this is where we're meant to be
Je suppose que si je ne commence qu’à vous parler de l’année de mes treize ans, vous allez me demander pourquoi et qu’est-ce que j’ai à cacher, alors autant éviter toutes ces questions et vous dire pourquoi ma mère nous a emmenée moi et ma sœur cadette le plus loin possible de Point Pleasant. En partie à cause de mon père où plutôt de la réputation qu’il a acquise là-bas. Comme pour toutes les petites filles, mon père a toujours été mon héros, il était grand, fort, passant beaucoup de temps avec moi, à jouer, à parle, à faire des balades le long de la plage. Du point du vue de ma mère, il a toujours été un bon mari, et un homme respectable. Mais il suffit d’une erreur pour tout bouleverser. C’était un soir de mars, mon père agent immobilier et ses collègues s’étaient réunis pour fêter une grosse vente immobilière. Alors qu’il ne buvait jamais à outrance, mon père a ingurgité deux verres de champagne de trop. Ça aurait pu n’avoir aucune conséquence. Sauf qu’au chemin du retour, dans un virage réputé dangereux, il a dévié sur la route d’en face et a percuté la voiture qui roulait en sens inverse, tuant sur le coup la mère de famille au volant ainsi que l’une des deux petites filles assises à l’arrière. Si mon père n’avait pas bu, tout ça aurait passé comme un accident de la circulation, un homicide involontaire, mais comme son alcoolémie dépassait les limites légales, les choses ont évolué différemment et mon père a rapidement été montré du doigt, et désigné comme étant l’homme qui décimé une famille entière. Mon père a été jugé coupable et condamné à une peine de prison ainsi qu’à une amende assez considérable pour la famille « normale » que nous étions. J’avais 10 ans quand cet accident est arrivé, et pendant trois ans, j’ai du supporter les railleries et méchancetés de mes camarades d’école, et ma mère les regards en travers des gens qu’elle croisait dans la rue. C’est ce qui l’a poussé à déménager, même si la peine de mon père n’était pas encore finie, loin de Point Pleasant. Arrowsic a été choisi parce que ma grand-mère maternelle y vivait et avait proposé de nous héberger le temps que nous nous installions.

J’avais 13 ans lorsque je suis arrivée ici, et même si j’étais contente de ce déménagement, j’avais du mal à me détendre. Je restais crispée et un peu dans mon coin. Heureusement qu’un certain Leandro est venu vers moi dans la cour de récréation lors des premiers jours de classe et a réussi à m’arracher un sourire en moins de cinq minutes. Il s’est même assis à côté de moi le même jour, et m’a écrit des petits mots pour en savoir plus sur moi pendant tout le cours. C’est Leo qui le premier m’a proposé un tour des environs pour me familiariser avec la ville, qui m’a fait monter en haut du Squirrel Point Light pour avoir une jolie vue de la ville de nuit, alors que j’avais le vertige, qui m’a servit mon premier verre d’alcool un an plus tard, prélevé dans le bar de ses parents alors qu’ils étaient absents pendant la soirée. Et rapidement, je suis tombée sous son charme, je suis tombée amoureuse de mon meilleur ami. A 15 ans, j’ai pris une grande inspiration et je lui ai fait comprendre que j’avais des sentiments pour lui, mais je n’étais que sa meilleure amie, sa deuxième sœur à ses yeux. Mais je ne pouvais pas me le sortir de la tête, il fallait que ce soit lui. A tout prix. Jusqu’à mes vingt et un ans, j’ai même repoussé tous les garçons qui s’intéressaient à moi, pour être libre si jamais il changeait d’avis et se rendait compte que mes sentiments étaient réciproques, mais qu’il se le cachait pendant toutes ces années. Je suis même passée pour une lesbienne, car une fille qui repoussait toutes les marques d’affection de la part d’un garçon ne pouvait être que ça. Puis, je me suis faite une raison, il enchainait les filles, pourquoi s’intéressait-il à moi ? J’ai rencontré Kevin un peu plus tard, et peut-être parce qu’il ressemblait un peu à Léandro, je suis tombée follement amoureuse de lui. Il avait des défauts, certains qui ne le rendaient pas vraiment dignes de moi d’après mes parents, qui eux aussi me voyaient finir un jour ou l’autre avec Leo, mais devant mon insistance, il se sont fait une raison. Un soir où Kevin était parti se saouler avec des amis à lui, j’ai passé la soirée chez Leandro, un peu comme quand on n’était que des adolescents. On a mangé, discuté, bu quelques verres de vin, parlé de notre vie actuel, de tout un tas de choses, et inorexablement, on s’est rapprochés, cherchés jusqu’à échanger ce premier baiser. D’autres ont suivi, de plus en plus poussés. Je me suis réveillée le lendemain matin dans son lit, collée à lui, complètement nue. Et je me suis rhabillée en vitesse et suis rentrée chez mes parents avant qu’il se réveille. J’étais complètement perdue et je ne savais pas quoi faire. Il a continué de se comporter tout à fait normalement avec moi, comme deux amis.

