Une semaine. Une semaine depuis que j'ai revu Madeleine. Elle est là, dans cette ville. Elle foule les mêmes pavés que moi. Elle respire la même pollution. Elle bouffe dans les mêmes restos, elle boit dans les mêmes bars. Madeleine est à Arrowsic et je ne peux m'enlever ça de la tête. Ça m'obsède et ça en devient maladif. Je la déteste pour m'obséder autant, pour me mettre dans cet état. Je suis tellement nerveux que j'en ai du mal à dormir la nuit. C'est agaçant.

Aujourd'hui, face à mon miroir je prends une décision. Mon visage amochit par des cernes apparentes me pousse à agir. Je dois aller la voir. Je dois la provoquer. Je dois faire quelque chose, pour la pousser à partir, à retourner d'où elle vient. Non, nous ne pouvons pas être sur le même territoire. Ce n'est pas viable. Et je ne partirai pas. Ce n'est pas à moi de partir.

Après m'être renseigné un peu, j'apprends qu'elle bosse au magasin de disque du coin. Parfait, je vais pouvoir mettre mon plan à execution. Pauvre Malo, tu vas morfler. Je mets quelques gouttes de mon eau de toilette avant d'attraper ma veste et quitter la demeure Forzwood. Encore une fois, je sèche les cours, mais après tout ce temps, mon oncle et ma tante ne me disent plus rien, ils ne s'en préoccupent plus, ayant bien remarquer que je n'ai pas vraiment besoin d'y aller pour me débrouiller dans la vie. Enfin, ça c'est ce que je leur ai raconté.

Je prends le bus à l'arrêt qui se trouve à quelques pâtés de maison de là. Je n'ai que quelques stops à faire, cinq minutes de trajet grand max. C'est rapide et très vite je me retrouve devant la petite échope. À cette heure-ci, comme je l'avais prévu, le magasin est complètement vide. Il n'y a que Madeleine et sa patronne. Parfait, vraiment parfait. Mon plan se déroule exactement comme je l'avais imaginé. « Bonjour ! J'aurai besoin de l'aide de la jolie demoiselle pour refaire ma bibliothèque musicale. » dis-je en servant mon plus beau sourire et tout en feignant de ne pas connaître la belle brune.

Débarquer dans le magasin où bosse Malo, pour la surprendre, pour l’embêter, ça en vaut entièrement la peine. Il suffit de voir son expression en me voyant et ça vaut le déplacement. Lorsque je demande à soliciter la belle brune, sa patronne me répond immédiatement : « Bien sûr, pas de soucis ! » Je souris, montrant toutes mes dents, parfaitement satisfait de la tournure que prend les évènements : exactement comme je l’avais prévu. Madeleine me fusille du regard, elle s’approche de moi, tournant le dos à sa patronne et me montre bien qu’elle n’a aucunement l’intention d’être aimable. « Je peux savoir ce que tu fiches ici, Louis ? » murmurre-t-elle en me poussant sauvagement en arrière, contre la tapisserie, dans un angle invisible à la patronne. Je ricane doucement. « J’aime quand tu es sauvage comme ça, ça te rend encore plus sexy, princesse. » Je sais que ce genre de petits surnoms risque de l’agacer, et c’est bien pour ça que je l’utilise.

Je me dégage doucement de son emprise et je me déplace légèrement vers la droite histoire d’être à nouveau visible par la patronne. D’une part pour enlever à Madeleine toute tentation de violence, mais également pour pouvoir jouer plus librement à mon petit jeu. « Donc, tu m’aides ? » dis-je en souriant à nouveau. « J’aimerais bien pouvoir faire un bon rapport de ton travail à ta patronne. Peut-être bien que grâce à moi elle te donnera une augmentation. Tu en aurais besoin, vu ce que tu portes ? » Le ton narquois, la remarque sur son apparence, pour moi il y a tout ce qu’il faut pour qu’elle commence à monter dans les tours. Et tant mieux. C’est le but. Et je me délecterai de la scène avec plaisir.

