Le soleil se fraye un chemin sous mes paupières et les amène doucement à s'ouvrir. Le journée s'annonce belle, comme toutes ces dernières. Pourquoi ? Parce que chaque soir, je m'endors dans les bras de la femme que j'aime et je la retrouve chaque matin exactement au même endroit. Et ça rend heureux, ces petits bonheurs de la vie de couple. Certains cartons sont encore un peu entassé partout, l'emménagement n'est pas vraiment tout à fait terminé, mais on peut tout de même dire que Kai et moi vivons désormais ensemble. Certaines choses restent encore à faire, mais peu importe; le processus est lancé et bien lancé. Nos deux noms apparaissent sur le bail du loft et notre nouveau lit témoigne de notre avancée récente dans notre relation. Je suis heureux, vraiment très heureux. Tout se passe très bien et je dois dire que l'on ne s'est jamais aussi bien entendu.

Je m'étire et je regarde autour de moi. J'ai hâte de retourner à mon ancien appartement - que je ne peux pas rendre avant deux mois, à la fin de mon bail - pour y chercher le cadeau que j'ai concoté pour ma belle rousse en l'honneur de notre emménagement ensemble. C'est une toile que j'ai peint pour elle, dans l'idée de l'accrocher dans notre chambre, en espérant qu'elle l'aimera. J'ai essayé de la faire dans les mêmes teintes que certains des meubles qu'elle a amené de la maison de ses parents. J'y ai vraiment mis du coeur à peindre ce tableau, d'autant plus que ça faisait un certain temps que mes pots de peinture pourissaient dans un coin de mon atelier. Atelier que je ne pourrais désormais plus avoir, mais c'est pas si grave, je n'ai plus tellement le temps de toute façon.

Kai se met à gigoter. Je la regarde. Elle est blême, en sueur. Elle grimace. J'en déduis qu'elle fait un cauchemar, ce même cauchemar qu'elle fait souvent: son accident. Elle m'en avait parlé, elle m'avait prévenu que ça risquait d'arriver, mais je ne l'avais encore jamais vu. Je caresse doucement sa joue, pas dans le but de la réveiller, juste de la rassurer. « Non, non, non... » dit-elle avec une voix légèrement paniquée. « Ralentis, ralentis putain... » Elle marque une légère pause avant de crier: « BLAZHE ! » Blazhe ? C'est qui celui là ? Serait-ce le mystérieux passager qui était avec elle le jour de l'accident ? Celui qui l'a abandonné, dont Kai elle même n'a aucune information ? Si c'est le cas, en cet instant je me promets de le détester. Un peu confu, j'interromps ma caresse sur sa joue, l'observant gigoter dans tous les sens et grimacer toujours plus. Puis, elle se met à gémir doucement.

« Kai, kai, kai, c'est bon, c'est qu'un rêve. Kai je suis là. » Ses paupières se soulèvent doucement. Elle a la respiration haletante et semble complètement paniquée. Perdue, serait même un terme plus exact. J'ai envie de la rassurée, de l'aider à se calmer, mais je dois avouer que je suis tout aussi perdu qu'elle. Si ce n'est plus. Je n'ai aucune idée de ce qui se passe dans sa tête actuellement, de qui est ce foutu type et qu'est-ce qu'était ce putain de cauchemar. Alors que les minutes passent et qu'elle ne dit toujours rien, je commence à m'impatienter quelque peu. « Kai, qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce que tu as vu ? Et c'est qui ce Blazhe au juste ? » dis-je avec un ton bien moins doux que précédemment.

