Un beau jour de mai (le dix-sept, précisément) de l’année mille neuf cent quatre-vingt sept à l’hôpital de Guadalajara (Mexique), on pouvait entendre une jeune femme crier, hurler même. Cette jeune mexicaine d’habitude douillette, n’arrivait pas à supporter la douleur qu’elle ressentait dans son bas-ventre, malgré la péridurale. Oui, vous l’aurez bien compris, cette femme est en train d’accoucher. Elle ne sait pas si elle attendait un petit garçon ou une petite fille, mais dans tous les cas, elle savait déjà quel prénom donner. Quelques minutes plus tard, le ton était donné, le tout était fixé. C’était un garçon, un magnifique petit garçon : moi. La sage-femme demanda, avec un large sourire, à mes parents quel prénom ils avaient choisi pour moi. C’est donc sans aucune hésitation qu’ils répondirent en chœur : « Leandro Ricardo Giovanni Dos Santos Ramirez », mais vous pouvez m’appeler tout simplement Leandro Dos Santos.
Deux ans plus tard, la scène se reproduisit. Seulement, il y avait quelques différences. Tout d’abord, ce n’était pas le dix-sept mai, mais le premier décembre. Et bien sur, le plus important, ma mère attendait une fille, non plus un garçon. Etant donné que c’était son deuxième enfant, elle était moins nerveuse, mais elle n’en avait pas moins mal, au contraire. D’ailleurs, quand j’étais jeune, je n’arrêtais pas d’enquiquiner ma petite sœur sur le fait que ma mère avait plus souffert pour elle que moi. Rien de bien méchant, ce sont des blagues d’enfants : « Tu avais la tête tellement grosse que t’as fais mal à maman. ». Et pourtant, sa tête est la plus belle tête que je n’ai jamais vue de ma vie. Graziella Julia Perdita Dos Santos Ramirez, ma petite sœur, mon petit ange.

Quatre ans plus tard, c’était le temps de la rentrée en classe préparatoire. Vous savez, la classe où l’on apprend à lire, à écrire, à compter, à lacer ses lacets et à compter deux par deux ? Et bien, je m’attendais à aller dans l’école primaire du quartier de mon enfance, avec mes copains. Mais mes parents en ont décidé autrement (même si ce n’est pas vraiment eux qui l’ont décidé). En effet, mon père (qui travaille dans la publicité) a été muté à Arrowsic dans l’Etat du Maine, aux Etats-Unis. Quand mes parents me l’ont dit, j’ai pleuré quasiment toutes les larmes de mon corps. En fait, je n’étais pas spécialement triste de quitter mes copains. Non, ce qui me faisait peur, c’était d’aller dans un pays inconnu, dont je ne connaissais pas la langue. Comment allais-je m’en sortir ? C’est la question que je me posais du haut de mes six ans.
Finalement, nous avons déménagé et j’ai adoré cette classe. Pour plusieurs raisons. Premièrement, je m’étais une tonne de copains et je m’étais superbement bien intégré au quartier. C’est vrai, tous les enfants étaient heureux de pouvoir nous aider à apprendre leur langue. D’ailleurs, ma sœur et moi avons appris l’anglais en à peine trois ou quatre mois. Et en plus de ça, je devenais un tout petit peu plus autonome qu’en maternelle. Pas grand-chose, mais à cet âge-là, c’était beaucoup. Ensuite, nous avons grandi, nous avons appris à faire de la conjugaison, nous avons fait de la poésie et nous avons même appris pourquoi le quatre juillet est une date si importante dans le cœur des américains. Enfin, je ne vais pas vous refaire tout le programme des classes de primaire, nous avons juste bien grandi.
Quand je fus âgé de onze ans, soit l’été avant ma rentrée au collège, ma petite sœur est tombée gravement malade. Nous étions retournés au Mexique pour les vacances, et ce jour-là, nous étions à la mer. Je ne pus m’empêcher de remarquer le fait que ma sœur avait considérablement maigri, mais je ne l’ai pas dis, je n’en voyais pas l’intérêt. Le soir, Grazy se plaignait d’une forte migraine, et elle se sentait affaiblit, n’arrivant même plus à marcher seule. Mes parents, inquiets, l’amenèrent à l’hôpital. Elle a passé toute une batterie d’examens et les résultats sont finalement tombés : elle avait le diabète. Je ne vous cache pas que même si ce n’est pas une maladie bénigne, je me sentais soulagée de savoir qu’il y avait des médicaments qui pourraient l’aider. Ma sœur n’allait pas mourir, du moins, je l’espérais.

