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 Le bonheur est une illusion d'optique

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MessageSujet: Le bonheur est une illusion d'optique    Le bonheur est une illusion d'optique  EmptyLun 2 Jan - 15:31


"Mon problème, c'est que tu es la solution. Ce sont les gens les plus cyniques et les plus pessimistes qui tombent le plus violemment amoureux, car c'est bon pour ce qu'ils sont."


« T'as vu le nouveau psychiatre ? Tu sais, c'est un jeune, il a les cheveux bruns là, et une fossette sur la joue... Tu vois de qui je parle ?

- Oui ! Je savais pas qu'il y avait des mecs comme ça en psychiatrie. D'ailleurs, il s'appelle Calaan.
- Calaan ? Comme Elizabeth ? Elle pourrait nous le présenter ça se trouve. Eh, Elizabeth ! »

C'était le matin, tout le monde était occupé à plier et ranger ses affaires dans son casier, et Elizabeth répétait ces gestes là machinalement chaque jour, sans prêter la moindre attention à ce qui pouvait se passer autour d'elle, et encore moins aux conversations entre deux filles insipides. Elle releva donc la tête à son nom, et voilà qu'elles se dressaient devant elle, le sourire aux lèvres, l'air curieux, et s'empressèrent presque l'unisson de lui demander : « C'est bien Calaan ton nom de famille ? C'est ton frère le psychiatre ? Ou ton mari ? ». Elles laissèrent échapper un léger rire, quelques signes d'impatience et l'espoir que ce ne fut pas le mari d'Elizabeth pour la simple raison qu'il était bien séduisant. Le visage d'Eli se transforma en une grimace d'incompréhension : qui, de qui elles parlaient, ces idiotes ? Il n'y avait pas trente six mille Calaan, et encore moins trente six mille Calaan qui étaient psychiatre. Alors parlaient-elles d'Ethan ? Mais non, ce n'était pas possible, pourquoi serait-il là ? Et pourtant... Elle les regarda avec cet air presque méprisant, qui traduisait en fait l'étendue de son étonnement. « Non mais ne t'inquiète pas, si c'est ton mari... C'est juste que je ne savais pas. Je ne suis pas du genre à... Tu sais, c'était juste une question. »
C'était juste une question. C'était cependant une question qui allait plonger Elizabeth dans un état second pendant toute la journée qui suivait et qui venait à peine de commencer. Ethan occupait déjà une place prédominante dans sa tête depuis des mois et des mois, et cette nouvelle lui était tombée dessus, comme une averse, d'un coup, et la laissait perplexe. Dès qu'elle le pouvait, elle se glissait dans l'ascenseur menant à l'étage où était censé travailler Ethan, et au moment même où son pied foulait le sol, elle devenait une espionne aux pas de félins qui traquait sa proie. Elle voulait le voir, elle voulait en avoir le coeur net. Sa tête était alors le théâtre d'un conflit sans fin : s'il était vraiment là, alors peut-être ne supportait-il pas plus son absence qu'elle ? Peut-être voulait-il recoller les débris de la relation qu'ils avaient tous les deux détruite ? Ou alors était-il là pour l'enfoncer encore un peu plus, parce que c'était trop facile de s'échapper ? Il fut un temps où cette hypothèse n'aurait pas été envisageable, mais Ethan avait atteint des sommets de méprise et de violence qu'Elizabeth n'avait jamais imaginé. C'était une explosion d'émotions et de questionnements tous les jours, c'étaient les feux d'artifices de la nouvelle année toutes les nuits.
Puis il était là, vraiment là. Avec ses chaussures brillantes, sa chemise pâle et ses manches retroussées laissant apparaître ses avants bras musclés, ses cheveux bien coiffés, son léger sourire aimable et accueillant qu'il vous resservira le jour où il vous annoncera que vous êtes, malheureusement, atteint d'une maladie quelconque. Elle avait le sang qui bouillonnait, qui frappait contre ses artères et ses veines, qui semblait vouloir éclater, elle sentait la sueur se former dans son dos et sur ses tempes, sa respiration qui se brisait comme des vagues sur la plage. Il était vraiment là.

Un peu plus d'une semaine s'était écoulé, et Elizabeth n'était pas retombée de son état d'excitation incontrôlable. Ce n'était pas de la joie, ni de l'impatience, car elle savait bien qu'il n'y avait rien à attendre : Ethan la considérait comme la lie de la lie et lui faisait bien savoir. C'était juste... elle ne savait même pas ce que c'était. Mais il était là, dans la même ville qu'elle, dans le même hôpital qu'elle, et ça semblait presque lui suffire pour l'instant. Elle avait imaginé tous les scénarios possibles durant ces derniers jours – avec plus d'acharnement qu'avant, car depuis qu'elle avait atterri ici, elle n'avait jamais cessé de rêver à des éventuelles rencontres avec son frère. Elle aurait pu écrire le scénario d'un film à l'eau de rose avec des jeunes premiers à la plastique parfaite tant son imagination allait loin dans les détails, dans les sensations et les paroles. Elle savait cependant qu'elle allait être déçue, car elle connaissait bien son frère pour savoir qu'il n'allait pas laisser de côté la carapace d'orgueil et d'indifférence qu'il s'était créée. Mais cela ne l'empêchait pas de rêver encore un peu.
20h18. Elizabeth avait fini sa journée, et c'était contre un petit muret, entre le parking et la porte des urgences qu'elle terminait son verre de café – café ignoble, soit dit en passant, mais étrangement, tout le monde continuait à se resservir. Le vent était léger, le calme était omniprésent, et Elizabeth était encore en train de remuer tous les souvenirs laissés par son frère. Elle était presque optimiste parfois, elle s'autorisait à espérer quelques secondes et ensuite, elle se rappelait avec violence qu'il était question d'Ethan, et que rien n'est jamais facile avec lui. Ni avec elle.
« Vous auriez une cigarette s'il-vous-plaît ?
- Non, désolée.
- Allez, s'il vous plait.
- Non, je ne fume pas.
- Ah, ouais. Je suis là parce que j'ai un ami qui s'est cassé la cheville là ! Enfin je crois. Il était en train de chialer comme un gosse mais je lui avais dit qu'il fallait pas faire ça mais il me croyait pas ! Et puis... »
Et l'inconnu commença à lui raconter toutes les circonstances de la chute de son ami comme si Elizabeth était son médecin ; sans hésiter à préciser que lui, lui, n'était pas du tout comme ça, que c'était un homme fort et courageux contrairement à cet ami, et sans vraiment savoir comment, il était passé de la cheville cassée au fait qu'il trouvait que beaucoup de filles d'aujourd'hui étaient de petites garces finies, et que c'était pour cette raison précise qu'il préférait les femmes, avec quelques années de plus que lui.
« Vous devriez retourner auprès de votre ami, il aura sans doute besoin de vous pour survivre à cette terrible douleur, lui dit-elle dans l'espoir de le faire partir.
- Non mais vous inquiétez pas, c'est un dur mon pote. Ça vous dit de prendre un café pendant ce temps là ?
- J'en ai déjà un comme vous le voyez. J'ai fini ma journée, je voudrais juste rentrer alors s'il vous plait...
- Ah ouais vous travaillez ici ? Vous êtes quoi, docteur ? »
Puis la conversation continuait et se prolongeait, elle n'en finissait pas malgré toutes les tentatives de fuite. Elle était fatiguée et n'avait pas spécialement envie de hausser le ton face à un adolescent qui ne savait visiblement pas de quoi il parlait. Mais voyant en elle une fille timide et facile qui se comportait comme une espèce de vierge effarouchée qui n'attendait qu'une fessée pour réveiller en elle les fantasmes les plus interdits, le jeune homme continuait son approche qui frôlait le dérisoire.
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MessageSujet: Re: Le bonheur est une illusion d'optique    Le bonheur est une illusion d'optique  EmptyLun 2 Jan - 18:28

Je croyais que je n'étais pas ... 'programmé' pour aimer de cette façon. Les déclarations, les insomnies, les ravages de la passion, c'était bon pour les autres tout ça. D'ailleurs, le seul mot de passion me faisait ricaner. La passion, la passion ! Je mettais ça entre hypnose et superstition, moi...

En apparence, Ethan paraissait stoïque devant les malades qui défilaient. Calme et avenant, à l’écoute et prêt à diagnostiquer des pathologies mentales rassurantes tant elles lui prouvaient régulièrement qu’il y avait pire que lui. C’était exactement la raison pour laquelle il adorait son métier : entouré de quelques fous, il se sentait quasiment normal. Et c’était également celle pour laquelle il le détestait, ne supportant pas de se trouver des points de ressemblance et de comparaison avec certains d’entre eux. Intérieurement, il tournait et retournait comme un lion en cage affamé par plusieurs jours de jeun. Ruminant, bouillonnant littéralement. Captif de la prison dorée dans laquelle il s’était laissé enfermer tout seul, comme un pauvre con, ne nous mentons pas. Un véritable nid douillet, dans lequel ses songes aimaient parfois se perdre. Délicieux et lénifiant. Pur et enivrant. Mais une putain de cellule quand même, dont il ne parvenait pas à s’échapper en dépit de tous ses efforts pour continuer à ne la considérer que comme sa sœur. Il n’était pas supposé ressentir toutes ces choses écœurantes, elle aurait du ne représenter pour lui qu’une créature asexuée qu’on observe sans la moindre arrière-pensée. Il savait parfaitement tout ça, mieux que personne, et ce n’était pas ce qui le guérissait pour autant de son addiction. Il se sentait à présent comme un diabétique qui a fait une overdose de sucre. Il n’avait pu s’empêcher de quitter son pays natal pour la retrouver, et pourtant il prenait garde à taire sa présence, à ne surtout pas se faire repérer. Bien crédule de croire qu’il lui serait possible de garder longtemps l’anonymat en travaillant dans le même hôpital. Sérieusement, il ne fallait vraiment pas avoir inventé l'eau chaude pour en conclure qu’ils finiraient par tomber nez à nez au détour d’un couloir ou pire, qu’elle se retrouverait un jour rattachée à son service. Et c’était probablement là tout l’intérêt, le paradoxe dans toute sa splendeur… tout mettre en œuvre pour ne pas croiser quelqu’un frontalement en espérant secrètement que la rencontre se fera malgré tout. Et il semblait que le hasard n’allait pas tarder à s’en mêler, que la fatalité prendrait bientôt son pied à tout dérégler.

Il s’apprêtait à rentrer chez lui, ou à se vautrer dans le bar le plus proche histoire d’y cuver son chagrin, lorsqu’il aperçut la source de ses effroyables maux adossée contre le mur du bâtiment. Incapable de s’empêcher de la dévorer du regard, appréciant le spectacle depuis le siège en cuir moelleux de sa voiture. Luttant pour ne pas se précipiter vers elle, faire amende honorable en lui demander d’oublier le reste. Retourner à ce temps béni où ils se comprenaient sans prononcer le moindre mot, où ils profitaient l’un de l’autre avec innocence. Cette époque révolue où il n’était pas subjugué plus que de raison par sa beauté enchanteresse, où il était simplement un grand frère qui prend soin de sa cadette. Rêve Ethan, tu sais parfaitement que ça ne ré-arrivera pas. T’es enchainé à elle comme un vulgaire caniche à son os, et t’auras beau chercher à l’enterrer six pieds sous terre, c’est pas pour autant que son souvenir cessera de faire constamment surface dans ton crâne d’aliéné.
La scène aurait pu s’en tenir là, il aurait pu se contenter de l’épier avant d’à la rigueur la suivre à pied avec pour faux prétexte celui de s’assurer qu’elle revenait chez elle saine et sauve. Mais il fallut qu’un petit imbécile vienne chambouler ses plans. Un ridicule minet à peine sorti de l’adolescence, rempli d’assurance alors qu’il ferait mieux de retourner jouer dans les jupes de sa mère. L’échange le dérangea d’office. Jaloux que quelqu’un, un homme de surcroit, puisse avoir le droit de discuter avec elle alors que lui commençait presque à oublier le son de sa voix. Au prix d’un douloureux combat, il parvint à se retenir pendant plusieurs minutes d’intervenir, afin de ne pas trahir si facilement sa couverture. Bombe à retardement qui explosa lorsque le malotru se fit plus entreprenant, posant ses sales pattes sur les courbes de la jeune femme sans vergogne. La porte de la voiture claqua violemment tandis qu’il s’élançait d’un pas vif vers le couple de pacotille. Attrapant l’imbécile par la peau du cou lorsqu’il se trouva enfin à leur hauteur avant de l’envoyer gentiment admirer le mur putride. Lui tordant le poignet avant de s’appuyer avec force contre son dos, lui arrachant un léger râle de souffrance au passage. « Va faire mumuse avec les fillettes de ton âge et déguerpis en vitesse ou je te jure que je vais te donner une bonne raison de faire un séjour prolongé à l’hôpital. » siffla t’il contre son oreille avec mépris, contenant difficilement sa colère. « Eh je veux pas de problème moi ! C’est elle qui m’a chauffé. T’as qu’à mieux la surveiller ta copine. » Il ne manquait pas de culot celui-là. Ou comment aggraver son cas en piaillant des ignominies. Ethan hésita un instant avant de se décider à le relâcher, non sans avoir infligé une tape brutale derrière la nuque au gringalet avant qu’il ne s’éloigne. « Que je te revois pas dans les parages ! » Il fulminait, c’était le cas de le dire. Et en plus si ce crétin prenait le risque de cafter, c’était carrément son poste qui se trouvait en ligne de mire. Agresser un patient… il ne manquait plus que ça à ajouter sur le tableau de ses pires conneries.

