« You gave me a forever within the numbered days, and I’m grateful. »
Aloha. Il pleure. Des torrents de larmes roulent le long de ses joues. Des hoquets lui soulèvent l'estomac. Sa main broie celle de sa maman, s'y accrochant comme si sa vie en dépend. Mais c'est le cas. Le bruit infernal, l'impression d'être écraser, le sol qui disparait à vue d'oeil, il a tellement peur. Où vont-ils ? Pourquoi ses parents l'emmènent-ils dans les nuages ? Est-ce que ça veut dire qu'il va au paradis ? Comme sa mamie ?
Mama... La jeune femme serre son petit garçon contre elle. Sa main caresse la chevelure sombre, un geste se voulant rassurant. Son époux lui tend une peluche, un lapin. Silhas l'attrape et mâche une oreille, comme d'habitude. La tête posée contre la poitrine de sa maman, il écoute attentivement les battements de son coeur. Lents. Beaux. Reposants. Il essaie de faire abstraction de ces gens parlant bizarrement. Du bruit qui l'entoure. De la femme en costume qui fait peur. Il fixe de ses yeux noisettes son papa, de peur qu'il disparaisse. Il ne comprend pas réellement ce qui se passe. Un peu perdu, déboussolé.
Tu verras mon bébé... les gens sont très gentils là-bas. Dix minutes. Il s'endort contre sa maman, l'estomac noué par l'appréhension.
We are golden ♫.
Silhas ? La voix grave résonne dans la pièce. Silhas s'enfonce un peu plus dans son coin, massacrant avec tristesse ses légos. Il démonte ses petites constructions à coup d'action-man, fixant les morceaux colorés s'envoler. Il est de mauvaise humeur ce qui fend un peu le coeur de son papa. Depuis le début de la semaine, l'enfant semble ruminer quelque chose, refusant de se confier. Ses parents redoutent le pire, imaginant déjà une petite brute martyrisant leur enfant. Mais il garde le silence lorsqu'on l'interroge et sa maîtresse ne semble avoir rien remarqué. Silhas boude et rien ne semble pouvoir ébranler son mutisme. Aussi têtu que sa maman. L'homme s’assied en tailleur à coté de sa progéniture et le regarde silencieusement détruire ses jouets.
Est-ce que c'est vrai qu'on n'a pas le droit d'épouser les gens qu'on aime ? La voix n'est qu'un murmure, à peine inaudible, timide. Silhas garde les yeux rivés sur son action-man, lui faisant tourner la tête à 360°.
Tu peux épouser qui tu veux Silhas, si tu l'aimes. Pourquoi ? L'enfant se serre contre son paternel, abandonnant finalement la destruction de ses jouets.
La maîtresse elle a dit que Adam il pouvait pas m'épouser parce que c'était...pas bien. Le père de famille hoche la tête doucement, réfléchissant. Comment expliquer à un garçon de six ans qu'il ne faut pas écouter tout ce que dit sa maitresse ?
Et Adam il a dit que là où il habitait avant bah ses voisins ils étaient mariés et que c'était deux monsieurs. Mais elle a dit que c'était pas possible parce que Dieu il a dit... Le plus vieux bayonne son petit garçon d'une main en lui ordonnant de se taire. Alors c'était donc ça ce qui rongeait Silhas ? Le fait qu'il ne puisse pas épouser son meilleur ami ? Monsieur Kalapani a envie de rire. Il est soulagé que ce ne soit pas aussi grave qu'il ne se l'était imaginé. Pas de petite brute frappant son fils. Juste une maîtresse un peu trop catholique.
Tu peux épouser celui ou celle que tu aimes. Dieu, il s'en fiche. Ta maitresse, elle n'a pas compris. Sa phrase est bateau mais il est ravi de voir un sourire sur le visage de Silhas.
Under the stars ♫ Lèvres contre lèvres, ils se murmurent des trucs débiles. Des trucs que seuls eux saisissent. Rien d'intelligent. Rien de profond. Des mots, des semblants de phrases. Parfois un je t'aime. Ils rient de temps en temps, poussant gentiment l'autre, le chatouillant vicieusement, le faisant frémir. Ils sont sous la couette étoilée, l'un contre l'autre, nus. Au chaud. Ils sont deux amants qui viennent de découvrir le firmament. Les étoiles. L'extase. Le plaisir. Avec l'autre. Cachés aux yeux de tous dans cette petite chambre d'adolescent lambda. Des posters. Des vêtements. Des objets en tout genre. Un bordel organisé. Ses mains caressent la peau toute chaude, il s'amuse des réactions, fixant l'autre dans les yeux. Il apprécie la douceur, la chaleur et les baisers. Il aime son petit-ami. Un claquement de porte les fait sursauter, brisant le silence de l'appartement. Et leur petite bulle par la même occasion. Silhas est déjà debout, un jogging enfilé à la va-vite. Son petit-ami le regarde en s'amusant, toujours sous la couette. Et comme à son habitude, elle entre sans frapper. Sa jolie petite maman.