Kai était assise sur le siège passager, chaque seconde qui passait elle retenait un peu plus ses larmes, elle pouvait tout pardonner à Blazhe, elle lui aurait donné sa vie mais ce à quoi elle renonçait, c’était l’idée de le perdre, il ne pouvait pas agir comme ça, parce que même elle, la gosse innocente, l’adolescente pré pubère qui se prend pour une grande –c’était bien souvent ce que les potes de Blazhe lui lançait pour l’énerver en vain- eh bien elle, elle savait que ça ne pouvait pas bien finir et qu’au mieux l’homme qu’elle aimait finirait derrière les barreaux. Elle ne sentait pas cette main douce et rassurante qui caressait son visage, non elle était bien trop préoccupée par ce qu’elle lisait sur son visage. Le pied de son amoureux s’écrasa sur la pédale d’accélérateur, Kai était complètement paniquée et tous les « non » qu’elle pouvait crier avec cette respiration haletante ne changeait rien, il accélérait toujours plus, il n’avait pas peur, il était énervé mais, là, il jouait avec leur vie bordel de merde ! « Ralentis, ralentis putain... » les larmes coulaient sur ses joues alors qu’il ne lui adressait même pas un regard, elle voyait l’aiguille du compteur de vitesse monter toujours plus haut. « BLAZHE ! » Elle voulait tellement qu’il ralentisse mais lui, il ne daignait pas à la regarder. Elle tenta la manière douce le suppliant d’arrêter ses conneries tant pour la drogue que pour la vitesse mais elle se heurta à un mur, un mur qui lui hurlait « non », ce mot la brisa, les larmes roulèrent de plus belle, elle en avait assez elle voulait descendre de cette voiture, elle voulait que cet enfer s’arrête. Elle lui demanda d’arrêter la voiture, mais, visiblement, il n’en avait pas envie, il ne faisait qu’accélérer alors, Kai tenta de s’emparer du volant mais, très vite le jeune la repoussa sans même hésiter une seule seconde. Cependant, en reposant son regard sur la route, il put voir cette voiture qui arrivait en face d’eux, cette voiture qu’il tenta d’éviter, il fonça dans un arbre et s’en étaient finit d’eux. Kai le regarda alors une dernière fois, elle allait lui dire quelque chose, elle allait ouvrir la bouche mais, quelqu’un d’autre qui n’était pas Blazhe le fit pour elle « Kai, kai, kai, c'est bon, c'est qu'un rêve. Kai je suis là. ».

La jeune femme ouvrit alors les yeux, son cœur battait bien trop vite, elle respirait comme si quelqu’un venait de tenter de l’étouffer dans son oreiller, elle ne savait même plus où elle était, elle cherchait du regard un élément qui lui expliquerait ce qu’il venait de se produire, elle était complètement perdue et hantée par cette dernière image, par le regard du conducteur. Le silence régnait en maitre dans la chambre des deux amoureux, petit à petit Kai reprenait ses esprits, comprenant qu’elle avait encore fait ce cauchemar, comprenant que cette fois, elle avait réveillé Fernando, elle aurait voulu s’excuser, mais sa gorge était encore sèche, elle n’était pas encore prête à parler, elle était encore un peu sonnée. « Kai, qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce que tu as vu ? Et c'est qui ce Blazhe au juste ? ». Elle regarda alors Fernando, ça y est, il lui en voulait, sa voix était beaucoup moins douce, il était impatient, ça y est, elle le savait, personne ne pourrait comprendre ou accepter le fait qu’elle soit amnésique et que malheureusement certaines parcelles de son passé pouvait refaire surface, même Fernando ne le pouvait pas. Blazhe, c’était ce prénom que Fernando venait de prononcer n’est-ce pas ? Alors c’était certainement comme ça qu’il s’appelait, cet homme à ses côtés dans la voiture, celui qui conduisait -parce que oui, à son réveil Kai ne se souvenait pas de l’identité du chauffeur-. « J’ai juste rêvé de l’accident… ». Juste, oui, pour elle s’était devenu banal bien que de plus en plus atroce de plus en plus précis ces derniers temps, ce n’était qu’un cauchemar parmi tant d’autres. « Je ne sais pas… je ne sais pas qui est ce Blazhe… j’imagine que c’est lui qui conduisait la voiture… » Qu’est-ce qu’elle pouvait lui dire de plus ? Que ce prénom, elle avait l’impression de bien le connaître ? Qu’elle avait manqué de perdre sa respiration en prononçant son nom ? Non, elle ne pouvait décemment pas lui dire ça alors qu’elle ne saurait même pas expliquer pourquoi –et qu’elle ne voulait pas savoir et avoir à l’expliquer-.

