nom : Bowen Ҩ prénom : Rebecca. Ҩ âge : Vingt-six ans. Ҩ origines Américaine. Ҩ statut civil : Officiellement en couple, je suis désormais célibataire dans ma tête. Une fuite n'équivaut pas à une rupture dans les règles de l'art... Ҩ occupation : Illustratrice. Ҩ avatar : Katie Cassidy . Ҩ crédits : foolish pleasure | bazzart.

Beaucoup d'entre nous rêvent un jour de revenir en arrière, de côtoyer de nouveau leur enfance, l'espace de quelques instants. Revivre cette période d'insouciance, cette période où tout nous semblait si simple, où tout nous souriait... Mais je ne fais pas parti de cette majorité. Comme bon nombre d'existences, la mienne a été jalonnée de hauts et de bas, de rires et de pleurs. Des événements différents qui se sont posés sur ma route pour faire de moi ce que je suis aujourd'hui. Je mentirais si j'affirmais que certains choix ne m'ont pas fait souffrir, que certains départs ne m'ont pas fait pleurer. Toutefois, je pense que je ne suis pas assez forte pour espérer un jour revivre ces quelques émotions. Puis, ma vie n'est pas achevée. De nombreuses heures vont encore s'écouler sous mes yeux, de nombreuses surprises vont encore être semées sur le chemin que je me contente de suivre. Alors, à quoi bon vouloir revivre ces moments qui sont encore gravés comme jamais dans notre esprit ? Dans mon esprit.

Quelques années plus tôt
« Bon Becca c'est bon maintenant, tu vas sortir de ta tanière et tu vas me faire le plaisir de venir me montrer ton merveilleux sourire. » Les tapements contre la porte s’accéléraient, s'accumulant aussi vite que les messages sur mon répondeur. Cette voix, je ne la connaissais que trop bien et pour cause, elle avait bercé mon enfance même plus encore. Alex, mon ainé de deux ans, semblait s’acharner contre cette porte qui nous séparait. « BECCA. Purée Becca, j'ai l'air de quoi à crier à la porte de ta chambre moi ? Je sais que t'es là. Je sais aussi que t'as pas la forme, que depuis qu'il est parti t'as plus envie de rien. Mais c'est pas une manière de vivre bordel. » De l'autre côté de cette barrière contre laquelle les mots de mon frère s’écrasaient, je faisais bel et bien acte de présence. Une valise ouverte sur mon lit, j'observais les moindres recoins de la pièce afin d'être certaine de ne rien oublier. Par terre, divers sacs, tous bouclés. Ma penderie était désormais vide de tous vêtements, ma salle de bain s'était elle aussi clarifiée de tout cosmétiques et autres produits. Le départ était proche. Une photo de Lawrence en main, j'hésitais encore avant de la laisser finalement retomber sur les draps et de fermer définitivement ma valise. Il ne me fallait aucun souvenir de lui. Il était parti, je devais désormais parvenir à tirer un trait sur cet amour à sens unique qui me hantait depuis plusieurs années déjà. « Si tu crois que je vais lâcher l'affaire, tu peux toujours rê... », interrompant Alex dans ses dires, j'avais fini par ouvrir la porte pour le laisser poser son regard sur moi puis sur mes bagages. L'incompréhension s'était immédiatement installée dans son regard. « Et te taire ? Tu sais faire ça ? Aide moi donc à descendre tout ça dans le coffre de ma voiture plutôt que de crier à tout va. » Sans même attendre une quelconque réaction de sa part, je m'étais déjà aventurée dans les escaliers, un seul et unique objectif en tête: en finir au plus vite. Instinctivement, il m'avait suivi, les mains vides, sans nul doute bien décidé à tout faire pour me faire changer d'avis. « Mais qu'est-ce que tu me fais là ?! » « Je m'en vais. » Me figeant sur place, je me tournais vers lui, fixant alors mon regard dans le sien. Il avait toujours été à l'écoute et protecteur avec moi. Je savais qu'il était apte à comprendre mon choix et à faire