Debout, devant le lit de ma chambre – je m’affaire à préparer mes valises. J’ai décidé de partir le temps d’un week-end pour oublier un peu les tracas de mon quotidien depuis le retour inopiné de Levi en ville. J’ai l’impression de perdre totalement le contrôle de mes émotions et de mes envies. J’ai couché avec lui plusieurs fois et c’est clairement pas tout cela qui va m’aider à y voir plus clair. Je culpabilise énormément vis-à-vis de Josh. Je me sens comme une traînée incapable de résister au désir et ça ne me rend que plus mal à l’aise face à mon petit-ami. Il croit être le père de mon enfant et ce n’est pas le cas, il pense que je suis une femme de valeurs et fidèle puis là encore ce n’est pas le cas. J’ai de plus en plus de mal à parler avec lui, tellement le poids des émotions qui me possèdent devient lourd. Depuis cette fameuse soirée de charité, j’évite tant bien que mal Levi. Je ne veux pas voir son regard victorieux parce qu’il a encore réussi à me faire céder. Je ne veux pas devoir être face à lui et me rendre compte que mes sentiments sont encore les-mêmes qu’aux premiers jours. « Sio, tout va bien ? » La voix de Josh me fait sursauter alors que je ferme rapidement la tirette présente sur le côté de ma valise. Je me retourne en le fixant – prenant une profonde inspiration alors que ma main glisse nerveusement contre ma nuque. « Oui, pourquoi ça n’irait pas ? J’ai déposé Matty avant chez mes parents. » Que je dis en allant dans la salle de bain pour saisir ma trousse de toilettes. Mon reflet dans le miroir me dégoûte presque et me montre que rien n’est plus comme avant. Le temps du bonheur et de l’apaisement a laissé place à la maladie, la tristesse et l’amertume. Je reviens dans notre chambre et Josh finit par attraper mon bras pour m’attirer vers lui. « J’aurais pu m’en occuper tu sais. Puis, tu vas me manquer. » Mon cœur se sert à ses paroles parce que c’est le genre de chose qui me rappelle que j’agis d’une manière vraiment détestable avec lui. Je me contente de passer mes bras autour de sa taille pour venir frôler ses lèvres – tendrement. « Mes parents voulaient s’en occuper puis je ne pars que trois jours tu sais. » Que j’avance pour tenter de me justifier. Je finis par me décoller de lui pour continuer de boucler mes affaires et après un dernier baiser, je quitte notre appartement espérant de tout cœur que ce voyage va m’apaiser un temps soit peu.

