Une voix s’élève dans l’appartement éclairé par les rayons de soleil ; ils annoncent visiblement l’arrivée d’un été chaud & délectable. Un homme fait les cents pas au beau milieu de son salon, son téléphone portable accroché à son oreille depuis quelques minutes déjà. Il discute & écoute les sons provenant d’une voix plus aigüe & enfantine. Celle d’un petit garçon dorénavant plus qu’important dans sa vie. Malgré cela, il tente de garder ses distances. L’attachement ? Une belle merde, à en juger par les litres de larmes déversées par les âmes malheureuses. & il ne compte pas se laisser ensevelir par ce tourbillon de sentiments incontrôlés & incontrôlables. Mais n’est-il pas, en fin de compte, déjà attirer par c’gosse à peine conscient de ce que la vie peut réserver ? Peut-être. Cet homme, c’est toi. Autrefois, les réflexes violents & impulsifs te guidaient au travers d’un chemin sinueux qui ne mène qu’à une fin triste & irréversible. Aujourd’hui, les choses ont changé. Aujourd’hui, tu as compris qu’il ne suffit pas d’imposer sa force pour dominer le monde. Ainsi, d’une voix douce & posée, tu salues le petit bout de vie à l’autre bout du fils & te dirige immédiatement vers la salle de bain. L’heure tourne. & dans quelques heures à peine, il te faudra rejoindre le local de sport ouvert à tes frais. À ce jour, il s’agit de ton unique motivation : lorsque ton réveil sonne & que tu réalises ta prochaine rencontre avec des personnes plus ou moins sportives, plus ou moins ambitieuses, plus ou moins courageuses. Cette diversité t’amuse & t’agace. Joli paradoxe intérieur que tu as cessé d’interpréter il y a bien longtemps.

13:30. Mon cours est essentiellement constitué de jeunes femmes. Déjà en place, elles s’étirent & s’échauffent sans même attendre mes consignes : elles ont l’habitude. Alors profitant de cet instant de tranquillité, je m’occupe des tâches administratives. Deux nouvelles recrues. Mes yeux se posent sur la case qui m’est réservée & j’y appose ma signature sans jamais prendre le temps de lever les yeux vers la jeune femme, & encore moins sur le prénom écrit en lettres manuscrites sur le haut de la page. Je m’écarte & attrape quelques tapis de sol, puis quelques poids qui me seront utiles durant les prochaines minutes. « Dîtes-moi Monsieur le coach ? Est-ce que ce sont vos élèves que vous utilisez comme pushing-ball ? Après tout, cogner sur des femmes ça vous connait, pas vrai ...? » Cette voix, je la reconnaitrais entre milles. Zelda. À quoi joue-t-elle ? Qu’espère-t-elle ? Qu’attend-t-elle ? Mes sourcils inexorablement se froncent tandis que le bleu de mes yeux se plonge dans son lac d’émeraudes. Je n’ai jamais été tendre avec elle, je le conçois. Cependant, j’ai payé en passant plusieurs mois en prison. Cherche-t-elle à me faire plonger davantage en me retirant la seule chose qui compte pour moi : le plaisir de donner ces foutus cours de sport ? Les autres sportives n’ont pour l’instant rien entendu. Si Zelda continue, toutefois, je comprendrais qu’elles veuillent fuir & s’entrainer avec le coach d’à côté – beaucoup moins doué mais plus respectueux. Après tout, un mec qui frappe le sexe faible… ce n’est qu’un « enfoiré, bâtard, salaud », & j’en passe. « Oh, tu essayes de prendre le contrôle sept ans après ? Tellement mignon » dis-je en glissant mes mains dans les poches de mon survêtement. Mon torse nu se soulève au rythme de ma respiration ; elle est calme & sereine. Je n’ai pas peur de Zelda. Je ne crains pas ses possibles déclarations. « Tu perds ton temps avec moi, tu n’as toujours pas compris ? Alors soit tu rejoins les autres, soit tu quittes cet endroit. Mais ne me pousse pas à bout Zelda. Je me suis excusé une fois, pas deux » Sept ans après, j’ai prononcé mes excuses en espérant qu’elle les accepte & qu’on puisse l’un comme l’autre tourner la page. Elle a souffert. Plus que n’importe qui. Mais je m’en suis aussi éternellement voulu. Non seulement pour avoir tabassé une adolescente, mais aussi pour avoir par conséquent gâché ma vie & oublier mes ambitions. Sans brusquerie, le bout de mes doigts se posent contre sa clavicule & je l’incite à reculer jusqu’à sa place. Le cours va pouvoir commencer, je n’ai plus de temps pour bavarder.