Ses prunelles orageuses avaient soigneusement évité les pupilles azurées de sa sœur le temps de l’affrontement, comme si elle s’avérait en vérité invisible. Mais désormais seuls, il n’eut d’autre choix que de se laisser happer par ses sphères océaniques. Elle avait le don de le rendre fragile, sans rien faire de spécial, juste en étant elle-même. Il la détailla avec un semblant d’inquiétude afin de vérifier qu’elle n’avait rien. Esquissant un geste imperceptible et tendre pour toucher sa joue avant de s’endurcir aussitôt et de renvoyer son audace aux affres de l’Enfer. Se contentant de l’admirer avec froideur, constatant qu’elle restait malheureusement aussi séduisante. Brûlant de la prendre dans ses bras, de la serrer jusqu’à l’en étouffer juste pour se persuader qu’elle était réelle et ne lui échapperait plus. Sauf qu’il ne pouvait pas. Il ne se faisait pas suffisamment confiance pour ça. Un contact charnel pourrait mettre le feu aux poudres, déraper en quelque chose de malsain. Si au moins il avait été sûr et certain qu’elle le repousse, qu’elle mette un frein à ses ardeurs si le contrôle se perdait de son côté. Mais non… cette trainée était capable de le laisser faire, de leur permettre de s’envaser davantage dans la mare répugnante de leur déchéance. La première – et unique – fois il avait bien vu, s’il n’avait pas eu le déclic et qu’il ne l’avait pas repoussée, qui sait jusqu’où ils auraient pu aller ? Non hors de question de lui offrir une marque d’affection, de lui avouer qu’elle lui avait manqué à en crever. Son orgueil s’y refusait avec une hargne suicidaire.
« T’as pas changé, tu peux vraiment jamais t’empêcher d’allumer tout ce qui bouge. » Venin craché avec toute la médisance qu’il avait en réserve. C’était faux et au fond de lui, il en était conscient. Il avait d’ailleurs suivi ce qui s’était passé, et ce n’était évidemment pas Elizabeth qui avait entamé ni même encouragé ces avances déplacées. Mais c’était tellement plus aisé de la traiter avec dédain et arrogance, de lui faire croire qu’elle ne représentait qu’une loque sur son passage. C’était la carapace qu’il s’était forgé, et il n’arrivait plus à s’en délivrer. Il s’en voulait, et il lui en voulait surtout à elle de l’avoir contraint à quitter l’ombre dans laquelle il se réfugiait depuis son arrivée à Arrowsic.
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MessageSujet: Re: Le bonheur est une illusion d'optique    Le bonheur est une illusion d'optique  EmptyLun 2 Jan - 20:59

Le jeune homme continuait à débiter ses petites histoires de lycéens, histoires qui étaient celles d'Elizabeth il n'y avait pas si longtemps de ça, en ayant la conviction que cela l'intéressait. Face à une Elizabeth qui ne réagissait pas et ne le regardait à peine, il avait du croire avec bêtise qu'il avait une touche, que son indifférence était alors une tactique sournoise pour qu'il prenne les devants. Elle se décala alors lorsqu'il tentait une vaine approche, ennuyée, oui, c'était surtout de l'ennui. Ce n'était qu'un enfant après tout, qui croyait que tout était à sa portée. C'étaient des rêves encore solides, c'était Elizabeth il y a quelques années de ça, avec l'espoir rayonnant autour d'elle comme une aura angélique, avec de l'ambition à revendre, des songes à portée de main, c'était encore l'innocence même, la candeur à l'état pur et brut. Puis petit à petit, elle s'était fanée, entraînée dans une chute sans fin qui prenait toujours plus de vitesse, un abîme dont on ne distinguait pas le fond. Tout était toujours plus sombre et plus glauque, et elle trouvait encore de la profondeur dans laquelle s'enfoncer. « Va faire mumuse avec les fillettes de ton âge et déguerpis en vitesse ou je te jure que je vais te donner une bonne raison de faire un séjour prolongé à l’hôpital. » Ce fut comme une claque. Elle savait qu'il était là, quelque part dans l'hôpital, pas très loin, mais elle ne l'imaginait pas intervenir. Ses yeux s'écarquillèrent de surprise et ses membres restèrent figés. Un bref sourire étira cependant ses lèvres, elle avait l'impression de retrouver son frère, le frère qui venait la protéger de ces garçons qui faisaient une tête de plus qu'elle et qui voulait la taquiner, ce frère qui s'était toujours montré très protecteur sans pour autant être étouffant, vous savez, ce frère aimant. Certes, Ethan aurait pu opter pour une approche plus aimable peut-être, plus calme, mais la diplomatie n'avait jamais été l'un de ses principaux atouts. « Eh je veux pas de problème moi ! C’est elle qui m’a chauffé. T’as qu’à mieux la surveiller ta copine. » C'était bête, mais le terme « copine » ne laissait pas Elizabeth indifférente. C'était bête dans la mesure où c'était un parfait inconnu qui ne savait rien qui l'employait, mais c'était juste comme ça. Elle avala sa salive, légèrement gênée d'être, à ce moment là, considérée comme l'éventuelle copine d'Ethan. Eli les regarde à l'écart, toujours adossée contre son petit muret, et l'idée d'aller arrêter son frère ne l'effleura même pas. Elle était beaucoup trop concentrée à le regarder faire, à fixer son mordillement de lèvre lorsqu'il resserrait avec plus d'ardeur ses doigts autour de son poignet, ses quelques mèches brunes qui virevoltaient dans l'air à chaque mouvement.
Enfin, il s'en alla, les laissant désormais seul. C'était un beau tableau de série américaine, un soir sombre illuminé par les lampadaires de l'hôpital, conférant aux deux acteurs principaux une légère lumière jaunâtre. Il ne manquait plus qu'une musique au piano, et éventuellement une averse pour accompagner la scène qui allait suivre, car tous les drames romantiques ont besoin de leur scène sous la pluie, qui obligera les acteurs à crier jusqu'à s'en casser la voix, à crier à quel point ils s'aiment ou se détestent. Elizabeth eut un léger mouvement vers Ethan, décollant son corps avec vivacité, prête à nicher sa tête dans le creux de son cou, et à enrouler ses bras autour de sa taille. Mais face au visage terne et dur de son frère, elle se ravisa, et se laissa tomber nonchalamment contre le muret, et passa les quelques secondes qui suivirent à le détailler comme lui le faisait. Elle s'arrêta sur son visage bien plus longtemps : ses traits s'étaient endurcis, et la fatigue avait trouvé où se loger dans ses rétines. Ce n'était pas la fatigue qu'elle avait toujours vu sur son visage, c'était quelque chose de différent, quelque chose qui ne s'en allait pas même après une nuit de douze heures. La fossette apportait autrefois de la douceur dans son sourire et dans ses mimiques s'était transformée en une balafre en plein milieu de sa joue, comme une entaille au couteau dont la cicatrice rappelait chaque jour sans cesse le malheureux accident. « T’as pas changé, tu peux vraiment jamais t’empêcher d’allumer tout ce qui bouge. » C'était bien ce à quoi elle s'attendait. Ses petits espoirs et rêveries de retrouvailles parfaites ne relevaient pas du possible. Sans doute blessée par la froideur de ses mots, elle tentait cependant de se convaincre qu'il était là pour elle puisqu'après tout, s'il était venu chasser ce pauvre adolescent, c'était bien pour une raison : il n'était pas indifférent. « Un peu comme toi hein. » lui lança-t-elle, tentant de sauver le peu d'ego qui lui restait en sa présence. D'une façon ou d'une autre, Elizabeth ressemblait beaucoup à son frère, orgueilleuse à souhait, elle possédait un ego bien trop grand pour sa petite enveloppe corporelle. Elle voulait faire croire à tout le monde que ça allait, quitte à se rompre davantage, mais tant qu'on ne voyait pas sa véritable nature... La fragilité ! Quelle belle invention. La fragilité, la sensibilité, cela pourrissait bien Elizabeth qui se détestait d'être si frêle et vulnérable. Alors elle se donnait ses airs de fille dure, de fille invincible qui pourrait abattre une armée à elle seule, mais bien sur, personne n'y croyait, à part elle. Le problème était que la présence d'Ethan avait la capacité de réduire à néant tous les efforts d'Elizabeth. Qu'une fois en sa compagnie, elle se sentait nue et fragile. Qu'elle allait d'abord tenter de lui répondre avec fierté, et puis, voyant qu'Ethan n'en avait que faire de ces sottises là, qu'il allait encore lui échapper pour une énième fois, elle allait sombrer dans un pathétique de mauvais goût. « Depuis quand est-ce que t'es là ? » lui demanda-t-elle, presque timide. « Tu sais, tu passes pas inaperçu auprès des étudiantes, je crois même que t'as réveillé chez certaines une soudaine envie d'aller faire de la psychiatrie plutôt que de la pédiatrie. Tu vois, toi non plus t'as pas changé. » c'était tout bonnement inutile, mais c'était le malaise qui la poussait à faire des remarques qui se voulaient ironiques et qui se révélaient être grotesques.
« Pourquoi est-ce que t'es là, Ethan ? Je veux dire... Arrowsic. De tous les hôpitaux qui existent, tu vas quand même pas me dire que si t'es là, c'est juste un pur hasard ! » puis elle se tut. Elle savait que si elle continuait sur cette voie là, elle allait se mettre à hurler, à pleurer et à supplier Ethan, à lui reprocher toutes les misères du monde et à lui reprocher son malheur, à lui balancer les pires calomnies qui lui passeraient par la tête alors qu'elle avait été son complice. Elle tenta alors de reprendre son calme, et fit brusquement un geste en avant, attrapa les mains de son frère, avec dans ses yeux un mélange de détermination et de supplication : « T'en vas pas... S'il te plait, reste. » Son front lui arrivait à peine au niveau de son nez, elle était toute frêle et croyait vraiment être capable de le retenir. Naïve, Elizabeth. Elle ouvrit la bouche, prête à dire quelque chose, mais un bruit sourd en sortit, puis ses lèvres se refermèrent dans un mouvement sec. Ne t'en vas pas parce que je ne peux pas te voir partir encore une fois. Tu m'as manqué, et je ne sais pas comment te le faire comprendre. Parce qu'on ne se comprend plus...
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MessageSujet: Re: Le bonheur est une illusion d'optique    Le bonheur est une illusion d'optique  EmptyMar 3 Jan - 9:55

Je souhaiterais être réincarné en magnétoscope VHS pour pouvoir effacer ces images qui me hantent.