abstraction de ce départ qui le chagrinerait surement. « Je sais que j'ai été naïve de l'aimer tout ce temps, que j'ai été stupide de pleurer son départ... Mais c'est comme ça. Rester ici serait trop insupportable car la moindre parcelle de cette ville me ramène d'une manière où d'une autre à lui. Je pense sincèrement qu'il est temps pour moi de changer d'air... De prendre mon envol. » Dans un soupir incontrôlé, il avait fini par céder et m'avait ainsi aidé à emplir mon coffre de chacun des bagages précédemment préparés par mes soins. Un sourire forcé accroché au coin des lèvres, il ne savait visiblement pas quoi me dire. Me serrant dans ses bras en guise d'adieu, il me susurra tout de même quelques mots à l'oreille. « Tu sais qu'il ne t'as jamais aimé... Que vous n'aviez aucun avenir en commun. » Une boule au travers de la gorge, je déposais alors un dernier baiser sur sa joue avant de m'installer au volant de ma voiture. « Raison de plus pour m'en aller. Mais ne t'en fais pas, je te promets qu'on se reverra. Prends soin de papa et maman. » Laissant échapper une larme, je détournais alors le regard pour le fixer sur la route. Partir. Fuir. Je ne savais pas encore où j'allais aller mais je partais, et c'était tout ce qui m'importait.

C'est ainsi qu'en quelques heures à peine, j'avais quitté les rues tranquilles d'Arrowsic pour rejoindre le rythme trépident de Boston. Je savais pertinemment que ce renouveau n'allait pas être des plus simples. Je ne connaissais personne, je n'avais nul part où loger et aucun moyen de m'en sortir financièrement. Au fond, c'était presque suicidaire. Je venais de garer ma voiture en plein cœur de la ville, la nuit était tombée et la fatigue se ressentait de plus en plus. M'emmitouflant dans la couette que j'avais mise en vrac dans un des sacs, je savais que m’apprêtais à passer cette première nuit sur la banquette arrière. Pitoyable. Une nuit rapidement écourtée par le manque de confort et par des interpellations alentours. « Mademoiselle ?! Mademoiselle vous dormez ? » Haussant un sourcil pour regarder mon interlocuteur, je finissais par entrouvrir légèrement la vitre, quelque peu méfiante. « Plus maintenant... Mais tant qu'on y est, vous avez peut-être l'adresse d'un petit hôtel pas trop cher non ? » Semblant réfléchir, l'inconnu resta un instant silencieux avant de reprendre la parole. « Un hôtel pas cher dans le coin... C'est plutôt mal barré. Mais si vous voulez, j’habite à deux pas d'ici. Vous aurez toujours plus chaud. » Acte de charité ou simple plan drague manquant de tact. Haussant les épaules, j'acquiesçais alors d'un signe de tête. J'étais peut-être inconsciente mais de toutes les manières, au point où j'en étais, je n'étais plus vraiment à ça près. « Je vous offre même un verre avant d'aller chez moi. C'est cadeau » J'en avais désormais la confirmation, ce jeune homme dont je ne connaissais toujours pas le nom, avait tout d'un dragueur impertinent. Pourtant, ma décision était prise, je le suivrai. Un choix parmi tant d'autre. Presque. Sans doute frêle et naïve, j'avais enchainé ce soir là plusieurs verres, un moyen d'oublier ce que je cherchais à fuir. Mais, une chose en entrainant une autre, j'avais fini par passer la nuit dans les bras et dans les draps de cet homme rencontré quelques heures plus tôt. Une nuit où les sentiments ne règnent pas, une nuit où seul le plaisir charnel semble compter. Une aventure qui faisait de moi tout ce que je ne supportais pas puisque j'étais devenue une demoiselle ne jurant que par la débauche. Au fond, j'avais suivi l'exemple qui m'avait été montré par Lawrence... Jusqu'à ce que ce que cette page de ma vie se tourne pour laisser place à une nouvelle rencontre décisive.

C'était il y a deux ans.
