uand on est médecin on répète souvent aux patients « reposez-vous », on leur impose de prendre du temps pour eux peu importe leurs obligations. Quand on est médecin ce sont des conseils de vie que l’on répète tout le temps mais que l’on applique jamais ou très rarement. On a toujours mieux à faire que de se reposer, parce qu’on sauve des vies, parce qu’on se prend pour Dieu, on oublie le repos. On enchaine les gardes, on ne dort que trois heures, on carbure au café, on fait tout notre possible pour ne pas s’arrêter. Parce qu’on sauve des vies, on se croit au-dessus de la fatigue. Cependant ce soir en disant encore une fois « reposez-vous » à l’une de mes patientes, j’avais décidé que moi aussi, j’allais me reposer. Je m’étais dirigé à mon casier ayant la ferme intention –maintenant que mon service était terminé- de ne pas faire d’heures supplémentaires. J’avais envie de me détendre, de faire quelque chose d’agréable.
Je sortais de l’hôpital, prenant directement mon téléphone pour joindre ma fille. « Evy ? C’est moi. Tu veux qu’on fasse quelque chose ce soir ? Il y a une exposition d’art, ça t’intéresse ? ». J’avais vu la pub quelques jours avant, l’art, j’adorais ça, l’émotion qu’il pouvait dégager me faisait un bien fou. A mes yeux, l’art était cathartique et si je pouvais trouver le temps d’aller à une exposition, je n’hésitais guère. « Désolée papa mais, je dors chez Meg ce soir, tu te souviens ? ». Non, je ne m’en souvenais pas mais maintenant qu’elle le disait… elle m’avait en effet demandé l’autorisation il y a deux jours. « J’avais oublié mais, c’est pas grave ! Amusez-vous bien ! ». Elle me laissa sur un bisou avant de raccrocher, j’étais seul pour la soirée… tant pis, je n’allais pas me priver pour autant. Je remettais mon portable dans ma poche, direction, la galerie d’art.
L’exposition était l’une de celle qui vise à faire découvrir de nouveau talent, plus ou moins talentueux d’ailleurs. Le seul but est de découvrir, de faire sortir de l’ombre un concept ou un artiste. J’aimais particulièrement ce genre d’exposition parce qu’ils étaient sujets aux coups de cœur et avait l’honneur de tenter de laisser une place à chacun dans le domaine artistique qui restait tout de même très élitiste. Attrapant un petit four qui était là pour régaler les hôtes –et surtout les faire tenter de rester-, je me dirigeais vers un tableau qui avait attiré mon œil à l’autre bout de la salle.
Je pensais alors être subjugué par cette danseuse dont la peinture laissait deviner les formes contrairement aux traditionnels tableaux de danseuses où chaque partie charnelle de la demoiselle est minutieusement représentée. Cependant, il n’en fut rien, mon regard fut attiré par autre chose, par quelqu’un d’autre en réalité. Ce n’était pas une femme, une galerie n’était à mon sens, pas le lieu pour chercher un amour éphémère. Non, l’Homme qui était juste à côté de moi avait un visage qui m’étais familier, un visage qui avait retenu mon attention à Arrowsic il y a peu. Je plongeais alors ma main dans la poche de ma veste, ressortant alors une serviette d’un café, m’approchant alors de lui. « Excusez-moi, je crois que cela vous appartient. ». Je lui tendais donc la serviette en question sur laquelle il avait dessiné il y a quelque jour, en prenant un café alors que ma fille et moi étions à la table d’à côté.
