ils ne s'étaient pas retrouvés rien que tous les deux et ça lui manquait. Elle se jeta donc avec enthousiasme dans ses bras pour lui arracher un long baiser. « Je n'en attendais pas moins! » Avec un sourire, elle entreprit d'imiter son homme et d'éteindre son bipeur à son tour, puis son portable, qu'elle enfonça au fond de la poche de son jean. Ce ne fut qu'une fois ceci fait qu'elle laissa filtrer une façon particulièrement agréable de terminer la soirée, impliquant un lit confortable et eux-mêmes... « Je propose qu'on fasse livrer dans ce cas-là! » Elle éclata de rire. « Je préfère quand même le restaurant ! » Mordillant légèrement sa lèvre inférieure, elle finit par s'arracher à ses baisers pour frotter son nez contre le sien.

Hazel s'inquiéta ensuite de sa tenue vestimentaire. Elle n'avait aucune idée du genre de restaurant dans lequel Ross comptait l'emmener. Autant s'en assurer dès maintenant. Son regard concentré et appréciateur sur sa silhouette lui tira un sourire amusé. « T'es parfaite. » Elle retint une remarque piquante qui était, pourtant, son habituelle marque de fabrique et se contenta de revenir l'embrasser en guise de remerciement. Plus d'une fois, ils s'étaient violemment disputés à cause d'une de ses remarques mal placées, qui se voulaient pourtant humoristiques. Et ce soir, elle ne voulait pas se prendre la tête avec lui. Juste passer une bonne soirée rien que tous les deux... « Il est … Presque 19h. Qu'est-ce que tu en dis si on s'y rend maintenant? » Elle hocha la tête. « Bonne idée. Comme ça, à vingt-deux heures, on est à la maison et on peut faire tout ce qu'on veut sous la couette... » fit-elle avec un sourire suggestif, avant de s'emparer de sa main pour entremêler ses doigts aux siens. « Je ne travaille pas, demain matin... Dis-moi que c'est la même chose pour toi. »

« Bonne idée. Comme ça, à vingt-deux heures, on est à la maison et on peut faire tout ce qu'on veut sous la couette... » Il passa délicatement une main le long de la courbe de son dos avant de se relever complètement, lui volant un baiser en l'attirant tout contre lui. « J'ai déjà hâte d'y être ... » murmura-t-il avec un petit sourire en coin alors qu'il serrait sa main au creux de la sienne. « Je ne travaille pas, demain matin... Dis-moi que c'est la même chose pour toi. » Oh et puis merde. Alors qu'il s'apprêtait à lui dire qu'il n'avait pas la même chance, il consulta sa montre en fronçant légèrement les sourcils et lui vola un nouveau baiser avant d'affirmer un léger: « J'ai ma matinée, moi aussi. Je dois passer chercher quelque chose à mon bureau, mais je te rejoins à la voiture, d'accord? » Sans lui laisser le temps de répondre, Ross tourna les talons et s'empressa de parcourir le couloir jusqu'à la volée de marches qui lui permettraient de retrouver l'étage où il se trouvait le plus souvent. Il y avait bel et bien deux voitures au sein du stationnement appartenant au couple puisque tous deux n'étaient pas partis en même temps, mais Ross préférait conduire sa belle au restaurant plutôt que de la laisser venir d'elle-même. Au pire, il s'arrangerait plus tard et c'était le cadet de ses soucis. Lorsqu'enfin il parvint au secrétariat de son secteur, il se pencha sur le comptoir de manière à attirer l'attention de Majory. « Docteur Bradford! Je pensais que vous aviez quitté l'hôpi... » « Je sens que mon tractus intestinal va me faire des misères, cette nuit, et je préférerais que tu repousses mes consultations, demain. Une bonne nuit de sommeil me fera le plus grand bien. » Il tenta de se montrer le plus convaincant possible, mais il savait pertinemment que la jeune femme n'était pas dupe. « Indigestion? » demanda-t-elle en hochant légèrement la tête, visiblement amusée. « Merci. Je te vois en début d'après-midi, demain! » fit-il simplement avant de tourner rapidement les talons, sourire aux lèvres. « Reposez-vous bien! » lui dit-elle en pouffant de rire, retournant aux dossiers qu'elle devait classer.

