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 il ne faut pas espérer changer le monde car le monde est bien plus fort que nous. ◆ joledad.

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il ne faut pas espérer changer le monde car le monde est bien plus fort que nous. ◆ joledad. Empty
MessageSujet: il ne faut pas espérer changer le monde car le monde est bien plus fort que nous. ◆ joledad.   il ne faut pas espérer changer le monde car le monde est bien plus fort que nous. ◆ joledad. EmptyLun 11 Juin - 21:10

il ne faut pas espérer changer le monde car le monde est bien plus fort que nous. ◆ joledad. 126060joledad2
❝La violence est ce temps qui recouvre les blessures, l'enchaînement irréductible des jours, cet impossible retour en arrière. La violence est ce qui nous échappe, elle se tait, ne se montre pas, la violence est ce qui ne trouve pas d'explication, ce qui à jamais restera opaque.❞


Ça serait trop simple de savoir quand un être cher nous quittera. Trop simple, parce que si c'était possible, on prendrait un rendez-vous pour les adieux. On prendrait un rendez-vous pour les adieux comme on prend un rendez-vous pour un café. Mais putain, j'aurais voulu que ce soit possible Luna. Parce que t'es partie trop vite. Y'avait même pas d'arbitre pour siffler l'faux départ. Et j'ai eu beau courir aussi vite que possible, tu étais déjà trop loin pour que je te rattrape. Je n'ai même pas pu te dire te quiero, ni rien du tout d'ailleurs. J'aurais voulu tenir ta main, et te dire que tout irait bien. Même si la mort t'emportait, j'aurais voulu te rassurer, et te chanter une dernière berceuse comme pour t'endormir. J'aurais voulu m'assurer que tu n'aies pas peur. Parce que la mort fait peur. Enfin c'est plutôt de réaliser qu'on ne se réveillera plus qui fait peur. De réaliser que toutes ces choses qu'on laisse là, juste derrière nos paupières, se retrouveront finalement plusieurs mètres au-dessus de nos têtes. Et moi, au dessus de ta tête, je ne sais même pas s'il y a des lilas. Je ne sais même pas si des gens savaient que c'était tes fleurs préférées. En fait, je me demande même si là-bas, au pays, on pense encore à toi. Est-ce que maman vient te voir de temps en temps ? Enfin déjà, il faudrait que je sache si elle a survécu à tout ça. À la mort de sa fille. Au départ de son mari. Quant à son fils, je suppose que ça fait un bail qu'elle considère qu'elle n'en a plus. Et c'est mieux comme ça Luna. Tellement mieux comme ça. J'aurais voulu que ce soit différent, mais avais-je vraiment le choix ? Si je n'avais pas rejoint la Mara, le gang aurait été un danger permanent pour notre famille. Et j'aurais voulu vous protéger aussi longtemps que possible. Mais j'ai échoué, royalement. Puisque tu n'es plus là. Tu sais ce qui est con aussi ? C'est que bientôt, Soledad ne sera plus là elle non plus. Je voudrais lui donner mes années de vie, échanger mes poumons avec les siens. Je voudrais qu'un jour elle puisse tenir son petit fils dans les bras. Mais je ne peux pas. Je ne peux rien. La vérité, c'est que je suis juste condamné à la regarder s'essouffler un peu plus à chacun de ses pas. Comme on regarde un sablier se vider seconde après seconde. Sa vie me glisse entre les doigts. Comme des poignées d'eau que je n'arrive pas à garder aux creux de mes mains. Tout m'échappe Luna. Les secondes, les minutes, les heures. Tout s'en va, mais rien ne revient jamais. Il n'y a pas d'équilibre, pas de justice, pas de balance. La vie nous prend tout, elle nous l'arrache, sans pitié. Mais elle ne rend rien. Et tout ce qu'il nous reste, ce sont des souvenirs. Des photos abîmées. Et des visages qu'on finit par oublier. C'est tout, et c'est bien trop peu. Notre vie n'appartient qu'à nous. On devrait pouvoir remettre la main sur des moments lointains, comme on remet la main sur des objets oubliés, perdus au fond des tiroirs. Et on devrait pouvoir revisionner ces moments-là, et se souvenir qu'au final, on a bien vécu. La vie ne se mesure pas en années, mais en rires, en sourires, et même en larmes. Et comme on ne peut pas rajouter de jours à la vie, il faut simplement rajouter de la vie aux jours. Autant que l'on peut.

