Vendredi matin.
Il n’y avait pas un chat dans la petite ville d’Arrowsic. Soit ils étaient tous au travail, soit en cours. Elle enviait les gens des fois. Pas d’avoir des horaires fixes. Ha ça non ! Elle aimait beaucoup trop sa liberté : le fait de pouvoir rendre ses travaux quand elle le voulait, était une vraie chance. Mais plutôt d’avoir de quoi s’occupait la tête.
Après son jogging matinale, elle avait pris une douche mais vu le temps, elle décida de continuer ça en balade. Elle prit son appareil photo au passage. Après quelques clichés, elle se posa à la terrasse du Tea delight. Stella voulait continuer sa matinée dans la tranquillité et cette terrasse était la plus calme de la ville.
Elle était d’ailleurs étonnée du calme de la ville. En même temps, vous allez me dire, Arrowsic et New York c’est différent. Certes. Mais c’est vrai que quand on passait du brouhaha incessant de la grande ville à l’ambiance paisible d’une ville comme ça, on se prenait une sacrée claque dans la tête.  Même si des fois ça lui manquait : le bruit, les gens pressés, le métro, la différence des quartiers, le Central Park, Starbucks, son entourage. Toutes ces choses auxquelles elle s’était habituée pendant 23 ans.
Ca lui faisait penser qu’elle devait acheter un chat. Elle était arrivée il y a peu de temps et du coup, elle avait pas eu le temps de connaître beaucoup de monde. Un chat était toujours agréable et pas trop chiant. Elle avait laissé le sien à son père. Une façon de prendre soin de lui en lui donnant un peu de compagnie, vu qu’il n’avait plus personne à NYC mais aussi un sorte de bout d’elle qu’elle lui donnait. Une sorte de « Je ne serai jamais loin ».
Elle l’aimait son père. On lui a même souvent dis qu’elle avait le complexe d’ Œdipe. Pourtant, même si elle le savait seul là bas, elle avait eu besoin de partir pour changer d’air et essayer de retrouver l’inspiration perdue. Perdue en même temps que son cœur.
 
Sortant de ses pensées, elle fouilla dans son sac pour trouver ses clopes. A peine avait-elle eu le temps de tirer une taffe qu’un serveuse lui apporta son thé. Elle la remercia, versa l’eau dans la tasse, mit le sachet, ajouta le sucre et releva la tête. Son regard tomba directement dans un autre. Une personne sur le trottoir d’en face. Son sang se glaça. Elle se mit à rougir.
 
Cette personne c’était Louis.
 
Elle essaye d’analyser la situation calmement, même si au fond d’elle-même c’est la troisième guerre mondiale. Si elle bougeait, elle lui montre qu’elle a peur et ce n’est pas dans les habitudes de la blonde. Puis elle venait  à peine de commencer son thé merde ! Mais si elle reste, elle est prise au piège.  Dans de le premier cas, elle ne bougera pas à cause de son orgueil. Et dans la deuxième cas… bah elle ne bougera pas tout court.
 
Conclusion : elle est dans la merde.

Le téléphone qui vibre, encore. C'est la deuxième fois, ou la troisième, ou la quatrième. Peu importe. Je ne sais pas qui s'est. Je ne sais pas si c'est une des filles de ces derniers soirs qui est en mal d'affection. Je ne sais pas si c'est Lenny ou encore mon pote John qui joue les relous. Peu importe. J'ignore. Je referme mon livre de Platon fermement, j'en ai marre d'étudier. Ça ne me ressemble pas, mais depuis ma mésaventure avec le professeur et Eilidh, je n'ai pas envie de réitérer l'expérience de la mauvaise note. Je pousse le pavé dans un coin et je soupire bruyamment. J'ai besoin d'air.

J'enfile mes mocassins et je prends un grand soin à oublier mon téléphone portable sur le lit. Je n'ai pas envie d'être dérangé par quiconque lors de ma petite balade. Après tout, c'est à moi de décider si j'ai envie de déranger et non le contraire. Donc je sors. Je sors et je respire enfin l'air frais. Où vais-je ? Je n'en sais rien. Je me laisse simplement guider par l'intuition du moment. Je me retrouve toujours au bon endroit de toute façon. Je vais tout droit, puis à droite, puis à gauche, puis encore tout droit. Je me retrouve sur la grande place et j'aperçois une terrasse animée au loin. C'est le tea room. Il fait beau. Il y a du monde. Je pense à me faufiler au milieu de ces gens, les observer et rire d'eux comme je le fais si souvent. Dommage, je n'ai pas pris mon carnet. Les mégères d'Arrowsic sont pourtant d'excellents cas clinique.

Plus je m'approche, plus une personne en particulier retient mon attention : Stella. C'est un miracle que j'ai retenu ce prénom. Je ne sais pas pourquoi d'ailleurs, probablement parce que je l'aime bien. Je ne retiens pas le nom de la moitié de mes conquêtes. Et encore, celle-ci je ne me la suis pas encore faite. Mais je ne sais pas, j'aime bien le prénom Stella. Elle croise mon regard et j'entends presque son coeur manquer un bon. Ça se voit sur son visage, elle n'est pas ravie de me voir. Et ça, ça me donne encore plus envie de m'incruster à sa table.

« Je peux t'offrir quelque chose à boire, princesse ? » dis-je doucement en plongeant mon regard glacé dans le sien. Elle a un mouvement de recule, comme si elle voulait feindre le départ. J'ajoute donc précipitemment : « Tu allais te faire une cigarette ? Tu partages ? » dis-je encore avec un sourire auquel aucune fille ne peut résister.