C'est pas la première fois que j'y suis confronté, aux cauchemars de Kai. Et je sais que c'est probablement pas la dernière. Mais ça n'a jamais été comme ça. Jamais. Jamais d'une telle intensité. En principe, elle gigote un peu, elle susurre quelques « nooon » puis elle se calme. Jamais encore elle n'a hurlé comme ça, mais plus étonnant, jamais elle n'a hurlé ce prénom. Blazhe. Plus les minutes passent, plus je suis persuadé que c'était le mystérieux passager qui était là ce fameux soir, cette personne qui a lâchement disparu depuis. Je veux savoir qui est ce Blazhe, je veux vraiment savoir. Je sens lentement l'adrénaline de la colère monter en moi. Alors que Kai émerge difficilement, je la secoue avec mes questions et je ne lâche pas l'affaire, devenant de plus en plus brusque.

« J’ai juste rêvé de l’accident… » Juste... Non, ce n'était pas un rêve comme les autres, je le sais. Et si elle a vu quelque chose, je veux qu'elle me le dise, elle doit me le dire. On s'était promis de ne rien se cacher. Je veux savoir qui est ce Blazhe. « Je sais pertinemment que ce n'était pas comme toutes les autres fois. » Je suis sec, un peu trop sec. Mais tant pis, je veux vraiment savoir ce qu'elle a vu, je veux qu'elle me raconte. Je demande qui est ce Blazhe, pourquoi elle a crié ce nom. J'ai envie de savoir, j'ai besoin de savoir. « Je ne sais pas… je ne sais pas qui est ce Blazhe… j’imagine que c’est lui qui conduisait la voiture… » Réponse bien loin d'être suffisante. Intérieurement, je bouillone. J'ai besoin de comprendre. Si un batard était avec elle, dans la voiture et qu'il la laissé pourir comme une merde, j'ai besoin de savoir qui s'est. Oh oui, je le retrouverai ce connard. « Comment ça tu ne sais pas ? Tu as bien du voir son visage dans ton rêve, puisque tu lui parlais. Qu'est-ce qui s'est passé ? Racontes moi Kai ! Ne me dis pas que tu n'as pas de souvenir d'avoir entendu ce prénom auparavant. » Je parle vite, trop vite. Je suis pressant avec mes questions. Je perds patience et je dis des choses qu'il ne faut pas. Je suis au courant de son amnésie. Je sais, qu'en principe, elle ne se souvient de rien. Mais aujourd'hui je ne parviens pas à l'accepter. Parce qu'enfin, je me rends compte de ce que ça signifie. Ce Blazhe peut être n'importe qui. Et vu la manière dont elle a crié son nom, il semblait important.

Comment ce type a-t-il pu la laisser là ? Comment a-t-il pu la laisser dans son amnésie, sans revenir après coup ? Je ne peux pas le croire. Je suis persuadé que Kai en sait plus que ce qu'elle dit et je veux qu'elle me le dise. Même si à l'heure actuelle je ne fais pas grand chose pour me mettre en confiance. « Kai, si tu commences à te souvenir tu ne dois pas me le cacher. » Je le dis sous un ton qui sous entend que c'est exactement ce qu'elle fait. Je m'en veux pendant une seconde, parce qu'elle semble totalement déboussolé. Certainement et par son rêve et par ma réaction. Mais j'ai trop besoin de comprendre, et ce besoin me rend dingue. L'enervement monte au fur et à mesure que sa réponse tarde à venir. Et puis, je sais que de toute façon je n'en serai certainement pas satisfait, mais peu importe, c'est toujours pire de demeurer dans l'ignorance. Et donc, pour la première fois, j'ai l'impression de partager le sentiment dans lequel elle a du être plongé durant toutes ces années...