Je sens le regard de la patronne posé sur nous. « Tout va bien, monsieur ? » s’inquiète-t-elle en remarquant certainement la pose désinvolte de Malo. « Pas de problème, tout est parfait merci. » Je lui fais un petit clin d’oeil, à distance et je peux voir qu’elle sourit. Cette vieille femme ne doit surement pas voir souvent de beaux jeunes hommes dans son échope dans cette petite ville du Maine. « Tu ferais mieux d’être un peu plus agréable ma jolie, ta mine boudeuse ne rend pas dupe ta patronne. »
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Spoiler:

Je pique, je pique, je pique sans la moindre hésitation, sans le moindre scrupule. Je cherche à la pousser à bout, comme l'autre fois. Ou peut-être même pire que l'autre fois. Parce que c'est ce que je sais faire le mieux. Parce qu'elle le mérite. Parce que si elle est venue à moi, maintenant, elle doit en assumer les conséquences. J'en ferai mon jouet. J'en ferai mon souffre douleur. Sans regret. Et peut-être même qu'en bonus, je me la ferai quelques fois. Après tout, on avait fait un pari. J'ai un mois. Un mois pour la ramener dans mon lit. Facile, trop facile. Je suis persuadé qu'elle ne tiendra pas bien longtemps.

« Tu peux te le mettre là ou tu sais, ton rapport. Ton avis aussi. » Toujours cette répartie à deux balles. Bon, après tout c'est toujours mieux que pas de répartie du tout. Elle parle calmement, sans s'énerver (en apparence) et je dois dire que je suis plutôt impressionné. « Ecoute moi bien Louis, c'est la dernière fois que tu viens ici, ok? Te connaissant, je suis persuadée que tu sois venu pour me provoquer, ou m'énerver. Que ça soit l'un ou l'autre, viens pas me casser les pieds. » Elle parle d'un ton sec et dur. La miss sait ce qu'elle veut maintenant, on dirait. Comme quoi notre petite histoire lui a peut-être bien servie de leçon. Tant mieux. « Crois le ou non ma chérie, mais j'ai réellement envie de nouveaux CDs. » Elle me fusille complètement du regard et je peux voir qu'elle n'est pas dupe. Même s'il y a une part de vérité là dedans, elle n'y croit pas du tout.

« Bon, ok. Il n'y a pas que ça. Et si tu m'aidais pour qu'on parle de la vraie raison de ma présence ? » dis-je en passant tendrement ma main dans son dos. Je peux la sentir frémir. Je frémis aussi. Le contact de ma main sur elle me donne une fois de plus des frissons dans tout le corps. « S'il te plait. » dis-je gentillement en laissant tomber le saracasme et la méchanceté pour l'instant.

Spoiler:

Madeleine ne retrouve pas sa bonne humeur. Non, c'est peine perdue. Du moins ça en a tout l'air. Et pourtant, je ne me laisserai pas abattre. Je continuerai jusqu'à ce que je réussisse. C'est ma seule philosophie. C'est ma seule possibilité. Je ne vis qu'à travers la victoire et la réussite. Je n'ai pas de place pour les échecs, ni pour les refus. C'est pour cela que je me dois de gagner ce putain de pari que je lui ai lancé, l'autre jour. Et je suis prêt à employer toutes les ruses. Elle me fusille du regard. Elle ne daigne même pas feindre être heureuse de me voir, de passer un peu de son temps de travail avec moi. Comme quoi, elle était vraiment sérieuse la dernière fois. Elle voulait simplement me parler, me dire ce qu'elle avait sur le coeur et c'était tout. Mais je n'arrivais pas à comprendre ce qui la retenait ici du coup ? Si c'était juste pour me parler, pourquoi avoir voyager autant et vouloir se poser là, à l'endroit précis où j'habite depuis quelques mois.

J'affiche un certain sérieux sur mon visgae. J'adopte un ton plus calme. De toute façon, je ne suis pas d'humeur pour un combat de pic féroce, pour une fois. J'ai simplement envie d'aller droit au but. D'obtenir ce que je veux et peut-être même quelques CDs sympa en prime. Elle flanche, finalement. « Très bien. T'as besoin de quoi? » me dit-elle sans pour autant cesser d'être exaspérée. Elle m'invite à la suivre et se rend dans l'arrière boutique. Un coin isolé qui a tendance à m'exciter plus qu'autre chose. Un coin intime, secret ou la proprio n'aurait pas d'oeil à nous lancer.

Nous pénétrons dans la pièce et je ne peux me garder d'un petit commentaire. « J'aime cet endroit. » Ça n'a rien de méchant, rien de piquant. Il y a des sous entendus, certes, mais le ton employé peut faire illusion. « J'aimerais bien de la musique classique. Genre du Wolfgang, mais je pense que tu t'en doutais sinon tu ne m'aurais pas amené ici. » dis-je en regardant autour de moi. Il n'y a que de vieux CDs. Madeleine connait mes goûts. Sans le vouloir, elle se montre plutôt attentionnée et ça me plait. « Quels sont ses meilleures symphonies selon toi ? Je me laisse guider, comme ça je penserai à toi en les écoutant. » Je le dis avec tout mon sérieux et je me rapproche d'un pas. Juste d'un pas pour réduire un peu l'espace qui nous sépare. Juste un pas pour ne pas être trop intruisif.

