La musique à fond. Mes parents étaient encore au boulot. J'en profitais pour me bousiller les tympans. C'est ce que je faisais systématiquement quand j'avais la maison. Je profitais. Je mangeais dans ma chambre. Je mettais la musique trop forte -comme là-. J'ouvrais tout en grand pour laisser rentrer le soleil. Je prenais un bain bien chaud sans prendre le risque d'être dérangée. Ouais, souvent quand mes parents étaient absents je profitais. Et le mieux était encore quand j'arrivais à faire venir Mattia. Quand il n'avait pas entraînement quoi. Ça, c'était vraiment magique. Enfin là, je préparais mon sac de piscine pour demain matin. J'avais rendez-vous à six heures dans l'eau. Pour un peu, j'aurais presque envie de faire péter. Mais, non. Ça faisait partie du sport. Les conditions extrêmes. Et rechigner ne ferait pas de moi une championne. Alors, j'irais voilà tout. Et je m'arrangerais pour voir mon petit ami juste après. Bref, je jetais un coup d'oeil à ma montre. J'avais encore largement le temps de profiter de l'absence de mes parents. Mais, surtout, je savais qu'Adam passerait bientôt.

Adam était un garçon adorable de vingt-cinq ans. Il passait devant chez moi, tous les jours. Pratiquement toujours aux mêmes heures. C'était comme ça que je l'avais repéré. Et que j'avais fini par l'aborder. D'ailleurs, il avait bien fait parler les voisins. Les rumeurs étaient allées de bon train de le quartier. Le pauvre avait eu le droit à tout et n'importe quoi. Surtout n'importe quoi. Mais, c'était Arrowsic. Il ne fallait pas cherche plus loin que le bout de son nez. Les gens étaient loin d'être ouvert aux autres. Ils préféraient de loin la critique à la connaissance. Ou plutôt à la nouveauté. Parce qu'ici tout le monde se connaît. Beaucoup vivent ici depuis plusieurs générations. Et ces gens-là n'apprécient pas de voir des gens de New York -par exemple- venir vivre dans cette petite ville. Pitoyable. Je vous l'accorde. Enfin bon, je savais qu'il n'allait pas tarder à passer. Et j'adorais parler avec lui. Il avait un peu le statut du confident. Celui à qui on dit tout mais, qui ne juge pas. Un peu comme un psy. Les conseils et l'humanité en plus certainement.

Cinq minutes plus tard, il était là. J'ouvrais ma fenêtre pour crier. « Attends-moi, je descends. » J'affichais déjà un large sourire avant de descendre les marches quatre à quatre. Ça faisait un eu la fille pressée. Mais, il avait l'habitude. J'étais souvent comme ça. Et j'avais très envie de le voir. Alors, oui, c'était compréhensible. Non ? Bon eh bien tant pis. J'étais comme ça. « Adam ! » J'arrivais enfin à son niveau. Je lui offrais un large sourire. C'était pratique de savoir à quelle heure il passait. Je savais quand je pouvais le voir. « Tu vas bien ? » Je gardais mon sourire tout en espérant qu'il aille bien. Parce que oui, la confidence pouvait aller dans les deux sens. Il pouvait compter sur moi aussi. Et heureusement.

J'observais son petit sourire. Ce qui était fou avec Adam, c'est qu'il n'avait pas constamment le sourire. Du coup, le plus maigre des sourires se remarquait. Enfin, moi, je le remarquais. Et ça me faisait toujours plaisir. Je ne pouvais pas m'empêcher d'amplifier mon sourire. Tout en pensant que ça lui allait bien, de sourire. Enfin, peu importe. Je lui demandais comment il allait. Pas seulement par politesse. Mais, aussi et surtout par désir de savoir. Je n'aimais pas poser cette question si je n'en avais rien à foutre. Pourtant, pour la plupart des gens ce n'est qu'une politesse à laquelle on se doit de répondre « oui. ». Bref, Adam prit quelques secondes avant de me répondre « Oui toujours ! » Je lui lançais un autre sourire. J'étais ravie qu'il aille bien. En même temps, ça serait un petit peu con de se réjouir du contraire. « T'as cinq minutes ? » Je lui faisais un grand oui de la tête avant de reprendre la parole tout naturellement. « Évidemment, et même bien plus, surtout pour toi. » Je lui faisais un petit clin d'oeil. C'est vrai que pour lui j'avais du temps. Pour la voisine d'en face un peu moins. La différence est que j'aimais passer du temps avec Adam. Et qu'il ne me parlait pas de son potager. Et puis je ne l'avais pas attendu pour le simple plaisir de lui dire bonjour. J'avais aussi envie de lui parler.