Un peu plus d’un mois plus tard, j’étais encore plus perdue. Je venais de faire un test de grossesse qui s’était avéré positif. Il y avait 50% de chances que le père soit Kevin et 50% de chance que ce soit Léo. Mais je savais que le bébé était de mon meilleur ami, je le sentais au fond de moi. J’ai annoncé à Kevin que j’étais enceinte de lui, ça l’a fait fuir direct. Je m’y attendais un peu mais forcément, j’allais maintenant être seule pour élever ce bébé et je n’ai pas pu m’empêcher de pleurer dans les bras de Léandro un peu plus tard dans la soirée. Je lui ai menti en lui disant que le bébé était de Kevin. Dans ma tête, les idées s’entremêlaient : d’un côté, être enceinte me faisait vraiment peur, j’étais loin d’être prête à devenir maman à 21 ans, prête à ne plus être une enfant, prête à laisser tomber mes études de langues étrangères, prête à renoncer à cette année d’échange universitaire. Et d’un autre côté, je ne me sentais encore moins capable d’avorter ou d’abandonner ce bébé, surtout s’il était de Léo, comme j’en étais sure à ce moment. Il a été formidable pendant mes neuf mois de grossesse, il venait souvent me voir, m’a apporté mes devoirs pour que je puisse terminer mon année universitaire, est venu avec moi choisir des meubles, une poussette, des vêtements pour la petite fille qui allait bientôt naître. Ma grossesse nous a rapprochés en quelque sorte. Juste après mon accouchement, quand la sage-femme a posé Jamie son mon ventre pour notre premier contact, j’ai tout de suite reconnu les yeux de Leandro dans les siens, et j’ai tout de suite su que j’avais pris la bonne décision en gardant ce bébé. Je suis restée chez mes parents six mois, avant de déménager dans un appartement avec Jaimie. J’ai trouvé un emploi de réceptionniste, avec des horaires de jour non loin de la crèche qui allait la garder. Pas mon job de rêve, mais je ne voulais pas rester assise des journées entières seule derrière un bureau comme une secrétaire. J’ai essayé de refaire ma vie, mais très peu d’hommes étaient intéressés par les femmes qui avaient un enfant en bas âge dont le père était le meilleur ami. Je m’étais résolue à rester seule quelques années, jusqu’à ce que Jai soit assez grande pour rester seule en soirée et que je puisse sortir. Sauf que Léandro choisit ce moment pour m’annoncer qu’il était tout doucement tombé amoureux de moi, et qu’il ne voulait que moi. J’aurai pu sauter de joie ce jour-là, ma « famille » allait enfin être réunie. Sauf qu’il restait un problème de taille, il ne savait toujours pas qu’il était le père. J’ai attendu de longues semaines afin d’oser le lui avouer, et il a mal réagit. Je ne peux pas lui en vouloir, je lui avais menti après tout. Mais j’aurai préféré qu’il ne réagisse pas aussi violemment. J’étais blessée, lui aussi, mais pour le bien-être de notre fille, on se parlait aussi courtoisement que possible devant elle, et je faisais de gros efforts en le laissant passer des moment seul avec elle. Sans que j’intervienne. Mais depuis qu’il sort avec Tenessee, je ne sais pas, je me sens comme jalouse d’elle. Jalouse parce qu’elle m’a pris « mon homme », le seul que je veux. Ma seule vengeance est de le laisser moins voir Jaimie, je sais que c’est puéril, mais c’est plus fort que moi, il me blesse en voyant une autre femme, et je lui rend en quelque sorte la pareille en me servant de notre fille. Si seulement il pouvait me pardonner, revenir vers moi, qu’on forme de nouveau une famille, pour le bien-être de Jaimie, et le notre … c’est mon seul rêve …