Ross passa rapidement par le vestiaire afin de récupérer son manteau et ne prit pas la peine de l'attacher avant de se rendre jusqu'au stationnement de l'hôpital, là où il avait garé sa voiture. Sa moitié avait déjà pris place sur le siège côté passager puisqu'elle possédait un double des clés et il fit le tour avant d'ouvrir la portière côté conducteur et de s'y asseoir, sa main venant se poser au creux de sa nuque pour l'attirer contre lui et l'embrasser avec un peu plus de fougue. L'hôpital n'était pas un lieu où il était à l'aise de se laisser aller; n'importe qui pouvait les surprendre. Or, à l'abri dans l'habitacle de la voiture, il caressa délicatement son cou avant de mettre le contact, laissant sa main se poser sur la cuisse de sa partenaire. « Pardonne-moi, c'était plus long que prévu. J'avais oublié mon portable. » Mensonge! Il sortit néanmoins le téléphone de la poche arrière de son jeans afin de l'éteindre, se remerciant silencieusement de ne pas l'avoir fait un peu plus tôt. « Direction: Resto! » fit-il joyeusement avant de serrer délicatement la cuisse d'Hazel sous ses doigts. Il rejoignit rapidement la rue principale et ne mit pas longtemps avant de se garer devant l'un des seuls restaurants un peu plus chic de la ville. Toutefois, l'ambiance y était bonne et il y avait un bon choix d'assiettes. Des pâtes, des filets mignon, des fruits de mer ... La diversité avait de quoi palier les plus difficiles d'entre eux. « Ça te convient? » demanda-t-il alors qu'il cherchait sa carte de crédit dans la poche intérieure de sa chemise afin de s'assurer qu'elle soit en sa possession.

« J'ai ma matinée, moi aussi. Je dois passer chercher quelque chose à mon bureau, mais je te rejoins à la voiture, d'accord? » Alleluia ! Hazel retint tant bien que mal la spontanéité qui la poussait à lui sauter au cou pour l'embrasser une nouvelle fois et se contenta de le laisser filer avec un léger sourire aux lèvres. Elle préféra se rendre jusqu'aux vestiaires pour déposer sa blouse dans son casier et y récupérer son long gilet gris perle, son écharpe et son sac à main, dans lequel elle fouilla tout en sortant de l'hôpital pour retrouver les clefs de la voiture de Ross. Tant pis, elle laisserait son propre véhicule sur le parking, ce n'était pas comme si ça embêtait beaucoup de monde... Et puis de toute façon, ils partiraient sans doute ensemble, le lendemain matin. Ca ne posait donc pas de réel problème. Elle se hâta de rejoindre la voiture de son époux, le froid lui mordant la peau malgré son gilet et son pull, puis se glissa du côté passager une fois les portes ouvertes. Il faisait quand même meilleur à l'intérieur. En se frottant les mains, elle guetta soigneusement la moindre sortie de l'établissement, et un nouveau sourire s'épanouit sur son visage quand elle vit Ross se diriger à grands pas vers la voiture, le manteau ouvert sur sa chemise et sa cravate. C'était dans ce genre de moments qu'elle se rendait compte à quel point elle pouvait l'aimer.

Bien vite, sa moitié s'installa à son tour dans l'habitacle et Hazel se laissa sagement faire quand sa main se glissa dans sa nuque pour l'attirer à lui. Elle préféra fermer les yeux, sa propre main se posant sur sa joue qu'elle caressa tendrement du pouce, tout en répondant avec une certaine envie au baiser qu'il lui offrait. Maintenant qu'ils étaient sortis de l'hôpital, ils pouvaient se laisser aller, comme tout couple qui se respecte. C'était vrai que les marques d'affection au sein de leur lieu de travail étaient rares. Les mains qui se frôlent, un baiser sur une joue ou une caresse légère, rarement plus. Il y avait toujours une certaine gêne à l'idée de se faire surprendre qui les poussait à rester discrets, et ce n'était finalement pas plus mal. Leurs retrouvailles, le soir venu, n'en étaient que plus intenses. « Pardonne-moi, c'était plus long que prévu. J'avais oublié mon portable. » La pédiatre eut un petit sourire amusé. Elle voyait bien sur son visage que ce n'était qu'un bobard, mais laissons couler. « Ce n'est pas grave chéri. On y va ? » Elle préféra s'emparer de cette main qui serrait sa cuisse pour l'enfermer entre ses doigts et y tracer des formes improbables du bout de l'index, les yeux à demi fermés. Le ronronnement du moteur et le contact de la main de Ross entre les siennes, rassurante, la berçaient doucement, si bien qu'elle menaçait de somnoler quand la voiture s'arrêta devant un restaurant. « Ça te convient? » Elle jeta un coup d'œil à l'extérieur et hocha doucement la tête. « C'est parfait. » A dire vrai, elle s'en moquait un peu. Ce qui lui importait était la présence de son homme avec elle, pas le nombre d'étoiles du restaurant.