Pour Kai ses cauchemars n‘avaient pas la moindre importance, ils ne devaient pas en avoir, ce n’était qu’un passage désagréable la nuit et peu importe, tant que ça n’affectait pas sa vie, tant que les souvenirs ne revenaient pas réellement, ce n’était que des cauchemars sans importance dont elle n’avait pas à parler. Cependant, son amoureux voyait les choses autrement, enfin, ce soir, il voyait les choses autrement, parce qu’elle avait un peu trop bougé, parce qu’elle avait un peu plus crié et c’est vrai elle pouvait l’admettre elle-même, ce cauchemar était bien plus intense que les précédents, bien plus déstabilisant mais pour autant c’était juste un cauchemar. « Je sais pertinemment que ce n'était pas comme toutes les autres fois. » Oui et alors ? Quel était le problème ? Elle en parlerait avec son psy si ça pouvait le rassurer, il n’avait pas à lui parler de manière aussi sèche, elle n’y pouvait rien si ça avait été différent, si tout lui avait semblé plus net, plus réel, elle ne l’avait pas choisi, elle ne l’avait certainement pas désiré. Elle le regarda tristement, préférant ne pas répondre, ne sachant quoi dire, quel ton utiliser face à ce reproche.

Le jeune homme s’impatienta alors, demande qui était ce Blazhe, ce à quoi la jolie rousse ne pouvait pas apporter de réponse suffisante, elle supposait que mais, elle ne savait rien. Ce n’était qu’un cauchemar et il n’y avait plus que ce regard qui la hantait, il n’y avait plus que cette sensation d’être prisonnière dans la voiture abîmée et en vue de la manière dont Fernando la traitait elle n’était pas prête à se laisse submerger par le souvenir de ce rêve, aussi récent soit-il. « Comment ça tu ne sais pas ? Tu as bien du voir son visage dans ton rêve, puisque tu lui parlais. Qu'est-ce qui s'est passé ? Racontes moi Kai ! Ne me dis pas que tu n'as pas de souvenir d'avoir entendu ce prénom auparavant. ». Kai se redressa, complètement abasourdie parce que qu’elle entendait là, par le temps qu’il utilisait, il était censé accepter son amnésie, ils étaient censés tout se dire mais, si lui ne tenait pas sa première promesse comment pouvait-elle tenir la deuxième ? Comment pouvait-elle lui dire absolument tout si cela signifiait qu’elle prenait le risque de le perdre, qu’il allait lui en vouloir, pourquoi être honnête, loyal si, lui, de son côté ne l’était pas, s’il la lassait là parce qu’il ne supportait pas l’idée qu’elle se souvienne, contre son gré. « Je ne sais pas qui il est ! J’ai vu un visage oui et alors ? Je n’ai pas de souvenir de ce visage ni même de ce prénom. Je suis désolée de ne pas pouvoir t’apporter satisfaction mais, qu’est-ce tu veux ? Que j’invente des souvenirs pour te rassurer. ». Les larmes roulaient sur les joues de la jeune femme, elle sentait accusée à tort, loin d’être soutenu par son petit ami, elle savait qu’il lui en voulait et ça, ça la blessait, finalement combien de temps encore, combien de fois encore allait-elle payer cet accident de voiture, cette erreur ? Quel serait le prix à payer pour ne plus souffrir d’un accident passé ?

Cependant, Fernando était bien trop énervé pour s’arrêter à la simple douleur de la rouquine, il semblait aveugler par sa colère, son désir de savoir, si bien qu’il reprit la parole, l’accusant à nouveau. « Kai, si tu commences à te souvenir tu ne dois pas me le cacher. » Elle se rallongea dans le lit lui tournant le dos, pourquoi ne la croyait-il pas ? Pourquoi ne lui faisait-il pas confiance ? Il était incapable de la soutenir et maintenant elle était persuadée que personne ne le pouvait personne sauf peut-être Imran parce qu’il connaissait ce vide absolu en soi, ce manque qu’elle pouvait ressentir. Mais là, Imran n’était pas là, là, elle était face –ou plutôt dos- à Fernando, elle devait affronter sa colère, son incompréhension. « T’es pas censé m’en vouloir. » Les larmes roulaient toujours plus sur ses joues, elle n’en pouvait déjà plus de cette interrogatoire. « Je ne commence pas à me souvenir et je ne veux pas que ça arrive. Pourquoi est-ce tu m’accuses comme ça ? ». Elle tenta de sécher ses larmes mais elle continuait à rouler encore et encore sans jamais s’arrêter, la douleur dans son cœur ne semblait pas s’atténuer parce que lui, celui qu’elle aimait, ne comprenait pas.

