Ça, c'est comment tu vas finir, mec, quand elles auront vu à quel point t'es un enfoiré de première!

Coupant le contact du moteur avant de quitter l'habitacle et de verrouiller les portes derrière lui, Nels avait bien l'intention de repartir d'ici avec quelques vêtements supplémentaires. Il aurait pu demander à Lennox de l'accompagner si ce dernier en avait eu envie, mais ils avaient passé les derniers jours ensemble et Nels en avait conclu que c'était peut-être mieux pour eux deux de faire ce qu'ils devaient faire chacun de leur côté avant de se retrouver le soir venu, si tel était le désir de son ... de son quoi ? Qu'étaient-ils ? Balayant d'un geste de la main cette futile pensée, il haussa les épaules, un petit sourire étirant ses lèvres. Pour une fois, il n'avait pas osé demander à Sasha, même si cette dernière s'avérait toujours être de très bon conseil. En vérité, il avait peut-être envie de flâner devant les boutiques sans parler à personne et cette envie soudaine de solitude, qui ne le prenait jamais, d'habitude, suffirait à remettre en place ses idées et ses pensées. Il se retourna une derrière fois afin de s'assurer que ses portes étaient bien verrouillées et referma les pans de sa veste sous la brise hivernale. Passant une main dans ses cheveux pour les ébouriffer davantage que pour les recoiffer, Nels poussa la porte d'un magasin pour homme, là où il trouvait, bien souvent, la majorité de ses affaires. Il y en avait pour tous les goûts et comme il n'était pas un fan inconditionnel du temps perdu à déambuler dans les boutiques, il préférait bien souvent trouver tout ce qu'il cherchait au même endroit. Toutefois, lorsqu'il était avec Sasha, il adorait la suivre partout et lui donner son avis sur ce qu'elle essayait. Une fois, il était même entré dans la cabine, à sa suite, afin de s'amuser des réactions des gens à sa sortie. Rien n'était à leur épreuve lorsqu'ils étaient ensemble et c'était beau à voir, apparemment.

Il salua la vendeuse avec un sourire, mais celle-ci se dirigea aussitôt vers lui en laissant de côté la pile de vêtements qu'elle était en train de plier. « Ça fait plaisir de te voir! T'as besoin de quelque chose? » « Hey ! Rien en particulier non. Je... » Son attention fut néanmoins attirée par la tête blonde qui dépassait des rayons, dans le coin des marques que portaient tous les jeunes de l'âge de ... Mattia. Il y avait une chance sur mille qu'ils décident tous deux de faire leurs achats le même jour, à la même heure, dans le même magasin et voilà qu'il le trouvait là sans que l'autre n'ait semblé le remarquer, pourtant. Tant mieux, ce n'était pas comme s'il avait envie qu'on chante l'hymne national en son honneur, surtout pas en changeant les paroles pour dire il ne savait quelles conneries. « En fait, oui. J'aimerais acheter un ou deux gilets, t'as des trucs à me conseiller? » « Hum... Ouais, attends! » it la jeune femme avant de disparaître, Nels tournant négligemment le dos à Mattia afin de s'assurer que ce dernier ne le reconnaisse pas si jamais il venait à détourner les yeux. Franchement, ce gamin était insupportable. Tellement insupportable que Nels avait déjà sorti les poings, une fois. La seule chose qui avait pu le calmer lorsqu'il avait atterri chez Sasha, la lèvre en sang, c'était le fait de penser que l'adolescent s'était retrouvé, lui aussi, en aussi piteux état. Il parvenait à trouver les mots qui faisaient mal, ceux qui venaient le faire chier et l'emmerder même s'il n'aurait jamais dû y porter attention. Mattia n'était qu'un gosse impertinent, Nels n'aurait jamais dû perdre le contrôle à ce point-là, mais c'était comme ça. La fille revint avec de belles trouvailles et Nels les évalua d'un oeil critique avant de se décider à les essayer.

Quittant le magasin plusieurs minutes plus tard, le sac contenant ses achats à la main - trois chandails et deux caleçons - Nels allait prendre la direction de sa voiture lorsqu'une voix qu'il ne connaissait que trop bien le retint. Évidemment, il avait fallut que l'adolescent le remarque; il ne pouvait décidément pas passer inaperçu, c'était trop demandé. « Écoute. Toi, t'as peut-être rien à foutre de tes journées, mais moi, j'ai autre chose à faire que de m'amuser aux jeux vidéos. Qu'est-ce que tu veux, Mattia? » Nonchalant alors qu'il fouillait dans ses poches à la recherche d'un paquet de cigarettes - il ne fumait presque jamais, mais il en était venu à la conclusion que la situation exigeait de lui un calme qu'il n'avait pas, au préalable - il grimaça en se rendant compte qu'il avait dû l'oublier dans sa voiture ou son appartement. Il pouvait être des jours sans en fumer un et on ne pouvait décidément pas dire qu'il était accro puisque chaque cigarette lui donnait encore un petit effet agréable.

