Quand ont dit que les femmes ne sont pas douées.

Les quelques poivrots encore vaillants pour se fumer une clope claquaient la porte de derrière en se rattrapant de justesse à quelque chose pour ne pas tomber en trébuchant sur leurs propres pieds. Puis, ils allumaient leurs clopes en louchant. Le pire c'était que ça me faisait marrer, de les voir galérer comme ça. Pauvres types, qui n'avaient rien de mieux à faire que d'aller se bourrer la gueule un vendredi soir. Je pouvais comprendre que l'ennui pouvait être mortel, dans un bled comme Arrowsic, et j'étais parfois tenté de les imiter: me poser à une table au fond du « Lounge » avec une choppe de bière, et finir avec une fille dont je ne connaissais pas le nom. Je ne niais pas le faire de temps en temps, et plus que de raison à vrai dire. Ce matin même, j'avais viré de mon lit une petite blonde qui était de ressemblance frappante avec Alaska. J'avais cru un instant que... Mais non. Je l'avais laissée, abandonnée. Détruite. Je tirai sur ma cigarette une dernière fois, avant de l'écraser contre le mur dans un soupir, chassant une fois de plus la blondinette de ma tête. Je ne voulais pas y penser, et le meilleur moyen aurait sans doute été d'entrer dans ce bar pour oublier une bonne fois pour toute. Mais je ne pouvais continuer ainsi éternellement, et de toute façon, je n'étais pas là pour ça. Me relevant, je m'écartais du mur contre lequel je m'étais appuyée, entrant dans le bar. Juste un verre, rien de plus. L'ambiance était surchauffée. Il était déjà tard, il faut dire. Je fronçai le nez sous les effluves alcoolisées qui emplirent mes narines, et partis m'installer au fond de la salle, à une des rares tables encore libres. De toute façon, la plupart étaient partis s'installer au bar, plus près des verres et du barman. Me calant au fond de mon siège, je posai mon pieds droit sur mon genoux gauche, dans une posture négligée qui seyait à merveille à mon attitude: un je m'enfoutiste hors pair, comme d'habitude. Je sortis de nouveau le paquet de clopes de l'intérieur de ma veste, l'allumais dans une grande bouffée. La première était toujours la meilleure. J'avisai une serveuse non loin de là, déjà bien occupée par tous ses clients mais qu'en avais-je à faire de son confort ? Elle était la pour bosser, et moi pour décompresser. Et le client est roi, dit-on ! Alors. Elle regarda dans ma direction quand je claquai des doigts avec un sourire en coin, amusé par mon attitude un brin macho. Elle s'approcha, les joues rosies par l’essoufflement et la touffeur du bar. Avec un regard assuré, je lui dis;

« Une bière, s'il te plait. »

Je tirais de nouveau sur la cigarette, ne quittant pas ses yeux du regard. Je sais, c'est mal de vouloir mettre les autres mal à l'aise... Mais c'est tellement amusant, et c'était triste à dire, mais je n'avais rien de mieux à faire de mon temps.