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 Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth

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MessageSujet: Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth    Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth  EmptyMer 1 Fév - 13:11

Elizabeth & Ethan




« Nobody said it was easy,
No one ever said it would be so hard. »


On essaie de se convaincre que tout ira mieux, on se persuade que tout va s’arranger. On s’enlise dans ses propres mensonges, on s’attache à de fausses vérités. On n'est pourtant pas vraiment dupe, mais on s'y tient. Le problème c'est que rien, absolument rien, ne redevient jamais comme avant. Il est vain de courir après le temps perdu, après cette nostalgie brumeuse qui nous colle à la peau. On ne peut pas effacer les souvenirs douloureux comme de la craie sur un tableau noirci d’erreurs en tous genres. Ethan s’était surpris à éprouver un regain d’optimisme durant un laps de temps aussi éphémère que dérisoire. Lueur d’espoir venu d’on ne sait où, entretenue par le fait qu’il parvienne enfin à parler à sa sœur sans essayer perpétuellement de la démolir. Sans l’accuser de tous les maux, l’injurier de tous les noms d’oiseau possibles. Mais rien ne durait, et surtout pas les vaines promesses que seuls des enfants naïfs et innocents pourraient à la rigueur croire. Enfants candides qu’ils ne redeviendraient justement jamais, immoraux et répugnants à l’extrême dans l’indécence de leurs sentiments. S’il parvenait à retenir le flot de venin qui lui engluait l’intérieur du palais à chacune de ses apparitions venimeuses et voluptueuses à la fois, il n’arrivait pourtant pas à faire semblant. A lui parler normalement, à retrouver cette maudite complicité fraternelle qui avait du, depuis le temps, se consumer entièrement dans les flammes de l’Enfer. Art de préserver coûte que coûte les apparences qui trouvait ses limites s’agissant d’elle, peignant de manière grossière la toile maculée de remords de leur existence dissolue. Il avait beau exceller dans ce domaine d’ordinaire, là il se retrouvait tout simplement pris au dépourvu. Impuissant alors que l’ensemble de l’édifice s’effondrait sous ses yeux éberlués, pierre par pierre. Grain de poussière par grain de poussière. Roc sérieusement érodé à force de se faire persécuter par des vagues violentes et insensibles à sa douleur muette. Multipliant les efforts inutiles, réduits en cendres sanguinolentes chaque fois que ses prunelles d’acier éraflaient la source envoutante de son supplice. Oscillant en permanence entre convoitise et écœurement, mélange corrosif apte à lui retourner les entrailles constamment.

Nausées exécrables qui l’avaient amené à fuir son travail quelques temps, prétextant une pathologie imaginaire pour éviter de la croiser dans les dédales tortueux de l’hôpital. Pour ne plus entendre ces imbéciles avides de ragots puérils qui se sentaient désormais suffisamment à l’aise pour poser des questions indiscrètes, et lui demander ainsi des nouvelles de sa ‘femme’ interne. Ou comment tourner et retourner le couteau dans la plaie. Pauvre imbécile qui les avait condamnés à s’envaser davantage dans l’inceste en ne réfrénant pas une abjecte pulsion. A croire que tout était toujours de sa faute, certainement parce qu’il avait été le premier à tolérer l’effroyable évidence. Le pire était probablement qu’il prenait un plaisir malsain à encourager ce canular, à imaginer qu’elle aurait pu lui appartenir de cette manière là si seulement il était né dans la maison d’en face plutôt que dans celle des Calaan. Et inévitablement s’ensuivait irrémédiablement l’aversion, l’envie irrépressible de se faire frapper la tête contre les murs pour que ces pensées impures cessent enfin de lui vriller le crâne. Manège aussi impitoyable qu’insoutenable qui valait bien une semaine de répit, histoire de se calmer les nerfs en les noyant dans l’alcool et en les asphyxiant dans la fumée de ses cigarettes. Capharnaüm ambiant reflétant à merveille le chaos régnant dans le moindre recoin de son esprit détraqué.
Et sa journée n’avait pas fait exception, il l’avait gaspillée à broyer du noir et lorsque le son strident du timbre de la porte résonna dans tout l’appartement, il ne put qu’étouffer un grognement de mécontentement. Qui que ce soit, ce n’était définitivement pas la bonne période pour le déranger. A moins d’être tenté de se confronter à l’humeur de chien qu’il se trainait à s’en rendre malade. Sauf que sa maladie à lui était incurable et s’était même révélée fortement contagieuse. Il hésita un instant à aller ouvrir, avant de s’y résigner en constatant que le visiteur en question n’avait pas franchement l’intention de capituler. Trainant des pieds avant de tomber nez à nez avec Elizabeth en personne. « Qu’est ce que tu fous là ? » C’était sorti tout seul, à croire qu’il avait désormais un don inné pour se montrer aimable et charmant avec elle. Sa présence était toutefois loin d’être indésirable, et c’était peut être justement ça le problème. Ses dents vinrent mordiller nerveusement ses lèvres pour les punir, alors que son regard se perdait furtivement sur le sol poussiéreux. Sombre myocarde lacérant avec hargne sa poitrine, lui redonnant de l’entrain tout en faisant poindre le désir vivace d’extirper le forcené de sa cage thoracique. Comme pour se faire pardonner, ses phalanges se glissèrent doucement dans la chevelure d’ébène de la jeune femme. Glissant l’une de ses mèches suaves derrière son oreille, s’attardant sur son cou fragile avant que sa main ne retombe fébrilement le long de son corps, électrifiée. Il avait essayé de se montrer tendre, mais on ne pouvait pas dire que ça leur réussissait tellement. Attendant qu’elle explique la raison de sa venue, même si elle n’en avait au fond pas besoin, ou lui force le passage pour se faufiler à l’intérieur. Seigneur ce qu’elle pouvait l’amener à se détester, quelque soit la parole prononcée, quelque soit le geste exécuté. Il lui suffisait de l’admirer pour souhaiter s’enterrer six pieds sous terre dans la seconde.
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MessageSujet: Re: Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth    Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth  EmptyMer 1 Fév - 15:03


« Can you lie next to her and give her your heart as well as your body ? And can you lie next to her and confess your love, as well as your folly ? And can you kneel before the King, and say "i'm clean" ? »


Cette façon de remuer le couteau dans la plaie constamment, de s'enliser dans une boue toujours plus compacte, toujours plus sombre, toujours moins respirable, était presqu'un don pour Ethan et Elizabeth. A peine étaient-ils de nouveau réunis, qu'ils s'étaient lancés corps et âme dans un mensonge, un mensonge reflétant leur belle chimère. Ils faisaient ainsi croire à tout le monde qu'ils étaient mariés, formant un joli petit couple qui semblait cependant battre légèrement de l'aile, mais qu'on trouvait touchant malgré tout ; parce qu'ils étaient trop effrayés que quelqu'un découvre un jour la vérité. Alors ils avaient préféré enfiler des masques et prétendre être ce qu'ils ne seront jamais, par précaution. C'était le mot, précaution. Du moins, c'était ce qu'Elizabeth voulait laisser entendre à Ethan, oui, de la simple précaution. Mais le mensonge qu'ils tentaient de semer avait germé en eux, il s'était si bien propagé, si bien intégré qu'il était désormais difficile pour Eli de faire la part des choses, et différencier ce qu'ils étaient censés être à l'hôpital aux yeux de tous, et ce qu'ils étaient réellement. Minable propagande qui s'était retournée contre elle. Il leur avait fallu une histoire, pas trop atypique pour qu'elle puisse paraître vraisemblable, mais un peu niaise sur les bords pour assouvir les curieux. Des sourires qui se devaient affectueux lorsqu'ils se croisaient, des embrassades qui se révélaient être de véritables supplices, tout ça pourquoi ? Pour que de parfaits inconnus y croient. Et puis Ethan qui avait eu la merveilleuse idée de prendre congé, quelque temps, comme ça, du jour au lendemain, laissant alors Mme. Calaan sans explication solide de la soudaine absence de son mari. On lui demandait alors pourquoi, et comment, et s'il allait bien, si ce n'était pas trop grave, et Elizabeth était incapable de répéter la même chose à chaque fois, changeant les symptômes, changeant les remèdes.

Les jours passaient, et Ethan ne revenait toujours pas. Elizabeth était totalement démunie, elle ne pouvait demander à quiconque s'ils savaient sa date de retour, la raison de son congé, puisqu'elle était celle qui était censée vivre avec lui, partager ses jours, et ses nuits, et éventuellement ses microbes tant leur amour devrait déborder, ah, amour passionné d'un mariage récent, innocence des jeunes couples. Mais ce n'était pas le cas. Elle avait donc décidé de passer chez lui, avec pour but pour prendre de ses nouvelles, mais surtout d'être avec lui, ou juste de le voir, l'apercevoir. Nerveuse tout le trajet, nerveuse dans l'ascenseur qui parût alors être atrocement étouffant, nerveuse face à sa porte, et presque sur le point de faire demi-tour lorsque ses doigts appuyèrent sur la sonnette. Ce n'était pas une bonne idée. Elle ne pouvait pas se montrer à sa porte, là comme ça, pas maintenant ; elle avait dû se rendre à son appartement deux ou trois fois seulement, pour une très courte durée, et non pas des longues soirées chaleureuses. « Qu’est ce que tu fous là ? » Ton tranchant qui ne la surprenait plus. Il voulut cependant se faire pardonner la sécheresse de ses mots avec un espèce de geste qui se voulait tendre, et qui provoqua chez Eli un frisson de la tête au pied. « Tu fais le mort depuis une semaine, je venais voir si tu t'étais pas pendu avec ton lacet. » et elle se faufila entre Ethan et la porte, pénétrant dans un salon à l'image de l'esprit d'Ethan. C'était toute sa misère qu'elle se prit dans la face, mélange accablant de passion et de répulsion, et quelques notes amères de cigarette qui flottaient encore dans le peu d'air qui restait. Il allait être imbuvable, et elle le savait. Il était d'ordinaire insupportable, mais lorsqu'il couplait son chagrin à l'alcool, il devenait un véritable ours renfrogné, contre lequel elle ne pouvait rien faire. Elle ne savait pas dans quel état il se trouvait – mais elle n'allait sans doute pas tarder à le savoir ; s'il était relativement sobre ou si l'ivresse s'était emparé de lui depuis des jours entiers et ne l'avait pas quitté depuis. Ce n'était certes pas le bon moment, mais au point où ils étaient arrivés, il n'y avait plus de 'bon moment'. Le roi Midas avait obtenu des dieux la capacité de changer tout ce qu'il touchait en or ; Elizabeth et Ethan avaient sans doute eu le don de détruire tout ce qu'ils approchaient. Encore pouvait-on tirer une morale à la fin du mythe de Midas, disant que la cupidité ne mène à rien, qu'il faut savoir apprécier ce qu'on a, mais qu'en était-il des Calaan ? Il n'y avait pas de leçon à tirer, si ce n'est qu'il ne faut pas trop aimer son frère ? « Certains me demandent comment tu vas, et d'autres me demandent ce que tu as. Mais oui Ethan, qu'est-ce que t'as hein ? » lui demanda-t-elle, tout en posant son sac par terre, enlevant ses chaussures d'un geste nonchalant et se laissant tomber sur le canapé. Elle était là, et elle n'était pas prête de partir. « T'as pas le droit de me faire ça. Venir à Arrowsic, foutre la merde et puis prendre congé, pour t'enfermer dans un... un truc comme ça, là ! » elle faisait de grands gestes autour d'elle, ne trouvant aucun mot pour qualifier le capharnaüm dans lequel elle se trouvait. « Parce que... qu'est-ce que je dois faire moi ? Je suis ni ta soeur, ni quoique se soit, je suis aussi paumée que n'importe qui dans ce putain d'hôpital ! Alors reviens. Parce que je peux pas... »
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MessageSujet: Re: Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth    Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth  EmptyJeu 2 Fév - 22:39

L'amour c'est cela : faire croire à la personne qu'on désire le plus au monde qu'elle nous laisse de marbre. L'amour consiste à jouer la comédie de l'indifférence, à cacher ses battements de cœur, à dire l'inverse de ce qu'on ressent. Fondamentalement, l'amour est une escroquerie.