Ce que je me dis en regardant Soledad, c'est qu'elle ignore tout. Elle ignore que la mort m'attend au tournant. Que peut-être, je la rencontrerais avant elle. Et là, alors que je suis en train de finir de faire à bouffer, j'me demande ce qui serait pire. La perdre, ou lui briser le coeur. Et je la regarde, les yeux écarquillés devant Mulan, comme une petite fille à qui on tait la lourde vérité. Je n'aime pas lui mentir, mais je ne veux pas qu'elle sache. Je veux qu'elle vive le coeur léger. Je ne veux pas qu'elle s'inquiète pour moi autant que je m'inquiète pour elle. Je ne veux pas qu'elle sursaute à chaque fois qu'elle entend l'alarme d'un camion de pompier, ou qu'elle panique lorsque les textos mettent du temps à arriver. Est-ce que c'est égoïste ? Oui, je crois bien que oui. Et tu sais ce que j'ai envie de lui gueuler dessus Luna, à chaque fois que je me rends compte que je finirais probablement par lui saigner le coeur ? "Mais barre toi putain. Barre toi, et aimes en un autre. Un autre, meilleur pour toi. Un autre qui sera là jusqu'au bout. Un autre avec qui la vie sera plus facile. Parce que moi Soledad, je vais la foutre en l'air ta vie. Et tu le sais très bien. Y'a rien de bon en moi. Rien du tout. Et tu mérites mieux que ça." Mais je ne lui dis pas. Parce qu'en fait, je crois qu'il y a un tout petit quelque chose de bon au fond de moi, et je crois que c'est elle qui fait ça. "Attention, ça arrive." Carne guisada. Une sorte de ragout mexicain. Je faisais toujours la bouffe à mes frères au début, comme chaque nouveau doit se taper les tâches les plus pénibles. C'est comme ça que j'ai appris à cuisiner. Heureusement d'ailleurs, parce qu'avec Soledad, on mangerait que des nuggets à la poêle. Je prépare nos deux assiettes, que je pose sur un plateau, avec de quoi manger et boire. "Moi j'crois que pour être fort, il faut savoir perdre quelque chose." Je pose mon regard sur l'écran, tout en déposant le plateau sur la table basse, puis je m'assois à côté d'elle, sur le canapé. "Comme toi." Mes sourcils se froncent automatiquement. Délicate comparaison entre le dessin animé et notre vie à nous. Tu sais quoi Luna ? Elle me fait chier quand elle fait ça. Je tape du poing sur le canapé, en serrant les dents. "Putain de merde Soledad ! Ça t'amuse ou quoi bordel ?" Je me lève, parce que je suis sur le point de tout péter. Parce qu'il m'en faut peu pour tout péter quand elle parle de ça comme ça. "Ça t'amuse de parler de ça comme si c'était rien ? Ça t'amuse de t'dire que tu vas crever l'coeur de ceux qui t'aiment ? Parce que tu crois qu'il suffit d'être fort peut-être ?" Je me retiens de taper contre un mur, puis je me retourne vers elle, plantant mon regard noir de rage dans le sien.
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MessageSujet: Re: il ne faut pas espérer changer le monde car le monde est bien plus fort que nous. ◆ joledad.   il ne faut pas espérer changer le monde car le monde est bien plus fort que nous. ◆ joledad. EmptyMar 26 Juin - 20:49



« I am lost in our rainbow, now our rainbow has gone. »
On a tous besoin de se casser la gueule ici bas. On a tous besoin de s’éclater les genoux sur le béton pour se prouver qu’on est en vie. Je crois que c’est pour ça que l’amour existe et que les gens perdent du temps à s’aimer. Ca s’rencontre au coin d’une rue ou au fond d’un café, ça s’jette des regards en biais et à la fin, ça s’promet toujours des choses qui devraient être interdites. J’vais t’aimer toute ma vie. On aura un merveilleux bambin et on l’appellera Tom ou bien Lila. On sera les plus heureux mon amour. On sera les plus heureux et on n’aura rien à regretter. Et puis y’a l’temps qui passe, qui crache sur les promesses et fait des vieux cons amoureux. Parfois, il oublie de passer. Et quelque part, je crois que c'est là le pire. Il oublie de passer et les promesses restent suspendues dans l'air, comme ça, parce qu'on est trop bête pour ne plus y croire et trop bête pour y croire vraiment. Alors on fait les faibles et on bousille ce qui est certain, au nom de l'incertain.