Voir Madeleine agacée est, pour moi, une haute délectation intérieure. Et pourtant, je ne laisse rien paraître, je ontinue mon opération de séduction qui pour le moment à bien du mal à prendre. Mais je ne lâche rien. Bien au contraire, je continue. Je sais que tôt ou tard, elle changera de comportement et retombera dans mes filets. Il le faut et il en sera ainsi. Malgré tout, je la connais. Je la connais depuis qu'elle tient sur ses deux pieds. Lorsqu'elle dit ne pas avoir de musique classique, je retiens un rire. Elle est froide, sèche. Je sais pourtant que tout bon discaire a sa dose de classique. En particulier dans une petite ville comme Arrowsic qui grouille de mégères. J'attrape un CD de Mozart que j'aperçois derrière elle. Ça me permet de me pencher légèrement sur elle. J'hume son odeur au passage. « Alors c'est quoi ça, Malo ? » dis-je en lui tendant le disque.

Elle grogne quelque chose à nouveau. Elle dit qu'il ne vaut mieux pas qu'elle m'aide, qu'elle ne veut pas que je pense à elle. Balivernes ! « De toute façon, je pense toujours à toi. » C'est vrai. Même si ce n'est pas toujours en bien. Mais je pense à elle, oui. Je ne cesse de penser à nos ébats, au cran qu'elle a eu de m'envoyer en prison et à l'impertinence dont elle a fait preuve en me courant après pour me retrouver ici, à Arrowsic. « Ecoutes Malo, j'sais pas si t'as remarqué mais j'essaye d'être gentil là. Si on doit vivre dans la même petite ville, je préfère qu'on évite de s'entretuer. Mets-y du tien aussi... S'il te plait. » Je la regarde dans les yeux. Je ne lance aucun pic, je ne fais aucun sourire narquois ni même provocateur. Je reste calme, simplement.

Doucement, au fur et à mesure de la conversation les rôles s'inversent. Je ne cherche plus à être piquant, méchant. Madeleine en a endossé le rôle. Elle se rit de moi et ne s'en cache pas. Elle semble me détester autant que je la déteste. C'est con, moi qui espérait qu'elle était folle de moi. Dommage. Mais je vais tout faire pour qu'elle le redevienne. Je me rends néanmoins vite compte que ma petite opération de séduction ne fonctionne pas vraiment. Même pas du tout. Je dois donc trouver et appliquer une autre stratégie. « Et bien, raison de plus pour que tu ne penses pas encore plus à moi, alors. » Je ne cherche pas à répliquer quoi que ce soit. Je sais que c'est peine perdue et j'ai encore la capacité de reconnaître lorsqu'une bataille est perdue d'avance.

J'essaye donc de parler franchement, de jouer la carte de la franchise. On ne va pas se battre à chaque fois qu'on se voit. Bien que, c'est vrai, j'aime ce genre de petits affrontements en réalité. Peut-être bien qu'elle me connaît un peu trop et qu'elle sait que je joue là, que je ne suis pas à 100% honnête dans ce que je raconte. « De toute façon, à quoi ça servirai? Arrowsic est une ville assez grande je dirais. On va pas non plus se croiser à chaque coin de rues ou quoi. La dernière fois et aujourd'hui sont des exceptions, voilà tout. » J'ai du mal à croire qu'elle ne veuille jamais me revoir. Je pense que vraiment si elle ne pouvait pas supporter ma présence, elle s'en irait. Elle sait que je compte la revoir, que je compte lui pourrir la vie et tout faire pour arriver à mes fins. Et pourtant, elle ne fuit pas. Elle reste. Je pense qu'elle se voile la face. Au fond, elle sait très bien où tout ça va la mener et ça lui plait.

« Tu crois vraiment que ce sont des exceptions ? Moi je ne laisserai pas ces moments être des exceptions. » Oui, au cas où elle aurait réellement espéré que je la laisse tranquille, je tiens à mettre les points sur les i. « J'aimerais te revoir, te revoir pour faire ça. » Sans crier gare, sans même lui laisser le temps de faire le moindre mouvement je me jette sur ses lèvres que j'embrasse avec fougue. Au début, elle me laisse faire, elle entrouve même légèrement la bouche pour que nos deux langues se retrouvent. Et puis, tout à coup, aussi vite que ce baiser avait commencé, elle me pousse en arrière. Le goût de ses lèvres encore marqué sur les miennes me laisse un sourire satisfait.

