this is where we're meant to be

mother will never understand why you had to leave, but the answers you seek will never be found at home. run away, turn away, run away, turn away, run away.

Je suis née et ai habité Arrowsic, jusqu'à mes dix-neuf ans. Comme beaucoup de jeunes de cette ville, j'ai voulu partir. Pour autant que je m'en souvienne, j'ai toujours rêvé d'être actrice, chanteuse, mannequin, ou tout autre métier qui vous propulse au devant de la scène. Dès mes cinq ans, je voulais être connue, adulée. Et Arrowsic était à une éternité de répondre à mes attentes. Trop petit, trop campagnard, trop loin de tout. Je me sentais oppressée, j'avais la sensation de me noyer dans cette ville qui ne me comprenait pas. Alors je suis partie. Au grand bonheur de certains. Oui, parce que j'ai apparemment laissé quelques mauvais souvenirs, et je pense que beaucoup s'accordent pour dire qu'Arrowsic est plus paisible sans moi. J'ai un caractère de cochon, je l'avoue. Beaucoup me qualifient d'égoïste, et ils sont dans le vrai. Mais mettez vous à ma place : une jeune femme sublime, pleine de talent qui pourrit dans une vieille ville du Maine. Oui, je suis mieux que quiconque dans cette ville, j'en suis persuadée, et je le montre. Alors regardez moi comme une petite capricieuse qui regarde tout le monde de haut, car c'est totalement ce que je suis.

Bref, je suis partie quelques jours après mes dix-neuf ans, laissant derrière moi ma mère en pleurs et mon père déçu que je ne continue pas mes études. Mais à quoi servent les études pour faire du mannequinat ? Car, c'était ça que je voulais faire. Être convoitée par toutes les grandes marques de la mode, me voir sur les panneaux publicitaires tous les jours, ne jamais porter deux fois les mêmes chaussures, c'était ça mon rêve. J'étais une piètre chanteuse, nulle pour la comédie, et il me restait le mannequinat, où j'avais simplement à rester mince et afficher mon plus beau sourire. C'était jouable, j'avais le potentiel pour cela, et je le savais. Mais pas ici, pas à Arrowsic. J'ai pris un billet de train pour New York sans me retourner. Quitter ma petite ville natale m'a soulagée d'un poids incroyable. Je me sentais bien, je me sentais forte, je me sentais invincible. Arrowsic, ce n'était pas chez moi. New York, si.

J'ai visé haut, dès le début. IMG Models. Le rêve, l'extase. Et ça a marché. J'ai démarré sur les chapeaux de roue, propulsée directement sur les podiums les plus convoités. Mes deux premières années dans le mannequinat furent sans aucun doute les plus heureuses de ma vie. Mais toutes les bonnes choses ont une fin, n'est ce pas ?

i'm coming home. tell the world i'm coming home. let the rain wash away all the pain of yesterday.

J'enchaînais voyages sur voyages, défilés sur défilés, fêtes sur fêtes. C'était parfait. Mais je suis tombé enceinte. J'étais partagée entre deux univers totalement différents, entre deux possibilités. Et j'étais obligée de faire un choix. Je ne voulais pas avoir un enfant sur les bras pendant ma carrière, et d'un autre côté, abandonner un rêve qui venait de se réaliser me semblait totalement absurde. Je n'ai pas dormi pendant quelques jours, me posant toujours et encore les mêmes questions. Et un jour, au petit matin, ma décision était prise.

J'ai avorté. J'ai effacé l'avenir de ce petit être en moi comme on gomme une erreur, et j'ai tenté d'oublier. Ma routine de mannequin - si un mannequin peut avoir une routine - a recommencé, comme auparavant. Argent, défilés, drogues, sexe. Rien n'avait changé. Mis à part moi.

Je ne cessais de me répéter qu'un enfant, je pourrais bien en avoir plus tard, que de toute façon j'étais trop jeune pour m'occuper d'un gosse et que le mannequinat et le métier de maman ne sont pas compatibles, je m'imaginais toujours ce que ma vie aurait été si j'avais arrêté ma carrière pour mener ma grossesse à terme.

J'ai commencé à détester ma vie. Je pensais toujours et encore à ce petit gars ou cette petite fille qui aurait dû naître, et je m'en voulais. Parce que sans le connaître, j'avais aimé ce petit être. Même si j'avais essayé de penser que je préférais ma carrière ce n'étais pas le cas. Les rêves ne sont pas fait pour durer. Ils font leur temps, puis on s'en lasse et on les jette pour trouver une nouvelle passion.

Je ne savais rien faire d'autre que défiler devant des photographes. J'avais arrêté mes études, trop jeune. Alors je ne pouvais pas me permettre d'abandonner la seule chose que j'étais capable de faire. J'ai continué pendant un peu plus d'un an, faisant comme si rien n'avais changé en moi.

J'ai continué, jusqu'à avoir la sensation de me noyer, comme cela avait été le cas à Arrowsic. Le passé se répétait. Je n'étais plus à ma place sur les podiums. New York m'empoisonnait petit à petit. Je n'avais nulle part où aller, aucune chance de trouver un autre boulot. Lorsque tout va mal, il est temps de rentrer à la maison.

C'est ce que j'ai fait. Arrowsic ne pouvait être pire que New York. J'ai tout quitté du jour au lendemain, et je suis retourné dans ma ville natale. Personne ne sait pourquoi j'ai arrêté ma carrière, pourquoi je suis revenue. Pas même ma famille.

Pendant quelques mois, je suis restée à me terrer chez papamaman. Je ne faisais strictement rien de mes journées. C'était d'un ennui horrible, mais cela me semblait tellement paisible après l'agitation de New York. J'ai commencé à dessiner. Juste comme ça, parce que je n'avais rien d'autre à faire. Puis je n'ai fait plus que ça de mes journées. Dessiner et peindre. Et au bout d'un certain temps, je me suis sentie mieux, plus en accord avec moi même. J'ai recommencé à sortir de chez moi, je me suis achetée un petit studio en plein Arrowsick avec une petite boutique au rez de chaussé. Et maintenant je vis de ma peinture. Ça ne me ramène pas grand chose, car rare sont les personnes intéressées par l'art dans une petite ville comme celle là, mais de l'argent, je n'en manque pas. Je fais simplement cela pour faire quelque chose de ma vie. C'est toujours mieux que rien, non ?