Il aurait voulu prétendre qu’il était encore ce frère protecteur qui porte secours à sa petite sœur dès qu’un imbécile s’aventure à poser ne serait-ce qu’un petit doigt sur elle. Ce frère qui dénigrait ouvertement tous ceux qu’elle fréquentait, sans exception, simplement parce qu’il l’avait posée sur un piédestal et qu’il considérait que ces crétins ne la méritaient pas. Entretenant à l’époque encore l’idée que lorsqu’elle trouverait un garçon digne de s’attirer son respect, il s’effacerait et serait même heureux pour elle. Ce frère là, avait probablement été tué à coups de hache par le monstre qu’il était devenu et son cadavre sanglant devait giser quelque part, dans un recoin putride. Il était intervenu par pur égoïsme, envieux à l’excès. Désireux de pouvoir lui parler à sa place, de la toucher sans se sentir coupable. Rien qu’un instant, il aurait voulu se glisser dans l’enveloppe d’un autre juste pour avoir le droit de se trouver à ses côtés. C’était ridicule, quand on regardait son ‘prétendant’ on se disait qu’il y avait vraiment tout sauf de quoi être jaloux. L’adolescent entreprenant aurait tout aussi bien pu être un sain, qu’il aurait réagi exactement de la même manière. Défendant bec et ongles son territoire, son territoire interdit. Qu’elle puisse un jour prendre son indépendance, faire sa vie avec un autre, lui était impensable. Il était conscient que cela arriverait pourtant nécessairement, mais préférait éviter soigneusement de l’envisager. En cinq mots, il se voilait la face. C’était sans doute pourquoi il avait si mal pris son départ. En partant, elle avait indirectement affirmé qu’elle pouvait survivre sans lui. Qu’elle pouvait se passer de sa présence, pendant que lui crevait comme un misérable chien abandonné par son maitre au bord de l’autoroute. Elle lui avait renvoyé à la gueule la vision avancée d’un avenir tout tracé depuis sa naissance. Un avenir où on ne s’enferme pas dans une bulle incestueuse.
« Ta copine. » Cela sonnait presque comme un gros mot, comme quelque chose de foncièrement grotesque, et pourtant… Lui aussi avait tiqué en entendant ces termes, les trouvant à la fois inappropriés et délectables. Lui rappelant douloureusement ce qui lui serait toujours refusé, par elle évidemment mais encore davantage par sa propre morale. Si seulement elle n’avait pas partagé son sang… si elle n’avait été que la voisine, ou une inconnue frôlée au détour d’une soirée arrosée. Alors peut être, oui peut être qu’un Nous aurait été possible. En attendant, il devait se contenter d’être simplement son frère et il aurait donc du démentir toute appartenance amoureuse en le clamant haut et fort. Il se sentait toutefois trop indigne pour se vanter d’un tel lien, pas après ce dont ils s’étaient rendus coupables. Il ignorait ce qu’ils étaient réellement l’un pour l’autre au fond, piégés dans un entre-deux dont on ne pouvait s’échapper. Incapables de retourner en arrières, inaptes à aller de l’avant. De vrais handicapés des sentiments, des paralysés de la vie dans toute leur splendeur. Et c’était entièrement sa faute, c’est lui qui avait commencé. Il se débectait pour ça, et toute cette haine, cet ignoble fardeau, se répercutait sur elle. L’abhorrant pour lui avoir rendu son terrible baiser, pour l’avoir encouragé dans sa sombre folie. Une part de lui, cette part qu’il refoulait en vain, s’était mise à espérer une chose impensable lorsqu’elle s’était abandonnée à son étreinte. C’est ce futile espoir qui le tuait aujourd’hui à petit feu. Oui les torts étaient partagés, cependant de manière peu proportionnée.

Ses dents vinrent mordre l’intérieur de sa joue avec violence en réalisant qu’après des mois et des mois de séparation, il n’était pas foutu de lui offrir plus avenant qu’un vil sarcasme. Il n’arrivait plus à se comporter comme un humain lambda, qui accepte de mettre de côté son ego hors norme lorsqu’il finit par comprendre qu’il n’en a retiré qu’un malheur sans fond. Non il fallait qu’il en rajoute constamment, qu’il mette allègrement les pieds dans le plat. La brunette ne se laissa néanmoins pas démonter, répondant au tac au tac. Elle était comme ça sa petite sœur, plus forte que lui ne le serait jamais. Elle avait l’air fragile comme ça sous son allure frêle, mais ce n’était pas ce qui l’arrêtait, elle savait se dresser fièrement devant l’adversaire sans se soucier du reste. Elle lui ressemblait énormément mais, contrairement à lui, elle savait mettre sa fierté à l’écart lorsque la réussite de son bonheur en dépendait. Elle faisait preuve d’intelligence quand lui n’était qu’un pathétique crétin bouffé par son orgueil. Il l’admirait pour son courage, même s’il ne lui avouait pas. Dévoré par un poison rongeant insidieusement ses nerfs et ses entrailles, il n’arrivait pas à se défaire de sa carapace. Tétanisé par la peur effroyable de perdre son inébranlable aplomb. Il ne pouvait pas simplement sourire et la prendre dans ses bras, en lui murmurant à l’oreille que sa répartie lui avait atrocement manqué. Non il fallait qu’il reparte à l’attaque, au lieu de battre en retraite.
Une légère grimace s’imprima malgré lui à ses traits de fer en entendant sa question. Interrogation inévitable qui était justement celle qu’il redoutait. Si elle avait eu la présence d’esprit de disparaitre dans une grande ville, il aurait pu scander qu’on lui avait offert un poste prestigieux qu’il ne pouvait pas refuser. Mais non, il avait fallu qu’elle se réfugie dans ce coin paumé. Ses méninges se mirent à tourner à plein régime à la recherche d’une explication plausible, du mensonge parfait, avant de se trouver dans un embarras abominable. Non seulement il avait bêtement grillé sa couverture, mais en plus c’était apparemment le cas depuis plusieurs jours au moins. Voire depuis le début si ça se trouvait. Pris la main dans le sac. Mauvaise foi, il se surprit à être en colère qu’elle n’ait pas cherché à venir lui parler en apprenant sa présence dans les lieux. « Et toi depuis quand est-ce que tu sais que je suis là ? » Ton sec et cassant visant à gagner du temps, à ne pas sombrer dans le pathétique avec une déclaration à l’eau de rose où il confierait avec émotion n’être là que pour ses grands yeux bleus. « Tu me connais, j’adore déclencher des vocations. T’aurais du venir me les présenter, ça t’aurait rendue moins inutile. » persifla t’il avec une fausse pointe de mépris. T’es qu’un pauvre con Ethan, un minable de la pire espèce, t’en es conscient au moins ? « Non, je ne vais pas te faire cet affront. » Réponse digne d’un collégien. C’était prématuré, pourquoi fallait-il qu’elle appuie là où ça faisait mal en lui demandant la raison de sa présence ? Pourquoi avait-elle tant besoin qu’il recrache une pitoyable évidence ?

Il s’apprêtait à reculer et à prendre la poudre d'escampette, lorsqu’elle anticipa et fit un bon en avant pour le retenir. Ses prunelles d’acier la dévisagèrent avec étonnement, et un brin de confusion. Ses doigts ne purent s’empêcher d’enlacer les siens avec tendresse, y imprimant une bribe de l’attachement qu’il se devait de taire. Trêve fugace dont avait profité son inconscient pour lui révéler que son attitude glaciale n’était qu’une façade, qu’il serait toujours là pour elle. Intermède qui ne s’éternisa pas, comme s’il se trouvait dans la peau d’un schizophrène sujet à de vifs changements de personnalité. L’emprise sur ses phalanges se fit rude, sèche, et il les serra avec hargne avant de s’en défaire dédaigneusement. Comme s’il venait subitement de se faire électrifier par le courant des vaches. « Ne me touche pas. » Il lui tourna le dos un instant, massant son crane endolori avant d’ébouriffer légèrement ses cheveux et de se retourner vers elle. Presque furieux, se retenant de la secouer comme un prunier. « Bordel mais qu’est ce qui ne tourne pas rond chez toi Elizabeth !? T’es pas supposée me détester, m’éviter comme la peste ? T’en as pas eu assez ? » Il ne comprenait pas pourquoi elle s’accrochait tellement, après ce qu’il pouvait lui faire subir. « Et puis partir, s’enfuir je devrais dire, c’est ta spécialité à toi. Pas la mienne. » ajouta t’il d’une voix plus blessée qu’il ne l’aurait souhaité.
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MessageSujet: Re: Le bonheur est une illusion d'optique    Le bonheur est une illusion d'optique  EmptyMar 3 Jan - 18:43

« Et toi depuis quand est-ce que tu sais que je suis là ? » Évidemment. Répondre à ses questions par des interrogations, en pensant que cela lui permettrait de gagner du temps, ou tout simplement d'éviter d'étaler ses émotions à plat. C'était un jeu dans lequel ils pouvaient s'enfoncer très loin, enchaînant chacun des questions dont ils connaissaient tous deux la réponse, mais les posant quand même, pour le plaisir de sauver son ego et de blesser l'autre afin qu'il comprenne ne serait-ce qu'un vulgaire dixième de l'insoutenable poids porté sur ses épaules. « Peu importe. Et de toute façon, ces filles-là pensent qu'on est... que t'es marié, et elles ne touchent pas aux hommes mariés. Question de principe, d'honnêteté, de fidélité, des vertus dans ce genre là. »