Je suis en colère. Contre qui, contre quoi, je ne sais pas très bien, mais c'est Kai qui en paye les frais. Mes mots ne sont plus doux. Mes mots sont durs. Mes questions sont insistantes. Je vais trop loin. Kai commence à se souvenir, j'en suis sûre. Kai a vu quelque chose de plus dans son rêve, j'en suis persuadé. Je veux savoir, je veux savoir plus que tout, absolument. Et qu'elle me dise qu'elle n'en sait pas plus, même si c'est la pure et dure vérité ça ne me suffit pas. Pourquoi ? Je ne sais pas, j'ai juste besoin de plus. Et ça me rend fou, fou de rage d'imaginer qu'un homme, un homme visiblement important à ses yeux ait pu faillir à la tuer. Ma Kai. C'était facile jusqu'à présent. J'avais un passé sentimental casiement inexistant, elle ne se souvenait de rien. On était le premier amour l'un de l'autre. Et ces souvenirs là pouvaient bien tout changer. C'est ce qui me fait peur. J'ai peur de découvrir qu'il y en ait eu un autre qu'elle à plus aimé. Je veux être le seul, l'unique. Je veux être ce qu'elle est pour moi, l'amour de sa vie.

« Je ne sais pas qui il est ! J’ai vu un visage oui et alors ? Je n’ai pas de souvenir de ce visage ni même de ce prénom. Je suis désolée de ne pas pouvoir t’apporter satisfaction mais, qu’est-ce tu veux ? Que j’invente des souvenirs pour te rassurer. » Oui, limite. Je veux juste la vérité. Je veux juste savoir. C'est tout. Comment lui dire ? Comment lui expliquer ? J'observe une larme s'échapper des yeux de la belle rousse. Je n'esquisse pas le moindre mouvement. Je reste terrer dans ma colère, bien trop nerveux pour la prendre dans mes bras. Même si au fond, rien de tout ça n'est vraiment contre elle. Je l'aime, un peu trop. Voilà la raison de ma colère. J'ai du mal à supporter que quelque chose de semblable ait pu arriver à ma Kai. J'ai du mal à supporter ses cris, cette peur que j'ai lu sur son visage durant ce cauchemar un peu plus intense. J'ai du mal à supporter le fait que cette histoire l'ai fait autant souffrir et qu'elle la fera probablement toujours souffrir. Et là, je suis trop aveuglé par ma colère pour comprendre que c'est en fait moi qui la fait souffrir actuellement et absolument pas son rêve.

« T’es pas censé m’en vouloir. » Je ne t'en veux pas Kai. J'en veux à ce Blazhe. J'en veux à ce connard qui t'a presque tué et qui t'a lâchement abandonné. J'en veux au monde, à la fatalité. Mais au lieu de dire tout ça, je fais non de la tête. Elle me voit même pas, elle a la tête baissé. Elle pleure. Et ça m'énerve encore plus. Parce qu'elle souffre, que j'ai pas le bon comportement et que j'ouvre enfin les yeux. Mais je peux pas, je peux pas esquisser un geste vers elle, pas encore. « Je ne commence pas à me souvenir et je ne veux pas que ça arrive. Pourquoi est-ce tu m’accuses comme ça ? » Elle sanglote. Et moi, j'explose. « Bon sang Kai ! Tu ne veux pas savoir qui est ce batard qui t'accompagnait ce soir là ? Tu veux pas savoir qui est ce con qui a osé t'abandonner ? Moi je veux savoir, et je veux lui faire la peau ! »

Je me prends la tête entre les mains et je fais les cent pas dans la pièce, rapidement. Je balaye la chambre du regard jusqu'à ce qu'il se pose sur Kai. Et là, je m'arrête d'avancer. Elle pleure si fort, je ne l'avais encore jamais vu comme ça. C'est ma faute, uniquement ma faute. Je reste une bonne minute, silencieux, à la regarder, puis je me décide à avancer doucement vers elle. « Kai, je veux pas te faire du mal, je devrais pas m'énerver. C'est juste que... ça me rend malade de t'imaginer dans cet accident... » Ma voix s'est adouci un peu. Je m'assieds à côté d'elle et je caresse délicatement ses cheveux. Je sais qu'elle me voudra. Je sais qu'elle a raison de le faire. Je tâcherai de me faire pardonner. Je la sens trembloter sous mes caresses, les yeux toujours chargés de larmes. Et moi, je suis partagé, partagé entre colère et regrets. J'aimerais juste la serrer dans mes bras, lui crier que je suis désolé et sourire à nouveau. Sourire, comme on le fait chaque jour depuis des mois, se dire des mots d'amour, rire et être heureux. Mais je peux pas, y a comme un mur qui s'est dressé, que j'ai dressé et j'ai juste besoin de partir, de prendre de l'air, d'oublier. « Je vais courir... Excuses moi. » Je dépose un baiser sur son front, puis je me lève. Puis je m'en vais.