La lâcheté et l’arrogance n’étaient pas incompatibles, Ethan en était la preuve vivante. Car il n’y avait pas d’autre mot, il avait été terriblement lâche. Réagissant comme un gosse effrayé à l’idée de devoir subir la corvée de l’école, s’inventant tout un tas de symptômes imaginaires pour pouvoir échapper à l’inévitable. Reculer pour mieux sauter. Grappiller un peu de temps, même si on sait qu’il sera vain. Elizabeth l’avait parfaitement cerné, il ne pouvait pas revenir en arrière et refaire en sens inverse tous les kilomètres traversés pour changer de pays. Il ne pouvait pas s’éloigner d’elle, il ne pouvait effectivement pas déclarer si vite forfait. Trop débordant d’orgueil pour s’abaisser à ça. Et trop fou d’elle pour s’éloigner tout court. Mais la situation douteuse dans laquelle ils s’étaient embourbés comme deux parfaits imbéciles bienheureux n’en restait pas moins insupportable. Il aurait fini par agresser quelqu’un s’il était resté en l’état ne serait-ce qu’une semaine de plus. Préférant s’enfermer dans une espèce de bulle coupée du monde alentour, chaudement emmitouflé dans l’armure de glace de sa débauche. En somme, sa détresse lui tenait compagnie.
Pas une seule seconde, il n’avait pensé qu’elle pourrait pâtir de son attitude puérile. Pas un seul instant il ne l’avait imaginée dans l’embarras, à devoir se justifier à sa place de sa propre conduite. Il aurait pourtant du s’astreindre à penser pour deux, maintenant qu’il fallait faire vivre leur mensonge effroyable. On pouvait leur reconnaitre au moins cela : ils avaient mis du cœur à l’ouvrage en entretenant leur odieuse chimère. Angoissés à l’extrême en anticipant les redoutables conséquences si quiconque l’apprenait. Contempler un monstre chaque fois qu’il pouvait se croiser dans un miroir était une chose… que le reste de cette piteuse planète en fasse autant en était une autre, qu’il n’était pas prêt à accepter. De plus en plus paranoïaque, il croyait entendre les bruits de couloir. Constamment. Ces chuchotements inaudibles, dont les auteurs étaient évidemment bien loin de pouvoir ne serait-ce qu’envisager une telle abomination de leur part, qui avaient le don de le mettre au supplice. Épié sans relâche selon son cerveau dément. Essayez donc de faire retrouver la raison à un détraqué : bon courage. Misérable égoïste qui ne s’attendait donc pas à trouver devant sa porte sa partenaire de crime. Misérable égoïste qui n’appréciait pas spécialement cette intrusion fortuite, la sensation lancinante de se retrouver comme un gamin pris en faute lui déchirant sournoisement les entrailles. Elle dérangeait ses petites habitudes, le bousculait dans ses retranchements. S’imposant au lieu de s’effacer.

« Te voilà rassurée, pas besoin d’appeler les pompes funèbres. Tu peux repartir maintenant. » Elle avait le don de faire ressurgir ce qu’il y avait de pire en lui, le cynisme de bas-étage y compris. Il ne souhaitait pas réellement qu’elle reparte néanmoins, bien au contraire. Mais il n’avait pas non plus envie qu’elle découvre toute l’étendue de sa médiocrité, ou plutôt qu’elle n’ait plus aucun doute à ce sujet. Autant parler à un mur. Tendance à faire la sourde oreille idéale pour malmener sa patience, et rendre son humeur dangereusement irritable. Désordre ambiant qu’il tenta de rendre moins flagrant, retirant le cendrier et quelques bouteilles vides de la table basse pour les envoyer directement dans la poubelle. Lui jetant le regard le plus sombre dont il disposait en réserve lorsqu’elle s’affala sur le sofa, le bombardant de questions et de reproches. « Mais je t’en prie, fais comme chez toi. Mets-toi à l’aise. » Murmures pitoyables qui le firent se sentir instantanément honteux, sans l’amener à s’excuser pour autant. A quoi demander pardon aurait-il servi ? Puisque de toute manière, il recommencerait à utiliser ce ton avec elle tôt ou tard, peu importe la teneur de ses nobles résolutions.
Qu’est ce que j’ai ? Ma sœur dans la peau, mais comme la science n’a pas encore trouvé de remède, mon congé est parti pour durer je crois
« Alors reviens. » Supplique touchante qui lui lacéra le cœur, déposant de nouveaux remords sur un tas de cendres déjà fumant. Un éclair de douleur traversa furtivement l’acier de ses rétines, et il dut se faire violence pour ne pas la prendre dans ses bras avant de lui jurer tout ce qu’elle voudrait. Mais elle méritait mieux, infiniment mieux que toutes ces stupides promesses qu’il ne pourrait pas tenir. Les belles paroles il les réservait aux inconnues insipides qui pouvaient partager ses nuits, sans y accorder la moindre importance. Alors il se contenta de s’appuyer contre le mur près d’elle, reposant ses vertèbres contre la froideur du béton pour ne pas sombrer. Allumant une cigarette pour que le tabac annihile en partie la passion qui le prenait aux tripes en sa présence délicieusement abjecte, rongeant ses nerfs à vif. Nonchalance imaginaire, désinvolture qui ne pouvait être que superficielle. L’idée que cet arsenic puisse le tuer avant que la situation s’envenime l’avait toujours rassuré, bercé de douces illusions. « J’étais pas au courant que j’étais si indispensable au personnel de l’hôpital, je vais finir par me sentir flatté. » Ricanement empli de sarcasme exprimant son avis tranché sur le sujet : tous des hypocrites, des vautours avides de ragots en tous genres afin de pimenter leurs mornes et fades journées. « T’as qu’à leur dire… je sais pas, moi. Que je t’ai plaquée, que j’ai décidé de me prendre des vacances sans toi. » persifla t’il entre deux bouffées de nicotine, la toisant de ses sphères métalliques. « T’as bien tenu près de six mois sans ton cher ‘mari’, c’est pas six jours qui t’ont tuée, si ? » Cela ressemblait de près à une critique déguisée, à une nouvelle attaque concernant son long départ. Et au fond, c’en était une. Ethan était de ces spécimens qui ont la dent dure, et qui ne peuvent pas s’empêcher de venir planter leurs crocs là où ça fait mal, par masochisme ou simplement car la vue de la vilaine cicatrice les gêne. Les dérange.


Dernière édition par Ethan A. Calaan le Dim 5 Fév - 12:25, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth    Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth  EmptyVen 3 Fév - 18:20

« Je regarde danser mon ombre orange sur le mur, ça pourrait être l'ombre de n'importe qui. Tu as fait partie de ces hommes foutus, accrocs aux paradis artificiels et au péché véniel, amoureux de toutes celles qu'ils n'ont pas encore eues, et qui finiront seuls. Tout ce temps, tout ces visages, tout ces cris de jouissance, ces étreintes sans âme au petit matin, quand la nuit n'est plus, le jour n'est pas encore, ton orgasme prend fin, et tes yeux se dessillent, ta chambre n'est qu'un bordel, Baudelaire est mort et, dans tes bras, il n'y a qu'une putain... »



Leur espèce de plan stratégique qui avait pour but d'éviter qu'on n'apprenne la vérité ne se révéla pas aussi parfait qu'elle l'aurait cru. Certes, beaucoup de points étaient cohérents – ou en tout cas, n'éveillaient pas de soupçons : elle était venue à Arrowsic avant étant donné qu'elle était encore étudiante et qu'elle n'était donc pas véritablement libre de choisir le moment de départ ; Ethan l'avait rejoint quelques mois après, le temps de régler les éventuelles affaires restantes au Canada, de se trouver un travail. Ils ne se montraient pas leur amour à tout bout de champ, ni se recouvraient de caresses à chaque occasion, mais cela n'était pas plus choquant que ça, certains couples étaient juste comme ça de nature. Mais d'autres points, petits détails futiles pourraient faire exploser au grand jour ce qu'ils s'acharnent à enterrer, notamment l'insupportable débauche d'Ethan. S'il n'était pas son frère, Elizabeth ne lui aurait même pas accordé un millième de sa confiance, ni même un peu de considération. Que pouvait-on trouver à un homme aussi arrogant, impulsif et têtu ? Homme à femmes, aux belles paroles, aux beaux mensonges. Mais la réalité faisait d'Ethan son frère, et étrangement elle arrivait pas à faire impasse sur toutes ces choses là, toutes ces choses qui pourtant lui éclataient à la gueule à chaque fois qu'elle le voyait.

Ah oui, il ne fallait pas oublier puérilement sarcastique et orgueilleux à souhait à la liste des adjectifs qui le décrivaient. Désinvolture de mauvais goût, petit air léger qui avait la capacité de frôler à vif les nerfs d'Elizabeth. « Ouais, voilà, c'est ça ; tu m'as plaquée, tu m'as trompée, t'as eu besoin de faire le point sur ce mariage si précoce, tu regrettes de ne pas avoir profité de ta jeunesse pleinement, et du coup tu fais ta petite dévergondée dans les bars la nuit. » Puis il fit de nouveau allusion à ce soudain départ qu'elle avait entreprit. Il n'allait décidément jamais arrêter. Il rabâchait la même chose depuis son arrivée, lui reprochant à la moindre occasion – et lorsqu'aucune occasion ne se présentait, il l'inventait – les mois pendant lesquels elle l'avait laissé seul, sans même lui donner de nouvelles. Reproche qu'elle allait devoir se coltiner toute sa vie. Il le lui répétait si souvent que la culpabilité commençait à pointer son nez ; et Elizabeth se demandait bien si les choses auraient été différentes si elle était restée dans sa ville natale. La réponse était pourtant évidente, non, les choses auraient été pires encore, mais cela n'empêchait pas le doute de s'accroître.

Elle lui jeta un regard aussi noir que le sien précédemment, blessée par sa critique déguisée, et irritée par cette odeur de tabac qui dansait sous ses narines. Elle s'était habituée à le voir fumer régulièrement, tentant cependant de lui arracher la cigarette des lèvres lorsqu'elle pouvait. Elle savait bien qu'il n'allait pas arrêter, mais tentait quand même de freiner sa consommation lorsqu'il était en sa compagnie. Et depuis un an, le nombre de paquet n'avait cessé d'augmenter, et Elizabeth ne pouvait rien y faire, puisque les seules paroles qu'ils s'échangeaient étaient des insultes. Elle se releva alors, se plaçant face à lui, lui accordant une dernière bouffée avant de pincer entre son index et son majeur la cigarette, qu'elle alla écraser sur un papier journal, faute d'avoir trouvé le cendrier qu'Ethan avait fait disparaître en même temps que les bouteilles vides. Elle se replaça tout près de lui, murmurant dans un souffle, « Ne t'inquiète pas pour moi. Mais j'en dirais pas autant pour toi, hein. » Jouer le jeu de l'indifférence, et appuyer sur les blessures encore fraîches. Il avait traversé les kilomètres pour ses beaux yeux et refusait de l'admettre, et ça, Elizabeth le savait. Elle le savait si bien qu'elle n'hésita pas à s'en servir pour ne pas perdre la face. Elle connaissait les faiblesses d'Ethan, faiblesses qu'il s'entêtait à cacher derrière une armure de suffisance, et en jouait d'elles, sans en tirer la moindre satisfaction. Elle le blessait délibérément, et cela ne lui procurait absolument pas de plaisir. Au contraire, elle ne se sentait que plus médiocre, enfant gâtée et puérile qui tentait une vaine menace pour obtenir ce qu'elle voulait, car elle n'avait pas assez d'arguments, et ne possédait pas le moindre sens de la diplomatie. Elle savait aussi qu'elle n'allait pas le battre à celui qui serait le plus arrogant, à celui qui trouverait les meilleures répliques. Alors elle allait opter pour quelque chose de plus sale, dans un domaine dans lequel elle excellait selon lui, jouer les allumeuses. Elle appuya son bassin contre le sien, mêlant ses jambes aux siennes ; colla son avant bras contre le mur, tandis que son autre main alla effleurer sa joue. Son nez toucha légèrement le sien, et le souffle chaud et amer d'Ethan se fit comme une caresse sur son visage. Elle se mordilla les lèvres, contenant le désir afin de mener à bien sa manoeuvre, qu'elle étira ensuite en un sourire moqueur. Elle releva enfin les yeux, le sourcil très légèrement arqué, lui adressant un regard qui le mettait presque au défi, avant de s'écarter brusquement, et de s'asseoir de nouveau sur le canapé, comme si de rien n'était. Elle était idiote. Assise là, elle n'avait que l'irrépressible envie de sentir la chaleur d'Ethan contre elle, et le froid qui s'était installé lorsqu'elle avait reculé lui pénétra en plein dans le coeur. Deuxième domaine dans laquelle elle semblait briller : souffler le chaud, puis le froid. C'était ainsi qu'elle reprit son petit ton sarcastique : « Tu devrais arrêter un peu les clopes. Je ne voudrais pas que mon cher et tendre mari crève trop tôt, il nous reste tant de jours heureux à vivre. Tu devrais boire un peu moins aussi mon coeur, ton foie doit être dans un état piteux. »
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MessageSujet: Re: Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth    Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth  EmptySam 4 Fév - 15:39