Je me remettais une mèche derrière mon oreille. Puis, je le regardais dans les yeux. Sans quitter mon sourire. « Tu veux qu'on aille à un endroit en particulier ? » Après tout, nous serions certainement mieux ailleurs. Nous n'étions pas obligés de rester devant chez moi. Sous les regards accusateurs de quelques voisins. A la vue de tous les curieux. Et puis, il y avait mieux à faire que de rester planter au pied de ma maison. Rien que marcher était plus intéressant. De plus, ça nous réchaufferait peut-être un peu. Parce que le début du printemps n'était pas très chaud dans le Maine. Parce que l'océan nous offrait une humidité et une fraîcheur que je n'aimais pas forcément. Pas à cette période de l'année. Alors, on pouvait aller à l'intérieur. Marcher jusqu'au parc. Ou aller boire un chocolat. Peu importe. J'étais partante pour un peu près tout et n'importe quoi. « Si on reste devant chez moi, je sens que certain vont se poser des questions. » Je riais légèrement en regardant derrière son épaule. Non, pas un voisin mais, un chien. « Il faut se méfier de tout à Arrowsic. » dis-je avec un petit sourire en haussant les épaules. Ce n'était pas tout à fait faux. Mais, là, nous ne faisions rien de mal. Les habitants avaient simplement une imagination débordante. Après tout, Elizabeth avait bien cru que j'étais intéressée par Ethan. Quelqu'un pouvait bien croire que j'allais sauter sur Adam.

Adam sortit un ballon de basket de son sac. J'affichais un large sourire. C'était ce qu'il avait prévu alors ? Moi ça me convenait parfaitement. Comment ça, j'étais une fille ? Ce n'était pas pour cette raison que je devais avoir peur d'un ballon. Au contraire. J'adorais le sport. Et avec Ashton pour frère, je n'avais pas eu d'autre choix que d'apprécier le basket. « J'en avais un peu marre de regarder les mêmes émissions ridicules qui passaient à la télévision... » Normal en même temps. Je crois que j'en aurais rapidement marre aussi. Rien qu'une journée devant la télé, je ne pouvais pas. Même quelques heures d'ailleurs. Je trouvais ça abrutissant. Ennuyant. Et je finissais toujours par avoir la migraine. « Seulement un peu ? T'as bien du courage de supporter ces mensonges télévisés. » Je riais légèrement. C'est vrai que pour moi, la majorité des émissions qui passaient étaient mensongères. Ou ne montraient qu'une partie de la vérité. Elle ne permettait pas un avis critique. Il n'y avait qu'un point de vue. Pas de possibilité d'ouverture d'esprit donc. Enfin ça n'avait aucune importance. « Le perdant paye la tournée de glace ! » Je le regardais dans les yeux, amusé. « Pari tenu. » Je lui faisais un petit sourire victorieux. Même si j'étais encore loin de la victoire. J'aimais y croire.

Enfin je lui disais qu’on allait faire parler le quartier. « Effectivement, ton quartier est flippant … » Je riais avec lui. La seule personne qui nous observait, c’était un chien. « –Mais si mademoiselle à peur de payer … » avait-il dit en se moquant. Prenant soin de me laisser deviner la suite. Je plantais mon regard dans la sien. « Peur de payer ? Aucune chance, c’est moi qui vais gagner. » Je riais légèrement. C’était comme un défi. Et j’adorais ça. Mais, je ne savais pas vraiment si j’avais mes chances de battre Adam. Peut-être avait-il un talent caché pour le basket. Ou peut-être jouait-il bien mieux que moi. Bon évidemment, je laissais de côté son avantage qui était la taille. Ce n’était qu’un détail. « –Puis que vont-ils pensaient ? » Il passa son bras autour de mes épaules. J’avais l’air ridiculement minuscule comme ça. Je lui faisais un sourire amusé. « Qu’un sale papi te drague … ? » Un papi ? Rien que ça ? J’explosais de rire. Si on enlevait le papi il était tout de même proche de la vérité. Mais, ça n’avait pas d’importance. J’étais habituée aux rumeurs de cette petite ville. Tant que j’avais bonne conscience, tout allait pour le mieux. « Par exemple ouais ! » Je lui faisais un petit sourire taquin en ne démentant pas que c’était un papi. « Allez, joue papi, il est temps que tu payes ta glace. » Je riais. Je savais qu’il ne se vexerait pas. Qu’il serait plutôt du genre à rentrer dans mon jeu. Et c’était bien plus amusant comme ça.