Ça s'est bien passé les garçons ? Elle leur sourit tendrement, ne dit rien sur la gêne de son petit bébé. Elle se fait violence pour ne pas inspecter la chambre à la recherche du moindre indice sur l'activité qu'elle a bien pu interrompre. Silhas ne lui a jamais caché qu'il était amoureux de Sam. Mais il n'a jamais voulu assouvir la curiosité de sa mère - une curiosité bien trop déplacée à ses yeux. Parfois, il regrette qu'elle est autant d'aisance à parler de sexe et d'autres joyeusetés si facilement.
Ouais, ouais. Les filles vont bien. Il passe une main dans ses cheveux, se racle la gorge, lance un regard en coin à Sam. Ils ont fait boire à ses petites soeurs une tisane pour ses vertus relaxantes et somnolentes. Histoire qu'elles ne se pointent pas dans sa chambre. Sa mère hoche la tête, lui colle un baiser sur sa joue et leur souhaite bonne nuit, le tout avec un sourire en coin.
Broken Heart.
Il ne sait pas vraiment comment réagir. Pleurer ? Ignorer ? Hurler ? Frapper ? Un maelström d'émotions le traverse, l'écrase, lui broie le coeur. Ses yeux s'humidifient, ses lèvres tremblent. Sa meilleure amie le fixe avec pitié, les autres sont gênés. Il attrape le téléphone, fixe la photo. Fixe Sam avec un homme qui n'est pas lui. Son Sam. Il serre les dents, s'envoie la photo par sms, remercie sa meilleure amie de l'avoir prévenu. Même si au fond, il aurait souhaité qu'elle ne lui montre jamais cette image. Il aurait pu continuer de croire aveuglément que Sam et lui, c'était vraiment sérieux. Il quitte le petit bar et rejoint l'appartement. Ses yeux sont toujours humides, ses mains tremblent autant qu'avant mais il refuse de pleurer. Pas pour ça. Il passe en coup de vent dans le salon sous le regard surpris de ses soeurs et celui inquiet de ses parents. La couverture étoilée à disparu depuis un moment remplacée par une couette à carreaux. Il se laisse tomber sur son lit, enfouit son visage dans son vieux doudou puant. Un hoquet de douleur. Des larmes humidifient le tissus abîmé de la peluche. Il se sent misérable. Trahit. Abandonné. Il a l'impression que Sam s'est moqué de lui, que les quatre années n'étaient que du vent. Il se sent pitoyable. Vingt-deux ans et il pleure en serrant son doudou.
Oh Silhas ! Que se passe-t-il mon bébé ? Sa mère se jette sur lui, désemparée, inquiète. Il abandonne la vieille peluche pour pleurer dans les bras de sa maman essayant en vain de lui raconter. Dans le couloir, son père fixe la scène, ses soeurs accrochées à ses jambes. Leur Silhas pleurant les rend toute chose. Lui, si joyeux et souriant.
Pacman war.
Un sourire nait sur le visage de Silhas. Sourire qu'il essaie de cacher derrière sa main. Ses yeux fixent un Naom énervé, pestant contre l'univers entier. Sa manette vibre, le ramenant au jeu-vidéo, l'arrachant au Bouclé. Mais ses pensées restent branchées sur la station Petrov, un sourire débile ornant son visage. Depuis sa rencontre avec lui, il se sent beaucoup plus léger, plus libre, plus... lui. Il apprécie sincèrement son voisin, peut-être un peu trop. Parce que depuis quelque temps, des papillons remuent son estomac à chaque sourire, chaque effleurement, chaque baisers. Depuis quelque temps, il s'endort en pensant au bulgare, rêvant de caresser sa peau, ses boucles brunes... un hurlement de joie le fait sursauter, Naom envoit valser sa manette, un sourire triomphant aux lèvres. Silhas rougit et remercie sa peau mate.
Je t'ai eu ! Enfin ! L'écran affiche sa défaite. Comme d'habitude. Peut-être parce qu'il est beaucoup plus concentré sur son adversaire que sur ce qu'il fait ? À s'imaginer ce que ça ferait de sortir avec lui. Comme un couple. Mais il n'ose pas. De peur d'être encore trahi. Alors, il se contente de ce que lui offre Naom. Sans rien demander de plus.