Kai était en train de pleurer et Fernando lui ne faisait rien pour la réconforter, il n’agissait pas comme à son habitude, il était prêt à vomir sa haine, sa rancœur, il lui en voulait tellement qu’elle en venait à s’en vouloir aussi, s’en vouloir pour quelque chose qu’elle n’avait pas pu prévoir, qu’elle n’avait pas décidé. Fernando l’accusait, elle avait l’impression qu’on lui faisait son procès, il était tellement persuadé que Kai se souvenait qu’elle le précisa que non, sa mémoire ne revenait pas réellement et elle ne voulait pas que ce soit le cas. « Bon sang Kai ! Tu ne veux pas savoir qui est ce batard qui t'accompagnait ce soir là ? Tu veux pas savoir qui est ce con qui a osé t'abandonner ? Moi je veux savoir, et je veux lui faire la peau ! ». Il explosait, elle pleurait toujours plus, non elle ne voulait pas savoir c’était si difficile à comprendre ? Et puis, qu’est-ce qu’il en savait si ce type ;’avait vraiment abandonné ? C’était ce que ses parents avaient dit mais, il était peut-être mort, elle n’en aurait jamais rien su, de même, il était peut-être venu lui tenir la main durant son coma, ses parents lui auraient menti, dans tous les cas, même si elle venait à se souvenir elle ne connaîtrait jamais toute la vérité sur sa vie passée. Alors à quoi bon ? Oui vraiment, à quoi bon se souvenir si c’était pour souffrir de ses conneries passées sans même savoir la réalité sur les évènements. « Non, je ne veux pas.. ». Elle avait parlé tellement bas qu’il n’avait sans doute pas entendu surtout que ses paroles étaient étouffées par ses larmes.

Oui, la rousse était dans un état catastrophique, Fernando n’avait jamais dû la voir pleurer comme, recroquevillée sur elle-même, elle l’observait faire les cent pas dans la pièce alors que son ventre se nouait, qu’elle commençait à avoir la nausée et a hoqueter à cause de ses sanglots. Il se décida enfin à la regarder, sans rien faire, comme si c’était une pauvre fille qu’on méprise, une clocharde dans la rue, du moins, c’était ce qu’elle ressentait. Finalement, il s’approcha doucement d’elle alors qu’elle tremblait de peur à l’idée qu’il ose un geste, une parole « Kai, je veux pas te faire du mal, je devrais pas m'énerver. C'est juste que... ça me rend malade de t'imaginer dans cet accident... ». Trop tard, elle ce qui la rendait malade c’était qu’il la déteste tellement, elle aussi sa lui faisait mal de revoir systématiquement cet accident, mais, elle ne pouvait pas lutter contre cela et ce qui lui faisait encore plus mal c’était ce mur qui se dressait entre eux, elle le sentait bien dans ses gestes, quand il caressait son visage sans parvenir à la faire cesser de trembler, cesser de pleurer. Elle l’entendait bien dans sa voix, même si elle n’était plus calme, il y avait toujours de la rancune. . « Je vais courir... Excuses moi. » Il embrassa son front, la laissant la, les genoux contre sa poitrine, tremblante, perdue, seule, pleurant, il venait de la laisser là, alors qu’elle était au plus mal, il l’avait abandonné dans cette chambre et là, elle savait que face à ses souvenirs, elle était seul, que Fernando ne tiendrait pas sa promesse et que probablement, ils lui feraient tout perdre, la plongerait dans l’ombre.