« Oui, ce ne sont que des exceptions Louis, rien de plus. Maintenant que t'as ton cd et que tu "m'as vu", tu peux t'en aller, non? » Elle est sèche, très sèche. Ça me vexerait presque. Madeleine a bien grandi. C'est devenu une femme, une femme au sens où je l'entends. J'ai presque l'impression de l'avoir influencé pour devenir une telle peste. Elle sait ce qu'elle veut, elle sait ce qu'elle ne veut pas ou du moins c'est ce qu'elle croit. Moi je continue de penser qu'elle se voile la face. Au moins à mon sujet. « Je partirai quand j'en aurai envie. » Ce n'était pas à elle ne me dicter ce que je devais faire. Je veux rester, pour l'instant. Et quand je déciderai que j'en aurais eu assez, je m'en irai, mais pas avant.

Pris par l'inspiration du moment, mais surtout par une envie soudaine, je bondis sur ses lèvres et je lui vole un baiser. Le fait qu'elle me le rende, ne serait-ce que l'espace d'un instant me procure une joie et une satisfaction folle. Je ne peux réprimander un sourire. « Putain, Louis, t'étais pas forcé de m'embrasser, bordel! » Elle semble en colère. Oui, elle semble bouillonner. Et ça me plait encore plus. Je m'en délecte. « Maintenant que tu m'as embrassé, t'es heureux? Tu peux partir à présent, non? » Elle voudrait fuir, et pourtant elle ne peut pas puisque c'est son lieu de travail. Je la tiens comme prisonnière et j'adore ça. Elle m'a emprisonné, elle fut ma gardienne, mon bourreau. Chacun son tour. « Non je suis pas heureux. » dis-je toujours avec mon sourire, histoire de marquer l'ironie de ma réplique. « J'en veux d'autres. » Je m'approche à nouveau et je dépose une seconde fois mes lèvres sur les siennes, n'ayant pas peur de me prendre une gifle ou de me faire repousser encore. Je sais qu'à force d'insister, Malo craquera. Je sais qu'au fond, elle me désire toujours et que ce n'est qu'une histoire de fierté. Elle ne veut pas perdre, elle ne veut pas se faire prendre. Elle sait que je la ferai souffrir et ô réflexe humain que d'éviter toute source de souffrance. Et pourtant j'ai cette croyance, cet espoir que je suis un peu plus que ça pour elle.

« T'es chiant Louis, vraiment. » Oui, je sais, on me l'a souvent dit. Même très souvent. C'est marrant, c'est drôle, c'est divertissant. Et là, je saute sur l'occasion, je ne poursuis pas la conversation, je lui arrache simplement un premier baiser. Un baiser volé qui me vaut bien, cette fois, la place du criminel. Mais Malo semble aimer ça, elle semble aimer ça beaucoup c'est pour ça je ne tarde pas à recommencer. Et je serais même prêt à recommencer des milliers de fois s'il le faut, simplement pour lui faire avouer que oui, elle aime ça, que oui, elle en veut encore. J'y arriverai, j'en suis certain. « Arrêtes Louis... » dit-elle presque comme un supplice. La pauvre petite n'en peut plus, la pauvre petite est toute perdue. Je me laisse faire, je la laisse me repousser. « J'embrasse si mal ? » dis-je en faignant la déception.

 Je commence à fatiguer, même moi, je commence à me lasser de ce petit jeu. Voir Malo si hermétique à mes essais me donne presque envie d'abandonner. Ce n'est pas drôle, elle n'est pas drôle, à croire que je me suis trompé. Je commence à me dire que j'au d'autres chats à fouetter, d'autres choses plus divertissantes à faire. J'attrape donc le CD entre les mains et je me dirige vers la porte qui mène au magasin principal. « J'accepte de te laisser tranquille, de partir, mais à une seule condition. » Je vois tout à coup que ça l'intéresse. Elle semble à la fois soulagée et inquiète. Oui, inquiète parce qu'elle doit surement se demander ce que j'attends encore d'elle. « Que tu viennes dîner avec moi demain soir. Je t'invite dans un beau restaurant. » dis-je finalement. « Mais attention, si tu ne viens pas, je viendrai ici TOUS LES JOURS. » je rajoute avec un sourire satisfait. Je fais un pas de plus vers la porte puis je me retourne, fixant mon regard dans le sien dans l'attente d'une réponse.