Parfois le corps ne répondait pas aux attentes de l'esprit. C'était l'inconscient qui prenait le dessus, c'étaient les lapsus révélateurs et les rêves perturbants qui laissaient un arrière goût amer et un casse tête chinois au réveil, c'étaient ces petits moments de faiblesse et ces gestes qui vous prenaient en traître. Il paraît que lors des interrogatoires, selon le regard de l'autre, on pouvait savoir s'il faisait appel à des souvenirs visuels, auditifs ou des émotions. Le regard orienté vers le bas était celui qui traduisait le recours aux sensations, aux sentiments. Et Ethan se trahissait dans l'espace de quelques secondes, avec une mâchoire bien fermée et serrée pour montrer sa détermination, mais des yeux qui en disaient beaucoup plus, et des doigts qui ne pouvaient pas s'empêcher d'exprimer tout ce qu'il cherchait à enfouir quelque part sous ses entrailles. C'était une simple caresse, brève, futile, fugace, qui procura à Elizabeth un frisson tout le long du dos, perturbée. Les marques d'affection aussi soudaines avaient tellement plus de valeur. Mais c'était juste comme un moment de faiblesse qui ne dura pas, et Ethan se reprit bien rapidement avant se de retourner et esquisser quelques gestes dans sa chevelure. Elle inclina la tête, résignée. Ne me touche pas. Tout contact charnel était véritablement banni, leurs nerfs étaient plus sensibles que jamais aux frôlements de l'autre, tout effleurement avait le pouvoir de provoquer dans l'intégralité de leur corps comme un séisme de magnitude 9. Puis il lui fit de nouveau face, le visage illuminé par la colère, la voix brisée. A peine avait-il fini sa phrase qu'elle répliqua, avec cette même exaltation : « Si ! Si ! Je suis censée t'éviter comme la peste, parce que tu m'as forcé à être comme ça ! Je suis censée te détester, parce qu'on ne peut pas aimer quelqu'un qui vous traite de vulgaire déchet matin et soir, et je suis partie. Et ça, ça aurait du te réjouir; parce que t'aurais enfin pu vivre sans un poids à traîner et t'aurais pu aller sauter toutes ces petites connes qui croient à tes belles paroles et qui se disent que t'es le putain de prince charmant dont elles ont toujours rêvé. Mais t'es là Ethan, devant moi, dans une ville paumée dont j'ignorais l'existence il y a deux ans, à occuper ton petit poste de jeune psychiatre de confiance dans le même hôpital que moi. Alors je te retourne la question, qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez toi Ethan ?! ». La concurrence était rude entre Elizabeth et Ethan : c'était à celui qui serait le plus cruel, le plus blessant, celui qui serait le pire – ou le meilleur - des incestueux, celui qui trouverait la meilleure torture, comme si c'était une preuve de leur amour impossible. Comme si tout le mal qu'ils se faisaient reflétaient en fait la sincérité de leurs sentiments. Comme s'ils étaient incapables de douceur, et qu'ils prenaient un malin plaisir à enfoncer le clou, chez l'autre, mais surtout chez soi. Leurs reproches sonnaient comme des promesses. Ethan avait visiblement eu du mal à accepter son départ, la blâmant d'être une pauvre lâche. Elle était partie de Toronto avec l'espoir de pouvoir vivre sans lui, avoir la volonté de préserver les bons souvenirs qu'ils avaient, de pouvoir penser à son frère en se remémorant leurs longues soirées complices et non pas les nouvelles insultes qui avaient fleuri dans son esprit le matin et qu'il lui crachait à la gueule le soir même. C'était une belle erreur, et ça, elle l'avait compris. C'était au dessus de ses forces que d'essayer de passer une journée sans penser à son frère. Vouloir l'oublier incluait aussi le fait d'y penser. Le mécanisme de l'oubli ne dépendait pas de la volonté, c'était censé être naturel, spontané. On ne pouvait pas sortir quelque chose, et encore moins quelqu'un de son crâne avec acharnement, ce n'était pas comme ça que les choses marchaient. Et Elizabeth y avait pourtant cru, bêtement, elle s'était dit qu'il suffisait d'y croire, comme toutes ces gamines qui croyaient qu'un jour, elles seraient aussi célèbres que Britney Spears qui était à ce moment là, en train de devenir une petite starlette, et qui avait des cheveux propres et se dandinait dans des jupes à carreaux, renvoyait l'image d'une lycéenne pure, chaste et innocente, mais avec une légère flamme de sensualité dans les pupilles cependant. Ces gamines qui suivaient toutes les interview de cette petite adolescente montante, qui comme toutes célébrités, répondait qu'il fallait toujours croire en ses rêves et en soi afin qu'ils se réalisent lorsqu'on lui demandait si elles avait des conseils pour tous leurs fans. C'était débile. Il ne suffisait pas d'y croire, ni d'espérer, ni de le vouloir. La fatalité entrait en jeu, elle voulait dépouillait de tout vos biens sans aucune raison logique, comme ça, juste parce que c'est le Destin. Croire n'a jamais réalisé des merveilles, sinon Elizabeth et Ethan ne seraient pas dans cette situation là. Non, on aurait découvert par hasard qu'Ethan avait été adopté, qu'ils n'avaient finalement aucun lien du sang, leur permettant de mener leur petite amourette comme ils l'auraient souhaité. Mais non, il était bien son frère, c'était d'ailleurs la seule chose qu'elle savait avec certitude. « C'est vrai, je m'enfuis. Je m'enfuis dès lorsqu'il ça semble devenir épineux, mais toi Ethan, tu te caches. Tu ne t'enfuis pas parce que ça serait comme... déclarer forfait, ça serait passer pour un lâche. Et tu n'es pas comme ça, pas vrai ? Tu es le courage incarné, la virilité même, avec tes fringues bien repassées et tes chaussures cirées, ta voiture qui a coûté aussi cher que tes études, études que tu as bien évidemment réussies. Tu as un penchant pour l'alcool et les clopes, mais il paraît que ça donne du charme, et c'est ce que les femmes veulent. Voilà ce que tu dégages, voilà ce qu'on voit. Et la vérité, c'est que t'es rien de ça. » La grande différence entre ces deux là, était aussi qu'Elizabeth avait la langue bien pendue, et qu'elle partait facilement sur de longs monologues, à l'inverse de son frère qui préférait ses petites phrases concises, tranchantes comme des lames de rasoir. Mais elle s'était tût lorsqu'Ethan aurait voulu qu'elle parle, elle s'était réfugiée dans le silence au lieu de lui avouer que ses lèvres avaient été une condamnation aux Enfers ; alors aujourd'hui elle avait beaucoup de choses à dire. Elle avait la voix ébréchée, mélangée au goût de ses larmes qui se formaient et qu'elle tentait de ravaler. Il ne fallait pas qu'elle pleure, cela n'allait pas avec le discours qu'elle tenait. Son discours était sec, il se voulait poignant, et elle ne pouvait pas afficher en parallèle une mine grisâtre imbibée de larmes. Sa voix tendait à disparaître, engloutit sous le poids des émotions, mais Elizabeth continuait tout de même temps : « T'essaies de me faire culpabiliser. Comme si mon départ était responsable de tout, comme si c'était ça, l'élément déclencheur. Mais... » puis ses larmes redoublèrent. C'était d'un pathétique ahurissant ; elle recula de quelques pas, s'écrasant une nouvelle fois sur son muret, le dos courbé et les mains gelées qui tentaient d'essuyer ses pleurs. « Mais qu'est-ce que t'attends réellement de moi ? »
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MessageSujet: Re: Le bonheur est une illusion d'optique    Le bonheur est une illusion d'optique  EmptyMar 3 Jan - 23:11

Si les hommes font tant de peine aux femmes, c’est sans doute qu’elles sont tellement plus belles quand elles pleurent.

Sa révélation le laissa un instant interdit avant de déclencher chez lui un bref ricanement nerveux. Apparemment il n’était pas le seul à laisser sous-entendre qu’ils formaient un couple à de parfaits inconnus, elle aussi devait se plaire vaguement à entretenir cette vile illusion. Ou alors elle avait redouté qu’il débarque comme un fou furieux dans son service, et l’embrasse fougueusement devant les importunes… dans ce cas là en effet, mieux valait qu’elles ignorent le lien de fraternité sous peine de les faire interner de toute urgence en tant que malades dans l’aile psychiatrique. « Vertu… c’est vulgaire dans ta bouche, tellement t’en as peu pour laisser dire des conneries pareilles. » Du venin, toujours ce même venin qu’il prenait un malin plaisir à lui cracher à la gueule, le distillant sans se faire prier. Le pire c’est qu’il n’en pensait au fond pas un traitre mot, et qu’il ne valait dans tous les cas pas mieux qu’elle. Sans parler du fait qu’il avait réagi exactement de manière identique une poignée de secondes plus tôt. « Et franchement j’en doute, si j’évitais pas de les prendre à la maternelle je me serais amusé à aller tester leur soi-disant loyauté. » Sceller ses reins à ceux de midinettes bien plus jeunes que lui, il l’avait déjà fait, et plus d’une fois. Mais il s’était sévèrement calmé à ce niveau-là depuis plusieurs mois, tant ces gamines lui rappelaient amèrement son penchant pour sa propre sœur. Il se sentait comme un criminel face à ces potiches, comme si leur âge en faisait des copies d’Elizabeth et que c’était cette dernière qu’il sautait à travers elles. Il préférait éviter soigneusement de raviver les terribles brûlures lui lacérant l’épiderme en permanence, ne pas entailler davantage sa chair à vif. Un brin masochiste sur les bords oui, mais il avait ses limites. Terrifié aussi à l’idée de finir par cautionner un acte si incestueux, que la frêle limite entre le bien et le mal s’estompe jusqu’à ce qu’il ne soit plus en mesure d’en délimiter le début et la fin. Il devait à tout prix continuer d’être profondément écœuré par cette obsession contre-nature, sa survie en dépendait. Quant à celle de son âme… il n’osait plus y croire depuis longtemps. D’ailleurs il doutait fortement que Dieu existe, ou alors il les avait abandonnés. Ou ils n’étaient que les marionnettes d’un créateur s’amusant à piétiner joyeusement la fourmilière humaine. Il s’était peut être levé un matin en se disant « Tiens je vais donner une petite sœur à cet imbécile qui patauge encore dans son bac à sable et qui s’amuse à donner des coups de pelle à ses camarades juste pour emmerder son monde. Et il l’aimera, comme un fou, comme un dingue, et on verra comment il s’en dépêtrera. Il va s’enfoncer tout seul dans la vase noirâtre, et il la haïra à en crever pour être l’unique responsable de sa déchéance. Ouais ce sera bien, entre quelques guerres par ci par là ça m’occupera. » Ethan divaguait, il divaguait complètement dans le méandre de ses pensées coupables et obscènes. Trouvant même dans une potentielle existence divine un responsable parfait. Tout était bon pour se dédouaner de ses péchés.

Il l’avait repoussée comme s’il était effrayé, effrayé par le monstre qui menaçait de réapparaitre s’ils se perdaient dans des gestes affectueux. Grattant insidieusement sous la surface, rongeant perfidement sa carapace. L’ainé protecteur qui recherchait seulement son bonheur n’avait pas entièrement disparu finalement, il était resté terré quelque part au fond de ses entrailles. Aspirant à la garder en sécurité, à la préserver de ses infâmes pulsions. L’enjoignant silencieusement à fuir à nouveau, tant qu’il était encore temps. Pour lui c’était foutu, il était d’or et déjà condamné, pourri jusqu’à la moelle. Mais elle… il y avait encore un espoir, aussi infime soit-il, elle pouvait se défaire de cette passion immorale. Elle pouvait être la plus vaillante des deux, ses barrières à lui ne tarderaient pas à s’effondrer. Il s’était d’ailleurs demandé si ce n’était pas le cas, si elle ne l’avait pas laissé gouter à ses lèvres délicieuses seulement par pure curiosité. Ce qui expliquerait pourquoi elle s’était vautrée sur le corps nu d’un imbécile tout juste trois semaines, voire moins, après leur baiser fatal. Une partie de lui espérait qu’il s’agissait de la véritable raison, mais l’égoïste qu’il était ressentait une douleur effroyable rien qu’en imaginant que ses sentiments n’étaient pas partagés. Non il ne voulait pas être le seul à souffrir comme un misérable cabot, il avait besoin qu’elle porte un peu de son fardeau. Il ne saurait probablement jamais démêler le vrai du faux, parce qu’elle avait préféré lui infliger le silence quand il aurait tant voulu qu’elle comble les blancs.

La timidité et la douceur venaient de tirer leur révérence, laissant leur place à la rage et la rancœur. Il avait la désagréable impression de se retrouver dans l’enveloppe d’un dompteur incompétent, qui tient fébrilement son fouet pendant que la lionne en cage rugit et montre les crocs. Elle ne débitait que des vérités, toutes plus tranchantes les unes que les autres. Sans s’en rendre compte, elle faisait les questions et les réponses. Il était parti parce qu’aucune de ces petites connes, comme elle disait, ne lui arrivait à la cheville et que sans elle, il se sentait dépérir. Ce n’était pas qu’il ne les appréciait pas à leur juste valeur, certaines valaient réellement le détour, y compris mentalement… mais à la fin de la nuit, tout était terminé, elles quittaient son esprit fermé. Elles se heurtaient à un mur, qu’elles s’avéraient inaptes à effriter. Il n’était effectivement pas le prince charmant dont les filles rêvaient, son charisme ne reflétait pas de quelconque noblesse. Être avec Elizabeth était devenu un supplice, une torture telle qu’il s’était senti obligé de le lui rabâcher perpétuellement de la manière la plus grossière qui soit. Mais être sans elle revenait quasiment à monter sur l’échafaud et à y être immolé jour après jour. Il avait désespérément besoin d’elle, et au bout de trois mois il n’avait plus supporté la distance qu’elle lui avait imposé sans lui laisser le moindre choix. Créature tyrannique jusqu’au bout de ses jolis ongles vernis. « T’en as pas marre de poser des questions débiles !? C’est toi mon problème, c’est toi qui ne tourne pas rond chez moi, Eli. C’est toi qui m’a rendu cruel, c’est toi qui a joué les allumeuses en soufflant le chaud, puis le froid et encore le chaud après. Mais c’était pas pour autant que j’étais prêt à rompre tout contact, contrairement à toi. » Et voilà elle avait gagné. Ces foutus aveux, il venait de les lui servir sur un plateau d’argent, elle pouvait être contente. La voix utilisée était certes cassante au possible, dédaigneuse et infecte, mais il avait au moins indirectement reconnu être dépendant à elle.
Ses confidences ne calmèrent toutefois pas la tornade qui se déchainait sur lui, et il l’écouta stoïquement dresser le portrait de ses fausses qualités. Il n’était qu’apparence, l’incarnation de la réussite alors que derrière ce charme dévastateur se dissimulait un minable de la pire espèce. Cela rentrait dans une oreille et ressortait par l’autre. Il entendait un bourdonnement perpétuel, qui lui filait avec brio la migraine. Se demandant comment il pourrait la faire taire, maintenant qu’elle était lancée. Hésitant entre l’assommer et l’embrasser pour que sa bouche ne puisse plus se répandre en insanités difficiles à endurer. « Putain, t’as terminé ça y est ? Tant qu’on y est tu veux pas non plus donner une conférence de presse en plein milieu de l’hôpital histoire que la gente féminine arrête de se voiler la face sur mon compte ? » cria t’il après avoir une déglutition difficile. S’ils continuaient à hausser le ton, ils allaient finir par rameuter des patients ou le personnel des lieux, mais il s’agissait là du dernier de ses soucis. L’élément déclencheur… il en frissonna, qu’elle s’aventure à évoquer son incartade après un an à l’avoir délibérément éclipsé.