Sujet: Re: (ALARIC & NATHAN) - Le destin a l’art de revenir sur ses pas pour vous prendre par surprise. Mer 19 Juin - 16:45
“Drawing is the art of being able to leave an accurate record of the experience of what one isn't, of what one doesn't know. A great drawer is either confirming beautifully what is commonplace or probing authoritatively the unknown.„
Se changer les idées, c'était ce dont Alaric avait besoin. Il avait bien essayé de s'aérer l'esprit en allant courir, même fumant des joints, triant ses papiers, faisant du rangement et même du ménage dans toute sa maison, mais ce n'était pas des activités assez... Dirons-nous, intenses, pour réellement le détourner de ce qui le tracassait profondément. Cela marchait, sur le moment, et puis, l'instant d'après, c'était fini. Tout lui revenait à la figure sans crier gare, comme une bonne claque, à l'image de celle que Priya lui avait retourné dans la cuisi- Non ! Il ne devait surtout pas penser à ça ! Il ne devait plus ressasser à cette journée si... Surréaliste, réalisait-il à présent, maintenant qu'il avait le recul nécessaire. Comment cela avait-il bien pu se produire ? Lui et Priya... Tout avait été si soudain, et à la fois si naturel, mais il ne parvenait pas à comprendre ce qui s'était passé dans son esprit pour que, la nuit d'avant, il eut été au plus bas et capable de faire n'importe quoi pour oublier Amy, en proie à une tristesse si intense qu'il s'était consolé dans les bras d'une serveuse, et le lendemain... C'était tellement absurde. Bon sang, il était vraiment en train de s'égarer. Il devait s'éloigner, reprendre le contrôle de son existence, prendre sa vie par le bon bout, et surtout, qu'il se retrouve lui-même. Redevenir l'homme qu'il était, celui qui savait où il allait, et surtout, qui savait ce qu'il voulait, devenait décidément impératif. Avant qu'il ne finisse par se perdre, il devait recommencer à vivre... Repartir, dans la bonne direction. Après tout, il était venu ici pour prendre un nouveau départ, non ? Il était plus que temps qu'il fasse en sorte que ce soit vraiment le cas, ce qui signifiait d'aller de l'avant... Sans pour autant renier ce qui faisait de lui celui qu'il était et constituait les fondements de sa personne.
C'était comme ça que lui était venu l'idée de retourner à ses premiers amours : les expositions d'arts contemporains. Il n'y avait rien de mieux pour occuper une soirée selon l'architecte, surtout quand les choses semblaient se déliter. Entrer dans une galerie permettait toujours à Alaric de se recentrer. Son attention occupée par les différentes pièces qui l'entouraient, il pouvait tranquillement faire le point, et réfléchir posément sur lui, le monde qui l'entourait, ses aspirations mais aussi ses doutes. L'inspiration créatrice était une constante qui n'avait jamais failli. L'essence même de l'art le fascinait, et faisait ressortir un pan de sa personnalité que l'on voyait rarement. Face à la grandeur de certaines oeuvres, il pouvait se sentir aussi bien insignifiant qu'infiniment honoré de poser ses yeux sur la pureté qui se dégageait de ce processus si intime, si personnel, et dont pourtant l'artiste lui avait autorisé l'entrée. Il avait l'impression de pénétrer les pensées secrètes d'esprits parfois aussi torturés, si ce n'était plus, que le sien, et cela avait toujours eu un effet étrangement bénéfique sur le jeune homme. Généralement, il en ressortait grisé, et en paix avec le monde, si ce n'était malheureusement pas toujours avec sa conscience.
Armé d'un carnet dans sa poche intérieure et d'un stylo clipsé à la poche de sa chemise, Alaric avait déambulé d'un air nonchalant entre les convives sans se faire remarquer. Fin observateur, il avait cette drôle de faculté de réussir à se faire oublier dans une foule quand il le désirait. Planté immobile depuis plusieurs minutes maintenant devant la même peinture, dont l'aura nébuleuse monopolisait ses sens, il ne prêtait aucune attention aux personnes autour de lui... C'est pourquoi il lui fallut plusieurs longues secondes pour réaliser qu'on lui parlait, et il dut s'extirper de sa contemplation comme au sortir d'un doux rêve pour mettre du sens sur les mots qui lui étaient adressés.
