this is where we're meant to be

Les yeux qui tournaient de partout, n'arrivant pas à se poser sur une chose fixe. Des petits yeux, allongée dans mon lit et sous ma couette, je m'étais enroulé dans ma couette comme un légume. Je me sentais bien, je me sentais mal. J'étais seule dans ma chambre, j'avais chaud et puis j'avais froid. Tout semblais normal à cet instant, je ressemblais à toutes les petites filles de mon âge, celles qui aiment le rose, celles qui ont des maisons de poupées et des barbies, mais moi j'étais un cas à part, j'ai toujours été un cas à part et je resterais un cas à part. Ma porte de couleur rose était souvent fermé à clé histoire que je ne sorte pas de ma chambre, c'était une sorte de punition. Mais ce jour là je n'avais rien fais, j'avais été totalement sage à l'école bien que je détestais plus que tout ma maîtresse. Un jour je lui avais mordu le bras parce qu'elle avait osé me gommer une rosasse que j'avais faite spécialement pour ma maman. Pouffiasse. Bref, je m'égare. Seul mon papa avait la clé de ma chambre et il m'enfermait quelques soirs, enfin tous les soirs après le diner. D'ailleurs, ce diner se passait toujours mal parce que je mangeais toujours toute seule sur cette grande table en bois. J'avais le cafard, c'est surement pour cela que j'étais discrète quand j'étais môme, mais cette discrétion cachait ma sensibilité et mon manque d'amour, un grand manque d'affection. Ma porte était toujours fermé mais mes oreilles étaient bien ouvertes, elles. J'entendais les pleurs de ma maman, les cris de mon père et le jour où j'ai essayé de m'en mêler, naïvement, cet homme saoul s'en ai prit à moi. La bouteille à la main, un couteau dans l'autre armé de ses paroles menaçantes et effrayantes. J'avais 6 ans, je ne comprenais pas, je ne savais pas quoi faire et pire j'écoutais mon père qui me disait que je devais fermer ma gueule. J'avais mal, j'avais des bleus et un œil au beurre noir mais quand on me demandait si quelqu'un s'en était pris à moi, je disais que j'étais tombée dans les escaliers. Je suis devenue une menteuse, une peureuse mais enfant battue et je ne pouvais pas me protéger, ni protéger ma mère. Ensemble nous étions impuissante face à cet ivrogne, alors nous devons nous soumettre à ce bâtard et cela pendant de longues années. La peur au ventre, nous nous devions ne se taire, de ne rien dire afin que rien de trop grave vint à se passer.


Cela faisait une douzaine d'année que j'étais dans cette vie merdique, avec une mère soumise et un père alcoolique. Il avait un vrai problème ce paternel, il avait un réel problème pour taper tous les soirs les deux femmes de sa vie, enfin femmes de sa vie, ou pas. Je commençais peu à peu à comprendre que fermer ma gueule était encore pire que de parler, cela ne servait à rien. Toutes les personnes qui m'ont tendu la main pour pouvoir m'aider en voyant des bleus couvrir mes bras et mon visage, et moi l'imbécile qui refusait. J'avais douze ans quand j'ai décidé de dire stop, de prendre ma vie en main même si je n'étais qu'une enfant. Un soir alors que je n'avais pas encore reçu mes coups habituel, je suis passée par ma fenêtre très discrètement et je suis partie en courant. Je n'ai jamais autant couru de ma vie, ni aussi vite. Mais j'avais tellement peur qu'il me retrouve, qu'il me rattrape et qu'il me punisse. J'avais tellement peur de cet homme que j'aurais pu me suicider s'il m'aurait retrouvé. Évidemment, je me suis retrouvée à la rue et à douze ans on ne peut pas se défendre seule. Entre les clochards qui foutent les pétoches et les pervers qui trainent la nuit, il fallait que je trouve quelqu'un pour m'aider, une personne qui pouvait m'inspirer confiance. C'est lors d'un beau matin qu'une femme m'a trouvé assise là, une enfant en pleur, les mains sales et les cheveux en couette mal faite. Les bleus étaient apparent et prise de pitié elle m'a emmené chez elle. Elle a été comme une seconde mère, elle m'a laissé prendre une douche, elle m'a préparé à manger, elle m'a coiffé comme si j'étais une poupée. J'aurais pu dire que j'étais heureuse, mais les bleus sur les bras me rappelaient mon père qui était surement en train de me chercher. Si c'était le cas, je ne préférais pas imaginer les retrouvailles. Plutôt mourir que de revoir cet homme. En parlant de lui, je suis devenue quelqu'un d'autre. Je suis restée chez elle quelques temps, mais elle m'a viré quand j'ai soit-disant fait des avances à son fils, plus vieux de deux ans de plus que moi. Ma version est que c'était lui qui m'avait touché les fesses, qui avait tout fait ce qu'il pouvait pour que je termine dans son pieu et c'est moi qui me suis faite virée. J'avais 16 ans quand j'ai demandé d'être placée dans une autre famille d'accueil.


Je suis tombée amoureuse de l'enfer et de ses passions. Le sombre, le noir, le mal, l'interdit tout cela m'attirait. Pourquoi ? Parce que j'étais une adolescente de 16 ans et c'était la même période des premières fois, des expériences, des découvertes. Les tests et les expériences ont fait de moi une toute autre fille. Loin de la petite fille parfaite, discrète, soumise, timide et renfermée que j'étais autrefois, je me suis littéralement lâchée. Je suis entrée dans la cours des grands. Mon entrée dans le lycée d'Arrowsic, suite à mon aménagement ici dans une famille d'accueil qui vit ici depuis toujours, a été l'élément déclencheur de cette descente aux enfers. Je me sentais assez seule et la drogue était mal seule compagnie. Je suis devenue une accroc, malade à cette merde quitte à donner toute ma thune. Cela fait maintenant seulement un an que je vis ici, j'attends de finir mes études avant de me casser de cette ville en carton. Les habitants sont tous des abrutis, des débiles et je n'ai aucune envie de me fondre dans la masse ou encore de m'intégrer ne serais-ce dans le lycée. On me définit comme garce, ce n'est pas tout à fait faux parce que je parle à des personnes que quand ça me chante, quand ça m'arrange et quand ça peut m'apporter quelque chose. Je vis dans mon monde et aucun autre monde existe pour moi, je ne suis pas le nombril du monde, enfin c'est ce qu'on a beau me dire, mais je n'arrive pas à accepter les autres. Mon passé m'a construit une sorte de carapace, garce, méchante, hypocrite, à la limite violente par moment, mais je reste quelqu'un de très souriant, gentille et agréable, du moins uniquement quand je le souhaite et avec qui je veux. Je veux vivre dangereusement, je veux un homme dangereux, je n'ai pas d'autre ambition dans la vie que de vivre une vie mémorable et qui ne rentre pas dans la routine de tous les gens qui travaillent. Je veux faire de ma vie une putain d'œuvre d'art, une vie à la Bonnie and Clyde. Un amour passionnel et interdit, voilà ce que je veux. Ce n'est pas si compliqué de me comprendre dans le fond.