J’appuyais sur le bouton de la sonnette. J’étais devant une jolie petite maison. Je m’y rendais d’ailleurs souvent depuis quelques semaines. Très souvent. La résidente m’ouvrit et m’invita un boire un café. « Non merci, c’est très gentil mais j’ai surtout hâte de rentrer. » Je souriais. Je savais qu’elle ne serait pas vexée malgré la déclination de son offre car je me trouvais devant ma mère. C’est elle qui habite cette magnifique résidence. Elle avait plutôt bien réussi sa vie. Elle m’invita tout de même à rentrer dans l’entrée le temps d’aller chercher Jamie. Je connaissais cette maison par cœur pour y avoir vécu depuis mes treize ans avant de prendre mon envol. Un large sourire s’esquissa sur mon visage à la vue de ma merveilleuse petite fille que je pris dans mes bras sans attendre. « Merci maman. Je sais pas ce que je ferai sans toi. » Elle avait gardé Jamie toute la journée pour que je puisse prendre du temps pour moi afin de souffler un peu. J’ai tout de suite sauté sur l’occasion lorsqu’elle me le proposa. J’en avais vraiment besoin. Elever un enfant seule, c’est pas tous les jours facile. Surtout quand on reste éperdument accrochée à son papa qui lui, à l’air de très bien vivre sa petite vie. Enfin soit, je ne rentrerai pas dans ce sujet. « Je t’appelle ce soir, promis ! » Je partais ensuite en direction de ma voiture, ouvrit la porte et y installa Jamie dans son siège auto. Je montais alors côté conducteur et démarra pour retourner en direction de notre chez nous. Ce n’étais pas très loin. Le trajet ne prit que quelques minutes. Ce n’était pas comme si Arrowsic était une immense ville, bien au contraire.

Je me garais à l’emplacement habituel puis sortis de ma voiture et allait récupérer Jamie avant de fermer la voiture à clé. « T’as manqué à maman, tu le sais ça ? J’espère que tu t’es amusée avec ta mamie. » J’ouvris ensuite la porte et rentrais à l’intérieur. C’était déjà l’heure de manger pour Jamie. Je l'amenais donc à la cuisine et l'installa pour pouvoir la faire manger. Une fois qu'elle eut bien mangé, j'allais la mettre au lit après avoir joué un moment avec elle. Je ne l'avais quasiment pas vu aujourd'hui. Je n'aurai supporté de la mettre au lit sans avoir passé un moment avec elle. Il était maintenant 20h30. Ce n'avait pas été difficile de coucher la petite. C'était plutôt un ange, ce qui rendait les choses un peu plus simples. J'allais ranger la cuisine pour aller ensuite me poser devant la télé. Je zappais jusqu'à tomber sur un film que je ne connaissais absolument pas mais qui me captiva. Mes yeux ne se décollaient pas de l'écran. J'étais tellement envoutée que je me surpris à sursauter lorsque j'entendis toquer à la porte. Je ne savais pas du tout depuis combien de temps je regardais ce film et donc l'heure qu'il était par la même occasion. Mais soit. Je me levais et me dirigeais vers la porte pour ouvrir. « Leandro ? Qu'est-ce que tu fais là ? » J'étais plutôt surprise de le voir devant ma porte à cette heure-ci. Ca devait être important. Sinon il aurait attendu au moins demain pour venir. Et je me doutais plus ou moins de la raison de sa visite. « Je te préviens Jamie dort. »

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« Leandro ? Qu’est-ce que tu fais là ? »

Et c’est à ce moment-là que je dois vous expliquer ce que je fais devant la porte de l’appartement de Jenna. Ma Jenna. NON ! Pas ma Jenna. Elle n’est plus ma Jenna, je ne suis plus son Leandro. Donc, si je suis là dans un état que l’on pourrait qualifier de déplorable c’est parce que j’en ai marre. Marre de cette situation. Pour être franc, j’ai bu assez de téquilas pour pouvoir affirmer que je ne suis pas dans mon état normal. Bon, je crois que là vous ne comprenez toujours pas. Bah ouais. Leandro, joyeux on va dire, ce n’est pas quelque chose qui arrive souvent, voire jamais, donc je vais remonter un peu dans le temps pour que vous y voyez plus clair.