« Deux nouveaux soldats ont aujourd'hui perdu la vie en mission extérieure. Une nouvelle tragique à l'approche des fêtes de fin d'année. » Installée sur une banquette d'un café dont j'appréciais l'ambiance et où j'aimais venir travailler de temps en temps, je n'écoutais que vaguement le son provenant de la télévision allumée constamment, préférant me concentrer sur les illustrations que j'avais à faire. Pourtant, cette phrase, puissante, avait retenu mon attention. C'était plus fort que moi. Depuis que je savais que Lawrence s'était engagé dans l'armée, je ne pouvais m'empêcher de penser à lui à chaque nouvelles du front dictées par les journalistes télévisés. Un rabattage médiatique qui ne m'aidait en rien à l'oublier. « Il y aurait moyen de changer de chaîne par hasard ? », lançais-je alors rapidement. « Les désirs des clients sont des ordres » Cette voix rauque m'avait surprise. Depuis le temps que je connaissais cet endroit, jamais je n'avais entendu cette intonation-là. Haussant un sourcil et tournant la tête en direction du serveur, je ne mis pas grand temps pour me rendre compte que je faisais face à un tout nouveau serveur. Lâchant ma tablette graphique et mon ordinateur portable, et en cliente parfaite, je me dirigeais alors vers le comptoir afin de faire la connaissance de ce jeune homme plein de charme. « Vous, c'est votre premier jour. Ravie de voir de nouvelles têtes », dis-je tout en lui tendant la main « Je m'appelle Rebecca. » Laissant échapper un léger rire, sans doute étonné de recevoir un accueil comme tel de la part d'une simple cliente, il s'empara de ma main pour la serrer légèrement avant de se présenter à son tour. « Moi c'est Logan », puis, baisant la voix, il s'approcha quelque peu de moi « Mon premier jour en tant que serveur en fait. Avant, j'étais client régulier, comme vous » Partageant un petit regard malin avec ce dénommé Logan, je laissais à mon tour échapper un léger rire. Quelque chose me disais que j'allais bien l'apprécier, ce nouvel employé. « Ah mais je vous arrête de suite. Qui vous a dit que j'étais une cliente régulière ? » « Ah j'ai mes sources mademoiselle. Vous prenez toujours un café au lait puis vous allez vous installer sur cette banquette, comme aujourd'hui, pour travailler. En revanche, vous ne venez jamais le lundi ni même le samedi » Perdant un instant mon sourire, ahurie par ces informations précises, je n’eus pas le temps de répondre qu'il reprit de nouveau la parole. « Bon pour être honnête, je passais presque quotidiennement avant d'aller à mon ancien de job et j'avais l'habitude de vous voir assise là-bas »... Sans réellement m'en rendre compte, l'aiguille de l'horloge s'était emballée et j'avais passé de nombreuses heures installée face à lui à parler de tout et de rien, à refaire le monde. Une rencontre agréable qui, sans que je ne le sache encore, avait sans doute changer le cours de ma vie. En quelques semaines, nous nous étions revus et rapprochés considérablement. Je ne le connaissais pas depuis longtemps et pourtant, je m'attachais déjà à lui. Naïvement. C'est ainsi que nous nous installions dans une relation amoureuse qui me rendait, à cette époque, plus heureuse que jamais. Moi qui étais parti pour un renouveau, je touchais enfin du doigt la vie dont j’avais toujours plus ou moins rêvé... Jusqu'à ce que la page ne se tourne de nouveau.

C'était il y a huit mois.