Quand l'un de nous jouait, l'autre souffrait. C'était complètement absurde. Je rêvais de l'attraper et de la secouer jusqu'à ce qu'elle le crache son venin. Qu'elle me le dise qu'elle m'aimait. Qu'elle me le dise bon sang. Mais je ne pouvais pas, c'était moi le salaud. C'était de ma faute tout ça...


Si elle avait le don de faire rejaillir ce qu’il y avait de pire en lui, la réciproque fonctionnait visiblement à merveille. Changeant de tactique, délaissant les suppliques touchantes et les vaines tentatives visant à le ramener à la raison pour se montrer incisive à souhait. Autant de ne pas se priver de lui faire comprendre à quel point il était un raté après tout, puisque la douceur n’avait pas l’effet escompté. Brusque revirement qui l’étonna cependant, devant la rapidité avec laquelle il était parvenu à tirailler ses nerfs. « Tu vois quand tu veux, tu trouves parfaitement quoi raconter aux vautours. T’aurais le beau rôle de la fille larguée par le connard de service, pour toi qui aimes tant te faire passer pour la victime c’est idéal. » Aussi laide que soit l’absurde réalité qu’elle avait pu dépeindre, il aurait tout donné pour qu’elle soit la leur. Pour n’être qu’un de ces pauvres crétins qui ne savant pas saisir leur chance, et encore moins la conserver. Un de ces imbéciles qui souffrent d’une crise de la quarantaine précoce, qui cherchent à profiter de leur jeunesse dépravée alors qu’ils ont devant eux ce après quoi ils passeront leur vie à courir une fois qu’ils l’auront détruit. Être prisonnier d’un quotidien monocorde, auprès d’une femme ravissante qu’on abime à force d’aspirer à la triste ivresse de l’alcool qui coule à flot et des filles faciles. Il aurait voulu être l’un de ces époux mariés trop jeunes qui quittent leur femme sans se retourner avant de la regretter jusqu’à la fin de leurs jours. Un de ces types sans grande envergure, qui se jetteront quelques années plus tard aux pieds de leur amour perdu, en le suppliant de les reprendre en éclipsant la connerie invasive qui les a poussés à saccager leur bonheur fragile. Il aurait excellé, vraiment. Il l’aurait harcelée jusqu’à ce qu’elle cède et cassé la gueule de son nouvel amant en prime. Ou la lâcheté l’aurait amené à renoncer, et à se morfondre jusqu’à la tombe en s’enlisant dans de vieux souvenirs. Le minable dans toute sa splendeur. Sauf que rien de tout ça n’arriverait. Ce n’était pas de la lassitude, ni l’envie d’aller voir ailleurs ou de se dévergonder dans des bars jusqu’à en recracher ses entrailles sur le bitume… Seulement un homme fou amoureux de la seule qui lui était interdite, révulsé à l’idée de désirer son propre sang. Et cela s’avérait infiniment plus grave. La voie était sans issue et il avait beau chercher à l’escalader pour passer de l’autre côté de l’impasse, il savait pertinemment qu’il se briserait les vertèbres sur l’asphalte putride avant d’y parvenir.
Pourtant, il ne tentait pas réellement de s’en sortir. Certes il battait des jambes et des bras avec vigueur pour regagner la surface, pour s’échapper de cette mare boueuse et opaque. Mais même quand le rivage était proche, qu’il pouvait choisir de s’y agripper et de revenir sur terre, il préférait rester enlisé dans la vase. C’était là la différence fondamentale entre eux. Elle, elle avait cherché à s’en sortir. Elle avait eu le courage de prendre la décision qui s’imposait – partir – et s’y était tenue. Et ça, pour lui qui n’avait même pas su respecter son choix, serait toujours impardonnable. C’était une blessure d’orgueil d’avoir pu constater qu’elle était plus vaillante que lui, et une blessure tout court d’avoir constaté qu’il était le plus dépendant des deux.

S’il y avait bien une chose qu’il n’était pas prêt à arrêter, c’était la cigarette. Drogue devenue de plus en plus vitale au fil du temps, automatisme si ancré en lui qu’il ne pouvait plus s’en débarrasser. Il n’en ressentait plus le délice d’origine néanmoins, et ça ne calmait même plus la tension permanente pulvérisant ses os. Mais au moins ses lèvres acides étaient trop occupées à se faire intoxiquer pour venir capturer et dévorer celles de sa cadette. Fronçant légèrement les sourcils lorsqu’elle se retira du sofa pour se poster près de lui et lui dérober la sphère enflammée avant qu’elle n’ait fini de se consumer. Un grognement de frustration s’échappa de sa gorge et ses prunelles océaniques se firent foudroyantes quand le mégot s’écrasa sur la table basse. « Putain, je t’ai répété mille fois de pas… » commença t’il, passablement énervé. S’arrêtant net quand son souffle enivrant frôla sa bouche, au point de lui en faire perdre son latin. Il avait passé l’âge de fondre comme neige au soleil dès qu’une vile aguicheuse le frôlait d’un peu trop près, apparemment pas celui de rester de marbre devant la tentation de l’inceste. Frissonnant de la tête aux pieds lorsqu’elle s’approcha davantage, plaquant ses hanches contre les siennes, entremêlant leurs jambes avec application. Bordel, mais à quoi est ce qu’elle jouait ?! Manège lascif réduisant ses reins en cendres, et envoyant sa conscience aux oubliettes. Il sentait bien qu’elle n’agissait que par vengeance, qu’elle lui glisserait entre les doigts comme un mirage impossible à saisir. Ça ne l’empêchait pas de la désirer de tout son être, de brûler littéralement tout en étant révulsé par son éternel parfum. Ces notes âcres et sucrées qu’il connaissait par cœur, qui restaient imprimées à elle même en changeant de marque et de flacon. Il en était malade, de ne pas être apte à départager plaisir et répulsion. Enjôleuse redoutable qui se retira aussi vite qu’elle s’était collée à lui, un sourire moqueur et sadique au coin de ses divines lippes. Odieuse et abjecte. Petit air satisfait qui fut l’apothéose, agrémenté d’un cynisme qui abattit le coup de grâce.
Il la sentait, cette colère rugissant, bouillonnant, dans ses veines. Se frayant un chemin dans la lave incandescente pour venir ruiner toute maitrise de sa personne. Il était hors de question de la laisser le tourner en dérision de manière si insolente, qu’elle s’amuse avec lui comme avec un futile pantin. Ignorant ce qui le dérangeait tellement : qu’elle se soit faufilée contre lui sans vergogne, ou qu’elle ait pris ensuite la décision de s’écarter. « Petite sotte » siffla t’il dans un souffle avant de faire un pas en avant vers elle. Attrapant sa nuque entre ses doigts rêches pour la contraindre violemment à se relever, serrant avec hargne sa chevelure d’ébène sans se soucier d’éventuelles grimaces de douleur. « Et toi mon amour, tu ferais bien de ne pas trop chercher à ressembler aux chères maitresses de ton mari indigne. Quand c’est toi, crois-moi, c’est juste vulgaire. T’as pas envie de ça. » Murmures méprisants susurrés alors que ses rétines d’acier la poignardaient. La main sulfureuse qui n’était pas occupée à maltraiter ses cheveux soyeux se faufila contre sa cuisse afin d’illustrer ses propos cruels. S’attardant sur la chaleur qui s’en dégageait avant de la relâcher subitement et de la repousser sans la moindre tendresse dans le moelleux du canapé. Méchanceté gratuite qui le poussa aussitôt à se détester affreusement. Depuis quand a-t-on cessé de se comporter normalement ? Depuis quand a-t-on oublié comment c’était, avant ?
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MessageSujet: Re: Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth    Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth  EmptySam 4 Fév - 21:13

« Tu passes ton temps à réparer les gens, mais tu noies tes blessures dans l'alcool de tes propres larmes, pourquoi ? »



Autant elle connaissait ses faiblesses, lui savait également où il fallait appuyer pour soutirer un petit cri de douleur. S'ils avaient une si bonne connaissance des endroits sensibles de l'autre était sans doute car elles étaient communes. Pas moins lâche qu'Ethan, pas plus vaillante malgré tout ce qu'il pouvait croire. Ils traitaient juste le problème sous des angles différents, ils regardaient la blessure à travers des filtres différents, mais au final, elle était la même, aussi écorchée, aussi vive, aussi cinglante ; elle démangeait nuit et jour, et dès lorsqu'une croûte se formait légèrement, l'irrépressible envie de gratter pour mieux saigner se faisait sentir. Et lorsque l'entaille commençait enfin à se refermer, les ongles qui s'y étaient enfoncés avaient fait bien trop de dégâts pour qu'un jour la peau redevienne lisse et belle.