Quelques heures plus tôt, j’étais dans mon appartement, Graziella est encore sortie, Tennessee est là et moi, je me prépare. Je mets mes chaussures et ma copine se pose devant moi. « Où tu vas ? » « Jayden veut aller boire un verre pendant sa pause de midi donc bah… je sors. » J’avais effectivement oublié de la prévenir. Elle et moi n’avions pas prévu de passer l’après-midi ensemble mais là, je me dis que peut-être elle aurait préféré que je reste avec elle. « Tu veux venir ? » Après tout, Jayden est son cousin, et ils s’entendent plutôt bien donc ça ne devrait pas la déranger de venir. Elle me fait un bisou sur la joue « Non, vas t’amuser avec ton pote. Passe-lui le bonjour de ma part, d’accord ? » Je souris. C’est ce que j’apprécie chez elle. Elle ne se prend pas la tête et elle n’est –presque- pas jalouse. Jamais de prises de tête. Je lui rends son bisou, mais sur ses lèvres cette fois-ci et je pars en direction d’un petit bar où Jayden m’avait demandé de le rejoindre. Vous savez, j’aime beaucoup Jayden, il est en quelques sortes mon meilleur ami. Enfin, disons qu’il aime me donner beaucoup de conseils sur ma vie et tout. Et lui, son kiff du moment c’est de tout faire pour que je me réconcilie avec Jenna. On faisait un si beau couple, il paraît. Foutaises. Donc, quand il m’a dit « Va la voir, Lélé ! Tu sais les filles, elles savent pas trop comment on fait pour s’excuser. Dans TOUS les films, on montre les mecs qui s’excusent, du coup, bah on leur montre jamais comment faire. Aide-là un peu, va la voir, dis-lui clairement ce que tu attends d’elle, dis-lui qu’il faut qu’elle te prouve que tu peux lui refaire confiance et tu verras, elle va t’écouter. », ça ne m’a pas étonné du tout. Ce mec il peut vous sortir tous les conseils, toutes les excuses possibles et imaginables, c’est hallucinant. Le fait est qu’il m’a retourné le cerveau avec tout ça. Peut-être qu’il a raison après tout. Peut-être que Jenna ne sait pas comment faire pour se faire pardonner ? Parce que m’empêcher de voir Jamie, c’est pas du tout la bonne solution. Rien qu’en pensant au fait que je n’ai pas vu ma fille depuis au moins deux semaines, ça me fait mal. J’aurais presque envie de pleurer. Je l’aurais fait si je n’étais pas Leandro Dos Santos. Pour oublier cette douleur, je commande une téquila. « Leandro qui boit ? T’es aussi désespéré que ça, mon pote ? » La réaction de Jayden est légitime. Je ne bois jamais d’alcool en temps normal. Sauf quand je ne vais pas bien. Et dans ces cas-là, je n’arrive à ingurgiter que de la téquila, alcool de mon pays natal. « Tu sais même pas à quel point. » Et voilà, maintenant vous savez comment ça se fait que je me sois retrouvé bourré devant chez Jenna. Un verre en appelant un autre… Oui enfin, non, je n’étais pas bourré. Disons juste que ça se sentait que j’avais bu. Un fois mon cerveau bien embué, j’ai passé l’après-midi à m’apitoyer sur mon sort jusqu’à ce qu’il soit environ 22h et que je me décide à sortir. Sans même réfléchir, mes pieds m'ont amené devant l’appartement de celle qui fut mon amante il n’y a pas si longtemps.

