Je la regarde et je la trouve belle. Charly a la souplesse d'une danseuse et la grâce d'une reine. C'est peut-être en l'honneur de toutes ces duchesses et grâce à ses nombreuses qualités que ses parents l'ont nommée Charlotte, ou peut-être bien est-ce en l'honneur de ces villes, car elle mérite d'être connue. Voir ce sourire serein sur son visage fait bien changement de celui qui peinturait son visage lorsque je l'ai connue. Je la regarde en train de peinturer le mur de sa chambre, marmonnant les paroles de la chanson qui joue, complètement plongée dans ses pensées. Je me demande bien ce que c'est, d'ailleurs. Je tends l'oreille et je suis convaincu que c'est Hey Jude, des Beatles. Je le sais, car c'est la chanson qu'elle avait mise dans ma voiture, lorsque je l'ai ramassé sur le bord du chemin. Elle disait l'adorer et je pouvais encore la voir sur mon banc passager, chanter les paroles de sa voix si mélodieuse avec ses cheveux qui dansaient partout autour d'elle au rythme du vent. La voir si épanouie et concentrée à peinturer des petits détails sur le mur me rappelle que ma vie a changé depuis que je l'ai rencontrée.

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AOÛT 2010. Je me promène au bord de la route alors que le soleil commence à se coucher. J'adore cette vue, voir le ciel tourné orange avec des teintes de rose. Ça me rappelle toujours que tout a une fin et qu'il faut en profiter avant de ça termine. La vue est si magnifique et j'allume ma radio en écoutant distraitement la chanson qui joue, regardant la route qui s'ouvre devant moi. C'est alors que je la vois. Elle marche sur le bord de la route, sac à l'épaule, vêtu d'une paire de short et d'une camisole. Elle finira par avoir froid bien rapidement, mais elle semble trop concentrer à aligner chacun de ses pieds l'un devant l'autre sur la ligne blanche pour s'en rendre compte. Tranquillement, j'arrête ma voiture à côté d'elle. Elle détourne le regard vers moi et c'est probablement la plus belle femme que j'ai jamais vue. Simple, naturelle ... Tu vas quelque part ? lui dis-je. Là où le vent va me porter, se contente-t-elle de me répondre en souriant béatement. Sa longue crinière lui tombe le long des bras et elle replace furtivement une mèche derrière son oreille. Ça tombe bien, moi aussi. Je lui ouvre alors la porte de ma voiture et sans hésitation, elle embarque. Elle ne semble pas être effrayée de l'inconnu et en voyant mes boîtes sur la banquette arrière de ma voiture, elle y balance son sac et se place en tailleur sur mon banc. Ça te dérange ? me dit-elle en sortant un briquet et un rouleau de sa poche, que je doute être du tabac. Je fais non de la tête et démarre la voiture pour continuer mon chemin. Elle paraît plutôt tranquille comme jeune femme et sans même me demander la permission, elle fouille dans mes CDs. Je devrais probablement m'objecter, mais je sais qu'elle ne le fait pas par impolitesse, mais bien par passion. Rapidement, elle met un CD dans ma radio et laisse la première mélodie jouer. C'est Hey Jude, des Beatles.  J'adore cette chanson. Moi aussi. Je continue de regarder devant, mais je vois bien du coin de l’œil qu'elle m'observe. Moi c'est Charly. Plutôt comique, comme nom. Surtout chez une fille. Logan. Elle ne fait que sourire et regarde droit devant elle. Je l'entends marmonner les paroles à côté de moi. Le vent fait bouger ses cheveux dans tous les sens, mais ça ne semble pas la préoccuper d'être décoiffer. C'est à cet instant que je compris, la regardant sortir le bras par la fenêtre afin de sentir le vent sur sa peau de pêche, que Charly n'était pas comme les autres. Elle était différente.

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Elle est toujours en train de peinturer son mur. J'ignore ce que ça sera, mais je sais que ce mur deviendra l'une de ses plus belles œuvres. Je n'ai jamais compris comment elle faisait pour aimer encore la vie. Elle ne l'avait pas eu facile dans la vie, elle avait passé par beaucoup d'épreuves. Je me rappellerai toujours de cette discussion que nous avons eue, qui semble maintenant totalement oubliée.