Manège malsain et minable qu'elle regretta aussi tôt qu'elle fut de nouveau assise. C'était terriblement ridicule, car elle savait qu'elle provoquait le Diable, qu'elle allait déclencher chez son frère une fureur monstre incontrôlable, et qu'elle allait en pâtir. Elle allait subir les conséquences de ses actes qui ne répondaient qu'à la défense de son ego – ego qu'elle aurait dû apprendre à mettre de côté depuis le temps. A croire que cette situation là l'amusait ; elle pourrait juste se taire, se résigner, ou partir encore une fois, couper définitivement les ponts avec Ethan, le lui faire comprendre, souffrir le martyr de son absence et se dire que c'est mieux ainsi. Tenter de bâtir avec les briques restantes un avenir plus ou moins solide, ou même un avenir tout court, faire quelque chose, aspirer à ce à quoi leur père les avait toujours poussé : la réussite, le bonheur. Comment avaient-ils pu en arriver là, en ayant des parents si ambitieux et touchants ? Ils étaient nés avec tout, de la douceur à revendre d'une mère idéale, la volonté d'exceller héritée d'un père obstiné ; et d'une certaine façon, ils étaient tous les deux aussi entêtés que délicats. Mais le mélange s'était juste mal exécuté, accordant délicatesse à la mauvaise personne et s'y entêtant quand même, incapables de déclarer forfait, incapables de s'en sortir, comme si c'était l’œuvre du Destin. Et c'est alors, comme sous l'emprise de la fatalité, qu'elle continuait à le blesser davantage. Eli s'attendait bien à ce qu'il réagisse, mais le soudain excès de violence dont il fit preuve la prit au dépourvu. Sa respiration s'accéléra lorsqu'il serra sa nuque entre ses doigts, ressentant tout à coup un besoin d'air croissant. C'est seulement au moment où l'on sait qu'on risque de perdre quelque chose qu'on se rend compte à quel point il nous était essentiel. Elle aurait dû se calmer, respirer lentement, mais elle fit tout le contraire, suffoquant presque. Sa poitrine se gonfla lorsqu'il décolla ses doigts, aspirant l'air qu'elle recherchait tant, et sans lui laisser le moindre instant de répit, Ethan tira ses cheveux, faisant basculer sa tête vers l'arrière, lui arrachant un gémissement. Elle grimaça, et humecta ses lèvres devenues sèches, pendant qu'il lui soufflait quelques murmures méprisants ; avant de retomber âprement sur le canapé. Elle redressa son corps, se donnant le temps d'avaler sa salive pour faire partir la sécheresse de sa gorge, tout en lui jetant un regard aussi nébuleux que furieux. Il s'était montré abject, puéril, agressif verbalement, mais aussi loin qu'elle se souvienne, il avait toujours gardé ses mains loin d'elle. C'était mettre le feu au poudre, c'était provoquer des explosions à la chaîne, pousser le premier domino et attendre que la construction entière s'écroule. « Vulgaire... » répéta-t-elle dans un sourire narquois, avant de se relever, et de se rapprocher d'Ethan. Manège douloureux qui poursuivait sa route, et qui n'était sans doute pas prêt de s'arrêter. « J'avais oublié, ces maîtresses là sont d'une classe inouïe... Je rivalise pas avec elles. » Il avait beau avoir fait preuve d'une violence qu'elle ne lui connaissait pas – du moins, qui ne lui avait jamais été adressée – elle était presque persuadée qu'il ne se permettrait pas d'aller plus loin. Et c'était pour cette raison bien précise, cette espèce de petite sécurité qu'elle se garantissait, qu'elle osait de nouveau enfiler le costume de l'aguicheuse de bas étage. Ses doigts vinrent grimper sur son torse, s'arrêtant pour une légère caresse sur ses clavicules, avant de remonter dans sa chevelure brune. Elle susurra alors délicieusement contre son cou « Mais aussi vulgaire que ce soit, ça marche, et tu le sais. Regarde-toi Ethan. » Elle allait refaire exactement la même chose, et elle se disait presque avec certitude que l'effet désiré serait le même. Elizabeth posa alors ses lèvres contre sa peau, frôlant son cou furtivement, avant de tourner les talons délicatement, et de se décider à se servir un verre. L'appartement d'Ethan était une misère en soi, mais tout son vice se trouvait sur cette table basse, laissant ainsi à Eli la possibilité d'imaginer le corps nonchalant de son frère affalé sur le fameux canapé, se remplissant à la fois d'un alcool aussi fort qu'infecte que d'une fumée toxique, sans rien faire d'autre, si ce n'est que grogner. Elle laissa couler dans le verre qui était posé là un petit fond, non sans mal, avec ses mains devenues tremblantes. C'était une mauvaise habitude, une faiblesse incontrôlable et incontrôlée qui se montrait dès lorsqu'elle sortait de son calme fondamental. Puis elle se releva, trouvant devant elle la fenêtre qui donnait sur la nuit d'hiver, nuit noire et opaque, si bien que la vitre reflétait leur minable scène de ménage comme un miroir parfait. Et à comparer, la concentration d'aura diabolique dans cette pièce se révélait même plus sombre que la nuit profonde de l'extérieur ; ils respiraient et empestaient la perversité. Elle n'était aucunement fière d'elle, et baissa les yeux aussitôt qu'elle vit son reflet.
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MessageSujet: Re: Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth    Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth  EmptyDim 5 Fév - 12:33

J’ai erré dans ma vie comme quand on erre dans une tragédie de Racine. Hermione version mec. Où suis-je ? Qu’ai-je fait ? Que dois-je faire encore ? Quel transport me saisit ? Quel chagrin me dévore ? Ah ne puis-je savoir si j’aime ou si je haïs.


C’était presque comme se regarder d’en haut, sans rien pouvoir faire. Se voir agir, fulminer, transpirer… avec une cruelle impuissance. Il comprit aussitôt qu’il était allé trop loin, lorsqu’une vague de honte gigantesque lui coupa le souffle en s’abattant sur lui. Un à un, tous les verrous semblaient sauter et faire dérailler une mécanique bien rodée. Ne resteraient bientôt plus que des ruines à piétiner. Autrefois, un tel comportement de sa part aurait été tout simplement impensable. Lui faire du mal était inconcevable, tenait de la science-fiction. Ainé aux petits soins pour sa cadette, la couvant comme la prunelle de ses yeux, se pliant en quatre pour satisfaire le moindre de ses caprices. Alors capable d’une générosité sans limite juste pour apercevoir ne serait-ce que l’ombre d’un sourire éclairer son visage de porcelaine. L’eau avait coulé sous les ponts, avec une telle ardeur que l’édifice tendait à s’effondrer intégralement. Et là où il s’était toujours contenté de la violence verbale, la brutalité physique prenait le pas sur ses dernières résolutions honorables. Il détestait ses petites provocations, ce manège frivole qui avait le don de le mettre au supplice et de jeter de l’huile sur le feu. Angoissé à l’idée de finir par ne contrôler plus rien, et que la dernière barrière de sa raison s’abaisse pour lui faire commettre l’irréparable. Cela ne déraperait jamais en un coup de poing, ça il en était certain… mais se jeter sur elle, l’embrasser fougueusement sans trouver en lui la force de s’arrêter, ça elle n’en était absolument pas à l’abri.
Numéro puéril d’aguicheuse de pacotille qu’il aurait certainement trouvé délicieusement enivrant chez une autre, mais qui l’écœurait s’agissant d’elle. Il avait beau avoir dévoré ses lèvres à plusieurs reprises, la désirer de tout son être chaque fois que ses pensées impures s’égaraient vers elle, rêver de l’étouffer sous ses caresses… une part de lui restait son frère. Ce frère révulsé de voir sa sœur endosser le rôle sulfureux de l’enjôleuse de bas-étage, au même titre qu’il n’avait pas supporté de surprendre l’autre pauvre minable entre ses cuisses offertes. Vulgaire s’avérait ainsi être le mot juste pour exprimer ce qui lui venait à l’esprit en la voyant agir de la sorte. Instinctivement, il recula jusqu’à heurter la table basse lorsqu’elle se releva et brisa à nouveau la distance qui pouvait les séparer. Abjecte tentatrice qui n’avait visiblement pas retenu la leçon, effrontée comme jamais. Il ne broncha pas lorsque ses doigts s’égarèrent sur son torse, fulminant intérieurement qu’elle ait l’audace de réitérer son infamie. Frissonnant de fureur et de plaisir lorsque ses doigts se glissèrent sur sa nuque, poursuivant leur odieuse exploration. Bien sûr qu’elle ne rivalisait pas avec toutes celles qui avaient pu se glisser entre ses draps, toutes celles dont il oubliait le nom après le leur avoir pourtant murmuré à l’oreille en pleine extase. Elle les surpassait, elle se situait même hors catégorie. Sur un piédestal trop surélevé pour que l’une d’elles puisse un jour ne serait-ce que l’égaler. Il se haïssait de ne pas pouvoir rester stoïque, et d’être également inapte à la serrer dans ses bras, à la faire sienne. Un tremblement meurtrier lacéra son échine lorsque son venin se glissa jusqu’à son organe auditif et que ses lèvres lascives prirent la liberté d’effleurer son cou. Chimère suffocante qui s’évapora aussitôt, tournant les talons en laissant une brise glaciale le gifler à l’endroit où elle s’était tenue avec tant d’audace. Handicapé par des jambes susceptibles de devenir dangereusement instables, il préféra ne pas s’attarder sur la maudite chute de reins d’Elizabeth et effectivement s’affaler dans le sofa. Ses phalanges chancelantes se faufilèrent dans ses cheveux bruns nerveusement, avant de malaxer son front endolori. La tête lui tournait et il regrettait le cumul de tous ces arsenics. L’alcool, la cigarette et elle… beaucoup pour un seul homme.

Attendant d’avoir vaguement repris ses esprits avant d’oser s’aventurer vers elle, lui retirant sans une once de délicatesse le récipient qu’elle tenait. Elle ne semblait déjà pas franchement raisonnable, inutile qu’elle se mette dans un état second en l’accompagnant dans sa pitoyable débauche. Si elle tenait à boire, il préférait nettement qu’elle se contente sagement d’un verre d’eau. Le dos de sa main s’égara avec précaution sur sa joue, presque timidement après la férocité qui l’avait guidé auparavant. Il aurait aimé recoller les morceaux, trouver comment s’excuser… mais il ne savait pas comment s’y prendre et seules de pauvres banalités semblaient prêtes à sortir de sa bouche. « Qu’est ce que tu cherches à prouver là ? Que tu me fais de l’effet ? » souffla t’il fébrilement avant de s’écarter et de repartir vers la bouteille abandonnée par la jeune femme. Ne se faisant pas prier pour remplir à ras-bord le cristal. Démesure et excès. « Mais putain Eli si c’était pas le cas, on se trouverait pas dans ce trou paumé au fin fond de nulle part, mais tous les deux au Canada. Si c’était pas le cas, on jouerait pas cette comédie grotesque du pseudo couple de jeune mariés. » Elle avait enfoncé des portes ouvertes en se plaquant contre lui si impunément. S’il y avait bien une chose qu’il ne pouvait pas nier en dépit de son orgueil flamboyant, c’était cette attirance infecte. Celle qui les avait fait si facilement sombrer, celle qui le tuait lentement mais sûrement. Celle qui l’obsédait littéralement. « Si tu veux te salir, parfait, allons-y, mais prends la peine de trouver un prétexte crédible au moins. » siffla t’il finalement, avant de s’injecter une nouvelle dose de poison dans les veines en avalant d’un trait sec l’infâme mixture.
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MessageSujet: Re: Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth    Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth  EmptyDim 5 Fév - 18:03

« Elle est belle, et plus que belle ; elle est surprenante. En elle le noir abonde : et tout ce qu'elle inspire est nocturne et profond. Ses yeux sont deux antres où scintille vaguement le mystère, son regard illumine comme l'éclair : c'est une explosion dans les ténèbres. (...) Il y a des femmes qui inspirent l'envie de les vaincre et de jouir d'elles ; mais celle-ci donne le désir de mourir lentement sous son regard. »