« Leandro ? Qu’est-ce que tu fais là ? » Bonne question. Je ne sais pas. J’hausse les épaules. Qu’est-ce que je fais là ? J’hésite presque à faire demi-tour. Au pire, je m’expliquerais plus tard. J’inventerais toutes sortes d’excuses bidons lui disant que je voulais la faire chier puisqu’elle faisait pareil. Ouais, c’est pas mal comme idées ça. « Je te préviens Jamie dort. » Jamie… Je n’ai même pas de mots pour expliquer à quel point elle me manque. Vous savez, ce n’est pas facile à accepter que la mère de notre fille nous empêche de la voir. Jenna ne devrait pas me punir pour tout ce qu’il se passe. Rien n’est de ma faute. Sans demander la permission, je me faufile dans l’appartement de Jenna, en la bousculant un petit peu, mais je n’ai pas fait exprès. Promis. Je me retourne vers elle, attendant qu’elle ferme la porte. « Je suis venu te voir, toi. » Elle s’approche de moi. Peut-être qu’elle voulait juste passer à côté de moi pour se rendre dans son salon. Ou peut-être qu’elle voulait me gifler parce que je me suis introduit chez elle sans attendre qu’elle me le permette. Je ne sais pas. Le fait est que je lui ai attrapé le bras et que je l’ai forcée à rester juste devant moi, à quelques centimètres seulement. « J’en ai marre de toi, Jenna. T’as pas le droit de me faire ça. T’as pas le droit de faire des conneries et de me les reprocher après. » J’aurais voulu crier, hurler pour évacuer ma frustration, mais non, je parlais doucement, n’oubliant pas que Jamie dormait à quelques mètres de là.

Leandro. C'est toute une histoire celui-là. Mon premier amour, mon amour de toujours. Vous savez à quel point les filles tiennent à leur premier amour. C'est quelque chose de spécial pour elle. Je ne sais pas trop comment ça se passe pour les mecs. Peut-être que pour eux aussi c'est tout un truc, mais qu'ils ne le montrent pas. Allez savoir. Enfin même en temps que fille, être amoureuse du même mec depuis ses 13 ans, faut le faire. Je crois bien que je devrais recevoir un prix pour ça. Le prix de la meuf la plus désespérante. Ou idiote. Ou.. Enfin bref, il y aurait tout un tas de mots. Surtout que si on en est là en ce moment, c'est principalement de ma faute, pour ne pas dire uniquement de ma faute.

Il se permit d'entrer chez moi, me poussant au passage, alors qu'il n'avait pas encore prononcé le moindre mot. Je ne dis rien, le laissant faire. Je refermais ensuite la porte et me tournais vers lui, le regardant et surtout, essayant de rester le plus neutre possible. « Je suis venu te voir, toi. » En passant devant moi, j'avais senti qu'il avait bu. Je ne savais pas trop encore s'il était bourré ou seulement bien, mais il avait bu assez pour que je le sente, ce qui n'était pas vraiment rassurant. Leandro n'était pas du tout le genre d'homme à boire. Je m'approchais de lui. Il m'attrapait alors le bras, m'obligeant à rester juste en face de lui, si proche. Je ne le quittais pas des yeux. « J'en ai marre de toi, Jenna. T'as pas le droit de me faire ça. T'as pas le droit de faire des conneries et de me les reprocher après. » Et il était obligé de boire pour me dire ça ? Moi aussi j'en avais marre de lui. De moi. De nous en faite. J'étais assez insouciante pour rester persuader qu'un jour, tout finirait par s'arranger. Il ne peut pas aimer cette fille là. C'est moi qu'il aime. Depuis le début. Jenna et Leandro quoi. Ça devait être comme cela et pas autrement. Je soupirais. « Je t'ai reproché quoi au juste ? » D'être avec une autre que moi, entre autre. J'avais conscience que le "priver" de sa fille n'était pas la meilleure solution. Mais je m'étais imaginé qu'elle lui manquerait tellement qu'il se dirait peut-être que ce n'est pas seulement elle, mais aussi le fait qu'à travers le manque de sa fille se trouvait le manque de sa Jenna. Oui je suis partie loin, excusez-moi. C'était complètement ridicule. Mais au moins il venait de me dire qu'il était là pour moi. Certes ce n'était pas pour me dire à quel point je lui manque mais c'était un début. « T'as bu combien de verres Leandro ? T'as ta copine, t'es surement heureux avec elle, alors tu devrais être avec elle là. Et sobre. » Quand on a une copine, on ne va pas enchaîner les verres à cause d'une autre fille. Je concevais le fait que j'étais en train de lui faire payer d'être avec elle, mais il n'avait pas à faire ça. Puis je n'allais pas lui "voler" sa fille éternellement.