Adam me faisait rire. Il rentrait dans mon jeu. Je ne savais pas le niveau du jeune homme au basket. Je ne pouvais décréter comme ça que j’allais gagner. Mais ça m’amusait tout de même de le dire. « Gagner ?! Carrément … tu ne me laisseras donc aucune chance de prendre de l’avance ? » Je riais. Je me doutais qu’il n’avait pas besoin de ça. C’était une évidence. Même sans connaître son niveau. Et son visage légèrement choqué ne fit qu’amplifier mon rire. « –Vilaine ! » Je lui tirais la langue. J’avais l’impression de retomber en enfance. C’était une sensation que j’adorais tout particulièrement.

Une fois sur le terrain et les taquineries faites, Adam posa son sac. La balle se retrouva entre mes doigts. « –Les dames d’abord … » Je lui faisais un petit sourire. Étrangement, je sentais que cette galanterie n’était que stratégie. Peut-être parce qu’Ashton faisait pareil. Il me laissait toujours commencer. Enfin, après quelques secondes d’hésitation, je commençais à jouer. Ou plutôt me la faire piquer. Il avait fallu à peine quelques secondes pour qu’Adam s’approche comme un tricheur. Pour qu’il me murmure « –Fifille ! » en passant pour aller marquer son deux points. « Tricheur va » Je riais légèrement avant d’attraper la balle. Cette fois, il était hors de question qu’il me la pique. Je ne laisserais pas faire. « –Montres moi ce que t’as dans le ventre … je commence à m’ennuyer … » Je le regardais faussement choquée. Ce coup ci je m’étais moins de temps pour me lancer. Et surtout je jouais plus ma défense. Je ne voulais pas qu’il me prenne la balle. Pour un peu j’aurais été capable de la serrer contre moi. Mais, ça aurait été l’antijeu. Il me collait. Il était prêt à me prendre la balle à tout moment. En fait, il ne me laissait pas d’autres choix que de tirer. La balle fit le tour de l’anneau avant de tomber au centre. Je n’avais pas pu retenir un cri de joie. J’étais assez mauvaise perdante. Mais, surtout, je ne supportais pas de perdre sans me battre. Ce n’était pas pour moi. « Tu disais ? ». Je levais les yeux au ciel, amusée. Je lui laissais la balle entre les mains. A lui de commencer maintenant.

Les parties de basket comme ça, sur ce terrain, ça me rappelait vachement Ashton. Je faisais toujours le rapprochement. Peut-être parce que nous avions passés trop de temps ici. Lui et moi. Peut-être parce qu’en dix-sept ans, ce lieu était devenu important pour moi. Comme cette ville. En tout cas, c’était ici que j’avais appris à marquer des paniers. C’était ici que j’observais mon frère jouer avec ses amis. C’était ici que je venais quand il me manquait trop. Quand il avait été absent. Ouais, pour moi c’était peut-être un peu plus qu’un terrain de basket. Enfin, peu importe. Je posais mon regard sur le ténébreux Adam. Prête à tout pour gagner. Ou au moins ne pas me faire écraser.

Adam. Il était vraiment cool. J’oubliais souvent qu’il était plus âgé que moi. Pour ne pas dire tout le temps. Je veux dire, on ne se prenait pas la tête avec ça. C’était naturel. Et tant mieux d’ailleurs. Nous n’aurions pas pu nous retrouver à jouer au basket si les choses avaient été autrement. Enfin, j’appréciais vraiment cette amitié.

Du coup, pour le taquiner, je lui lançais une petite insulte. Pas méchante. Plus pour rire qu’autre chose. « –Même pas vrai … la balle à … hum glissée. » Je riais. La bonne excuse tiens. En même temps, il n’allait pas le reconnaître. Ça n’avait aucun intérêt. On ne trichait pas pour l’avouer. Et ce n’était pas méchant. Il avait juste pris un peu d’avance. En revanche, je n’allais le laisser « s’ennuyer » longtemps. Parce que même si c’était de la provocation, je voulais marquer. Et c’est ce que je fis. « –D’accord, d’accord, ça c’était de la chance rien d’autre … » Je riais. Oui bien sûr de la chance. « Tu sais, tu peux le dire que t’es impressionné. » J’esquissais un sourire amusé en lui lançant la balle. Et cette fois, il loupa son panier. Il prit son temps avant de se tourner avec moi. Avec un petit sourire. « -je te laisse de l’avance … j’suis gentil hin ?! » Et il haussa vaguement les épaules. Moi je riais. Encore. Oui, Adam me faisait rire à pratiquement chacune de ses remarques. Peut-être parce qu’il n’y avait rien de sérieux. Tout ça n’était que taquinerie. Des vannes. « Trop gentil, vraiment. Et je vais faire comme si je te croyais ! » Je levais les yeux au ciel. Petit sourire toujours aussi amusé. Au fond, ça ne faisait qu’ajouter un peu de compétitivité à notre petit duel. Et moi, j’adorais ça.