Jetant un rapide coup d'oeil autour de lui, Mattia se faufila un petit chemin dans la petite foule de personnes qui allaient faire ces courses ce jour-là. C'est fou ce que les gens étaient de sorti aujourd'hui. Encore heureux qu'il était grand, il plaignait les petits, ceux qui n'avaient pas une taille assez grande pour s'imposer. Enfin bon, lui, il arrivait à se frayer un chemin. A petits pas, il attérit devant la porte d'un magasin pour homme. En regardant la devanture, Mattia se rendit compte que ce magasin était celui où il avait acheté son dernier pull; un pull gris qu'il adorait, mais qui ne faisait plus parti de sa garde-robe.. Le jour où Ella et lui avaient couché ensemble pour la première fois, chez Ella, Mattia avait oublié son pull. Depuis, il n'avait pas osé lui demander quoi que ce soit; Ella lui avait envoyé une photo, et il faut le dire, ce pull lui allait à merveille. Bien plus qu'à lui. Et lui, il n'avait plus de pull fétiche à fourrer dans son sac de tennis. Alors, se retrouver devant ce magasin, était peut-être un moyen que le destin lui avait envoyé pour lui dire « allez, va te chercher un pull! ».

Il poussa alors la porte du magasin, et se faufila à l'intérieur. Le magasin était rempli de vêtements pour homme, en passant du sport-wear, au costume.. Il y en avait pour tout les goûts. Aussitôt, Mattia trouva vite le coin qui l'interessait; celui des marques. Pas qu'il aimait porter des vêtements de marque tout le temps, mais dans son sac de sport, il voulait toujours avoir un pull de la même marque. C'était comme ça; c'était de la superstition..

Il fouilla dans les rayons, trouvant un pull, à capuche, bleu, avec une raie blanche, et le logo de la marque en gros. Parfait. Et il y avait sa taille! Encore plus parfait! Il jeta alors un rapide coup d'oeil autour de lui, et là, il aperçut une personne qui lui soutira un petit sourire. Nels Cooper était là, au milieu du rayon spécial « homosexuel ». Il était en train de regarder des gilets qu'une femme travaillant ici venait de lui apporter. Des gilets.. Personne ne mettait des gilets. Sauf des homosexuels.

Mattia n'était pas ce genre de gosse qui était homophobe. Non. Il comprenait que certaines personnes puissent aimer le même sexe qu'eux. Ca, il ne disait rien là-dessus. Mais en revanche, il aimait se moquer de Nels. Parce qu'il ne supportait pas ça justement. Il le lui avait fait clairement comprendre une fois; son poing avait atteint la figure de Mattia, avant même que celui-ci ne se rende compte. Il avait évidemment répondu.

Voyant qu'il allait passer en caisse, Mattia fouilla encore un peu dans les rayons. Ce pull, il le voulait. Cet argent, il ne l'avait pas. Du coup, une idée lui était venu en tête; voler. Ce n'était rien de bien méchant; il l'avait déjà fait une ou deux fois. Peut-être trois, quatre. Et il ne s'était fait avoir qu'une fois. Ou deux.

Voyant que la vendeuse allait vers un autre type, Mattia se faufila, enfournant ce pull dans un sac plastique qu'il avait toujours dans son sac, vers la porte d'entrée. Il jeta un rapide coup d'oeil. Un type était en caisse, et était occupé par une acheteuse qui se plaignait que le prix marqué n'était pas le prix qu'il venait de lui annoncer. Une femme -celle qui s'occupait quelques temps plus tôt de Nels- était avec un autre homme. Un autre homme parlait avec un homme. Bref, tout le monde était occupé. Alors, d'un geste rapide, Mattia envoya le sac plastique contenant le pull au-dessus du portique; personne ne l'avait vu.
Il sortit alors prestement du magasin, et attrapa le sac par terre. Il aperçut alors, au loin Nels. Allez, il pouvait bien s'amuser encore un petit peu...

En l'hélant, Mattia constata qu'il l'avait lui aussi remarqué dans le magasin. Il se retourna alors, et rapidement, lui dit. « Écoute. Toi, t'as peut-être rien à foutre de tes journées, mais moi, j'ai autre chose à faire que de m'amuser aux jeux vidéos. Qu'est-ce que tu veux, Mattia? » Il se mit alors à fouiller ses poches, mais Mattia n'y fit pas réellement attention. Nels venait de lui tendre une perche. Une perche en or. Un sourire s'afficha sur son visage. « Rien, rien.. Je t'ai juste croisé dans le magasin. J'ai vu ce que tu achetais.. C'est pour quoi? Une soirée déguisée? Une soirée homo? » C'était petit et mesquin. C'était de la méchanceté gratuite. Son sourire s'élargit un petit peu plus en le voyant. Il l'imaginait avec ces vêtements, et franchement, ce n'était pas au goût du jeune tennisman.

Le voyant encore fouiller, Mattia lui demanda alors, sachant très bien que de temps en temps Nels fumait. Un homo qui fume, ça ne s'oublie pas.. « Qu'est-ce tu fais? Tu cherches des clopes? Je te stresse tant que ça? » Puis, Mattia se rendit compte que dans son sac, il avait justement quelques cigarettes. Il avait trouvé ce matin dans les affaires d'un de ses coéquipiers un paquet de cigarette. Pour l'embêter, et parce qu'il n'aimait pas voir peut-être un futur sportif bousiller une hypothétique future carrière par de la fumée de cigarettes, Mattia lui avait volé son paquet, et l'avait fourré dans son sac.