Autrefois, il ne pouvait pas résister à la moue adorable de sa cadette, il lui suffisait de poser ses yeux envoutants sur lui pour qu’il accède au plus futile de ses caprices. Et surtout, il n’avait jamais pu supporter de la voir pleurer. Sa crise ne fit pas exception la règle, et il ne put s’empêcher de se défaire de son masque austère pour se rapprocher sensiblement d’elle. La remettant sur ses pieds en lui attrapant avec force les épaules, avant que ses phalanges ne viennent cueillir nerveusement les larmes de crocodile qui roulaient sur ses joues satinées. « Arrête… arrête de pleurer. Bordel, quand est ce que tu vas te décider à valoir mieux que ça ? » Interrogation teintée d’une légère vacherie lancée sur le tas, on ne se refait pas. Il avait toujours été arrogant, mais cependant pas au point de croire qu’il pouvait mériter ses pleurs. « J’attends plus rien. »
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MessageSujet: Re: Le bonheur est une illusion d'optique    Le bonheur est une illusion d'optique  EmptyMer 4 Jan - 20:23

Chacune de ses paroles étaient pleine de reproche, de son venin miteux qu'il voulait lui envoyer à la figure, chacune de ses paroles étaient amères, mais à force, elles étaient presque devenues banales aux oreilles d'Elizabeth. Elle lâcha un léger ricanement, ne croyant pas plus à leur loyauté qu'Ethan. « Amuse-toi Ethan, je t'en prie. » C'était presque une invitation, de la provocation ou un défi. Lui dire ouvertement d'aller se faire les filles de sa promotion, allaient s'en suivre tous les ragots au sujet de ce nouveau psychiatre qui avait un don inouï pour la parole et la séduction, ragots qu'Elizabeth seraient contrainte d'écouter. C'était juste de la provocation, oui. L'encourager à faire quelque chose qui évidemment ne lui apportait rien. Elle voulait juste se rassurer, savoir qu'il ne le ferait pas, essayer d'y trouver une preuve quelconque lui montrant qu'il tenait encore à elle. Puis l'idée même d'imaginer Ethan embrasser fougueusement une fille, une inconnue, peu importe, glisser ses mains le long de ses hanches, gémir au creux de son oreille, avoir le souffle coupé et les sens excités... était une chose à laquelle elle ne voulait pas croire. Non. Elle ne voulait pas, et pourtant son imagination semblait prendre un malin plaisir à créer toutes sortes d'images ; Ethan emporté par le désir, Ethan plaquant une énième fille contre un mur avant de presser son torse contre sa poitrine et mêler ses mains moites dans sa chevelure. Rien que d'y penser résonnait comme un inceste chez Elizabeth, car c'était bien plus que de simples images défilant dans son esprit, c'était aussi ce sentiment d'injustice. Elles n'étaient que des filles, piochées au hasard dans la population, et elles avaient toutes, sans exception, droit à ce qu'elle n'aurait jamais. Il n'était pas question d'écarter les cuisses, c'était juste... elles pouvaient toutes se pendre à son cou, hurler leur éventuel amour sur tous les toits, et on dirait d'eux que c'est un jeune couple vivant pleinement leurs sentiments. Et pourtant, Elizabeth avait la conviction qu'aucune de ces filles là ne serait capable de l'aimer comme elle le faisait. Elles ne le rendraient sans doute pas aussi malheureux – de toute façon, ce n'était pas bien difficile -, elles pourraient sans doute l'aimer beaucoup, vraiment beaucoup, elles pourraient sans doute être des mères modèles, capables de lui faire des enfants sains. Eli n'en doutait pas. Mais ça ne changeait rien, c'était tout bonnement injuste.

C'est toi mon problème, c'est toi qui ne tourne pas rond chez moi Eli... C'était presque une déclaration. Si on n'enlevait l'orgueil, la fierté, l'ironie peut-être, on aurait pu trouver là en quelques mots l'expression de ses sentiments, de façon brute. Mais non, il se sentait obligé de se cacher derrière toute sa mascarade. C’est toi qui m’a rendu cruel, c’est toi qui a joué les allumeuses. Les allumeuses, c'était un mot qui se répétait dans sa bouche. Apparemment, elle en était tout le temps une, même sans le vouloir, et surtout sans le vouloir. Elle avait beau tenter de se remémorer tous les moments qui auraient pu sembler ambigus avant l'évènement fatal, rien ne venait. Elle ne l'avait pas embrassé, elle ne l'avait pas poussé à faire quoique se soit. Il fallait dire qu'Elizabeth aimait presque se placer en tant que victime, cherchant toujours de quoi accuser l'autre, juste pour ne pas avoir à se justifier. Elle avait toujours tout rejeté sur Ethan, parce que c'était lui qui l'avait soudainement agrippée, c'était lui qui avait refusé de la lâcher lorsqu'elle se débattait encore, c'était lui qui l'avait presque forcée à s'apaiser avec ses caresses aphrodisiaques, sachant où poser ses phalanges, sachant comment lui mordre la lèvre. C'était lui. C'était encore lui qui s'était retiré d'un coup, lui jetant un regard incompréhensif. C'était lui qui était parti. C'était lui qui avait commencé à l'insulter, à faire de leur quotidien une véritable guerre. Dans son esprit, ça ressemblait à ça : elle n'était que la victime de toute cette tragédie, obligée de partir pour fuir la terreur. « J'avais pas le choix... » Mais c'était faux, et elle le savait. Mais le désir d'être la petite victime abusée était apparemment trop fort. C'était surtout de la peur, à vrai dire, la peur de devoir justifier ses gestes, justifier son silence, justifier son corps nu affalé sur un pauvre garçon. Et elle refusait de se confronter à ça, parce qu'elle n'en n'était pas capable. Elle n'était pas capable de poser des mots là dessus, elle ne savait pas pourquoi elle avait préféré se taire alors qu'Ethan n'attendait que de le contraire, elle ne savait pas pourquoi elle s'était sentie obligée de jouer les allumeuses pour ramener quelqu'un dans son lit. « Tu m'as poussée à ça. Vivre avec toi était devenu un véritable enfer Ethan. Tu veux que je te dise, avant, je rentrais et j'étais presque soulagée, parce que voilà, j'étais chez moi, chez nous. Et puis ensuite, je rentrais avec l'impression d'être un cambrioleur. Quand t'étais là tu me crachais à la gueule et quand tu ne l'étais pas... » Et quand tu ne l'étais pas, j'avais aussi peur. Je voulais savoir avec qui tu étais et ce que tu fais, je voulais savoir si tu promettais toutes les merveilles du monde à une inconnue une fois de plus alors que tu devrais me les susurrer à l'oreille. Elle était calmée, mais pour repartir de plus belle : « Mais c'est toi le putain de problème là dedans ! Et oui, tiens, ça me dit d'aller hurler dans l'hôpital que t'es qu'un pauvre et misérable menteur ! Tu m'as menti Ethan ! Tu m'as menti... »

Elle suffoquait presque sous ses larmes, et ne se ressaisit pas le moindre du monde lorsqu'Ethan la redressa de force. Il avait lui aussi le don de la rendre fragile, lui nouer un terrible nœud avec les intestins, à remuer tous ses organes, à lui faire perdre la tête, dans tous les sens du terme. Face à son ton devenu plus serein, elle aussi s'apaisait. « T'attends plus rien.. » répéta-t-elle avec ironie. « Et tu penses vraiment que je vais te croire ? » puis elle releva la tête, avec les sanglots qui s'étaient envolés et qui ne laissaient qu'une trace humide autour de ses yeux rougis, et alors qu'elle se voulait déterminée, débordant de confiance, elle croisa du regard son menton puis ses lèvres. La dernière fois qu'ils s'étaient retrouvés à une distance plus ou moins semblable, c'était il y a plus d'un an. Elizabeth resta donc quelques instants le regard bloqué sur sa bouche, la respiration devenant de plus en plus rauque et bruyante. Ses lèvres parfaitement dessinées, légèrement abîmées. L'envie de les serrer entre ses dents, l'arrière-goût de leur mélange de salive. Puis elle s'écarta, haussant les épaules afin d'en dégager les mains d'Ethan et en pinçant ses lèvres, comme s'il restait encore quelques effluves du baiser interdit. Elle n'avait jamais réellement osé mettre des mots sur ce qu'elle ressentait, trop effrayée d'y découvrir une lubie immorale, de s'avouer qu'elle n'était qu'une pourriture regorgeant des désirs défendus et sales. C'était ça, elle débordait de désirs les plus répugnants les uns que les autres, et à ce moment là, elle regrettait presque d'avoir fait un pas en arrière, creusant encore l'écart entre eux.
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MessageSujet: Re: Le bonheur est une illusion d'optique    Le bonheur est une illusion d'optique  EmptyJeu 5 Jan - 11:45

Le sentiment amoureux est le plus culpabilisant. On peut penser alors que toutes les plaies de l'autre viennent de soi. (...) Que la vie se résume à un vase clos des valves pulmonaires.

« Amuse-toi Ethan, je t'en prie. » Cela sonnait effectivement comme une incitation, une invitation douloureuse à avaler. Même lui n’aurait probablement pas osé lui lancer un tel défi dans le doute, au cas où elle le prenne réellement au mot. Il sentait néanmoins que tout ça n’était que façade, qu’elle crevait de jalousie rien que d’y penser tant ses occupations charnelles revenaient souvent dans la conversation. Prétendre qu’il pouvait aller voir ailleurs autant qu’il le souhaitait en feignant l’indifférence… c’était habile, il fallait le reconnaitre. S’il ne l’avait pas connue par cœur, il aurait pu s’y laisser berner sans problème. Lui ne cherchait plus depuis longtemps à jouer ce genre de comédie, il ne se gênait plus pour faire ouvertement fuir tous les misérables pucerons qui lui tournaient autour. Elle ne lui appartenait pas, et pourtant il faisait tout comme. Quand il avait trainé hors de son lit le malheureux qui y avait échoué, qu’il lui avait fait mordre la poussière en hésitant fortement à lui briser la nuque dans les escaliers, il ne s’agissait pas d’un simple instinct de surprotection fraternelle. Non, il avait réagit comme un amant qui trouve celle qu’il aime en train de le tromper. Un mari qui découvre sa femme dans les bras d’un autre alors qu’il rentre en avance du travail ou d’un voyage d’affaires. Il s’était senti affreusement trahi, comme si elle était sienne. Il n’avait pas le droit, mais il avait pris le gauche. « C’est ce que tu voudrais Eli, c’est que tu voudrais vraiment ? Je vais te donner un conseil : évite de parier quand t’es sûre de perdre. » Tout son être transpirait la condescendance, la prenant de haut alors qu’il était évident qu’elle l’avait vexé en prenant un tel risque. Elle avait pas le droit putain, non elle avait pas le droit de le pousser à lui faire du mal, à leur faire du mal. Elle savait qu’il en était peut être capable, qu’il était désormais si rongé par le vice qu’il pouvait parfaitement suivre ses instructions à la lettre. Coucher avec chacune de ses soi-disant fidèles copines jusqu’à ce qu’elle daigne enfin réagir et le supplier d’arrêter. Il refusait d’en arriver là, il ne l’avait pas épiée à distance ces longues semaines pour rien. Il attendait simplement d’être prêt, de pouvoir être près d’elle sans la détruire, d’être à nouveau apte à la respecter. Sauf qu’aujourd’hui n’était pas le bon jour, aujourd’hui était prématuré, et dans l’idéal il aurait du rester tranquillement cloitré dans sa voiture hors de prix.