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Je viens de m’introduire chez Jenna sans sa permission, j’ai visiblement bien bu, j’veux dire ça se sent quand même, même si je ne suis pas bourré. N’importe qui m’aurait attrapé pour me foutre dehors mais elle, elle n’a même pas l’air énervée. C’est bien du Jenna ça, elle serait prête à accepter –presque- n’importe quoi venant de moi. Et ça, ça m’énerve encore plus parce que je n’ai pas envie qu’elle soit comme ça. Enfin bref. « Je t’ai reproché quoi au juste ? » Elle se fout de moi là ? Genre, elle me dit ça sérieusement. Ce qu’elle me reproche ? De continuer ma vie sans elle. Enfin ça, elle ne me l’a jamais dit, jamais avoué mais je suis sûr que c’est ça. Quoi d’autre ? Mais tout ça, c’est uniquement de sa faute. Si elle ne s’était pas foutue de ma gueule pendant deux ans, on n’en serait pas là. C’est de sa faute. « A toi de me le dire. Tu ne m’empêche pas de voir Jamie pour rien, hein ? » J’hausse les épaules, espérant recevoir une réponse satisfaisante de sa part. Qu’elle soit honnête pour une fois. J’en ai marre d’être debout. Je lâche son bras et me dirige vers son salon et sans demander la permission, encore une fois, je m’installe sur son canapé. Je prends quasiment toute la place mais je m’en fou complètement. « T’as bu combien de verres Leandro ? T’as ta copine, t’es surement heureux avec elle, alors tu devrais être avec là. Et sobre. » Je me relève rapidement en position assise. Trop rapidement, ma tête tourne un peu. Une fois que la pièce arrête de tourner je regarde Jenna droit dans les yeux. Et voilà, on arrive au sujet qui fâche. Enfin qui la fâche. Elle ne supporte pas Tennessee, enfin elle ne supporte pas que je sois avec elle. « On s’en fout du nombre de verres que j’ai bu, c’est pas le sujet ! » Je passe ma main dans ma crête en soupirant. « Y’a aucun rapport avec Tennessee, en plus. Tu racontes n’importe quoi ! Si on en est là, c’est de TA faute, tu n’as pas à t’en prendre à elle ou à moi ! » Bien que quand je suis arrivé, j’ai modéré de le son de ma voix pour ne pas faire trop de bruit et donc, prendre le risque de réveiller ma fille, là, j’ai peut-être mal géré puisque qu’on entend la petite appeler sa mère. Je me serais bien levé pour aller la voir mais je n’ai pas envie qu’elle me voit dans cet état, et surtout qu’elle sente l’odeur qui émane de moi. Bien qu’elle ne connaisse pas l’alcool, je n’ai pas envie qu’elle apprenne à le reconnaître comme ça. Evidemment, Jenna se dirige dans la chambre de Jamie sans même me lancer un regard.

Elle m’en veut alors que d’après moi, elle n’est pas en position de m’en vouloir. Pourtant, là, je m’en veux aussi. Vous savez, j’aime Tennessee, vraiment. Pas autant que j’aime Jenna, certes, et pas du même amour aussi, mais ce n’est qu’un détail. Et parfois, j’me sens coupable d’être avec elle alors qu’au fond, c’est Jenna que je veux. Je lui en ai déjà parlé de ça, en plus, au tout début, et elle m’a dit qu’elle ne m’en veut pas parce qu’elle s’est lancée dans notre histoire en sachant très bien ce que je ressentais. Tennessee, c’est une fille bien. Jenna finit par revenir et entre temps, je me suis recouché sur son canapé, la pièce tournait beaucoup trop. Je n’ai jamais bien tenu l’alcool. Je n’aurais peut-être pas dû boire cette téquila.