Je ne sais pas trop comment commencer cette lettre. Je dois dire que j’ignore tout de toi, j’ignore même si tu sais que tu as été adoptée. Je ne sais même pas si tu portes toujours le prénom qui t’as été donné à ta naissance. Alors je pense que je vais passer outre les formes de politesse et te parler comme si nous nous connaissions, comme si nous n’avions jamais été séparées... Je m’appelle Lizbeth Young, et il y a 9 ans je t’ai donné naissance. A l’époque je n’avais que 16 ans, alors maintenant tu dois te dire que ta mère biologique n’est qu’une autre de ces adolescentes fille-mère qui abandonna son enfant. Mais sache que l’histoire, ton histoire, est plus compliquée que cela...
Je suis née dans une communauté mormone du Wyoming, à l’époque je m’appelais encore Yevon Young. J’étais la quatorzième fille de mon père et ma mère était sa cinquième épouse. La vie que j’ai connue au sein de la communauté était paisible. A l’époque je n’avais pas de quoi me plaindre, je ne connaissais rien d’autre que ce que je vivais. Nos journées étaient rythmées par les travaux ménagers, l’éducation religieuse et les messes. La seule chose que j’avais alors à reprocher à la vie que je menais là-bas était le fait que nous ne pouvions être amicaux avec les garçons. Nous étions uniquement destinées à devenir la femme d’un homme, les autres ne comptaient pas. Mais je savais que d’autres avaient transgressé cette règle avant, et l’une de ces femmes étaient ma tante. Celle-ci avait été bannie de la communauté, alors le jour où l’on me surprit à discuter avec notre voisin, mes parents prirent peur. Ils craignaient de me voir devenir comme ma tante, et fauter avant le mariage alors que j’étais déjà promise à un autre homme dont je serais la troisième femme.

Bien que surveillée depuis le jour où l’on m’avait vu en compagnie de Dahl, ils ne purent jamais m’empêcher de continuer à le voir en cachette. Nous passions des heures à discuter ensemble, à rire, et à oser rêver à une autre vie que celle que nous vivions. Nous étions jeunes, et espérions pouvoir changer les choses. Nous étions tellement naïfs... Au fil des heures passées à la compagnie de Dahl je finis par tomber amoureuse de lui. Nous nous aimions tous les deux, mais cela ne suffit pas. Un jour j’ai découvert que j’étais enceinte. Totalement paniquée et ne sachant que faire, j’ai fui. De toute manière jamais la communauté n’aurait accepté qu’une fille tombe enceinte en dehors de mariage, et surtout d’un homme qui n’était pas destiné à devenir son mari. Alors plutôt que d’attendre d’être chassée, j’avais préféré tout quitter, laissant ainsi à Dahl une chance de pouvoir continuer à vivre sa vie. Quelques fois il m’arrive de penser à lui, je me demande ce qu’il est devenu. S’il m’en veut d’être partie sans prévenir. S’il a fini par se marier...

Avant de quitter la communauté j’ai volé une lettre que ma tante avait écrite à ma mère, lui indiquant son adresse, elle était la seule personne vers qui je pouvais me tourner. Alors j’ai payé le bus jusqu’au Maine avec le peu d’économie que j’avais. Arrivée devant sa porte j’ai paniqué, craignant qu’elle ne me rejette. Mais ce ne fut pas le cas, elle me recueilli comme si j’étais sa propre fille. C’est grâce à elle que j’ai pu apprendre à vivre dans le monde réel. Et lorsque j’accouchasse elle fut à mes cotés. Je t’ai appelée Aimeleen. Et ma décision fut difficile à prendre, j’avais le choix entre te garder à mes cotés ou te donner à une famille normale qui aurait tellement plus à t’offrir. Je ne peux pas dire que je ne regrette pas de t’avoir laissée à l’adoption, mais je suis sure que de cette manière tu as eu une vie bien meilleure que tout ce que j’aurais pu t’offrir.

Les années passèrent, sans que jamais je ne cesse de penser à toi. Chaque nuit je m’endormais en me demandant où tu étais, si tu étais heureuse. Sache que jamais je ne t’oublierai, et si tu m’en veux de t’avoir abandonnée, je l’accepte. Mais j’ai fait ce que je pensais être le mieux pour nous deux. Quoiqu’il arrive je t’aimerai toujours, tu auras toujours une place dans mon cœur, ne l’oublie pas.

Aujourd’hui j’ai 25 ans, je vis toujours dans la maison de ma tante, qui me la céda lorsqu’elle quitta l’Etat pour partir voyager. Je suis une jeune femme normale, personne n’est au courant de mon passé. Je travaille à l’hôpital en tant que résidente en chirurgie pédiatrique, et j’espère qu’un jour je pourrai te rencontrer, voir quelle magnifique jeune femme tu es devenue.