« Me présenter ? Raconter ma vie jusqu'à aujourd'hui ? Pourquoi pas ... Je suis Leah Turner. Mes parents m'ont appelé Leah en hommage à ma défunte grand-mère. Touchant, non ? Je suis née à Chicago en été dans une riche famille d'avocats. Personnellement, l'argent dont dispose ma famille ne m'a jamais vraiment intéressé. Mais s'il y en a, pourquoi ne pas en profiter ? Cela serait un réel gâchis, vous ne pensez pas ? Enfin bref, j'avais tout ce dont je voulais mais ça, sans prendre la grosse tête. Des personnes pourries gâtées auraient des amis, eux aussi, pourris gâtés. Eh bien pas moi ! J'avais des amis pauvres comme j'avais des amis riches. J'ai longtemps nagé dans le bonheur jusqu'à ce que le malheur ne me rattrape à sept ans. Ma mère, mon idole, mon modèle, tomba malade. Vraiment malade. Elle ne tint le coup que deux mois avant de s'éteindre. Quand mon père est venu me chercher à l'école, j'étais en cours de mathématiques. Je me souviens le voir arriver en courant dans le couloir depuis ma classe, entrer et s'avancer vers moi. Il m'a prise par la main et m'a emmenée dans la cour. La maîtresse avait compris, elle était au courant. Arrivés dehors, on se regardait, on se fixait et là ... il éclata en sanglots. Je compris enfin et pleura à mon tour aussi. Une cinquantaine de personnes s'étaient rendues à l'enterrement de maman. Ce geste me touchait même si je savais qu'un quart de ces personnes ne venaient que par pure curiosité. Tant pis ... Il faut de tout pour faire un monde. Mon père m'envoya voir plusieurs pédopsychiatres et petit à petit, en disant ce que j'avais sur le coeur, j'allais mieux. A quinze ans, je menais une vraie vie d'adolescente: fêtes, concerts, sorties entre amies, cinéma avec le petit copain, premier vrai baiser, ... Et j'étais plutôt une bonne élève. Mon père s'était retrouvé quelqu'un mais je m'en fichais. Je savais qu'au fond de lui, personne ne remplacerait maman. Je ne voulais pas faire de grandes études, mais à 18 ans, pour faire plaisir à mon père, je m'inscrivis à la FAC des arts de Chicago. Là-bas, j'ai rencontré de nombreuses personnes. Mais un seul restera à jamais gravé dans mon esprit: Declan. J'ai passé un an avec lui. Certes, un an, c'est n'est pas grand-chose. Mais, bon sang, qu'est-ce qu'on s'aimait ! C'était passionné, on ne se quittait (presque) jamais ... Malheureusement, nous avons dû rompre: Declan est parti en Europe, plus précisément en Italie, pour continuer ses études. Depuis, il m'a carrément oubliée. Moi, incapable de rester seule à la FAC, décidai qu'il était temps de quitter Chicago pour un endroit plus paisible avec des gens peut-être un peu plus simples. En recherchant des maisons ou appartement à louer, je tombai sur Arrowsic. Pensant que la ville était plus animée qu'elle ne le laissait paraître sur les photos du site internet, je déménageai, quittant mon père et Mindy, sa compagne. Arrivée là-bas, je ne peux et veux plus retourner à Chicago. A Arrowsic, les deux seules occupations possibles sont les sorties avec les amis et l'ennui. Tant pis, j'étais ici, j'y restais. Mais je sais seulement que je ne passerai pas ma vie ici. Sinon, j'allais mourir rongée par l'ennui ... »