Une fois dehors, je prends rapidement le chemin de ma voiture – déposant mes affaires à l’arrière. Je démarre d’un geste vif en prenant la direction de l’appartement d’Abbey. Je vais l’emmener avec qu’elle soit prête à partir ou pas. Je dois me faire pardonner après le scandale que je lui ai fais à la fameuse soirée. Je ne sais pas ce qui m’a pris. Ça me rendue dingue d’imaginer qu’elle avait pu coucher avec Levi. Je sais qu’on était divorcés et qu’ils avaient tous les droits de faire ça mais ce n’est pas pour autant que la nouvelle m’a enchanté. Je crois que ce qui m’a surtout blessé, c’est que les deux ont essayé de me le cacher. Abbey savait très bien le lien qui m’unissait à Levi et ça ne l’a pas empêché de rien me dire. Elle m’a dit que ce n’était pas pour me blesser et en prenant du recul – je crois comprendre ce qu’elle voulait m’expliquer. On ne s’est pas reparlé depuis cet incident et ça me rend triste. Ce n’était pas qu’une connaissance bien au contraire. Depuis l’épisode où elle m’avait trouvé ivre dans le bar où elle bosse, une véritable relation/amitié s’était nouée entre nous. Elle me manque et j’ai besoin de mettre de l’eau dans mon vin pour m’excuser et retrouver le soutient sans failles qu’elle m’offrait. Les images défilent sous mes yeux alors que je tâche de me concentrer sur la route. Les souvenirs des dernières semaines me reviennent en boucle et ça me tue d’y penser. Je dois oublier – au moins le temps de ce weekend improvisé à Los Angeles. Je sais que ce n’est pas la porte à côté mais j’ai tout prévu. Abbey n’aura qu’à dire oui et on s’envolera pour la cité des anges. Mes parents possèdent une maison au bord de l’océan et ça nous fera du bien à toutes les deux je crois. J’espère simplement qu’elle va accepter. Après quelques minutes de route, j’arrive devant son immeuble et c’est d’un pas nerveux que je franchis l’entrée pour arriver devant sa porte. Je tousse quelque peu avant de frapper. L’attente de dure que quelques secondes mais ça me paraît une éternité. Son minois finit par apparaître à l’entrée et mon cœur se serre quelque peu. Je la regarde avant de reprendre d’une manière quelque peu détournée la parole. « C’est l’histoire d’une femme qui a merdé auprès d’une fille qui est très importante pour elle. Et maintenant elle s’en veut et espère qu’elle va lui pardonner. » Je me mords la lèvre inférieure en prenant une profonde inspiration. « Je suis désolée Abbey. Ma jalousie a pris le dessus et je n’avais pas à te parler ainsi. La vérité c’est que ça m’a blessé mais tu me manques… » J’esquisse un sourire en m’approchant espérant qu’elle comprenne ma démarche et surtout que notre relation s’améliore. « Je te kidnappe pour le weekend, on part toutes les deux et tu ne peux pas me dire non. » Je la regarde arquant un sourcil attendant sa réaction en espérant qu’elle soit positive.

Après quelques minutes passées à regarder les rayons s’infiltrer à travers mes rideaux, je décidai de me lever, tranquillement. On était samedi, et je n’avais rien de particulier à faire, hormis mon service du soir au Muffy’s. En attendant, j’avais toute la journée pour moi. Je me demandais d’ailleurs ce que j’allais bien pouvoir faire. Je me pinçai les lèvres et enfilai un pull rapidement. J’avais un peu mal au crâne, mais ça allait. D’habitude je souffrais d’une migraine qui m’empêchait de me lever tellement elle m’épuisait, mais ce jour-là, ce n’était qu’un vague mal de tête. Rien de grave. Je me frottai les yeux avant de me diriger la cuisine vide. J’ouvris la porte du frigo, plus par réflexe que par nécessité. Un léger courant froid s’aventura dans la pièce, provoquant de minuscules frissons sur ma peau. Je ne savais pas ce que j’espérais y trouver. Cela faisait deux semaines que mon frigo était inoccupé, et mes visites au supermarché étaient devenues rares, quasi inexistantes. Ou je m’y rendais seulement pour acheter du dentifrice. Je regardai alors devant moi avec avidité. Je commençais réellement à croire que j’étais un cas désespéré. Finalement, je fermai le frigo et allumai la télévision. Je me blottis contre un de mes coussins préférés et posai les pieds sur la table basse. Je regardai le plafond. Tout me paraissait immense, trop immense. Moi je me sentais minuscule dans cet appartement dépourvu de vie. Je devais admettre que je ne me sentais pas tellement chez moi ici. Mais c’était mieux que rien, je pense. Je finis par prendre la télécommande et allumer la télévision. En général, il n’y avait pas grand-chose le matin, que des dessins animés ou des émissions de ventes d’objets plus inutiles les uns que les autres. Je soupirai. Je finis par m’arrêter sur une chaine pour enfant, avec un petit singe et une petite fille qui parlait parfois en anglais. Je regardai l’écran sans chercher à m’y intéresser vraiment. J’avais l’impression d’être un déchet vivant.

