this is where we're meant to be
Je suis né à New York le 9 février 1984. J’étais le deuxième de la famille, après Leah, ma sœur ainée, âgée à l’époque de deux ans. Dès le premier jour de ma vie, elle a commencé à me protéger. A ce moment là, c’était peut être plus parce que je ressemblais à sa poupée préférée en un peu plus gros, certes. Mais c’est toujours vrai. Nous sommes la famille new-yorkaise de base. Vous savez celle qui habite dans une jolie petite maison de Queens, qui a une voiture par personne et qui mange des hamburgers devant la télé une fois par semaine. Cette famille qui ne se verrait pas une seconde vivre dans une ville de campagne isolée sans buildings. J’ai eu une enfance totalement normale. Je suis allé à la maternelle, puis à l’école primaire, puis au collège puis au lycée, obtenant chaque fois des notes très correctes, surtout dans les matières littéraires. J’ai eu mes premières petites amies au collège, des histoires d’adolescent cherchant une copine pour parader en soirée, sans beaucoup plus d’intérêt. Je vivais ma petite vie tranquille, entre cours et petites fêtes sans grandes originalités. J’avais quand même une super bande d’amis quand j’y pense. Je faisais partie de ces gens que l’on dit « populaires », et j’en étais très fier, ce qui, avec le recul, me fait toujours beaucoup rire maintenant.

Quand est venu le moment fatidique des choix d’universités, j’ai paniqué. Heureusement pour moi, Leah qui était à Columbia m’a conseillé de venir la rejoindre et de faire lettres classiques. Je l’ai demandé, je l’ai eu et je me suis retrouvé sans trop comprendre comment sur les bancs d’un amphi bondé à écouter des cours théâtraux plus ou moins intéressants selon les professeurs et les sujets. Tout le monde me disait que j’écrivais particulièrement bien et que j’avais de la chance. Malheureusement, cela ne m’a jamais donné d’intérêt particulier pour les matières que j’étudiais. Je faisais ce que je pouvais et j’étais parmi les meilleurs élèves de ma classe mais cela ne rattrapais pas l’ennui profond que je ressentais à l’idée d’aller en cours. Alors j’ai commencé à écrire des petites histoires pendant que mes professeurs étaient persuadés que je prenais assidument des notes. C’est pendant cette période que j’ai inventé Simon le poisson, Gaspard le lézard et Gaëtan l’éléphant, des personnages qui à première vue n’ont rien à faire ensemble mais qui sont tout de même les meilleurs amis du monde. A la fin de mes études, cinq ans plus tard, j’avais mon diplôme en poche et cinq nouvelles enfantines que je rêvais, sans oser réaliser cette idée, de publier.

Alors que j’étais encore à l’université j’ai rencontré Evalee. Nous avions tous les deux vingt ans, même si je m’apprêtais à en avoir vingt et un. Je suis tout de suite tombé amoureux, mais j’étais trop timide pour oser lui avouer tout ça. Il a fallut que j’attende la fête organisée pour ma majorité et quelques verres de champagne avant que j’ose lui demander d’être ma petite amie. Ce que je lui ai proposé dans ces termes exacts, terrifié comme j’étais. Je ne sais toujours pas comment elle a pu accepter, mais elle l’a fait. Elle était encore boxeuse à cette période, et j’adorais aller la voir durant ses matches même si elle me faisait très peur de temps à autres. Elle lisait mes histoires et les trouvait super, c’est elle qui m’a forcé à aller trouver un éditeur pour les publier. A ma plus grande surprise, mon rêve s’est réalisé. Un an plus tard, toujours ensemble, nous assistions à la sortie de mon premier livre.

Il y a deux ans, lorsqu’Eva a du arrêter sa carrière de boxeuse, j’ai subi ses quelques sautes d’humeur sans aucun problème. Je comprenais parfaitement la difficulté que cela représentait pour elle. Le fait de ne pas avoir le choix. Alors je lui ai proposé de retourner vivre à Arrowsic, la ville où elle était née. Ce choix me coûtait beaucoup, étant très citadin, mais ne me dérangeait pas tant que ça. J’aimais Evalee, et s’il ne fallait que ça pour qu’elle soit bien comme avant, je pouvais faire quelques concessions. J’ai regretté ce choix chaque minute de notre vie ici. Les buildings me manquent trop, l’ex d’Eva, Sheila, me semble beaucoup trop proche de ma petite amie et je n’ose plus faire la demande en mariage que je comptais faire en arrivant ici. La bague de fiançailles attend sagement son moment, coincée entre deux paires de chaussettes dans mon tiroir. Vivre toute ma vie avec Evalee est tout ce que je désire le plus, mais je ne suis plus du tout certain de ses sentiments à mon égard.