Lunatique, changeante, se perdant dans une schizophrénie volontaire ; elle retomba dans un espèce d'état serein, la fougue sensuelle lui étant passé. Et pourtant rien, pas de maladie mentale, pas d'hallucinations auditives contre lesquelles elle n'y pouvait rien, pas de de réactions soudaines et inexpliquées, aucun trouble, elle dissociait avec une perfection affolante et dérangeante la réalité du fantasme. Et c'était sans doute ça, le plus inquiétant. Ne pas pouvoir se trouver d'excuses, ne pas pouvoir se justifier, faire des choses par la simple mécanique de sa volonté. Elle avait joué le rôle de la pitoyable séductrice sans réelles raisons, si ce n'est celle de lui prouver qu'il ne menait pas si bien le jeu, si ce n'est le désir de inavoué de se rapprocher un peu plus de lui, frôler sa peau sans qu'il se dise que c'est une ouverture, que c'est un moment de faiblesse, pour le laisser s'enfoncer dans le doux mensonge de l'indifférence. Mais tout cela ne rimait à rien, ce n'était même pas un plan machiavélique dans lequel Elizabeth devait se montrer manipulatrice à souhait ; il n'y avait pas de lot à gagner à la fin du chemin, il n'y avait même pas de fin. Il n'y avait malheureusement rien à prouver. Rien à démontrer, rien à expliquer. Tout s'étalait devant eux comme une évidence, aussi bien la destruction de leur relation fraternelle que la construction chimérique de leur amourette. L'évidence brûle, alors que le mensonge anesthésie, étouffe. Aucune satisfaction à savoir qu'elle pourrait le séduire en deux battements de cils, aucun plaisir à le savoir brûler de désir, plutôt de l'amertume, à vrai dire. Se savoir dans un amour réciproque, bel amour flamboyant, passionné, être apte à se l'avouer et à l'avouer, croire qu'on sera capable de briser n'importe quoi pour préserver ce cadeau, et finalement, se rendre compte qu'il y aura toujours un obstacle à franchir, toujours le même, imbattable : la Vie. S'enfoncer ensuite dans un romantisme torturé et déchiré, le monde de Baudelaire sans sa poésie. « Je sais pas. » souffla-t-elle, avant de s'en aller prendre un verre d'eau. Belle ironie lorsqu'elle ressortit de la cuisine avec dans les mains un cristal rempli d'eau fraîche, limpide et claire, et que son frère se servait, jusqu'à ras-bord, dans le verre qu'il lui avait tout juste arraché des mains le même alcool qu'il lui avait refusé. Elle s'installa à l'extrémité du canapé, les jambes repliées, descente progressive de sa soudaine pulsion ; et le regarda avec un air désolé lorsqu'il admit, presque comme une banalité, son attirance. Ça avait toujours été là, mutuellement partagé, et elle en avait conscience. Mais tout reposait sur des non-dits, des promesses d'appartenance qui n'avaient jamais été jurées, des silences trop expressifs. Pas de mots posés dessus, pas de conjugaisons parfaites du verbe aimer, pas de projet construits à deux. Elle voulait naïvement croire que les choses n'étaient pas réelles lorsqu'elles restaient implicites, tout en sachant cependant la véritable nature de leur réalité à eux. « Un prétexte crédible, mais il n'y a plus rien de crédible entre nous Ethan. Même la réalité n'est plus crédible. » Rien de nouveau, il n'y avait plus rien de neuf à s'avouer. C'était comme se retrouver face à un cul-de-sac, et être incapable de retrouver la sortie pour laquelle on était entré. Refaire le chemin mille fois, se casser la gueule sur les mêmes embûches et jurer les mêmes jurons. « J'ai tout envisagé tu sais. Vivre avec toi, vivre sans toi. Rester, ou m'en aller encore une fois ; s'enliser dans une réalité qui n'est pas la nôtre, oui parce qu'on s'est vraiment foutu dans une merde incroyable, ou s'en extirper. Couper définitivement les ponts, ou te faire l'amour. Être ta soeur, ta femme, ou juste une inconnue. Et je pourrais te faire une liste entière et il y a rien, RIEN qui est envisageable, rien qui est possible, RIEN. » La voilà retombée dans son petit mélodrame, c'était inéluctable. « Ce qui est effrayant, c'est qu'on trouvera toujours le moyen de se salir encore plus, comme tu dis. Regarde-nous... Regarde notre nouvelle lubie, un couple jeune, amoureux, sain. Non mais regarde-moi ça. » Un rire nerveux s'empara d'elle, la situation était tellement pathétique, tellement absurde qu'elle en devenait presque risible. Sa tête vint se loger dans ses mains, qui grimpèrent ensuite le long de ses tempes pour remonter jusqu'au haut de sa tête. « C'est même plus du masochisme arrivé à ce stade là... Non mais qu'est-ce qui cloche chez nous putain ? »
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MessageSujet: Re: Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth    Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth  EmptyLun 6 Fév - 11:54

On n'avait jamais autant communiqué, on ne s'était jamais aussi peu écouté.


Il voulait achever cette bouteille, et en boire encore une autre après. Avaler des litres d’alcool, s’en rendre malade au point d’en vomir ses entrailles puis s’étaler dans son lit, avec au réveil l’amnésie rédemptrice de l’ivresse. Qu’il ne reste alors plus que la gueule de bois, éreintante mais fugace. Cette maudite sensation qu’on frappe sur votre crane à coups de marteaux au moindre mouvement brusque, à la moindre vibration. Mais plus aucun sentiment ignoble, que tout rentre dans l’ordre. Malheureusement, la seule personne qu’il n’oubliait jamais s’avérait être elle, la seule chose qui lui restait toujours en mémoire s’avérait être ce foutu inceste. Lui faire de l’effet… c’était ridicule dit comme ça, d’une banalité affligeante, et le pire était qu’il s’agissait d’un doux euphémisme. Il pourrait bien chercher à noyer cette infecte attirance dans des litres et des litres d’alcool, elle s’obstinerait encore à rester à la surface. Il parait que la première étape vers la guérison est d’admettre qu’on a un problème. Il lui avait fallu plus d’un an et des poussières pour reconnaitre qu’il en avait un, et un sérieux, mais il savait parfaitement que la blessure sanguinolente ne se refermerait pas pour autant. On ne guérit pas, on apprend à vivre avec. C'est différent. Il ne vaincrait pas plus sa terrible maladie que tous ses patients, les bavards qui parlent de tout sauf du mal-être qui les tourmente ou ceux qui en disent tellement plus sur eux-mêmes en un long silence. Des années et des années de thérapie, d’argent jeté par les fenêtres, pour finalement accepter sa souffrance sans la neutraliser. On apprend seulement à la contrôler, à la dompter, à s’anesthésier… mais elle reste là, enfouie sous les cendres d’une cuisante infortune.
Flot interminable de paroles déchirantes qu’il aurait tout donné pour endiguer. Qu’elle se taise, bon sang. Qu’elle cesse de déclarer tout haut ce qu’il n’osait même pas se murmurer tout bas. Peut être que ça la soulageait, qu’elle en avait besoin… lui ça le rendait dingue. Elle ne lui faisait plus l’effet d’un moulin à paroles, mais d’un rouleau compresseur. C’était lui le fautif toutefois, lui qui avait commencé à poser des mots sur ce qui devait par essence rester muet et secret. Elle n’avait fait que poursuivre dans sa lancée tragique. Coincés au bord du précipice ils ne pouvaient que vaciller au creux de l’abime ou crever de faim et de soif en ne parvenant pas à rejoindre la rive opposée. Dans ces circonstances, à part terminer cannibale... C’était fou, cette manie de se torturer mutuellement en ressassant l’impossible. Cette incapacité chronique d’entretenir une conversation normale, sans partir dans des élancées lyriques ne servant qu’à les enliser davantage dans leur détresse flagrante. Au milieu de tout ce capharnaüm, gisait toutefois au dessus de sa nuque comme une épée de Damoclès, la peur de la perdre. Soudain blême, il avait senti son sang se geler dans ses veines en l’entendant proférer ses ‘menaces’, qui n'en étaient cependant pas clairement au sens propre, et des glaçons glisser sous sa peau diaphane. Prêt à rester un monstre, à affronter le reflet immonde que lui renvoyait à chaque passage le miroir, tant qu’elle restait près de lui. Sale égoïste refusant de lui laisser une chance de s’en sortir sans lui, de tolérer un nouveau départ. Il savait pourtant que c’était là le plus sûr moyen de la détruire moralement alors que contrairement à lui, elle avait une chance de se reconstruire réellement sans lui. Une chance de terminer brillamment ses études, de rencontrer un type bien sous tous rapports dépourvu de son amour pour la débauche et qui aurait le sens des responsabilités, ou qu’importe, juste un type qui ne porterait pas la même hémoglobine putride. Une chance de terminer à trente ans avec tout : le mari, le chien, les gosses, la maison et l’antenne parabolique. « Il aimait la mort, elle aimait la vie. Il vivait pour elle, elle est morte pour lui. » C’était un peu ce à quoi il la condamnait à terme. Une mort psychique, juste parce qu’elle était le souffle nécessaire à sa poitrine et qu’il refusait de s’en priver. Qu’elle puisse l’envisager était insupportable. C’était plus fort que lui, en dépit de la honte qui le tenaillait en la gardant ainsi prisonnière de cette sordide réalité. Il voyait bien qu’elle se démenait, qu’elle se torturait littéralement avec ces questionnements interminables. S’adressant à la mauvaise personne, à celle qui ne pouvait pas la consoler mais au contraire lui maintenir la tête sous l’eau. Il fallait sans doute que ça sorte, et à qui d’autre confier qu’on est si immonde ? A qui d’autre qu’à ce frère qui partage ses vices ? Et son rire, nerveux, hystérique… autrefois si fort, si communicatif, sauf que là il n’avait pas envie de rire, ni de faire semblant.

« Putain il a fallu que tu viennes m’emmerder ce soir. J’étais tranquille et toi… Tu crois que je suis pas au courant de tout ça ? Que j’en ai pas fait, des listes et des listes ? »
Des listes et des listes de décisions impossibles à prendre. « J’ai pas de réponse. » avoua t’il en fin de compte, piteux et confus. Ignorant où se poster, quoi faire, vers où aller. Un claustrophobe dans une pièce exigüe, en manque d’espace. Il tituba légèrement jusqu’à elle, s’accroupissant devant sa ravissante silhouette alors qu’une infâme migraine fracassait déjà ses tempes. Il avait trop bu certainement, ou peut être pas assez. Les doigts agrippés aux rebords du canapé, si moelleux que ne pouvait en rejaillir qu’un crissement détestable sous ses griffes. « Tu m’as reproché de t’avoir laissée seule toute une semaine, mais toi t’as pas le droit de m’abandonner pour le restant de tes jours. » L’abjecte mixture ingurgitée avait le mérite de délier sa langue, d’annihiler sa pitoyable fierté. Et la phobie qui lui serrait la gorge de sa main de fer l’asphyxiait à un tel point qu’il ne pouvait pas se contenter de la laisser lui échapper encore une fois. Il n’avait pas envie de la suivre inlassablement à l’autre bout du monde, comme un misérable cabot qui court après la voiture de ses maitres jusqu’à s’en égratigner les pattes, au lieu d’admettre l’horrible évidence : ils préfèrent se débarrasser de lui. Parce que trop encombrant, trop bruyant, trop mal-élevé. Trop tout. Pas assez ceci ou cela. Et son orgueil n'y subsisterait pas. Il la jaugea de son regard d’acier un instant, avant de se relever et de se trainer dans le fauteuil d’en face plutôt qu’à côté d’elle. « T’entends ? Je t’interdis de partir. Je dirai plus rien, je te toucherai plus. Je m’absenterai plus. » Toutes ces jolies promesses qu’il ne tiendrait évidemment pas, comme un gamin jure à ses parents furieux qu’il ne recommencera plus ses bêtises alors qu’il est parfaitement conscient que ça le dépasse. Il voulait s’en convaincre pourtant. De toutes ses maigres forces.
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MessageSujet: Re: Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth    Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth  EmptyLun 6 Fév - 20:57

« Forgive and forget. That’s what they say. It’s good advice, but it’s not very practical. When someone hurts us, we want to hurt them back. When someone wrongs us, we want to be right. Without forgiveness, old scores are never settled… old wounds never heal. And the most we can hope for, is that one day we’ll be lucky enough to forget. »