Elle n’était pas la seule à adorer se placer dans le rôle de la victime, lui aussi avait cherché à tout lui mettre sur le dos pour s’absoudre de ses péchés. Il avait préféré croire qu’elle l’avait délibérément rendu fou, qu’elle n’avait fait que lui lancer des signes pour l’enjoindre à céder. Finalement, il ressemblait à cet imbécile d’adolescent qui avait senti qu’il avait ses chances alors qu’absolument pas. Il se répétait constamment qu’elle n’était qu’une garce, une trainée, l’incarnation même du Diable et de la luxure. Mais c’était faux, complètement faux, et dans les phases où il arrivait à ne pas être enragé, il le reconnaissait volontiers. Oui c’était lui qui avait pris conscience le premier de ces pulsions immondes, de ce désir malsain. Lui qui avait commencé à la regarder différemment. C’était lui qui s’était surpris à contempler avec convoitise son corps interdit, à rester parfois sans bruit l’espace d’un instant dans la salle de bains lorsqu’elle prenait sa douche, atterrissant là de moins en moins souvent par erreur. C’était encore lui qui se faisait violence pour ne pas déraper lorsqu’elle se blottissait dans ses bras, inconsciente du danger qui la guettait. C’était lui qui ne l’avait pas lâché alors qu’elle se débattait, parce qu’il avait espéré qu’elle sombre elle aussi dans les méandres de sa folie passé les réflexes naturels de recul. Oui c’était lui qui avait esquissé le premier pas vers l’Enfer, et qui se trouvait désormais au bord du précipice. C’était lui qui l’avait contaminée. Mais elle était celle qui les avait irrémédiablement infectés, elle était celle qui avait donné un sens à ce qui n’en avait aucun en répondant à son infamie.
A ses yeux elle avait eu le choix, elle avait eu le choix de le repousser et de lui envoyer une violente claque en pleine face. Elle avait eu le choix de dissoudre ses espoirs en fumée une fois pour toutes, de ne pas laisser souffler un vent d’expectative si cruellement. Il avait attendu vainement une réponse, un semblant de discussion… et elle était arrivée sous la forme de cris de jouissance destinés à un inconnu. C’était là la pire manière de lui révéler qu’il était insignifiant. Cette atroce sensation qu’elle s’échinait à l’effacer comme de la craie sur un vieux tableau usé, en espérant ne pas laisser de vilaines traces. Alors il lui avait renvoyé ce même mépris à la figure, il avait tout fait pour qu’elle se sente encore plus minable et malheureuse que lui. Œil pour œil, dent pour dent. Il avait privilégié la débauche au pardon, s’enlisant dans l’alcool, le sexe et les cigarettes pour que ces addictions remplacent son obsession. Échappatoires faciles qui le mettaient dans un piteux état, accentuant son arrogance et son courroux pour qu’il ressemble davantage à un ours renfrogné qu’à un humain équilibré. Il n'allait même plus au travail, de peur d'agresser ses patients. Cercle vicieux l’empêchant d’y voir clair, l’encourageant à maltraiter sa propre cadette pour évacuer sa rage et ses viles frustrations. « T’as récolté que ce que t’as semé Elizabeth, à ce que je sache moi j’ai pas ramené une ‘petite conne’ à la maison pour la sauter sous notre propre toit. Je t’ai pas infligé un silence puéril pendant des semaines, j’ai pas fait comme si t’existait plus. » énonça t’il en réponse, d’un ton effroyablement calme et rêche ne présageant rien de bon. Tranchant, il poursuivit dans un souffle : « Tu vois moi j’aurais largement préféré les insultes, les injures, et même les coups à la place de ton attitude dégueulasse. »

Ses accusations le laissèrent abasourdi, se demandant quelles promesses intenables il avait bien pu bafouer. Il mentait aux autres constamment, en se faisant passer pour ce qu’il n’était pas. La sagesse incarnée avec son poste de psychiatre, la séduction née avec son allure irréprochable, ses belles paroles et ce côté désinvolte qui laissait croire au monde entier que rien ne l’atteignait. Tout ça n’était que foutaises, et tôt ou tard le vent tournerait et son masque s’envolerait. Mais il n’avait jamais fait l’hypocrite avec elle, il lui avait toujours tout donné de manière brute, la dévotion comme le ressentiment. L’abject plaisir comme le vif dégout. Absolument tout. Il n’arrivait pas à faire le tri avec elle ; et toutes ses émotions, les nobles comme les plus infectes, lui étaient renvoyées sans facétie ni concession. « Tu peux me reprocher ce que tu veux mais ça… Quand est ce que je t’ai menti, hein ? Sur quoi ? » Il s’était radouci, son corps s’affaiblissait devant la détresse de sa sœur. Relié à elle d’un fil invisible, ses blessures devenaient les siennes. La vérité, c’est qu’il l’avait dans la peau. Sa souffrance le transperçait et il ne put s’empêcher de faire vaciller ses résolutions pour se rapprocher physiquement et tenter de l’apaiser. Il se voulait sincère mais elle avait raison de ne pas le croire, ses vieux démons étaient trop profondément ancrés en lui pour ne plus ressurgir. « Crois ce que tu veux, ça n'a aucune espèce d'importance. » Le raffut du palpitant pulvérisant son torse avec hargne était un supplice, tant le sang pouvait pulser violemment contre ses tempes. Cette boule dans sa gorge, ces griffes plantées sur ses poumons… Il tremblait, redoutant de céder à son trouble alors qu’il la sentait devenir fébrile, ses prunelles céruléennes dévorant un peu trop ses lèvres. Lui-même luttait de toutes ses forces, contre elle mais surtout contre lui-même, contre cet inacceptable inceste. Presque à court d’amour, à court de haine, avec seulement une envie de gestuelle, de rompre la frêle distance et de sentir sa vie contre la sienne. Elle s’éloigna finalement, et le froid qu’elle laissa le frigorifia sur place. « Qu’est ce que je pourrais attendre ? Je ne supporte plus ta présence, encore moins ton absence… Je suis à court de mots pour définir ce qu’on est, ce qu’on sera plus. » souffla t’il d’une voix rauque, quasiment inaudible. Seigneur, ce qu'il se détestait...
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MessageSujet: Re: Le bonheur est une illusion d'optique    Le bonheur est une illusion d'optique  EmptyJeu 5 Jan - 19:25

« C'est pas un pari, j'ai rien à perdre et rien à gagner. Je te dis juste que si un jour l'envie d'aller tester leur fidélité te prend, alors t'es libre de le faire, t'as tous les droits. » Pousser l'incitation encore plus loin pour ne pas perdre la face. C'était absolument puéril, elle avait tout à perdre et le niait ouvertement. Leur fierté respective était problématique : Elizabeth refusait de s'avouer vaincue, et allait feindre l'indifférence jusqu'à la fin, tel un fidèle combattant qui se jetterait corps et âme sur l'adversaire en sachant qu'il y laisserait sa vie ; et Ethan peut-être... peut-être allait-il relever ce défi implicite, pour lui prouver qu'il était capable de tout et surtout du pire, pour lui prouver qu'à ce jeu là, elle n'allait jamais gagner, et que ses petites provocations impubères ne la mèneraient nulle part si ce n'est que la déchéance.

Puis leur conversation, ou leur espèce de confrontation d'ego sous forme de répliques les unes plus arrogantes que les autres prit un tournant différent. C'était peut-être la colère qui infusait de plus en plus dans son être, mais Ethan commençait à s'exprimer même si tout était toujours enterré sous un voile de suffisance. « Tu t'es demandé ne serait-ce qu'une seconde pourquoi ? Hein ? Tu crois qu'un jour je me suis levée et je me suis dit, tiens, on s'ennuie un peu ces derniers temps. Si on allait saccager notre belle petite relation fraternelle parfaite aux yeux de tous ; si j'allais le rendre fou, si j'allais l'éviter pendant des semaines entières, lui faire perdre la tête tellement il se posera des questions, et si pour finir le spectacle, pour clore le tout en beauté, si j'allais jouir le plus fort possible pour qu'il m'entende, et qu'il réalise que pendant qu'il dépérit sur place, moi, moi je prends mon pied. » Parce qu'elle n'avait rien semé, et surtout pas ça. Il lui reprochait son silence, mais pendant toutes ces semaines là, il n'avait pas tant cherché à le briser, et lorsqu'il s'était décidé à faire quelque chose, il était déjà trop tard. Il était arrivé au mauvais moment, et au mauvais endroit si je puis dire – c'était tout de même chez lui. C'était un enchaînement cruel, des coïncidences perverses. Rien de tel n'arrivait lorsqu'on priait fort pour ; il était encore plus facile de gagner au loto.
Il aurait peut-être préféré qu'elle lui inflige le même sort qu'il lui faisait subir, ils auraient pu être quitte, meurtri par les mêmes injures, ils auraient même pu voir lequel des deux était le plus imaginatif à ce niveau là. Mais ce n'était pas elle, non pas qu'elle soit incapable de faire du quotidien d'un individu une véritable misère, elle était même douée. Traîner les autres dans la boue juste par plaisir, la satisfaction d'avoir brisé quelque chose en eux, d'avoir effleuré leurs nerfs avec des couteaux aiguisés, d'avoir joué avec leurs limites, leur faire regretter ses plus minces atteintes. Elizabeth ne s'y aventurait lorsqu'elle était persuadée de gagner. Elle s'y donnait à coeur joie, avec un acharnement fou, et même si la personne en face d'elle n'en pouvait plus, Elizabeth non plus. Elle se donnait certes l'image de tout maîtriser, de contrôler jusqu'aux moindres petits détails son diabolique plan, mais plus elle s'enfonçait dans sa froide vengeance, plus elle se fêlait elle aussi. Cependant, avec Ethan, c'était différent. Elle n'aurait jamais tenu, ne serait-ce que deux jours. Elle n'était pas capable d'échafauder des plans aussi vicieux ayant pour unique but de faire ramper son propre frère, car elle ne détestait pas assez pour cela. Alors elle avait choisi le mutisme pour arme, ou plutôt pour bouclier. Elle n'avait jamais songé à se taire pour le faire perdre ses moyens, c'était juste une espèce de bulle dans laquelle elle s'enfermait parce qu'elle ne savait quoi faire d'autre, et apparemment, ce bouclier s'avérait être bien plus que ça. Il l'avait pris comme une attaque, comme une torture lancinante de son esprit.

Puis elle se tut, écoutant précieusement toutes ses paroles, comme si l'utilisation d'un certain mot plutôt qu'un autre pouvait être révélateur, et constata qu'il n'y avait pas d'issues, une fois de plus. Qu'elle avait beau retourner le problème dans tous les sens, le solution était la même : il n'y en avait pas. Ce n'était pas un vulgaire caprice, c'était juste impossible. Aucun choix ne s'offrait à eux, ils ne pouvaient pas redevenir des frère et soeur sains, ils ne pouvaient pas prétendre avoir oublié, il ne pouvait pas rester dans cette situation là, ils ne pouvaient pas aspirer à devenir un semblant de couple heureux. Ils ne pouvaient rien faire, coincés entre leurs désirs et la réalité. Ils se retrouvaient confronté à deux murs, celui de la société qui condamnait l'inceste, et celui de leur propre conscience qui était influencée par tous ces codes moraux. Ils auraient du vivre des dizaines de siècle en arrière, à une époque où les mariages incestueux ne portaient pas ce nom là, mais étaient la simple représentation de l'union de deux êtres. « Qu’est ce que je pourrais attendre ? Je ne supporte plus ta présence, encore moins ton absence… Je suis à court de mots pour définir ce qu’on est, ce qu’on sera plus. » Elle resta encore quelques instants interdite, et sous ses airs calmes, elle bouillonnait littéralement. Puis sa main vint se coller à sa joue violemment, le geste claqua sèchement. Il aurait préféré les injures, les insultes et même les coups. Et elle recommença, sans changer de joue ni de main ; elle ne lui laissait pas le temps de sentir le vent glacé contre sa peau, enchaînant avec rage ses gifles. Ça ne la rendait pas heureuse, ça ne la soulageait pas. Elle n'y gagnait rien, elle avait l'impression de s'affliger les mêmes coups à chaque fois que ses doigts s'enfonçaient dans sa joue. Puis elle s'arrêta, de la même façon qu'elle avait commencé : soudainement. Elle n'était pas à l'abri d'une nouvelle pulsion qui lui soufflerait peut-être cette fois de frapper plus fort, même si elle n'allait jamais blesser physiquement quelqu'un avec sa force de mouche. « On est un putain de mensonge. Me faire croire que tu me protégeras... Puis au final, tu joues tous les rôles à la fois : t'es la menace et le héros, t'es meurtrier et la victime. La bipolarité sous son plus beau jour. Faut croire que le métier de psychiatre ne te réussit pas. » puis elle se ressaisit, tentant de percer la bulle d'ironie qui flottait autour d'elle. Elle savait bien ce que les derniers mots d'Ethan lui avait coûté, ils étaient sincères et pourtant terriblement dérangeants. Elle était dans la même impasse, son absence la martelait tous les jours et sa présence... sa présence était le même calvaire. Ils avaient perdu leur naturel. Eli aurait pu essayer de jouer un énième rôle, enfiler le costume de la petite soeur adorable et souriante, et se laisser bercer par cette réalité factice. Cette perte du naturel était redoutable : se demander s'il fallait qu'elle parle ou qu'elle se taise, se demander si c'était le bon moment, se demander s'il fallait qu'elle s'éloigne un peu... de telle sorte à s'enliser dans un silence meurtrier. « T'aurais dû me dire ce que tu voulais, lorsque tu le savais encore. Parce que... J'aurai même accepté de me lever le matin en pensant être un véritable monstre, si seulement tu étais certain de le vouloir. »
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MessageSujet: Re: Le bonheur est une illusion d'optique    Le bonheur est une illusion d'optique  EmptyVen 6 Jan - 9:40