La partie avait finalement repris. Les points s’enchainaient autant pour lui que pour moi. En riant. En lançant. En loupant. Les petites remarques continuaient aussi. Sinon, ça ne serait pas aussi amusant. Ça ne serait pas nous. Et finalement, nous étions arrivés à égalité. Il venait de me mettre un point. Au revoir le peu d’avance que j’avais. Mais, peu importe. Je rattrapais la balle. « Celui qui marque le dernier point gagne ? » Je le regardais, avec un air de défi. Évidemment, j’avais envie de gagner. Même si je ne ferais pas ma mauvaise perdante si je venais à perdre. Mais, tout de même je n’allais pas le laisser gagner. Ce n’était pas dans mes habitudes. « Parce que là, j’ai bien envie d’une glace ! » ajoutais-je. Bon c’est vrai j’avais envie d’une glace. Mais j’avais aussi et surtout envie de discuter. Parce que croyez-le ou non, tenir une conversation en jouant au basket c’est compliqué.

Une journée sans Adam ? Ce n’était pas tout à fait pareil. Il n’y avait pas toutes ses taquineries. Et je pouvais avouer sans difficulté que je me portais mieux quand je le voyais. C’était un bon moment d’assurer. « –Me impressed ? » Et son petit accent indien qu’il prenait volontairement. Je l’adorais. Non vraiment. Rien que pour ses moqueries et son accent, j’avais besoin de lui chaque jour. C’était un mec cool. Et droit dans ses bottes. Une belle rencontre. Je ne faisais que le répéter. Mais, c’était tellement vrai. « –Okay, okay … i’m impressed … » Je lui souriais. Amusé par son comportement. Enfin, refusant de perdre, il me lança la phrase basique du macho. Mais, ce n’était que de la connerie. Il ne me laisserait pas gagner aussi facilement. Je ne pouvais pas m’empêcher de rire.

La victoire ne se jouait plus qu’à un point. Un tout petit point. Il suffisait d’un panier et victoire. « –Regarde mera jaan… je t’offre un trois points pour la peine. » Je le regardais, un air de défi sur le visage. « Vas-y, essaye, je t’admire. » Je riais légèrement. Bon s’il réussissait je n’avais plus qu’à m’écraser. Mais, ce ne fut pas le cas. Je mêlais mon rire à son rire idiot. Joliment raté. « –Je recommence tient ! » Je riais à nouveau. Tricheur jusqu’au bout des ongles. « Ça ne changera pas le résultat, tu sais. » Je faisais un sourire victorieux. Je n’allais pas pleurer sur une victoire. Loin de là. « –Aller va ! » Il rangea la balle. Sans essayer à nouveau. Je lui renvoyais son petit sourire. Il était vraiment cool mon indien. « –prête à payer ? » Je le regardais, surprise et amusée en même temps. Il ne changerait donc pas. Tricheur et mauvais perdant. Mais, même comme ça, je ne lui en voulais pas. « Tu manques pas d’air. » Je lui lançais un regard accusateur avant de rire à nouveau. « C’est bien parce que t’es gentil hein ! » Et parce que je n’étais pas du genre à dire non. Et que ça ne me dérangeait pas.

Une fois la partie finie. Une fois que nous furent bien essoufflés. Nous nous étions en mis en route. Pour manger cette glace. Cette fameuse glace. « –Alors miss Ella … » Je regardais Adam. Il voulait jouer les psychologues, ou j’avais mal compris ? « –Imagine moi avec de long cheveux blond … un peu de rose sur les lèvres … tu sais et un peu de poitrine tu verras ça passera … » J’explosais de rire. L’imaginer comme ça avait quelque chose de comique. Surtout que j’avais plus de faciliter à me confier à un garçon qu’à une fille. Mais, ça, il ne pouvait pas le savoir. « Tu veux que je te dise d’où viens mon talent pour le basket ? » Je riais légèrement. En réalité, je savais qu’il était là pour moi. Qu’il me comprendrait quoique je lui dise. Mais, là, comme ça, il m’avait pris de cours.