« T’as pas le droit de m’abandonner pour le restant de tes jours. » Ce qui était terrible, c'était qu'il marquait un point. Elle avait eu le culot de lui reprocher une semaine d'absence, une petite semaine, une petite succession insignifiante de sept jours – et encore. Elle avait eu l'audace de le lui reprocher ça, pour lui dire ensuite, d'une manière ou d'une autre, qu'elle envisageait peut-être un nouveau départ. Encore. Sa paume vint se coller à sa joue, ses doigts effleurant doucement son lobe, puis remontant sur l'hélix. Elle se voulait réconfortante, mais chaque geste qu'elle pouvait exécuter semblait souillé de leur attirance inconcevable. Elle aurait voulu lui promettre de rester, rien que ça, mais elle n'en était pas capable. Il n'était même pas question de lui formuler avec poésie et délicatesse des promesses emplies d'espoir, juste lui dire, en quelques mots, ne t'inquiète pas Ethan, je ne partirai plus. Bref, concis, franc. Elle se savait incapable de partir. La première fois, même si elle refusait de l'admettre, elle espérait, elle espérait fort qu'il vienne la retrouver, qu'il s'acharne à sa poursuite, qu'il la retienne ; et elle s'était même sentie déçue de constater avec quelle facilité elle avait pu prendre l'avion. Et elle se disait que si elle retentait une nouvelle fuite, vers un nouvel état qu'elle aurait désigné la veille même, grâce à système qu'elle aurait inventé sur un coup de tête, attachant chaque état américain à un chiffre, et le dernier chiffre qui sortirait au loto désignera en même temps la direction qu'elle prendra ; il la laisserait. Qu'elle s'en aille crever dans un nouveau village perdu, qu'elle aille se perdre elle-même dans les ruelles sombres, qu'elle s'étouffe dans sa propre misère, qu'elle se noie dans sa culpabilité. Elizabeth était venue à Arrowsic sans avoir la moindre idée du calvaire qui l'attendait, pleine d'ambition, ambition qui s'était d'ailleurs très rapidement dissipée. Repartir en ayant conscience du gouffre dans lequel elle allait s'enfoncer n'était alors pas envisageable. Puis il se releva, avec à la bouche des concessions qu'il était prêt à réaliser, tant qu'elle ne partait pas. « Me fais pas de promesses que tu pourras pas tenir. Que je pourrais pas tenir. » Elle doutait bien évidemment de la capacité d'Ethan à respecter toutes ses concessions, lui donnant une semaine en étant large. Mais elle était aussi persuadée de son incapacité, à elle. Parce que si jamais au grand jamais il s'en révélait capable ; elle ne pourrait pas l'aider à tenir ses promesses. Elle le pousserait à bout, lui arracherait les insultes de la bouche, lui soufflerait la tentation ; jusqu'à ce qu'il cède, jusqu'à ce qu'il rompe ses engagements. « Je sais que j'ai pas le droit de te laisser. Et j'en ai pas envie, et je peux pas, mais c'est juste que... Je sais pas comment me comporter avec toi. J'ai l'impression qu'on a plus rien à se dire, qu'on est bon qu'à s'engueuler à propos de ça. »

Elle marqua une pause, se rappelant avec nostalgies les jours où ils savaient encore se parler ; lorsqu'il n'y avait pas que des horreurs qui passaient la frontière de leurs lèvres, lorsqu'ils étaient encore un frère et une soeur. Ils avaient passé leur vie à ça, bâtir l'édifice d'une relation idyllique, apportant chaque jour leur petite pierre avec un large sourire, heureux d'y contribuer. Et puis un jour, tout s'écroula, comme ça, d'un coup. Ce n'étaient pas les ravages du temps qui les avaient effrité, c'était juste un baiser. Un maudit baiser. Quelques secondes, un effleurement bref, rien. Ce n'était rien comparé à tout ce qu'ils avaient vécu. Et ça avait pourtant suffit. « Tu te rappelles la première fois qu'on m'a foutu à l'eau sans bouée ? J'avais un maillot de bain jaune, je ressemblais à un poussin apeuré, et j'ai failli me noyer. Puis tu m'as repêché. Tu m'as repêché des milliers de fois, parce que je suis une terrible nageuse. Mais je retournais quand même à l'eau, parce que je savais que t'étais là. » Souvenir d'un passé irrécupérable. « Tu devrais arrêter de boire pour ce soir, Ethan. Je t'interdis de mourir avant que tu deviennes gâteux. » Un léger sourire se dessina ses lèvres, disparaissant aussitôt. Elle n'avait plus vraiment le coeur à sourire naturellement, simplement ; pas en sa compagnie en tout cas. Enlaçant ses jambes repliées contre sa poitrine, elle souffla presque timidement, sans vraiment savoir si c'était approprié : « Je pourrais passer la nuit ici ? »
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MessageSujet: Re: Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth    Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth  EmptyMer 8 Fév - 21:36

Et un jour on se retrouve à jouer seul. L'autre retire ses billes, reprend ses cartes, et vous restez là, comme un con, devant une partie inachevée... A attendre. Parce que vous ne pouvez faire que ça, attendre. Cesser d'attendre, ça voudrait dire que c'est fini. Vous attendez en vain qu'elle relance les dés, vous pensez qu'il vous reste des cartes maîtresses que vous n'avez pas encore abattues, et qui changeront le cours de la partie. Mais vous avez perdu.


Il ne se souvenait plus de l’endroit où il était ce jour là. A l'heure précise où elle l’avait quitté. Probablement en compagnie d’une autre alors qu’il aurait du s’occuper de la seule qui comptait. Il s’en était voulu affreusement, de ne pas avoir pu la retenir, de ne pas avoir su repérer les signes avant-coureurs. Et pourtant, il fallait se rendre à l’évidence : il l’aurait laissée partir de toute manière. Rien ne se serait passé comme dans tous ces films à l’eau de rose, avec ce héros qui manque de peu chez elle celle qu’il aime , qui affronte des kilomètres et des kilomètres d’embouteillage pour réussir miraculeusement à la rattraper à l’instant précis où elle s’apprête à embarquer. Lui, trop lâche, trop con, trop fier, il lui aurait permis de lui filer entre les doigts. Probablement même capable de lui lancer une petite pique assassine avant le départ histoire de lui souhaiter un bon voyage, et bon débarras. Jusqu’au bout il aurait endossé le rôle du salopard lâche et cynique qui dit l’inverse de ce qu’il pense, et qui réussit à rester stoïque alors que tout s’effrite sinistrement en lui. Ignorance puérile qui avait eu le mérite d’éviter le massacre, épargné à la brunette une déception moins cruelle en ne lui crachant pas à la figure ses quatre vérités avant le décollage. Il se souvenait surtout de l’après. De ce qu’était devenue sa misérable existence sans elle, dans ces allées bondées qui lui semblaient si désertes, dans cette maison autrefois si chaleureuse qui ressemblait désormais à un cercueil. Il avait cru devenir fou, croyant l’apercevoir à chaque coin de rue, croyant l’entendre au moindre bruit. Il avait continué de s’enivrer de plaisirs éphémères et superficiels, n’ayant de cesse que de disparaitre lamentablement au petit matin. Ne laissant alors perdurer que l’envie viscérale de s’arracher les tripes afin de ne plus rien ressentir. Sans pouvoir savoir comment elle allait, ce qu’elle faisait, et avec qui, et s’il lui manquait, ne serait-ce qu’un peu. Des mois à se ronger les sangs, à lutter contre la tentation d’aller la rejoindre par pure fierté. Quand il lui criait d’aller au diable, c’était à lui, la vermine incestueuse, qu’il pensait, et non à Arrowsic. Il avait attendu, attendu, attendu. Espéré vainement qu’elle revienne sur sa décision, et rentrer un soir en trouvant ses bagages dans l’entrée. Avant de se résigner et de céder, l’oxygène étant devenu démesurément vicié dans leur pays natal depuis son départ. Qu’elle s'éloigne une nouvelle fois l’anéantirait, serait fatal.
Sa sœur continuait cependant de lui manquer atrocement. Même là, maintenant, en se trouvant à tout juste quelques mètres de lui. Elle s’était éteinte, grièvement blessée par la passion abominable insufflée à ses lèvres puis démolie complètement par les injures clamées jusqu’à s’en écorcher la gorge. Il peinait à la reconnaitre, à retrouver pleinement l’Elizabeth ayant pu grandir à ses côtés. Comme si elle était morte, et qu’il était en deuil depuis. Le fantôme de leur enfance continuait de danser entre eux, mirage grisâtre impossible à capturer, les narguant de sa splendeur funeste. A trop chercher à retrouver ce passé dissolu, ils en devenaient de mauvaises reconstitutions de ceux qu’ils avaient pu être gamins. De fades copies prisonnières de leur mémoire souillée et d’images de papier glacé. De vulgaires imitations tentant désespérément de ressembler encore aux originaux, alors que personne n’était dupe quant à la qualité de leur piètre jeu d’acteur. Se démenant pour revivre dans un espace temps qui n’existait plus, plutôt que dans ce monde hostile leur devenant de plus en plus étranger. Cisaillés par le couperet de la censure sociale, par les remords de leur conscience détraquée. Coincés contre leur gré dans un entre-deux malsain et déchirant. « C’est pas une raison pour fuir. On sera plus jamais comme avant, mais ça veut pas dire qu’on est plus rien. Je te jure que je fais des efforts mais… ça peut pas s’arranger si facilement, d’un claquement de doigts. » Du temps, voilà ce qu’il quémandait naïvement. S’accrochant à l’illusion qu’il résoudrait tout. Quant à ses prétendus efforts… au fond à part étouffer partiellement sa mauvaise humeur et noyer ce qu’il en restait dans l’alcool pour oublier...

Un faible sourire se glissa sur ses lèvres en entendant l’écho de sa nostalgie, un de ces sourires amers qui mettent en évidence des regrets lancinants. Construire des châteaux de sable, et sauter à pieds joints dessus, par caprice, parce qu’il est inhérent à la nature humaine de détruire. Il doutait qu’elle ait conservé cette confiance inébranlable en lui, elle devait maintenant penser que si elle osait se jeter à l’eau sans bouée, il y avait une chance sur deux pour qu’il la laisse couler. « Évidemment… » souffla t’il doucement avant d’ajouter, légèrement amusé : « J’ai d’ailleurs jamais compris ton amour pour cette couleur immonde… je crois que t’as surement du être un canari ou un espèce de volatile jaune dans une autre vie. » Ses dents mordirent subitement ses lippes abimées, presque férocement, alors que ses prunelles désolées vacillaient vers le sol. Une anecdote en faisait rejaillir une autre, celle qu’il aurait justement fallu proscrire. Ce t-shirt, le stupide t-shirt qu’elle portait lorsque tout s’était effondré. Ce futile élément déclencheur qui aurait justement du l’arrêter, au lieu de le pousser à sceller sa déchéance à la sienne.
« Pour ce que ça changerait, Eli. Et un verre de plus ou de moins… Mais enfin si ça peut te faire plaisir. » Ses azurs tourmentés retournèrent s’amarrer aux siennes en entendant sa question craintive, s’attardant plus que de raison sur les nuances fascinantes de ses iris avant de retrouver l’usage de la parole : « Parce que tu crois que je te laisserais retourner dehors si tard, avec un froid pareil en plus ? Il est hors de question que tu passe la nuit ailleurs. » Il n’avait pas vu les choses autrement, même si l’idée qu’elle dorme entre ses draps le perturbait, là où n’aurait du régner que néant et indifférence. « Si t’es fatiguée, c’est au fond du couloir à droite. Je… le canapé m’ira très bien. »
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MessageSujet: Re: Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth    Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth  EmptyJeu 9 Fév - 21:18

« L'absence n'est-elle pas, pour qui aime, la plus certaine, la plus efficace, la plus vivace, la plus indestructible, la plus fidèle des présences ? »



« Tss... Laisse moi tranquille avec mon jaune, toi qui t'habilles en noir, en blanc et... oh, gris anthracite. »
répliqua-t-elle, elle qui avait banni les couleurs trop vives de sa garde-robe depuis qu'elle avait fêté ses sweet sixteen. Sourire fugace. Se dire qu'ils pourraient réellement reconstruire une relation à deux, avec les débris de leur passé. La capacité à s'échanger trois mots qui ne renvoyaient pas directement à la tournure malsaine de leur relation avait soufflé un grand vent plein d'espoir. Naïvement, évidemment. Ce n'était pas deux phrases perchées ça et là qui allaient marquer un tournant décisif. Mais ça continuait, Ethan reposant gentiment son verre, pour lui faire plaisir – alors qu'il l'aurait sans doute fini cul-sec il y a quelques mois, juste pour l'irriter – Ethan qui ne l'aurait pas laissée sortir à une heure pareille... Finalement, si elle se jetait à l'eau, elle avait peut-être deux chances sur trois de se faire secourir. Ce n'était peut-être pas totalement voué à l'échec.