Et puis la sonnerie retentit dans la salle animée par le bruit de la télévision, me sortant de ma lassitude grandissante. Je me redressai d’un bond, me demandant qui pouvait bien sonner à ma porte à une heure si matinale. Je tournai alors la clé posée sur la serrure et ouvrit la porte. C’est là que je la vis. Siobhàn. Avec ses cheveux bruns éclatants, ses yeux noisette à faire pâlir d’envie et sa moue qui me donnait envie de la prendre dans mes bras. Je ne savais pas réellement pourquoi, mais quand j’étais avec Siobhàn, c’était différent. Différent de tout ce que j’avais connu auparavant. Elle n’était pas une femme comme les autres. Pas une femme que j’étais du genre à fréquenter. Elle était si mature, si belle, si captivante. Oui, je crois qu’elle était exceptionnelle. Et moi, je lui avais fait du mal. Je lui avais fait du mal en lui mentant à propos de ma relation avec Levi. Pourtant, je savais que je n’aurais pas pu lui cacher éternellement. Je crois que je ne voulais tout simplement pas me confronter à la réalité. Comme d’habitude. « C’est l’histoire d’une femme qui a merdé auprès d’une fille qui est très importante pour elle. Et maintenant elle s’en veut et espère qu’elle va lui pardonner. » Un bref sourire apparut sur mes lèvres. Elle n’avait rien à se reprocher. C’était plutôt à moi de me faire pardonner pour ce que je lui avais fait. Mais j’étais tout de même soulagée qu’elle ne m’en veuille plus trop. A vrai dire, j’avais détesté passer ces semaines sans elle, sans avoir de ses nouvelles, sans nos messages quotidiens qui me faisaient si plaisir. En fait, je crois que je m’étais attachée à Sio plus que je ne l’avais prévu, et que maintenant je ne pouvais plus contrôler mon affection. Et puis elle inspira un grand coup. « Je suis désolée Abbey. Ma jalousie a pris le dessus et je n’avais pas à te parler ainsi. La vérité c’est que ça m’a blessé mais tu me manques… » Alors, sans réfléchir, je m’avançai vers elle et entourai mes bras autour de sa nuque, serrant mon étreinte avec le peu de forces que j’avais. Elle sentait le miel. Ou peut-être la rose, je ne saurais dire. En tout cas, elle sentait bon. D’habitude, je ne me montrais pas aussi tendre, mais le fait qu’elle ne soit plus en colère contre moi me remplissait d’un énorme réconfort. Finalement je m’éloignai d’elle et lui adressai un franc sourire. Finalement, ça n’allait pas être une si terrible journée. « T’as pas à t’excuser, vraiment. C’est ma faute. Je sais que j’aurais dû te le dire, mais je ne trouvais pas les mots. Et puis je pensais que c’était mieux si tu ne le savais pas. » Je marquai un silence avant de reprendre : « Je suis désolé de t’avoir blessée Sio. Sache que c’est la dernière chose que je souhaite. » Et puis, pour finir, je dis d’un ton léger : « Et tu me manques beaucoup aussi. »

Après ses quelques paroles, je l’invitai à rentrer dans mon appartement qui était heureusement plutôt bien rangé. La télévision était encore allumée mais ça n’était pas dérangeant. J’avais enfilé un pull donc elle ne pouvait pas voir ma maigreur apparente. Certes mon short laissait entrevoir mes fines jambes, mais elles avaient toujours été maigres, donc je pense qu’elle ne le remarquerait pas. C’était sans doute mieux ainsi. Il y avait certaines choses qu’il valait mieux garder secrètes. « Je te kidnappe pour le weekend, on part toutes les deux et tu ne peux pas me dire non. » « Quoi ? » dis-je, spontanément, écarquillant légèrement les yeux. Je ne comprenais pas exactement ce qu’elle voulait dire, et sa proposition me paraissait très surprenante mais aussi très excitante. « Attends, tu veux dire qu’on va partir toutes les deux, comme ça là ? » Je devais très certainement paraitre ridicule à poser des questions aussi débiles, mais qu’importe. Cela faisait tellement longtemps que je n’avais pas voyagé. Pas depuis New York, en fait.