Dr Jekyll and Mr Hyde. Dancing 'round in my insides. Don't you see I can't look in your eyes ? I'm scared you'll see the lies.

« J’ai pas besoin de ta permission Elizabeth mais je te remercie de me l’accorder. » Ironie quand tu nous tiens… Il savait déjà qu’il y avait finalement peu de risques pour qu’il mette ses ‘menaces’ à exécution, à part si leurs rapports s’envenimaient au point de prendre réellement un tournant si malsain. Et ils n’étaient pas à l’abri d’un tel carnage, tant leurs arrogances respectives et leur fâcheuse tendance à l’autodestruction préparaient un terrain propice. Son peu de lucidité restant parvenait d’ailleurs à déceler en cet instant le ridicule de leur situation. Ils en étaient à se reprocher leurs incartades, à être blessés pour les caresses dispensées à ces inconnus sans la moindre importance… Alors que rien n’avait jamais été promis, que tout reposait justement sur des non-dits. Comme si un seul et unique baiser les engageait pour toute leur vie. C’était grotesque quand on y songeait ; s’ils n’avaient pas auparavant eu une 'relation' si fusionnelle, ils n’auraient pas osé.

Malgré tout ce qu’il avait pu rageusement prétendre, il n’assimilait pas sa cadette à une créature diabolique. Il ne croyait pas au mythe selon lequel elle aurait tout prémédité pour le détruire, il parvenait à assimiler l’idée qu’il ait surtout s’agit de maladresse. Mais ça n’atténuait pas la douleur, ça ne recollait pas les morceaux brisés de son misérable palpitant. Même s’il ne l’admettait pas, il était fautif également. Il aurait du insister davantage, la harceler pour qu’elle se livre enfin. Il en avait été incapable, terrorisé à l’idée de la perdre pour toujours. Rêvant qu’elle fasse le premier pas, qu’elle le rassure en lui murmurant à l’oreille que ce n’était pas grave, que ce n’était qu’un vulgaire dérapage facile à éclipser. Il aurait alors réussi à faire semblant, il aurait pu s'échiner à réendosser le rôle du frère modèle en luttant constamment contre lui-même, contre ses émotions enfouies. Il aurait pu lutter contre ce qui lui martelait le cœur, pour ne pas qu’elle abandonne. Elle avait achevé de tout gâcher et désormais c’était impossible, il était allé trop loin dans la torture pour parvenir à réparer sa bavure. Ils s’étaient démesurément abimés l’un l’autre, ils ne guériraient plus de leurs blessures après s’être laissé tant de stigmates. Vérité crue, tranchante et mécanique. Toute leur enfance arrachée et déchiquetée par les griffes impitoyables d’une dévotion infecte.
Lorsqu’elle parla de ‘prendre son pied’, il ne put s’empêcher de détourner le regard et de se mordiller nerveusement la lèvre. Il avait suffit d’évoquer l’ignoble souvenir pour que des flashs désastreux se collent à ses rétines et embrument son esprit. Il les revoyait comme si c’était hier ; il l’entendait, comme si elle était en train de gémir en ce moment précis. Vision effroyable qui l’avait hanté de nombreuses nuits, qui lui avait fait perdre le sommeil et qui s’imposait à lui ensuite même éveillé après des jours d’insomnie. Le forçant à se repasser sous toutes les coutures l’humiliation infligée, l’horreur ressentie. « T’es en train de sous-entendre quoi là ? Que t’as ‘pas fait exprès’ j’imagine ? Que tu t’es retrouvée comme par miracle dans ta chambre avec ce minable, et que tu te rappelais plus qu’elle se trouvait dans notre maison ? » Interrogations lancées avec une pointe de dégout, dégout se lisant sur son visage comme dans un livre ouvert. « Au fond c’est vrai, t’es pas une garce ; t’es le gentil agneau de l’histoire qui avait rien demandé à personne, surtout pas de se faire agresser par le grand méchant loup. Mais en revanche dans ton discours ya un truc qui ressort : t’es une sale petite égoïste, qui passe son temps à se chercher de pitoyables excuses. »

Sa colère ne tarda pas à se calmer, affaiblie par l’épuisement psychique qui le gagnait. Ses derniers mots sonnaient presque comme une capitulation, comme un renoncement à eux. Admettre que seul le néant pouvait désormais régner lui avait couté, davantage pour ce que cela signifiait que pour une quelconque meurtrissure d’ego. Il ne prit même pas la peine de l’arrêter lorsqu’une pluie de gifles s’abattit sur sa joue écorchée à vif par le froid polaire. Si on omettait le fait qu’elle salissait encore un peu sa fierté en le brutalisant de la sorte, il appréciait presque qu’elle le remette brutalement à sa place. Ces coups qu’il avait tant cru mériter et qu’il ne pouvait malheureusement pas s’infliger à lui-même. Part d’un sinistre châtiment qui aurait du le persécuter d’emblée. Il avait peut être espéré avoir le déclic, que tout se remette en ordre dans son crâne et qu’il réalise qu’il s’était trompé, qu’il n’éprouvait pour elle qu’un amour platonique. Mais non rien, pas de subite prise de conscience apte à tout rétablir. Il la laissa se défouler, avec la sensation persistante qu’il lui devait bien ça. Il avait peut être tendance à se montrer agressif, à rendre coup pour coup… mais rendre ses claques à une femme, à celle-ci en particulier, certainement pas. Plus abimé et mutilé par la symbolique du geste en lui-même que par la force frêle de celle-ci. D’aussi loin qu’il se souvienne, il ne se rappelait pas qu’elle l’ait déjà frappé, même quand il gaspillait ses journées à l’injurier. Elle s’arrêta, aussi vite qu’elle avait commencé. Il avait promis de toujours veiller sur elle oui, mais il ignorait alors que son pire ennemi serait lui-même, qu’il devrait la protéger de ses propres pulsions. Ses prunelles métalliques lui lancèrent un léger regard en biais, blessé, avant de retrouver la consistance de l’acier lorsqu’il la fixa à nouveau de face. Lui décochant une œillade meurtrière avant de retrouver l’usage de la parole, particulièrement caustique : « C’est bon, tu t’es assez défoulée ? Tu veux pas que je tende l’autre joue tant qu'on y est, histoire de rendre ça symétrique ? T’as plus d’un an de retard mais enfin je suppose qu’il vaut mieux tard que jamais, hein. »

Son affirmation le laissa littéralement muet de stupeur, les mots s’empreignant lentement à sa cervelle pour qu’il en saisisse le véritable sens. Cela ressemblait vaguement à une déclaration, mais elle ne servit qu’à lui donner la nausée. Il aurait préféré qu’elle les ravale, il espérait qu’elle avait proféré cette infamie sans la penser. Il avait l’impression de se trouver dans la peau d’un violeur incestueux, qui abuse de son autorité et qui profite du dévouement de sa victime pour l’obliger à se plier à ses désirs obscènes. C’était logique après tout, il l’avait bien embrassée de force alors qu’elle se débattait furieusement. Mais il avait interprété son abandon comme un consentement entier, et non comme celui d’une sœur prête à tout accepter pour ne pas perdre son ainé, y compris ses penchants abjects. Il s’était rarement senti si étouffé par la honte. Ses sphères bleutées s’ancrèrent aux siennes, les dévorant avec hargne. La distance qui les séparait fut brutalement rompue, aussi soudainement qu’il y a plusieurs mois. L’une de ses mains agrippa son poignet, le tordant presque contre le dos de la brunette, tandis que l’autre s’enroula perfidement autour de sa nuque. Prison charnelle de fortune qui s’intensifia lorsque sa bouche se scella sans hésitation à la sienne, avec un semblant d’impatience. Le gout retrouvé de ses lèvres l’écœurait, lui retournait l’estomac ; autant qu’il avait le pouvoir de le faire nager en plein délice. Il aurait voulu qu’il y sommeille un redoutable arsenic, pour mourir là, tout de suite. Passion sulfureuse et indécente plus redoutable et persistante encore que la première fois, tenace vipère qui s’était accentuée au point qu’il en oubliait progressivement le but de la manœuvre. Ses doigts s’agrippaient à sa chevelure, se nouant aux mèches ténébreuses avec ferveur avant de les relâcher subitement. Il finit par s’écarter, à bout de souffle et à contrecœur. Laissant planer un vent d’expectative avant de murmurer : « Tu crois toujours que c’est la volonté le problème ? Tu le crois toi ? C’est ce foutu sentiment de culpabilité qui me déchire les entrailles, l’envie d’aller me jeter sous un train pour qu’enfin ça s’arrête. » Ses phalanges glissèrent doucement sur sa mâchoire, l’obligeant à relever la tête pour l'empêcher de se réfugier sur l’asphalte. « C’est toi la pire menteuse Eli, tu pourrais pas le supporter et tu le sais. Et t’as pas le droit de te sacrifier, ni pour moi ni pour qui que ce soit. Pour qui tu m’as pris !? Ça me répugne, rien que de penser que tu serais prête à faire ce qui te débecte si tel était mon bon-vouloir. Je t’interdis de croire que je te laisserais faire ça. »
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MessageSujet: Re: Le bonheur est une illusion d'optique    Le bonheur est une illusion d'optique  EmptySam 7 Jan - 0:14

Le sarcasme était tellement ancré en Ethan qu'il était parfois difficile de faire la part des choses, de savoir ce qui était réellement sincère et ce qui n'était que moquerie. Mais les limites n'étaient pas aussi claires : tout comme leur Ethan et Elizabeth, ses paroles étaient toujours un peu entre l'ironie et franchise. « T’es une sale petite égoïste, qui passe son temps à se chercher de pitoyables excuses. » C'était vrai. C'était vrai, et quelque part Elizabeth le savait, mais c'était une vérité qu'elle avait plutôt cherché à refouler. A défaut d'être le héros, il est toujours plus beau de se placer dans le rôle de la victime inoffensive, celle qui ne fait que subir les intempéries du Destin – et idéalement, une victime attachante, avec de grands yeux clairs pour vous émouvoir, plutôt que d'être le personnage cupide et arriviste qui n'hésitera pas à se servir d'autrui, et qui se retrouvera dans la rue entre deux ruelles sales, à lécher les miettes accidentellement tombées, après avoir subi une chute aussi rapide que son ascension. « Je suis une petite égoïste, ok, ça me va. Mais alors dis-moi comment est la réalité, toi qui la voit et l'accepte sans jamais chercher de pitoyables excuses. »