Elle lui répondit par un hochement de tête, accompagné d'un bref sourire reconnaissant. Elle n'allait pas se chamailler avec lui pour prendre le canapé, lui épargnant une scène clichée d'un couple d'adolescents pré pubères, trop effrayés de dormir dans le même lit, car ils associent ça à l'inévitable perte de leur virginité ; et trop galants pour se décider à qui dormira sur le matelas moelleux. D'une certaine façon, ils ne valaient pas vraiment mieux que ça, puisque l'idée de partager le lit avec lui n'était même pas envisageable à ce jour alors qu'ils y étaient presque habitués auparavant. Non, elle allait juste longer le couloir, et entrer dans la pièce au fond à droite, comme indiquée. C'était vide, enfin, certes, il y avait tout le nécessaire, allant du grand lit au beau fauteuil posé dans un coin, mais c'était vide, comme une chambre d'hôtel qui devait convenir à chaque client. Il n'avait certainement pas eu le temps de s'attarder sur la couleur de ses rideaux, s'il était préférable de les choisir en coton pour une décoration plus épurée et moderne, ou alors dans un beau velours d'une couleur profonde, pour apporter à la chambre à coucher une ambiance plus chaleureuse, plus élégante. L'idée de s'envelopper dans ses draps, respirer l'odeur de ses cheveux sur son coussin, étaler son corps là où il passait ses nuits, ne la laissait malheureusement pas indifférente. Et pourtant, cela ne voulait rien dire, dormir dans sous la couette d'Ethan ou dormir sous la couette de n'importe revenait au même. Et elle ne pouvait s'empêcher d'imaginer qu'elle se glisserait aussi bien dans ses draps que dans ses bras, ses doigts sur sa peau, son souffle brisant le silence nocturne, tous les deux dans une position fœtale parfaite, symbiose innocente. Mais il y avait un large fossé entre la réalité et ses fantasmes.
A la recherche d'un t-shirt qu'elle pourrait enfiler afin de passer une nuit un peu plus agréable, elle ouvrit l'armoire de son frère, y découvrant les couleurs annoncées plus tôt. Elle s'empara d'un t-shirt, esquissant quelques pas rapides pour revenir au salon, et tenant le tissu dans ses doigts, elle l'agita devant elle, accompagnant son geste d'un déhanché. « T'as du bleu Ethan ? Mais attends... tu crois pas que c'est trop original comme couleur pour toi ça ? » un large sourire étira ses lèvres, et elle tourna les talons, balançant ses ondulations d'ébène dans l'air, et disparut aussitôt. Porter le vêtement de son frère aurait dû être banal, et pourtant devant la glace, dans bout de tissu trop large pour elle, les jambes nues, les cheveux soigneusement reposés sur une épaule, elle semblait voir l'une de ces filles qui se glissaient contre se torse et qui enfilaient presque mécaniquement la chemise de leur amant le lendemain, au réveil. Oui, parce que les filles qui se réveillent à côté d'un bel homme ne portent pas les vêtements qu'elles ont arrachés la veille, non, elles s'obstinent à prendre le t-shirt, la chemise, le pull, n'importe quoi, tant que ça a été acheté au rayon homme. Elles trouvaient une joie incompréhensible dans le fait d'aller presser du jus d'orange dans une chemise parfaitement blanche et trois fois trop grande. Elle revint ensuite dans le salon, prête mal à l'aise de se montrer comme ça devant lui après les pensées qu'elle avait pu avoir. « Bon bah je vais... Essaie de dormir. » bredouilla-t-elle, l'envie de déposer un baiser sur son front comme elle le faisait avant lui brûlant les lèvres.

Nuit qui aurait pu se révéler délicieuse, après tout, elle savait qu'Ethan était à quelques pas de là, qu'il n'était certainement pas prêt à s'enfuir. Elle aurait pu trouver un sommeil tranquille sous les douces effluves de son odeur, certes légèrement amère puisque la cigarette ne le quittait pas même jusqu'au coucher, mais des notes enivrantes, mélange indescriptible qui avait le pouvoir de raviver des sensations dans tout son être. Après tout, la mémoire olfactive était celle qui résistait le mieux aux ravages du temps. Plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir. Mais il n'en fut rien de tout cela, Elizabeth ne trouvant pas les bras de Morphée, se brisant le dos à rester dans une position trop longtemps, se brisant les nerfs à espérer vainement la venue du marchand de sable. Les heures passaient à une lenteur insupportable, et elle se décida finalement à arrêter cette lutte perdue d'avance. Elle n'allait pas dormir malgré toute la fatigue accumulée. Se relevant alors, les pieds nus contre un parquet tiède, elle se glissa jusqu'au bout du couloir. Toujours éveillé, évidemment. Elle s'assit à ses côtés, lui dérobant son verre comme il l'avait fait quelques heures auparavant, avant de le reposer dans un bruit atroce – la fantastique sensation d'avoir une ouïe sur-développée la nuit – sur la table basse. « Arrête ça... Repose-toi. »
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MessageSujet: Re: Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth    Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth  EmptySam 11 Fév - 13:03

C'est un peu comme lorsque tu fais une tache d'encre indélébile sur ton t-shirt, tu sais qu'il est trop tard, mais tu y tiens tellement à ce t-shirt là, que tu fais tout pour l'enlever cette maudite tache, en sachant parfaitement que ce ne sera plus jamais comme avant. Il te reste toujours un espoir.


C’était plus fort que lui. Il n’avait pas pu empêcher ses yeux de dériver de manière plus qu’indécente sur sa silhouette enchanteresse, glissant de la cascade de mèches brunes à la finesse de ses jambes découvertes. Seigneur ce qu’elle pouvait être sublime, sans avoir besoin d’une tonne de maquillage ni de faire quoi que ce soit d’autre. Il la détestait d’être aussi belle, de lui insuffler un désir ardent sans avoir à esquisser le moindre geste ni à susurrer le moindre mot. Elle ressemblait effectivement à toutes ces filles ayant pu se glisser entre ses draps, lorsque la paresse l’empêchait de fuir comme un voleur en plein milieu de la nuit ou qu’il n’avait tout simplement pas la cruauté nécessaire pour les mettre dehors. Il n’avait jamais réellement compris cette manie typiquement féminine, souvent assez agaçante bien que relativement flatteuse. Incapable de s’éprendre suffisamment d’une femme pour trouver ce genre de niaiserie adorable. Ses relations n’avaient pourtant pas toutes été éphémères, certaines avaient plus ou moins duré, mais rien. Non, rien. Pas de sentiments ravageurs, pas de passion qui transcende et qui peut pousser à commettre les pires folies. Pas d’abime dans lequel s’engloutir, pas de manque lancinant. Son cœur semblait à l’abri sous son armure de givre, loin d’être menacé par une fonte soudaine des glaces. Froideur factice qui en avait désespéré plus d’une, tant son attitude désinvolte était affichée ouvertement. Elizabeth réussissait ainsi là où toutes les autres avaient lamentablement échoué, éveillant en lui des sensations qui n’étaient autrefois assimilables qu’au néant le plus total. Un comble quand elle s’avérait être justement la seule à lui être interdite. « T’as raison pour la couleur. D’ailleurs il te va beaucoup mieux à toi qu’à moi, tu devrais peut être le garder. Il doit se sentir seul entre le noir, le blanc et le gris anthracite. » Compliment lancé sans en avoir l’air qui n’était probablement pas politiquement correct, mais au point où il en était…
Son large sourire eut un effet apaisant sur lui, ravivant un espoir qu’il croyait éteint et enfoui sous les décombres. C’était incroyable, sa faculté à entretenir des espérances illusoires alors qu’il était parfaitement conscient en son for intérieur que ce n’était qu’une trêve avant de se refaire massacrer sur le champ de bataille. Peu importait, c’était tout simplement agréable de voir les traits de son visage s’adoucir l’espace d’un instant, car il ne se rappelait même plus de la dernière fois où cela avait pu se produire. Ni même de la dernière fois où elle avait pu rire, rire vraiment. Il avait davantage pris l’habitude de la faire pleurer, de la briser jusqu’à ce qu’elle s’effondre. Il fut pourtant incapable de le lui rendre, et il se força à détourner son regard d’acier pour qu’elle ne puisse pas entrapercevoir le trouble malsain qui le gagnait. Si elle parvenait à être traversée par des pensées pures et chastes, ce n’était absolument pas son cas : son front n’était franchement pas la première chose qu’il songeait à embrasser. « Bonne nuit. » lâcha t’il faiblement, avant de se couler avec nonchalance jusqu’au sofa. Il était reconnaissant à sa cadette de ne pas les avoir emmenés sur le terrain hasardeux de la bagarre pour le canapé, certes confortable mais qui n’en méritait pas tant.

Il ne dormirait pas, c’était évident. Des nuits entières gaspillées à résister sans réussir à s’épuiser, à tourner et retourner sans trouver la force d’abdiquer. Insomnies chroniques déclenchées par la culpabilité latente rongeant ses veines en permanente, grattant insidieusement sous la surface. Il dut se faire violence pour ne pas rejoindre la brunette le menant à sa perte. Pas dans son lit, parce qu’il n’était pas encore suffisamment tordu pour faire ça. Non, il aspirait seulement à s’appuyer sur le chambranle de la porte sans pour autant s’immiscer à l’intérieur de la pièce. L’admirer se faire bercer par les bras fourbes de Morphée en observant un silence obséquieux. Accablé par cette fielleuse souffrance qui s’acculait contre son torse, le lacérant sournoisement, oppressant son souffle. Le conjurant de l’oublier, ou peut-être bien de cesser de lutter contre cette attirance impérieuse. Mais il n’en fit évidemment rien. Par lâcheté, par respect… choisissez. Il se contenta de laisser filer les heures interminables, les rétines emplies d’un sable brûlant qui n’était bon qu’à le torturer sans faire son œuvre. Capitulant finalement, retrouvant sa vieille amie la bouteille d’arsenic. Il se contenta toutefois de contempler passivement le liquide ambré s’entrechoquer contre les bords de cristal. Presque hypnotisé par les nuances de cuivre et de bronze qui se dévoilaient sous ses prunelles métalliques, mises en relief par la lumière tamisée du lampadaire à quelques mètres. Serrant si fort le verre, comme s’il redoutait qu’il lui échappe, que ses articulations en venaient à blanchir dangereusement sous la pression. Plongé dans ses pensées, embrumées par les vapeurs de l’alcool, il n’entendit rien venir. Sursautant lorsque sa compagne d’infortune attrapa son verre pour le poser brusquement sur la table basse. Il laissa échapper un vague soupir, se moquant intérieurement de lui-même, avant de lui lancer une œillade gênée. « Pris en flagrant délit. T’as raison, je suis minable quand il s’agit de tenir des promesses. » Minable tout court… Phalanges aventureuses qui hésitèrent avant de venir caresser maladroitement la figure de la jeune femme, descendant le long d’une de ses tempes. S’égarant avec tendresse sur sa joue satinée avant de sinuer sur la courbe de sa mâchoire. Continuant leur lente exploration sur son cou, ses épaules parfaitement dessinées. Poussant le vice jusqu’à effleurer l’arrondi de sa poitrine avant de froisser le tissu recouvrant sa taille pour l’obliger à se rapprocher. Sa main gauche tira avec précaution les boucles sombres dissimulant en partie sa nuque avant que ses lèvres sulfureuses ne parsèment sa gorge offerte de baisers, papillons aux ailes incandescentes s’y posant pour mieux s’y consumer à chaque passage. Ne réalisant ce qu’il était en train de faire que lorsqu’il sentit la respiration de sa partenaire de crime s’accélérer, sans doute malgré elle. Suite désarticulée de notes improbables qui le poussa à mettre un terme au supplice en s’écartant quelque peu. L'obscurité faisait mine de le protéger, mais le lendemain serait terrible s'il poursuivait. Ancrant ses sphères azurées aux siennes, avant de murmurer, le souffle rauque : « J’ai pas besoin de me reposer. Toi par contre tu ferais mieux d’y retourner. » Il se sentait impuissant, démuni. S’en voulant affreusement d’avoir provoqué le diable ainsi, de ne plus être apte à jouer à l’ainé dépourvu de mauvaises intentions et d’envies putrides. Il avait touché le fond, et il trouvait le moyen de creuser encore.
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MessageSujet: Re: Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth    Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth  EmptyDim 12 Fév - 13:56