Spoiler:

J’avais vraiment perdu le contrôle lors de cette soirée de charité. Il avait suffit d’un regard complice échangé entre Abbey et Levi pour comprendre ce qui avait pu se passer entre eux. Et là, tout a dérapé en moi. La colère se mêlait à la jalousie et ça m’a totalement rendu folle. Je savais que Delmonte était divorcé et que ça n’était plus de mon ressort de décider avec qui ou non, il pouvait coucher. Ce qui m’a fait débloquer, c’est de savoir qu’Abbey avait décidé de me cacher tout ça alors qu’après m’avoir retrouvé ivre dans son bar, je lui avais raconté à quel point je souffrais et à quel point mon divorce avec Levi n’était pas encore digéré. Comment est ce que ça aurait pu être le cas alors que je suis encore amoureuse de lui. Elle m’a vu au plus mal et c’est là que j’aurais aimé qu’elle soit sincère avec moi. Je sais que j’aurais inévitablement pris la nouvelle avec un regard négatif mais au moins je n’aurais pas eu à le découvrir au cours d’une soirée banale. Je me suis sentie complètement idiote – à me dire qu’ils se jouaient tous les deux de moi. Forcément ma réaction a été vive et démesurée sans doute quand on sait que Levi et moi, on est divorcé depuis plus d’un an maintenant. Mais je n’ai pas pu m’empêcher de perdre le contrôle de mes émotions. J’ai beau agir d’une manière détestable avec lui – pour le forcer à l’éloigner, ça ne change rien à ce que je ressens pour lui. Je ne supporte pas de l’imaginer ne serait-ce qu’une seconde avec une autre fille que moi. Treize ans d’amour, ce n’est pas rien bordel. Je pourrais ne jamais oublier et encore moins accepter qu’une autre finisse par prendre ma place un jour. Je n’ai pas refais ma vie de gaieté de cœur. Je suis tombée enceinte et la seconde suivante j’apprenais que j’avais une tumeur au cerveau. Tout s’est bousculé en moi et j’étais terrifiée d’imposer cet enfer à Levi. J’ai préféré mentir et taire mes sentiments en faisant mine d’être heureuse avec Josh et surtout que mon fils était le sien. C’était égoïste et atroce quand on y pense mais tout a déraillé à une vitesse folle et réparer les erreurs me semble bien compliquer maintenant. Je crois qu’au fond Abbey a fait les frais des conneries qui s’accumulent dans ma vie depuis un an et ce n’était pas ce que je voulais.

Je reste fébrile près d’elle, espérant qu’elle accepte mes excuses. C’est fou parce que ce n’est pas mon genre d’admettre mes torts ou de faire le premier pas. Je crois qu’elle le mérite. Je ne pensais pas que notre rencontre dans le bar où elle travaille, nous conduirait jusqu’à cette amitié. Abbey est devenue en peu de temps quelqu’un de très importante pour moi et c’est donc pour cela que je fais ce pas vers elle. Je crois que ma vie part assez dans le sens négatif pour que je perde encore une personne chère. Je reste debout et fébrile en espérant qu’elle se montre compréhensive. Je ne veux pas qu’elle me prenne pour une espèce de folle psychopathe. Ce n’est pas le cas. J’ai simplement du mal à contrôler, la jalousie qui me pousse me comporter ainsi. Tout ça, c’est de la faute de Levi. Loin de lui, ma vie était plus simple. Je ne voyais pas ce qu’il faisait – ni avec qui et ça m’allait très bien. Depuis son retour maintenant, il n’arrête pas de jouer avec moi, de me montrer à quel point il ne m’a pas oublié et surtout qu’il ne compte pas autoriser Josh à rester avec moi bien longtemps. Je ne le laisserais pas agir comme bon lui semble. C’est aussi pour ça que ce weekend improvisé va me faire du bien. Partir loin, oublier tout et surtout lui. Abbey finit par esquisser un sourire et mon cœur devient moins pesant dans ma poitrine. Elle finit même par s’approcher pour me serrer dans ses bras. Etrangement ce contact m’apaise follement. Je souris en passant mes mains autour de sa taille – pour répondre à son étreinte. Je me suis subitement soulagée de me rendre compte qu’elle ne me tient pas rigueur de tout ce qui a pu se passer. Je reste contre quelques secondes alors qu’elle finit par se reculer en me fixant. Elle finit par reprendre la parole m’expliquant que ce n’est pas à moi de m’excuser et qu’elle est consciente qu’elle aurait du m’en parler. Et d’un léger, elle ajoute que je lui ai sincèrement manqué. J’esquisse un sourire à mon tour, me sentant soulager de la tournure que prennent les événements.