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JANVIER 2011. Nous avons finalement trouvé un motel où passé la nuit. Les lumières des maisons étaient toutes allumées malgré l'heure tardive : il fêtait le nouvel an. Je suis donc débarqué de ma bagnole avec Charly et nous avons couru jusqu'à la porte de notre chambre pour ensuite s'y enfermer. Il faisait plutôt froid, alors je montai le chauffage tandis que Charly s'installa en tailleur sur le matelas, vêtu d'une veste légèrement trop grande et d'une paire de jean. Dis Logan, tu m'as jamais raconté ce que tu faisais sur la route, ce soir-là. Elle avait l'air d'un enfant trop curieux, qui ne voulait cependant pas faire de mal. Toi non plus. Raconte-moi. J'ai décidé de divorcé de mes parents. Ils ne voulaient plus être ensemble, alors je ne voulais plus être avec eux. Ça me surprenait un peu. Divorcer de ses parents ... Il n'y avait que Charly pour sortir des trucs du genre. Et puis aussi, je ne voyais plus aucun intérêt à rester là où j'étais. Tout le monde me détestait. Voyons Charly... Si, je te jure. Les autres personnes de m'ont âge ne m'ont jamais aimé. J'ai décidé d'arrêter la conversation là, car c'était la première fois que je voyais autant de tristesse dans ce visage radieux.


Une main passe devant mon visage, puis un rire éclate à côtés de mes oreilles. La Terre appelle son capitaine ! me dit-elle de sa voix mélodieuse. Je me retourne, elle est maintenant derrière moi. J'étais tellement absorbé par mes pensées que je n'ai pas remarqué qu'elle avait fini son mur. À quoi tu pensais ? À nous. Je sais très bien qu'il n'y a pas de nous, c'est évident : Charly me regarde avec une certaine admiration dans ses yeux, elle me voit comme un grand homme, un grand frère. Pas plus. Je soupire donc et me dirige vers le mur qu'elle a apparemment terminé de peinturé. Et puis ? Ce mur, ça avance ? J'ai terminé. C'est alors que je vois son dessin. Une voiture sur une route, un homme qui me ressemble au volant et une jeune femme qui lui ressemble à côté. C'est ce qui me surprendra toujours de Charly. Elle a un don, j'en suis convaincu. Elle arrive toujours à mettre ses pensées sur un mur et je comprends à travers sa peinture qu'elle était heureuse. Je me retourne vers elle, elle s'est allumée de nouveau ce rouleau de substances illicites. Charly, t'es la reine de la peinture. Ça se pourrait, me dit-elle en cachant son visage par la fumée de son joint.  Tu sais, je suis heureuse que tu m'aies trouvé sur la route ce soir-là. C'est étrange, Charly n'a jamais reparlé de ce moment. À vrai dire, depuis cette fameuse soirée de janvier 2011, elle ne m'a jamais refais de confidence. Je commence donc à craindre où elle veut en venir. Je crois que le destin voulait qu'on se rencontre. T'as raison. Je crois aussi qu'en quelque sorte, on s'est sauvé. À ce moment, je la vois détourner le regard. Ce n'est pas dans son habitude, faire autant de confidence. Je revois dans son visage la même tristesse qui l'avait couverte le soir du nouvel an. Je comprends donc qu'il faut changer de sujet. Charly est comme un oignon : il faut la peler pelure par pelure en faisant attention pour ne pas s'y prendre à notre tour. Je me contente donc de la rejoindre et de la serrer dans mes bras, tout en humant son parfum de fleurs d'été.

C'est une nouvelle vie qui commence pour nous deux, dans une nouvelle ville. Je sais cependant que nous ne sommes que de passage. Parce qu'avec Charly, c'est une vie de nomade. Elle ne reste jamais au même endroit trop longtemps, elle veut toujours en voir plus. Mais j'ai pourtant accepté de me lancer dans cette aventure folle avec elle, voyager de ville en ville avec ma bagnole. Et à ce même moment, Charly monte le volume de la radio et nous nous laissons bercés au rythme de Hey Jude.