Spoiler:

« C'est parfait. » Le médecin lui déroba un nouveau baiser avant de quitter le confort de la voiture alors qu'Hazel en faisait de même de son côté. Il verrouilla les portières et desserra de nouveau légèrement sa cravate avant de rattraper sa femme, ses doigts s'entrelaçant aux siens avec douceur. Il poussa la porte et posa une main sur son épaule pour l'inviter à entrer avant de franchir lui-même le seuil, sa main toujours posée contre elle. « Je meurs de faim! » murmura-t-il à son oreille alors que tous deux attendaient l'arrivée de l'hôtesse pour que cette dernière leur déniche une place. Ross et Hazel étaient relativement connus à Arrowsic. Non seulement un couple de médecins ne passait pas inaperçu lorsqu'ils se retrouvaient tous deux pour manger à des heures souvent déraisonnable sans avoir envie de cuisiner, mais Ross était de ceux que l'on remarquait de loin, la couleur de sa peau aidant, bien évidemment. Toutefois, il préférait cent fois mieux ce petit village qu'était Arrowsic à cette grande ville qu'était New York pour la simple et bonne raison qu'ici, personne ne connaissait son passé chahuteur, pas même Hazel. Elle s'en doutait, évidemment, et elle savait qu'il n'avait pas eu une enfance facile, mais elle n'était jamais venue dans l'appartement qu'il habitait avec sa mère et ses frères et soeurs dans le Bronx. Elle avait déjà rencontré sa famille, bien sûr, mais elle n'était jamais venue chez eux. Il n'avait pas honte, mais il ne voulait surtout pas qu'elle en vienne à le prendre en pitié. Oui c'était atroce, ce qu'il avait vécu, mais il n'était pas le seul à avoir subi cette torture; il y en avait des milliers comme lui. Tous n'avaient malheureusement pas eu sa chance et il avait préféré laisser son passé derrière lui et recommencer à neuf.

« Bonsoir. Une table pour deux? » « » demanda une jeune femme qu'il n'avait jamais vue. Sans doute une étudiante. « Oui, s'il te plaît. » fit-il simplement avec un sourire avant de lui emboîter le pas derrière Hazel. La jeune serveuse choisit une table près de la fenêtre, une banquette, et Ross acquiesça d'un signe de tête en prenant le menu qu'elle lui tendait. Il laissa sa belle s'asseoir la première et prit place face à elle avant de déployer le menu devant son nez, affamé. « Je vous sers quelque chose à boire? » Le médecin saisit la carte des vins avant de parcourir les noms des yeux. « On va prendre une bouteille de Jarno 2005. Il faut vraiment que tu gouttes à ça, chérie, c'est un délice. » proposa-t-il en reportant son attention sur la serveuse. Celle-ci semblait apparemment ravie du choix de Ross et le sourire au coin de ses lèvres témoignait du bonheur qu'elle éprouvait de les avoir à sa table. À 62 dollars la bouteille de vin, elle n'allait certainement pas regretter de les avoir servis. Ross affirma néanmoins ne rien vouloir d'autre pour l'instant et laissa sa femme décider si oui ou non, elle voulait un autre breuvage en attendant. Lorsque la serveuse disparut entre les tables, la main de Ross vint se poser délicatement sur celle de sa belle alors qu'il feuilletait le menu, les sourcils froncés. « Tu sais déjà ce que tu vas prendre? » demanda-t-il sans la regarder alors que l'entrée de calmars lui faisait de l'oeil.