« Attention, ça arrive. » Je ferme mes yeux et inspire profondément, m’imprégnant des senteurs qui envahissent la pièce. C’est un truc que j’ai appris à faire avec le temps, un truc qui faisait partie de mon grand-père et qui fait maintenant partie de moi. Au début, quand j’étais petite, je le regardais simplement faire et je trouvais ça un peu bête. Il ne faisait pas grand-chose de ses journées pépé, il se contentait de pourchasser la vie assis dans son fauteuil dépouillé par des années de servitude. Il ne faisait pas grand-chose. Il fumait des clopes, les jours de fête c’était cigares, et souvent, il fermait ses paupières et inspirait à s’en remplir l’intérieur d’odeurs toutes plus folles les unes que les autres. Moi, souvent, ça me faisait rire de voir son ventre se gonfler comme un gros ballon. Et pouf, pépé toussait et redevenait tout maigre. On voyait toujours ses os à travers la peau mais ça ne l’empêchait pas d’être fort et de me faire grimper sur son dos pour aller faire un tour dans le jardin. Aujourd’hui, je me dis que ça a devait sacrément l’épuiser et que peut-être, si nous n’avions pas si souvent étés dans le jardin, il serait encore là. Puis j’me rappelle que pépé adorait autant que moi ce jardin et qu’il était de ceux qui n’ont pas peur de voir leur jauge de vie descendre à zéro en échange de rires et d’amour. C’est pour ça qu’il essayait à longueur de journée de se souvenir des parfums, des odeurs. Il rouvrait les paupières, il posait ses yeux trempés sur moi et il m’disait pourquoi faudrait faire comme tout le monde petite ? Pourquoi faudrait forcément se souvenir des images et des photos ? Les odeurs c’est moins banal et puis tu sais, on finit toujours par oublier le nombre de rides, la couleur des lèvres et tout le reste. C’est fait pour ça les visages ma chérie, c’est fait pour être oubliés. Faut pas se souvenir des trucs tristes et crois moi, un visage, c’est jamais très joyeux. Ca porte les marques des petits bonheurs, des grands malheurs, du vide et de la guerre. Allez petite, grimpe sur mes genoux et fais comme moi. Ferme les yeux et inspire. Fort. Parce que y’a des trucs qu’on garde toute notre vie. L’odeur du pain chaud, de la confiture de fraise, de la pluie qui tombe dehors et de l’amour que transpirent ceux qui nous aiment. Souviens-toi de ça petite, souviens-toi de ça et des moments jolis qui passent de temps à autre. « Ca sent tellement bon, El Cocinar… » Je capture ses lèvres et quelque part, je crois que ce baiser a un goût de remerciement. Je le remercie de s’acharner contre ce qui nous perd et de prendre encore soin de moi. Et ce soir plus que jamais, alors qu’on s’apprête enfin à vivre une soirée belle à mourir, une de ces soirées qu’on ne rencontre que trop peu souvent lui et moi, je sais qu’au fond, c’est le ciel que je salue. De l’avoir mis sur mon chemin ce soir d’hiver où je ne voulais plus croire en rien. De lui offrir un peu de vie là où on m’offre un peu de rien.

« Moi j'crois que pour être fort, il faut savoir perdre quelque chose. » Silence. « Comme toi. » J’ai les yeux fixés sur l’écran en face de nous, j’ai les yeux qui s’accrochent aux images d’un de ces dessins animés que je me suis trop souvent repassés et je ne fais pas attention aux choses qui se disent et à celles qu’on doit taire. J’en oublie que certains ici bas ne supportent pas qu’on parle de ce truc qu’on appelle la mort et qui prend tout ce qu’il y a de vivant en nous. Alors comme ça, comme un nuage vient cacher le soleil, comme une vérité vient briser un lien, l’esquisse de la jolie soirée qu’on crevait d’envie de vivre s’éclate à nos pieds. Et quand j’ose enfin relever la tête vers Joaquin, il n’y a plus que de l’animosité dans ses veines. « Putain de merde Soledad ! Ça t'amuse ou quoi bordel ? » J'crois que j'ai un sursaut, un battement qui manque à mon cœur, un truc qui fait que mon intérieur se décroche quand j'vois la fureur dans laquelle il se fout. « Ça t'amuse de parler de ça comme si c'était rien ? Ça t'amuse de t'dire que tu vas crever l'coeur de ceux qui t'aiment ? Parce que tu crois qu'il suffit d'être fort peut-être ? » Il m'décoche un regard à faire fuir les plus courageux et j'me sens si petite que j'ose pas faire un pas. Ce serait trop con, alors, que son poing s'abatte sur ma peau, que ses mots ricochent sur tout c'qu'on a tenté de construire à travers l'absence de nos promesses. Ses vocables repassent en boucle et m'font quelque chose de salement moche au beau milieu du ventre. Ca m'retourne, ça m'lancine quatre fois plus que mes poumons dépouillés. Je laisse la barquette au beau milieu de la table basse et je me lève. Incapable de trouver d'où me sort tout ce courage, je le vrille du regard comme jamais je n'ai vrillé quelqu'un du regard. J'dépose à ses pieds ma rancœur, ma colère. J'dépose à ses pieds tout ce qu'il veut que je taise parce que ça prend trop de place en moi et qu'il y a déjà bien trop peu d'place là-dedans. « C'est c'que tu penses ? Tu crois qu'ça m'fait marrer de savoir que j'aurais pas d'enfants, que j'me marierai jamais, que j'aurais même pas de vrai boulot ? Tu crois que ça m'plairait pas de me réveiller un matin et de pouvoir te dire tout ira bien Joa, tout ira bien parce que j'compte pas partir ? » Silence. « T'es un enfoiré Gonzalvo. »
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