Même après des dizaines de gifles, il était toujours là avec son petit air de suffisance insupportable. Sa façon de faire comme si rien ne le touchait, à montrer sa belle petite face avec l'indifférence placardé dessus. Elle était à bout de forces, tentant vainement de l'atteindre sans même savoir pourquoi ce besoin de le blesser était si présent. Ça ne lui apportait rien, mais elle le faisait quand même, pour savoir que c'était dans ses capacités, pour lui prouver qu'elle aussi pouvait se montrer imperméable à tous ses pics. C'était maladroit, c'était puéril. Tentant d'imiter le même air de fatuité qui se révéla médiocre, elle lui lança : « Non ça ira, je crois que je préfère le silence à ça. »

Puis sans qu'elle n'y comprenne quoique se soit, ses lèvres se scellèrent au sienne, et ils scellaient là leur sort aussi. Ils partaient de leur ville natale pour reproduire les mêmes insanités, et mieux encore, devant l'hôpital où tous deux travaillaient. Ils en avaient oublié le monde, trop occupés à chercher les bons mots à cracher, trop occupés à se ruiner. C'était un baiser exécuté dans l'ombre, à l'image de leur relation, noir et caché, un baiser qui allait sans doute les obliger prétendre ce contre quoi ils luttaient quotidiennement. Voilà comment retourner au point de départ en quelques secondes à peine, quelques secondes qui se révélèrent être un mélange explosif. C'était toutes les combinaisons de saveurs et possibles, l'amertume poussée au possible mêlée à une douceur inouïe, de quoi vous faire tourner les sens et vous faire vomir votre estomac. Une fois la surprise passée, c'était ce même abandon qui prit place. Elle sentait ses mains refaire le même parcours et savourait presque, passant d'abord par sa nuque, puis s'enroulant avidement dans ses cheveux, et lorsque ses bras ballants retrouvèrent leur mobilité, elle voulut les fixer au corps d'Ethan, mais celui se recula au moment même où elle bougea sa main. L'échange lui parût d'autant plus intense qu'elle savait qu'elle n'avait plus rien à perdre, après tout, si Dieu existait alors même les flammes de l'Enfer ne seraient pas assez brûlantes pour les purger tant ils avaient leur inceste dans la peau. Son coeur s'effritait à chaque pulsation et sa tête débordait déjà d'absurdités ; alors un peu plus, un peu moins, on n'était plus à ça près.
Il avait raison, ce n'était pas une question de volonté, parce que c'était une chose qui n'avait pas changé. Enfin, le désir en lui même était resté intact et il venait de le lui prouver. Obligée de soutenir son regard de plomb, elle affichait dans ses yeux toutes ses excuses les plus sincères tout en sachant que ce n'était pas suffisant. Les excuses, les belles paroles, quelques remords à partager, ça ne servait plus à rien. Et t’as pas le droit de te sacrifier, ni pour moi ni pour qui que ce soit. Pour qui tu m’as pris !? Se placer au même niveau que n'importe qui. C'était ce qui était paradoxal chez Ethan, se permettre la jalousie d'un amant, l'inquiétude d'un frère et pourtant, se dire qu'il ne méritait pas plus les concessions d'Elizabeth.
L'un des principaux problèmes d'Eli était qu'elle se sentait obligée de s'enfoncer jusqu'au plus profond du puits avant de remonter – lorsque cela restait encore possible. Une incontrôlable manie de tout briser pour tout recoller par la suite, comme si les vases étaient plus beaux lorsqu'ils dégoulinaient de colle par appliquée. Comme si les fissures avaient une réelle signification, alors qu'elles ne relevaient que du vulgaire caprice. Certes, elle sonnait comme la soeur résignée qui se plierait volontiers aux désirs les plus fous de son frère, écrasée par la crainte de le perdre, capable de se donner corps et âme si ça pouvait l'aider à maintenir sa présence. La vérité était telle que la crainte ne jouait pas le rôle le plus important, qu'au delà de tout, il y avait à la base le désir. Elle glissa ses mains froides sur ses clavicules nues, puis enfonça ses doigts dans la chaleur de sa nuque, avant de se hisser sur la pointe des pieds. Ses lèvres frôlèrent ses siennes, et l'effleurement délicat se transforma en un appui plus marqué, pendant que son autre main se déposa sur la joue d'Ethan. Quelques secondes, à peine plus long que l'échange précédent, et elle se dégagea. « Je sais ce que c'est, ce sentiment. Mais je savais pas qu'il était si difficile de garder la personne qu'on aime de toutes ses forces auprès de soi. Et... tu ne sais pas plus que moi si je le supporterai ou non. » Dans son esprit, c'était presque la solution. S'enfermer dans la douce utopie d'un couple sain et envisageable. Mais elle n'avait pas la moindre idée de ce que c'était.


(Beigbeder, les seuls passages de Gavalda que j'aime bien, The Servant... Je t'aime bien toi.)
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Le bonheur est une illusion d'optique  Empty
MessageSujet: Re: Le bonheur est une illusion d'optique    Le bonheur est une illusion d'optique  EmptySam 7 Jan - 22:08

Je me croyais fort, tu sais. Inoxydable, tout-terrain, inentamable, trop orgueilleux pour souffrir. Mais là, brusquement, plus d'orgueil, plus de distance, plus d'ironie. Juste un bon gros coup de vie dans la gueule.

La première fois, il n’avait fait que suivre une impulsion. Comme quelqu’un qui tire à l’arc, il avait jaugé sa cible un long moment avant de lâcher prise entre deux battements de cœur. Ne songeant absolument pas aux conséquences, réagissait comme un adolescent capricieux soumis à ses hormones. Il s’était jeté sur cette tentation interdite en sachant pertinemment qu’il le regretterait amèrement, qu’il ne fallait céder sous aucun prétexte. Espérant naïvement que cela suffirait à mettre un terme à ses fantasmes perfides, qu’il se détacherait de son obsession. Il s’était trompé sur toute la ligne. Non seulement son attirance s’était renforcée, mais son infâme secret avait été dévoilé. Elle n’était pas comme toutes ces beautés se voulant intouchables et inaccessibles, ces filles insipides qui le laissaient indifférent une fois qu’elles s’abandonnaient à ses caresses. Elle, il savait qu’il ne s’en lasserait malheureusement jamais même s’il s’était longtemps voilé la face à ce sujet. On peut légitimer une erreur, prétendre qu’il ne s’agissait que d’un regrettable accident et que cela ne se reproduira plus. On peut s’enliser dans ses propres mensonges et les répéter si souvent qu’on finit soi-même par y croire. Mais lorsqu’on reproduit la même erreur, de surcroit plus d’un an après, de sorte qu’on ne peut plus se réfugier derrière l’excuse d’un simple dérapage, alors le pardon devient hors de portée.
Si on ne pouvait ni parler de préméditation ni de grande réflexion non plus, il avait en revanche cette fois une idée précise derrière le crâne en scellant fougueusement ses lèvres aux siennes. L’écœurer, définitivement. L’embrasser rageusement, avec hargne, pour qu’elle s’effraie du monstre tapi sous ses entrailles. Lui révéler que si la volonté restait bel et bien présente, la répugnance dominerait toujours de tous les côtés. Mais il était faible, et il n’avait pu s’empêcher d’y insuffler de la douceur, une part de cette dévotion refoulée en vain. Ce qui n’aurait du être qu’un baiser forcé vorace et violent, s’était mué en un échange démesurément langoureux et passionné. Et il fallait l’admettre, elle ne l’avait en l’espèce pas aidé le moins du monde. Elle ne s’était pas débattue, elle n’avait pas étouffé de cri d’horreur. Elle l’avait laissé dévorer sa bouche avec un plaisir aussi malsain qu’évident. Comme si tous ces mois lui avaient servi à accepter cette impérieuse indécence, comme si elle avait perdu tous ses réflexes de recul naturels. Il n’y en avait désormais plus un pour rattraper l’autre. Il parait qu’il faut se méfier de ce que l’on souhaite, parce que cela pourrait finir par se produire… c’était exactement ce qui était en train de se dérouler en cet instant. Mélange suave et corrosif dont il se surprit à envisager sérieusement la répétition. Quitte à être damné, autant l’avoir pleinement mérité après tout. Il avait eu raison de se méfier de lui-même, de lui interdire de le toucher… car il était justement en train de se consumer dans les flammes d’un Enfer qui ne le laisserait pas indemne. L’envie n’était pas la question, tant elle parvenait aisément à brûler ses reins. C’était sa conscience qui bloquait ; cette nausée qui le prenait à la gorge en songeant qu’il désirait sa propre sœur, celle dont il partageait le sang. La bipolarité dans toute sa splendeur, elle avait parfaitement défini la situation. Elizabeth était la plus belle chose qui lui soit jamais arrivée, mais également la pire de toutes. Il la relâcha finalement, tentant de lui faire retrouver la raison par des mots, puisque le reste avait échoué. Au fond, c’était peut être lui-même qu’il cherchait à convaincre.

Il ne broncha pas lorsqu’elle se rapprocha sensiblement de son torse, comme s’il redoutait de la voir s’évaporer en fumée au premier mouvement brusque. Il fronça légèrement les sourcils avant de se retenir de sourire en la voyant se hisser sur la pointe de ses pieds. C’était puéril mais leur différence assez flagrante de taille l’avait toujours amusé. Un frisson meurtrier lui lacéra l’échine lorsque ses lèvres frôlèrent sensuellement les siennes, manège lascif réduisant toute envie de fuir à néant tant il pouvait lui griser les sens. Sa main sur sa joue écorchée apaisait la douleur lancinante des gifles à répétition, comme si elle cherchait ainsi à se faire pardonner pour la violence des frappes. Dérouté parce qu’il n’avait pas été habitué à la voir prendre les devants, il se sentait presque comme une marionnette de chiffon. Ignorant où poser ses phalanges, comment la retenir contre lui. Il ne sut quoi faire que lorsqu’elle s’éloigna, l’obligeant à revenir vers lui en glissant ses doigts sur sa taille frêle. Froissant le tissu avec ardeur tandis que ses paroles s’insinuaient dans son esprit détraqué. Les grandes déclarations, les excuses emplies de souffrance… ce n’était pas une chose qu’il maitrisait ni qui s’apprenait, et même si elle les méritait, il ne pouvait pas les lui offrir. Et elle pouvait bien affirmer ce qu’elle voulait, le doute continuait de s’infiltrer en lui. Se dire qu’il pourrait la contraindre à faire une chose qui la répugnait sous la menace de le perdre lui était insoutenable. Il se refusait à avoir un tel pouvoir sur elle. « Tu deviens encore plus inconsciente que moi, c'est effrayant. Je suppose qu’on est plus à ça près maintenant, hein. » Murmure venu se faufiler contre son oreille, à l’abri derrière sa chevelure ondulée. Il en avait éclipsé le monde autour, et tout ce que ça impliquait. Le nouveau psychiatre amoureux de sa cadette étudiante en médecine… dans le genre ragot qui vaut de l’or, on trouvait difficilement mieux. Si quiconque apprenait leurs penchants incestueux, c’en était fini de leurs carrières. Les conséquences pouvaient être désastreuses. Ils termineraient comme deux bêtes de foire, pointés du doigt comme d’ignobles monstres. Ou comment se mettre stupidement dans un joli pétrin. Hantise terrible qui le frigorifia de la tête au pied, le poussant à s’écarter subitement de sa partenaire de crime. « J’aurais pas du te… j’aurais pas du faire ça. Pas ici. J’ai oublié qu’on était… » Que vous étiez quoi, Ethan ? Dans un hôpital ? Ou que vous étiez frère et sœur ? « Je vais te ramener chez toi. » Son ton impératif n’appelait pas à la discussion. Même s’il se sentait mal à l’aise par avance en songeant qu’ils devraient endurer le trajet sans moyen de s'échapper, la filer à distance comme un toutou était pire. Destinés à se détruire, quoi qu’ils fassent, quoi qu’ils pensent. Ils allaient à leur déchéance et il venait d’enterrer encore un peu leurs chances de s’en sortir. Et pourtant. Au milieu de ces évidences demeurait, impassible, le futile espoir de retrouver ne serait-ce qu’un échantillon de leur complicité d’antan. De réduire au silence l’écho d’une raison devenue excessivement agaçante.


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