„Excusez-moi, je crois que cela vous appartient.“ Avec un très léger froncement de sourcils, Alaric posa ses yeux sur la serviette que tenait son interlocuteur avant de reporter son regard sur son visage, identique à celui crayonné sur le bout de tissu qu'il tenait entre ses doigts fins. Se rendant compte qu'il était en train de le dévisager sans vergogne, il s'empourpra avant de balbutier : „Oh, heum... Oui, en effet.“ Il saisit délicatement l'objet, comme s'il c'eut agit d'un parchemin égyptien hautement précieux datant de la période pré-dynastique, et se mordit légèrement l'intérieur de la lèvre avant de compléter en espérant masquer un peu sa gêne : „Ce n'est qu'un bout de papier. J'espère que vous ne vous êtes pas donné du mal pour me le rapporter.“ Il eut un rire un peu faux, incertain du ton à donner à l'échange, bien qu'il se voulait humoristique. Après tout, si ce n'était ses gribouillis, il ne s'agissait ni plus ni moins que d'une serviette... Et traverser toute la ville pour la lui rendre lui semblait une perspective quelque peu exagérée. „Alaric Lockhart.“ Finit-il par conclure, tendant sa main libre en direction du bel inconnu. Car, oui, Alaric le trouvait beau, et c'était bien pour ça qu'il l'avait dessiné... Le tout uniquement dans une finalité purement esthétique, nous sommes bien d'accord.
arfois on garde des objets simplement parce que peut-être un jour ils serviront, certains sont les rois de l’entassement, leur maison même ressemble à une boutique de souvenir. En réalité, ce n’était pas vraiment mon genre, j’étais bien loin d’être matérialiste quand ça concernait des objets quelconques. J’étais matérialiste avec tout ce que je considérais comme étant de l’art –soit autant les livres que les tableaux ou la musique-. C’était peut-être pour ça que j’avais conservé cette serviette, non pas que ce soit de l’art mais c’était une ébauche –qui plus est largement suffisante pour montrer les talents de dessinateur de cet homme-. Je tendais donc cette pauvre serviette à cet Homme qui fronçait les sourcils, sans doute surpris de cette approche qui me surprenait moi-même. „Oh, heum... Oui, en effet.“. Je le laissais prendre la serviette en papier sans prêter attention à la manière dont il le prenait. En réalité en lui rendant, je me sentais quelque peu gêné, qu’est-ce qui m’avait pris d’agir de la sorte ? Rendre une serviette en papier… je ne tournais pas rond dans ma tête. „Ce n'est qu'un bout de papier. J'espère que vous ne vous êtes pas donné du mal pour me le rapporter.“ Il eut alors un rire qui me semblait quelque peu gêné, c’est vrai que cette situation était idiote mais, j’abordais un sourire amusé. « Oh mais si évidemment ! ». Je me mettais à rire légèrement, non, je n’étais pas devenu toqué au point de courir après les gens pour leur rendre un bout de papier. « Non en réalité, il s’agit là d’un simple hasard. Mais, si je peux me permettre, je dois avouer que vos talent en matière de dessin sont remarquables ». Et j’étais tout à fait sincère, autrement cette serviette aurait fini à la poubelle bien rapidement. D’autre part, je ne voyais guère l’intérêt de faire des compliments à la volée pour flatter l’estime des gens, encore moins des inconnus –bien que cet homme semblait être tout à fait sympathique et agréable-.
„Alaric Lockhart.“. J’attrapais alors la main qu’il me tendait sans aucune hésitation. Lui offrant un sourire sympathique avant de me présenter à mon tour. « Nathan Olson. ». Au moins maintenant les présentations étaient faites, je savais à qui j’avais à faire ou du moins, comment le nommer c’était déjà ça. « Et dites-moi Alaric, je peux vous demander quelle est votre profession ? ». En fait, j’étais assez curieux de le savoir pour être honnête. En effet, je ramassais une serviette sur laquelle il avait crayonnait, constatant son talent pour le dessin, puis, je le retrouvais lors d’une exposition d’art. C’était peut-être stupide comme réflexion mais je me demandais s’il n’avait pas exposé une toile ici ou s’il n’avait pas un métier en lien avec le milieu artistique. Bon après c’est vrai que mon raisonnement n’était pas d’une logique absolue, la preuve, j’étais médecin, quelque chose qui n’avait rien à voir avec l’art et pourtant ça ne m’empêchait pas d’y être sensible. En revanche, je n’avais aucun talent artistique caché –ce qui ne faisait que rendre l’art plus grand à mes yeux, d’ailleurs-. Mais soit, il devait bien y avoir des médecins passionnés par l’art avec un talent artistique.
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