Parce qu'il avait aussi un coeur rempli de bonté, Mattia lui tendit le sac plastique contenant le nouveau pull qu'il venait de voler. « Garde-ça. » Puis, il enleva son sac à dos de son dos, et l'ouvrant, pris le paquet de cigarettes. « tiens! » lui dit-il en lui donnant le paquet.

Lui offrir ce paquet de cigarettes, ce n'était pas de la gentillesse, ni un cadeau. Si Mattia faisait souvent des conneries, il y en avait une qui ne ferait jamais : Fumer.

« Rien, rien.. Je t'ai juste croisé dans le magasin. J'ai vu ce que tu achetais.. C'est pour quoi? Une soirée déguisée? Une soirée homo? » Nels secoua la tête, un sourire mi-déçu, mi désabusé d'avoir pu croire, ne serait-ce qu'un instant, que le monde avait changé et qu'on finirait par l'accepter tel qu'il était. À croire que ce n'était pas encore possible. « Tout le monde n'a pas ton âge et ton immaturité. Faut grandir un peu, Mattia. » laissa-t-il tomber sans cesser ses recherches au fond de ses poches, visiblement agacé de ne pas trouver ce qu'il cherchait. « Qu'est-ce tu fais? Tu cherches des clopes? Je te stresse tant que ça? » « C'est pour parvenir à te supporter, plutôt. » fit-il, distrait, sans le regarder. Nels n'était peut-être pas beaucoup plus vieux que Mattia, mais la vie avait fait en sorte de le décevoir, coup sur coup, et c'était ce genre de choses qui laissait des traces malgré cette attitude de nonchalance et d'amusement adoptée à l'égard d'à peu près n'importe quoi. Il dut se rendre à l'évidence, toutefois; il avait oublié son paquet de cigarettes quelque part dans son appartement et devrait composer sans pour cette fois.

Nels accueillit le sac de Mattia en arquant un sourcil, y plongeant les mains afin d'en ressortir un pull signé: petit con arrogant. L'étirant devant lui d'un oeil critique, Nels finit par hausser les épaules. « Facile de donner, quand on a pas payé, hein? » En effet, le petit moniteur qui devait sonner l'alarme lorsqu'un client malintentionné désirait partir avec le vêtement sans payer y était toujours accroché et Nels savait pertinemment que les vendeuses le retiraient toujours avant de mettre l'achat dans un sac. « Tiens! » Nels arqua un sourcil en attrapant le paquet de cigarettes, mais le fit tourner entre ses doigts avant de le plaquer sur le torse de Mattia, agacé. « Je suis pas suffisamment en manque, ça va. » Un sourire faussement moqueur vint étirer ses lèvres alors qu'il reculait de quelques pas, le pull nouvellement acquis de ce dernier encore entre les doigts. C'était clairement le genre de truc que Nels avait toujours refusé de porter et ce, malgré les vêtements de sport qu'il possédait. Le sport, c'était une chose. La vie de tous les jours, c'en était une autre et Nels avait passé l'âge de vouloir frimer devant ses amis pour savoir lequel d'entre eux était le plus riche. Ses parents lui avaient toujours donné tout ce qu'il voulait pour compenser de leur étroitesse d'esprit, sans doute, et Nels n'avait jamais ressenti le besoin de prouver quoi que ce soit. Si l'argent pouvait être une délivrance pour certains, c'était surtout une prison, dans son cas. "Tu nous fais honte et on préfère te donner ce que tu veux plutôt que de te voir revenir" avait-il répété si souvent dans sa tête devant l'attitude de ses parents. Il ne pourrait jamais rien y changer, de toute façon, et les petits cons dans le genre de Mattia ne réussissaient qu'à le choquer davantage en lui rappelant ce qu'il avait perdu le jour où il avait décidé d'avouer son orientation sexuelle à ses parents. Tant pis, au final, parce que ce qu'il avait gagné, en compensation, valait bien plus que tout le reste; la possibilité d'être celui qu'il était.

« Ça t'amuse de piquer des trucs? C'était un défi, c'est ça? Tu vas le ramener à tes potes en t'amusant de leur émerveillement d'enfants de cinq ans? » fit-il en riant à moitié, secouant la tête afin de montrer son découragement. « Quand j'étais gosse, c'était des bonbons qu'on volait. C'est le luxe, maintenant! » se moqua-t-il en croisant les bras, son propre sac suspendu d'un côté, le pull de Mattia de l'autre main. « À ta place, je déguerpirais. » fit-il en lui tendant le vêtement d'un oeil on ne peut plus sérieux. S'il avait eu quinze ans, Nels aurait pu le dénoncer, sans doute, mais il ne voyait pas en quoi entrer dans son jeu pouvait s'avérer amusant et il préférait faire celui qui n'avait rien vu, ne serait-ce que pour éviter de passer une minute supplémentaire en compagnie de l'adolescent effronté.