On entre finalement dans son appartement et mon regard balaye ce dernier – pour observer soigneusement la décoration. C’était simple et coquet à l’image de la demoiselle qui se trouvait en face de moi. Elle semble plus que surprise de ma proposition de partir loin et ça me fait sourire. « Comme ça oui. » Je souris en m’approchant d’elle pour tenter de la rassurer. Je ne sais pas si elle avait des projets mais elle va devoir les oublier parce que moi je suis bien décidée à partir avec elle. « Les clients du bar réussiront à se passer de toi, j’en suis convaincue ! » Je finis par prendre sa main dans la mienne pour la conduire en direction de sa chambre – histoire qu’elle prépare son sac pour qu’on décolle enfin. Arrivée dans la petite pièce, je fais quelques pas avant de m’assoir sur son lit en la fixant – fatiguée comme souvent à cause de ma maladie. « On va partir au bord de l’océan, ça va nous faire du bien puis pas d’hommes qui viendront créer des tensions inutiles. » Je parle uniquement de Levi mais c’est un détail. Je croise mes jambes en fixant la frêle silhouette d’Abbey. Je souris toujours pour essayer de la détendre. « T’es sûre que ça va ? Tu sais lors de la soirée avant ma crise…tu paraissais assez mal au point. Si tu as des ennuis, tu peux m’en parler. Je veux dire, si les miens se règlent pas je peux au moins t’aider… » Je hausse les épaules, attendant qu’elle reprenne à son tour la parole.

Un peu déconcertée, je restai plantée dans mon salon en attendant que Siobhàn s’explique mieux. Elle m’avait prise un peu au dépourvue, je devais l’admettre, mais j’étais tout de même ravie qu’elle soit ici, chez moi, malgré ce qu’il s’était passé. Je suppose que parfois, il fallait savoir pardonner aux gens qu’on aime, parce qu’on tient à eux, parce qu’on ne veut pas les perdre. Et malgré toutes les promesses que je m’étais faite, je n’avais pas réussi à les tenir. En revenant à Arrowsic, je m’étais jurée que plus jamais je ne m’attacherai à quelqu’un si c’était pour souffrir ensuite. Je m’étais promis d’être imperméable, imperméable aux autres, imperméable à tout. Ça me paraissait plus simple de cette manière. Ça semblait l’être. Pourtant ça ne l’était pas. Les mois avaient passé, et je m’étais très vite rendue compte que j’étais incapable d’accomplir mes promesses. Parce que j’avais besoin de me sentir aimée. J’avais besoin d’aimer. Parce que j’étais humaine, aussi. J’avais besoin de tendresse et d’amour pour pouvoir cicatriser mes plaies. Il parait qu’on guérit le mal par le mal. Peut-être était-ce vrai, après tout. « Comme ça oui. » Elle disait ça comme si c’était normal, comme si elle venait de me demander d’acheter du pain. C’était troublant, mais cela m’enthousiasmait beaucoup, je devais l’admettre. Partir comme ça, sans prévenir personne. J’avais l’impression de retomber plusieurs années auparavant quand je me fichais de tout, quand je buvais la vie à grandes gorgées. Tout d’un coup je me sentais comme une gamine complètement excitée à l’idée de partir à l’aventure et de découvrir plein de nouvelles choses. « Les clients du bar réussiront à se passer de toi, j’en suis convaincue ! » Les clients du Muffy’s ne me posaient pas de problème, et la propriétaire avait toujours été sympathique avec moi, comme je ne lui avais jamais causé de soucis. Si je l’appelais maintenant elle me dirait probablement que ça ne me ferait pas de mal de me reposer un peu. C’est vrai que je ne me ménageais pas tellement ces derniers temps. J’avais plutôt tendance à me détruire encore et encore, sans jamais que cela ne se finisse. Elle avait sans doute remarqué que mon corps commençait à s’affaiblir, mais elle ne m’avait jamais rien dit. Elle me conseillait juste de me reposer, et j’étais touchée parce qu’elle se préoccupait de moi. « Va dire ça à monsieur Sparks, lui qui me demande toujours pour le servir ! » dis-je sur le ton de la rigolade. Je ne sais pas si elle l’avait deviné, mais ma réponse était bien évidemment positive. Cela ne pouvait pas bien me faire de mal de toute façon. « Je vais passer un coup de fil à ma boss, et après c’est bon, le monde est à nous ! » Un grand sourire s’afficha sur mes lèvres. Je commençais à être excitée comme une puce.