Seulement deux ans plus tard, je rencontrais l’une des femmes les plus importantes dans ma vie. Il y avait ma mère, ma sœur et celle qui est devenue ma meilleure amie, Jenna-Ally. Je ne sais même plus comment on s’est rencontré. Pour moi, c’est comme si on se connaissait depuis toujours. Quand elle est arrivée, elle était tellement fragile ! Je n’étais pas connu comme étant le garçon le plus sensible, le plus protecteur (sauf avec ma sœur) et autres, et pourtant, je n’ai pas su résister à ces petits yeux timides et tristes. Elle est arrivée en ville suite à la mort de son père et je suis fier de pouvoir dire que j’ai su être là pour la consoler. Pour moi, Jenna est comme ma seconde sœur, je la défends, je la protège et je fais tout pour qu’elle soit heureuse. Sauf que parfois, j’ai l’impression de ressentir plus qu’un amour fraternel à son égard. Elle me fait… fondre. Mais je ne pouvais pas tomber amoureux d’elle. Non, je ne pouvais pas prendre le risque de perdre ma meilleure amie.
« Pourquoi tu fuis toujours Leandro ! Arrête, arrête de faire semblant, on le sait tout les deux, on ne peut plus nier, je t'aime et tu m'aime aussi ! » « Mais t'es parano Jenna, prends pas tes rêves pour la réalité. » « Quoi ? Moi parano ? Oh c'est vrai, tu as raison, on a juste couché ensemble trois fois cette semaine, mais c'est normal c'est ce que font les amis entre eux non ? Alors pourquoi j'en fais toute une histoire, je suis vraiment bête ! » « C'était une erreur Jenna, je ne voulais pas coucher avec toi, c'était une passade, on a prit du bon temps voilà c'est terminé. » « Une passade ? D'accord, alors regarde moi dans les yeux et dit moi que tu ne ressens rien pour moi. » « Joue pas à ça Jenna. Je... Non sérieusement, arrête. Désolé je dois y aller. »
Et je suis parti. Depuis, je n’ose même pas la voir. Je l’évite. Je ne peux pas. Oh que non, je ne peux pas avoir des sentiments amoureux pour Jenna, ma meilleure amie, ma sœur. Ce ne serait pas correct. Elle souffrirait à cause de moi et je finirais par la perdre et je ne m’en remettrais pas. Pourtant, quelques mois plus tard, je n’ai pas pu résister et c’est avec très peu d’appréhension que Jenna et moi nous sommes officiellement mis en couple. Nous avons vécu quelques mois de pur bonheur, avec Jamie, sa fille. Qui est aussi la mienne. C’est d’ailleurs la cause de notre rupture. En fait, Jamie est ma fille et pendant tout ce temps, Jenna me l’a caché. Elle m’a fait croire que nos petits écarts de conduites lorsque nous n’étions pas encore ensemble avaient été sans conséquence. Elle m’a toujours juré sans honte qu’elle était certaine que je n’étais pas son père. J’avais pourtant insisté, mais comme elle me le jurait, je l’ai crue. Jusqu’au jour où elle me l’a enfin avoué. Je l’ai vraiment mal pris. Et j’ai décidé de faire une pause. Une pause qui s’est transformée en rupture. Et là, dans un élan de je-ne-sais-quoi, j’ai décidé de me mettre en couple avec Tennessee, une amie que je connais depuis pas mal de temps déjà. Nous ne sommes pas un vrai couple, elle peut aller voir ailleurs si elle le souhaite, moi de même. Mais, j’éprouve assez d’affection pour elle pour ne pas aller voir ailleurs. Et de toute manière, la seule que j’ai envie de voir, c’est Jenna.