« La seule façon de se débarrasser d'une tentation, c'est d'y céder. Résistez-y, et vous verrez votre âme infectée par le désir des choses qu'elle s'est interdites, par le désir de ce que ses lois monstrueuses ont rendu monstrueux et illicite. »


Au moment même où il posa le bout de ses doigts contre sa peau, elle s'en voulut. Soit d'avoir eu la stupide idée de se lever, les faisant alors retomber dans une spirale malsaine, alors qu'elle aurait du rester dans son lit, à gigoter, à se retourner ; soit d'apprécier l'instant et de, justement, ne pas regretter d'avoir quitté sa chambre bleuie par les rayons de la Lune. Elle resta comme pétrifiée sous ses caresses, le souffle court, comme si elle était la vulgaire victime d'un agresseur qui passait sous son cou un couteau, la recouvrant de menaces, qui allaient toucher et sa famille, et ses amis. Mais non, c'était tout le contraire, douceur maladroite qui, en apparence, n'était pas un danger imminent. Et pourtant. Au bord de l'implosion, empoignée par une force – force qui s'appelait Ethan et qui arrivait à allumer un désir ardent en une fraction de seconde – elle se demandait combien de temps elle allait encore résister. Elle partait directement avec l'idée qu'elle allait abdiquer, plus ou moins rapidement, tout cela n'étant qu'une question de temps. La capacité à se glisser hors de ses griffes lui avait échappé, elle ne l'envisageait même pas, sachant avec certitude que cela relèverait du miracle.

Un gémissement, de soulagement sans doute, s'échappa lorsqu'il brûla enfin son cou de ses lèvres, comme si cela prouvait qu'il avait renoncé plus vite qu'elle ne l'avait fait. Ivre de ses baisers, ce fut comme une claque lorsqu'il s'écarta d'elle. Est-ce de la pure provocation, un renvoi d'ascenseur amer pour lui prouver que, certes, elle ne le laissait pas indifférent, mais que la réciproque était vraie, et vérifiée ? Sans réellement écouter son conseil, elle brisa de nouveau la distance frêle qu'il venait d'instaurer. L'encre d'un plaisir inassouvi coulait de ses lèvres et vint trouver un support sur lequel s'imprimer, ses pommettes, l'os de sa mâchoire, le lobe de son oreille. Sa main reposait sur sa cuisse, avant de remonter sur ses épaules et le côté de la mâchoire qui n'était pas ensevelie sous les caresses ; léger coup de pouce pour lui faire tourner la tête et attraper ses lèvres en un mordillement. Ses doigts s'enfoncèrent dans sa chevelure, avec une certaine violence dans le geste, et son autre main agrippait sèchement son t-shirt, comme si elle avait peur de le voir partir, qu'il fallait qu'elle le retienne contre elle. Son corps criait désir et sa conscience enfouie quelque part sous les décombres hurlait l'immoralité. Sa jambe passa de l'autre côté des siennes, les deux genoux de part et à d'autre du corps d'Ethan. Et à califourchon, elle s'arrêta enfin. C'était donc ça ; poussé par la lubricité et freiné par le dégoût. Encouragé par l'abandon de l'autre, arrêté par le même abandon. Elle le regarda dans les yeux, presque stupéfaite. Elle semblait se réveiller d'un rêve improbable, et se trouver dans une situation dont elle n'avait pas le moindre souvenir. Avoir conscience des évènements sans réellement pouvoir mettre le doigt sur l'enchaînement qui y a mené. Elle baissa sa tête, constatant ses mains avides qui s'étaient accrochées à son torse, son dos cambré qui réclamait les caresses, ses cuisses ouvertes, les mains d'Ethan. Soupir fatigué qui se glissa en dehors de sa bouche, comme quelqu'un qui constaterait pour une énième fois qu'il avait refait les mêmes idioties. Cercle vicieux dont on a parfaitement conscience, mais qui se reproduit sans cesse. Somnambule qui saccage sa cuisine la nuit, gentille étudiante équilibrée qui ramasse les débris des verres brisés le matin. A force, ces dérapages étaient devenus communs. On pouvait encore parler de dérapage lorsque cela ne se produisait qu'une fois, voire deux, arrivés au stade où les embrassades étaient devenues quotidiennes, ne serait-ce que pour berner un entourage dupe, on ne pouvait plus rejeter ça sur le compte de la vulgaire erreur. « J'aurais pas dû venir. J'aurais pas dû venir là, et j'aurais même pas dû venir ce soir tout court. Faut vraiment que j'arrête ces conneries, putain, bordel, putain. » Et elle se dégagea de ses genoux, regagnant le canapé, à l'autre extrémité. « Je suis désolée. Je sais que je peux pas me plaindre de... de ne plus être ce qu'on était, et toutes ces choses-là, et en parallèle, faire... faire de ce que je fais. » Elle laissa alors tomber sa tête contre le moelleux, lasse et fatiguée. C'était vraiment ça, de la fatigue. Épuisée de savoir que son pire ennemi était soi-même, et que venait en deuxième position la personne qu'on aimait désespérément le plus. Épuisée de devoir s'armer pour tuer le désir, et de se rendre compte à la fin de la guerre que le vainqueur reste le même : la luxure agissait comme une divinité surpuissante contre laquelle toute résistance était vaine. La résignation était la seule échappatoire possible ; qu'elle soit volontaire ou forcée, le résultat était toujours le même.
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MessageSujet: Re: Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth    Nobody said it was easy Ҩ Elizabeth  EmptyMar 14 Fév - 1:09

Mais la passion est comme une drogue : en connaître les effets ravageurs n'a jamais empêché personne de continuer à se détruire après avoir mis son doigt dans l'engrenage.


Il aurait préféré qu’il ne s’agisse que de ça, que d’une vulgaire vengeance. Il aurait voulu pouvoir affirmer avec la plus grande des sincérités qu’il détenait un contrôle total de la situation, et qu’il n’avait agit qu’en vue de la punir pour son effronterie. Attiser son désir pour mieux la rejeter sur le bas-côté ensuite. La vérité, c’est que cela ne lui était même pas venu à l’esprit. Il ne songeait qu’à la faire sienne, qu’à gouter à la saveur de sa peau jusqu’à se faire emporter par la frénésie de l’ivresse. S’en délecter jusqu’à en connaitre la moindre parcelle à la perfection, encore et encore. Et encore. Mais entre ses fantasmes et ce qu’il pouvait réellement se permettre, il y avait un gouffre. Un précipice du haut duquel il irait se fracasser la nuque et la colonne vertébrale s’il osait tenter de le franchir. Freiné par un dégout de lui-même lancinant, il s’écarta à contrecœur. Espérant qu’elle suivrait son sage conseil autant qu’il aspirait à ce qu’elle brave tous les interdits. Un râle de plaisir s’échappa de sa gorge lorsqu’elle se rapprocha, et le traitre lui servant de palpitant eut un lamentable raté qu’il aurait préféré ignorer royalement. Il semblait loin le temps où elle étouffait un cri d’horreur sous la violence de son abject dérapage, et c’était bien ça le pire. Atteints à un tel point que c’en était effrayant. Frôlements aphrodisiaques aptes à réduire ses reins en cendres, alors qu’il laissait ses lèvres se faire capturer avec une fougue et une brutalité auxquelles elle ne l’avait pas habitué. Appétit vorace qui le détruisait, tant il savait par avance qu’il en ressortirait aussi assoiffé et esseulé qu’auparavant. Il se sentait partir, il perdait pied. Tendant les bras à cette dévorante chimère qui le broyait gentiment sous l’assaut de ses crocs métalliques. En oubliant son devoir, sa fraternité, son identité. Savourant ses satanés baisers et ses caresses détraquées. Son corps affamé n’avait de cesse que de chercher à se plaquer davantage au sien et ses doigts entourèrent ses cuisses puis sa taille avec hargne lorsque ses genoux se faufilèrent de part et d’autre de ses jambes. Fourbes serpents désireux de resserrer l’étau autour de ses hanches lascives tout en cernant parfaitement le caractère fugace de l’instant.
Car il y avait toujours, inlassablement, ce putain de moment de lucidité. Ce retour de flammes exécrable où il semblait sortir de son état second en réalisant qu’il n’était autre que son frère. Clairvoyance soudaine, amère tournure, lui donnant irrémédiablement la nausée. Lacérant ses entrailles pour qu’il n’en reste qu’un amas répugnant de chairs sanguinolentes. Aussi horrifié qu’elle par la vile position de leurs enveloppes putrides, par ce besoin viscéral de s’aimer désormais autrement que d’un attachement platonique. L’écœurement le faisait grimacer, mais elle n’en restait pas moins belle à en crever. Et il lui suffisait de plonger son regard trouble dans ses prunelles d’un bleu à faire s’en damner un saint pour vouloir renier jusqu’à son sang. Il tremblait de honte, de désarroi, tout en brûlant de réitérer ce monstrueux affront à sa morale. Ses phalanges se glissèrent doucement dans sa chevelure d’ébène alors que les douloureux remords se frayaient un chemin jusqu’à son oreille. Il ne fit rien pour la retenir, l’observant rejoindre l’extrémité du sofa sans broncher. Un soulagement autant qu’un supplice. Il se sentait affreusement sale, et toute l’eau du monde ne suffirait malheureusement pas à le laver de ses péchés. Vermine tenace, grignotant ses os jusqu’à la moelle et rongeant ses nerfs jusqu’à la césure.

« J’aimerais te jurer que ça ne se reproduira plus, mais ce serait qu'un grossier mensonge de plus. Je recommencerai et… on sait tous les deux que si c’est pas toi qui viens, c’est moi qui viendrai te chercher. »
Ce n’était pas une menace, juste un fait. On ne peut pas lutter éternellement contre ce que l’on est, contre ce qu’on veut au plus profond de sa cage thoracique. Surtout quand on a aussi peu de volonté qu’eux. Quand l’un s’échinait à ne pas céder, l’autre se chargeait de le pousser à bout pour qu’il craque. Quand l’un prenait la décision éclairée de s’éloigner un temps, l’autre le poursuivait jusqu’à son refuge précaire. C’était interminable, sans fin, parce que ça les dépassait désormais complètement. Même si la décence hurlait à l’infamie, même s’ils luttaient de toute leur âme souillée par le Mal. « Et puis bordel arrête de dire que t’es désolée, au stade où on en est hein… ça devient ridicule. » Les excuses ne servent plus à rien, on n’en a plus aucune de valable.
Il se releva finalement, regagnant sa chambre pour fouiller dans l’un de ses placards avant de revenir avec une couverture. L’une de ses mains obligea les pieds de la jeune femme à venir s’échouer sur le canapé, avant qu’il ne recouvre maladroitement son corps frêle avec le morceau de tissu qu’il venait de rapporter. « Maintenant fais au moins semblant de dormir… On ira à l’hôpital tout à l’heure, là il fait nuit noire. Je veux plus discuter. » Grognon, épuisé, il se laissa tomber dans le fauteuil à quelques mètres, attendant avec une résignation pénible que le jour se lève et les transperce. Attendant avec appréhension de retourner affronter leur lieu de travail, son environnement hostile. Ce jeu de faux semblants qui n’en était au fond plus tellement un.


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