Logan avait récemment perdu son père. Un être qu'il prenait pour modèle et avec qui il partageait une relation fusionnelle. Une disparition qui l'avait chamboulé et totalement désemparé. Il ne sortait plus, comatant sur le canapé de l’appartement que nous partagions et enchainant les verres et les bouteilles d'alcools en tout genre. Une dose forte qui le rendait nerveux, colérique, méchant... Violent. Plusieurs fois, il s'était emporté à mon égard, haussant la voix et me traitant de tous les noms. Et je laissais passer, persuadée que cet état n'était que passager et qu'il allait finir par sortir de cette spirale infernale. Triste erreur. Ce soir là, il allait dépasser les limites et je ne le savais pas encore. Sortant d'une réunion importante avec une entreprise qui m'avait sollicité pour illustrer leurs affiches publicitaires, c'est assez tardivement que je franchissais le seuil de notre porte pour me reposer enfin. « Logan ? Je suis rentrée » N'obtenant aucune réponse, je me dirigeais instinctivement vers le salon pour le découvrir affalé dans le canapé, des cadavres de bouteilles à ses pieds. Soupirant face à son regard noir, je m'agenouillais alors pour ramasser les bouteilles afin d'aller les jeter. « Tu as encore trop bu. Faudrait penser à te reprendre en main. Je sais pas moi, va consulter un spécialiste. » Me retournant, je lui fis alors face. Dans un silence incroyable, il s'était levé pour se figer face à moi. Je ne le reconnaissais plus. Déposant ses mains sur mes épaules, il fixa son regard dans le mien. « T'étais où ? Pourquoi t'es rentrée si tard ? » Me délivrant de son emprise pour aller laver les quelques verres qui trainaient sur la table basse depuis plusieurs jours déjà, je pris soin de lui répondre calmement. « Je te l'ai dit y a plusieurs jours, je te l'ai redit ce matin et ce midi encore. J'étais en réunion avec une entreprise qui veut des affiches. » A peine avais-je eu le temps de lui répondre qu'il s'était à nouveau emparé de mes épaules pour, cette fois-ci me secouer brusquement. « Tu mens, je suis sûr que tu mens. T'étais avec un autre homme s'est ça ? » Tentant de m'emparer de ses poignets pour calmer le jeu, je haussais à mon tour le ton, lasse de ce qu'il était devenu. « T'es trop ivre pour dissocier le vrai du faux mon pauvre. Va donc te coucher, on en reparlera demain matin avant que tu te jettes sur une nouvelle bouteille de je ne sais quoi. » Incontestablement plus fort que moi, il avait fini par reprendre le dessus, serrant mes bras et m’empêchant de faire le moindre mouvement. « Tu te fous de moi, t'es qu'une garce. Une pauvre garce ! » lâcha t-il violemment avant de lever la main et de l'abattre sur mon visage à plusieurs reprises. Choquée et sonnée par cet acte, je mis plusieurs secondes avant de réagir, réussissant tant bien que mal à m'éloigner de lui pour aller m'enfermer à clé dans la salle de bain. Rapidement, Logan vint frapper à grands coups contre la porte en criant sans cesse un peu plus. Adossée à la porte, je me laissais alors glisser au sol, laissant s'échapper des larmes de déceptions, de peur et de douleur. Je ne pouvais plus vivre comme cela, je ne pouvais plus évoluer aux côtés de cet homme qui ne ressemblait plus à celui que j'avais appris à aimer autrefois, aux côtés de cet homme que je n'aimais plus et qui me terrifiait.

Faire chemin inverse, revenir sur son passé. Comme plusieurs années auparavant, des dizaines de sacs et valises peuplaient le coffre et l'habitacle de ma voiture. J'avais profité d'une absence de Logan, qui était surement parti faire le plein d'alcool, afin de partir, de le fuir. Pas un mot, pas une lettre. Je ne lui avais rien laissé si ce n'est la surprise de découvrir l'appartement vide de toute présence féminine. Stoppant ma voiture devant une maison que je ne connaissais que trop bien, j'espérais simplement qu'il n'aurait pas l'idée ni même l'envie de venir me retrouver ici. Mon doigt s'abandonna sur la sonnette. Depuis quand n'avais-je pas remis les pieds à Arrowsic, cette ville qui m'avait vu naître. En quelques secondes, la porte s’entrouvrit, me dévoilant alors mon frère qui stoppa son regard sur mon visage couvert de quelques hématomes et sur mes yeux emplies de larmes. Instinctivement, il me serra dans ses bras avant de m'inviter à rentrer. « Becca. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? » M'asseyant sur le fauteuil, je me mis alors à lui narrer le moindre tournant de mon existence. Un récit dont je me serais bien passé et dont pourtant, chacun des mots délivrés me faisait un bien fou. « Je n'aurais jamais du partir au final. Jamais. »