C’est alors que Siobhàn me prit le bras pour m’amener dans ma chambre. Elle s’asseya sur le lit et je compris qu’il fallait que je commence à faire ma valise. Je m’activai donc rapidement à la tâche et rassemblai l’essentiel de mes affaires en prenant soin de bien les plier. Les voyages d’urgence, j’avais eu l’habitude d’en faire à New York, ainsi j’étais plutôt efficace à la préparation de mes affaires, et je n’en étais pas peu fière. « On va partir au bord de l’océan, ça va nous faire du bien puis pas d’hommes qui viendront créer des tensions inutiles. » Je savais qu’elle parlait encore de Levi, j'aurais pu le sentir à deux cent kilomètres d’ici. Cet homme l’envoutait complètement, et elle n’arrivait pas à s’en défaire. Je l’avais bien compris. Je souris légèrement. Je n’osais pas trop m’engager sur cette conversation, car elle était encore trop délicate. « L’océan, tu dis ? Ça fait tellement longtemps que je ne l'ai pas vu, j’ai hâte. » J’imitai un faible sourire, mais je pensai aussi intérieurement qu’il ne fallait pas que je me baigne. J’avais trop maigri ces derniers temps, et m’exposer de cette façon ne ferait qu’inquiéter Sio, et ce n’était pas ce que je souhaitais. J’espérais qu’elle n’allait pas me proposer d’aller me baigner, mais je ne me faisais pas trop d’illusions. Enfin qu’importe, je trouverai bien une solution au moment convenu. « T’es sûre que ça va ? Tu sais lors de la soirée avant ma crise…tu paraissais assez mal au point. Si tu as des ennuis, tu peux m’en parler. Je veux dire, si les miens se règlent pas je peux au moins t’aider… » Je me retournai alors et imitai un soupir. La soirée ne s’était vraiment pas bien passée pour moi, et je me souviens que j’avais eu un terrible mal de tête en me réveillant le lendemain. RUMOUR HAS IT m’avait poussée à bout. Je pliai une dernière chemise et vint m’assoir à côté de Sio. « Ouais, j’en ai pas mal bavé là-bas. Je ne vais pas te mentir : j’en souffre encore. J’avais l’habitude de rester dans l’ombre, tu sais. Personne ne faisait attention à moi, et d’un côté c’était bien comme ça. Et là d’un coup je suis le sujet d’un « scandale » si l’on peut dire. Je n’ai pas supporté le coup, c’était terrible. Heureusement il y a eu Blake, et Sheila n’a pas été méchante, étrangement. Donc je suppose que je m’en suis pas trop mal sortie finalement, mais il n'empêche que ça m’a fait mal, oui. » Après ces bonnes paroles je repris ma respiration et fixai le sol sous mes pieds. Puis je relevai la tête et tentai d’imiter un visage joyeux. « Je pense que ce voyage va me remonter le moral. Tu tombes vraiment à pic. » Puis je me levai, fermai ma valise et attendit qu’elle se lève. J’enfilai une veste en cuir et prit ma besace qui m’accompagnait toujours. « Je suis prête. » finis-je par dire, satisfaite.

Spoiler: