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  Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella

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Mattia Jarvis
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MessageSujet: Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella    Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella EmptyMer 6 Fév - 18:17

Il s'en souvenait encore très bien. Ce sentiment de puissance qui s'extirpait de son corps, et qui le rendait si heureux. Son corps battait la chamade quand il était entré sur ce terrain, le regard rivé vers le sol, complètement perdu dans ses pensées. Lui, là, Mattia Jarvis, le bambino comme certains le nommaient, venait de réaliser la veille une performance magnifique. Pour certaines personnes, c'était le début du reste de sa vie, de sa vie de grand pro. Il avait éliminé sur un score de 4/6 7/6 7/6 son adversaire. Le match avait duré longtemps, tellement longtemps qu'il en avait encore des crampes en rentrant sur ce terrain-là, ce jour-là. Mais le bonheur de jouer un quart de finale lui faisait oublier toutes ces douleurs. Il était là, acclamé par le public au même titre que son adversaire. 54Ème mondial. Un tenor quoi. Lorsque sa main avait rencontré celle de James, qu'ils s'étaient souhaités un bon match, il avait eu un petit frisson. Mais bien vite, il s'était reconcentré. Ce match-là, il voulait absolument le gagner, coûte que coûte. Il fallait qu'il gagne encore, qu'il confirme ce nouveau statut. Une pensée pour sa maman, une pensée pour Ashton, une pensée pour Ella, une pensée pour Lleyton, et le voilà complètement perdu sans aucune pensée pour n'importe quel être humain. Il ne voyait que jaune. Il ne pensait que jaune. Il lâchait ses coups comme au maximum qu'il pouvait, faisant courir son adversaire de gauche à droite, et du fond à la volée. Même si le score commençait à l'envoyer dans les décombes, il y croyait toujours. 4/6 2/1. C'est pas mal non? Il courait dans tous les sens, lobant si il le fallait, liftant, allant à la volée finir le point. Il y était justement. Il était tout juste derrière le filet, en position d'attente, prêt à claquer la petite jaune. James avait été malin. Il avait visé les couloirs. D'un coup, Mattia s'était élancé.
C'est là que son match s'est fini. Arrêté en plein vol par une douleur terrifiante.
Une chute mémorable.

Il avait hurlé tout ce qu'il avait dans ses poumons, déchirant le silence imposé par un match...

cela faisait maintenant trois jours que ce match s'était passé. Mattia était allongé sur son lit d'hôpital. Il venait de revenir à l'hôpital d'Arrowsic, rapatrié de là-bas. Le corps étendu de tout son long sur ce lit immaculé de blanc, le tennisman était perdu dans ses pensées. Il revivait chaque instant de ce match, chaque seconde passée sur le terrain. Il ne se souvenait plus vraiment de ce qu'il s'était passé après. Les secours étaient arrivés, James s'était rapproché de lui, l'arbitre aussi, et même des directeurs du tournoi. Il se souvenait en revanche très bien de toute la douleur qu'il avait ressenti. Cette impression qu'on lui explosait le corps en mille morceaux. Secouant la tête, rouvrant les yeux de nouveau, il essaya de revenir au présent. A cette vie en jaune devenue blanche en quelques secondes. On toqua à sa porte. Une infirmière, rousse, pénétra dans sa chambre. Elle tenait dans ses mains un plateau. « Tenez, je vous apporte votre déjeuner! » Elle le posa sur la table à côté de lui, et la lui mit au-dessus de son lit. Mattia jeta un rapide coup d'oeil dans l'assiette. Des haricots. Beurk. Du poulet. Beurk. Il fit un petit sourire forcé à l'infirmière, et une fois qu'elle fut hors de vue, il observa de nouveau son plateau. Il avait le droit à une pomme en prime. Même pas une compote! Une pomme quoi! Secouant la tête, de mauvaise fois, il attrapa le plateau et l'envoya valser au sol. Il ne mangerait pas cette merde.
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MessageSujet: Re: Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella    Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella EmptyMer 6 Fév - 21:41

Enfilant ma veste, je jetais un coup d’œil à mon fils. Dans les bras de son oncle. Il faisait des bisous sur sa main. Ça voulait dire bisous maman, bisous. Oui, les bébés ont un langage codé. Je l’aurais jamais cru avant d’avoir Lleyton mais, si. Des signes qui ne trompent pas. Pour les bisous. Pour la nourriture. Bien que là pleurer soit aussi efficace. Pour dire qu’ils n’aiment pas aussi. Lleyton il se mettait des petites claques sur les joues en tirant la langue. Enfin bon, je m’approchais de mon petit bout. Déposant un gros bisou sur sa petite joue. « Maman va revenir mon cœur, je vais voir papa, en attendant tu restes bien sage avec tonton, d’accord ? ». Et là mon blondinet se mit à éclater de rire. Comme si avec son oncle, il ne pouvait pas être sage. Qu'il enchainait connerie sur connerie avec la complicité d’Ash. Oui, d’accord. Je l’interprétais comme ça parce que c’était ça. Ashton était parfois tellement gaga qu’il ne fixait aucune limite à Lleyton. Et bien sûr mon p’tit gars oubliait d’être bête dans ces moments-là. Forcément. Enfin bon, tant qu’il ne lui donnait pas de coca et qu’il ne le laisser par dormir dans notre lit, ça devrait aller. « Fais attention à lui. ». Ça c’était pour Ash bien sûr. Et lui aussi, il avait le droit à son bisou.

J’attrapais les clés de la voiture d’Ash. J’avais eu mon permis la semaine dernière, autant que ça serve. Je m’installais. Hop, direction l’hôpital. Ce n’était pas pour moi. Pas pour Lleyton. Pas même pour Jona. Non cette fois, c’était pour Mattia. Il y a trois jours j’avais reçu un coup de fil. En fait, le pire coup de fil que j’aurais pu recevoir. C’était l’entraineur de Mattia qui avait pris la peine de m’appeler. Dès le début, sa voix m’avait fait envisager le pire. Résultat, Mattia était blessé. Il avait chuté lors du match. Incapable de s’en remettre. Et du coup, je ne savais pas ce qu’il avait. Puisque son entraîneur l’ignorait aussi. Mais, aucun de nous deux n’était dupe. Pour que Mattia ne se relève pas, ce n’était pas une petite entorse ou quoi.

Une fois arrivée, je fonçais dans l’hôpital. Mon cœur se mit à tambouriner. Je sentais l’angoisse monter en moi. Une peur m’envahir. C’était comme si j’aurais pu rester sur place. Et me mettre à pleurer. Je déteste ce lieu. Je détestais cet hôpital. Je détestais ce hall. Je détestais toutes les larmes que j'avais vues. La douleur. Et les souvenirs qu’il m’en restait. Je détestais tout ici. Mais il fallait que j’avance. Même tremblante. Il fallait que j’aille voir Mattia. Allez Ella. Ne flanche pas. T’as aucune raison. On t’a pas tiré dessus. Lleyton n’est pas mort dans cet hôpital. Ni Jona. Ni Mattia. Ni toi-même. Raisonne-toi. Je montais les étages. Il était au deuxième. Chambre deux cent dix. C’est ce qu’on m’avait dit au téléphone ce matin. Je m’y dirigeais directement. Croisant une infirmière qui sortait de sa chambre. Elle me fit un sourire, chuchotant au passage. « La deuxième à droite. ». Ok. Visiblement, j’étais connue comme le loup blanc. Du moins, Mattia et moi. Notre couple.

Je toquais légèrement avant d’entrer. Je toquais pour prévenir. Parce qu’en fait, à moins d’hurler, on entendait jamais la réponse. Enfin, je pénétrais dans sa chambre. L’observant d’abord lui. Son visage était défait. La tête des mauvais jours. Je le savais d’avance. Puis, je regardais le sol. Son plateau y était. Les haricots étalés. Le poulet caoutchouteux aussi. Tout comme la pomme mais, elle avait roulée plus loin. Tout en retirant ma veste, je m’approchais doucement de lui. De son lit. Pour déposer un baiser sur ses lèvres. Un simple baiser. Parce que vu la situation il n’avait sans doute pas envie de plus. « Comment tu vas ? ». Je m’asseyais au bord de son lit. Vague question. Pour voir de quoi il voulait parler. Vague question aussi parce que finalement, je savais peu de choses de son état.

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MessageSujet: Re: Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella    Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella EmptyJeu 7 Fév - 18:22

Ils croyaient quoi tous ces gens ici? Qu'il allait se contenter de manger gentiment leur bouffe dégueulasse? Il s'en foutait lui de tout ça! Il s'en foutait royalement que le personnel soit aimable avec lui, qu'il ait de la bouffe ! Lui, ce qu'il voulait, c'était revenir en arrière, revivre ce match de folie, et surtout, surtout, surtout, éviter de tomber une nouvelle fois. Cette chute, il l'avait directement su, serait la pire de sa vie. Mais pourquoi ça lui arrivait à lui, et pas à un autre? Pourquoi à ce moment-là? Il détestait la vie, il détestait le hasard, il détestait le sort. Il était né sous une bonne étoile, et un jour sept ans auparavant, il y avait du y avoir un terrible tremblement dans le ciel. Sa bonne étoile avait disparu; le mauvais sort s'était alors acharné sur lui. Féroce, implacable, il ne le lâchait plus. Comme un chien ne déserre pas les crocs tant qu'il a son os dans sa gueule. Lui, le mauvais sort, c'était pareil. Il avait choisi Mattia comme cible, et ne changerait jamais. Il n'irait pas voir le pire salaud pour l'emmerder. Non, il allait le voir, lui. Lui qui essayait tant bien que mal de ne pas être un salaud justement. Qui essaye de vivre une vie normale..
Secouant la tête, Mattia revint à la réalité en entendant toquer à la porte de sa chambre. Quoi? Elle avait oublié quoi l'infirmière? De lui apporter une compote? De l'eau? Du pain? Qu'elle vienne, qu'elle regarde le gâchis, et qu'elle se casse! Il en avait marre. Il ne voulait voir personne, surtout pas un soignant. Qu'elle soit infirmière, ASH, ou médecin, c'était pareil. Ils étaient tous porteurs de mauvaises nouvelles. Alors, dès qu'il entendit ce toquement à la porte, Mattia maugréa. Pestant contre eux.

Il détourna la tête, prêt à ne pas la regarder, prêt à l'éviter. Mais rapidement, il se rendit compte que ce n'était pas quelqu'un qui venait l'embêter, l'importuner dans son malheur. C'était elle. C'était Ella. Et là, Mattia se sentit tout bizarre. D'abord pris de désespoir, il sentit d'un coup la honte l'envahir. Il n'était maintenant qu'un empoté, cloitré sur un lit d'hôpital, à jeter sa bouffe au sol. Il se détestait d'avance. Et elle, elle avait bien vu le plateau au sol, contournant tout ça pour s'approcher de lui. Avec une extrême douceur, elle déposa un baiser sur ses lèvres. « Comment tu vas ? ». Elle prit alors place sur le bord du lit, et cette fois, Mattia l'observa bien. Elle, si jolie, si mignonne, si douce. Lui, si empoté, si désespéré. Il haïssait sa vie, vraiment. Hormis sa petite amie, son fils, son tuteur, il haïssait tout le monde. Il serait même capable d'hair Kavi, Jona ou Teddy. Pour dire. Pris d'un 'petit' rire, il déclara alors. « Je pète la forme! Ca se voit, non? » Si il détestait tout le monde aujourd'hui, il se détestait lui aussi. Il se haïssait d'avoir répondu ça à Ella, à celle qui voulait sans doute le réconforter. Elle avait toujours été là pour lui, et il était incapable de lui montrer le moindre signe d'affection là. Secouant la tête, râlant intérieurement contre lui, il détourna le regard. Bon sang ce qu'il était horrible. Desfois, il se demandait ce qu'il faisait avec elle, pourquoi elle-même avait accepté de sortir avec lui. Son regard rivé vers la fenêtre, il observait le ciel. Le ciel bien bleu. Pas blanc. Pas blanc comme ce putain d'hôpital. Ouais, Mattia n'avait pas envie de discuter. Pas même avec Ella. Pas même avec Son Ella.
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MessageSujet: Re: Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella    Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella EmptyJeu 7 Fév - 21:18

Assise sur le bord du lit je l’observais. Pas comme un malade. Simplement avec tendresse. Avec amour. J’osais lui demander comment il allait. Ce qui le fit rire jaune. « Je pète la forme! Ça se voit, non? ». Son ton était ironique. Méprisant. Mais qu’importe. Ça ne m’empêchait de garder le même regard. J’avais été à sa place. J’avais été dans ce lit blanc. J’avais cru devenir folle. J’étais devenue folle. Comment pourrais-je lui tenir rigueur de me parler ainsi ? D’être de mauvais poil ? D’être brisé tout simplement ? Je ne pouvais pas. Je connaissais trop bien cette douleur si profonde. Celle qu’on ressent bien plus que dans son cœur. Une blessure qui vous déchire l’âme. Le corps tout entier. Je n’avais pas été à l’hôpital pour les mêmes certes, mais qu’est-ce que ça changeait ? Dans le fond ces draps blancs restaient ces draps blancs. Les plateaux étaient dégueulasses. Surveillé par des infirmières. Seul le reste du temps. Ou alors à écouter les « ça va aller » de nos proches. C’était fatiguant. C’était démoralisant. Je ne pouvais vraiment pas le blâmer. Parce que je l’aimais. Parce que parfois, on a le droit d’avoir mal. De se plaindre. D’en vouloir à la terre entière. Parfois, la vie nous donne des milliers de raisons de craquer. Et pour aller mieux… il faut savoir céder. Accepter de craquer. D’une manière ou d’une autre. Pleurer ou hurler. Ça n’avait pas d’importance.

Baissant les yeux quelques secondes, je murmurais quelques mots. Un mot en fait. « Désolé. » D’avoir posé cette question. De l’énerver. De chercher à avoir une conversation. Alors que lui n’en avait clairement pas envie. Et surtout j’étais désolée d’avance. Parce que je n’allais pas me taire et faire demi-tour. J’allais être là pour lui. J’allais lui poser des questions. Supporter sa colère. Mais, je ne voulais pas tourner les talons et partir.

Le regard de Mattia se posa derrière la fenêtre. Sur ce ciel bleu. Sur ce qui contrastait avec ce blanc stérile. Ce blanc censé être reposant. Mais dont on voudrait juste s’échapper. Loin, très loin. « Les médecins, ils disent quoi ? ». Ma voix était, calme. Tendre. Ne tenant pas rigueur de sa façon d’agir à lui. Mais, malgré ça je savais que cette question n’allait pas lui plaire. Parce que ce n’était pas une bonne nouvelle. Ça je le savais. Et qu’en parler, c’était lui faire y repenser. Affronter la réalité. Encore une fois. Mais, j’avais besoin qu’il me dise. Besoin de savoir. Savoir à quoi m’attendre. Et c’était le seul à pouvoir m’en parler. Parce que les médecins ne me diraient rien. Et quand bien l’un d’entre eux aurait l’amabilité de me le dire, c’était de la bouche de Mattia dont je voulais l’entendre. Pourquoi ? Je ne sais pas. Peut-être que ça rendrait les choses plus conquête. Ou peut-être pas. En tout cas, si c’était Mattia qui me le disait j’aurais directement les conséquences en face. Les médecins me diraient des noms. Quelques explications. Mais rien de concret sur ce que ça entraînait. Mattia oui.


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MessageSujet: Re: Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella    Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella EmptyVen 8 Fév - 18:10

Il se sentait tellement mal à l'aise. En une phrase, il venait de renvoyer sa petite amie, pourtant si bien intentionnée, dans les limbes de son désespoir. Elle ne méritait pas ça, elle. Et pourtant, c'était bien ce qu'il avait fait, balançant à la jeune fille la vérité en face, jouant d'un ton ironique. Comme si ça allait bien ici, dans ce putain d'hôpital. Aussitôt, il s'en était voulu. Le mal était fait, il le savait, et pas une excuse ne réussit à sortir du fond de sa gorge. Pas une. Pourtant, il aurait aimé -je vous le jure-. Mais rien n'y faisait. Il préférait détourner le regard et observer l'extérieur plutôt que d'affronter la demoiselle. Il se sentit encore plus mal, encore plus meurtri, quand il entendit une voix faible et ce mot. « Désolé. » Putain Ella! Ce n'était pas à elle de s'excuse, ce n'était pas à elle de se plier à son humeur !! Dès que ses oreilles entendirent ce simple mot, Mattia ferma les yeux. Pour ne pas s'énerver. Pour ne pas lui hurler dessus d'arrêter de s'excuser. Pour ne pas se faire encore mal en sentant que son désolé à lui restait bloqué sur la paroi de son larynx.

Il rouvrit alors les yeux et observa la beauté du ciel. Pour un mois de février, le temps était beau. Pas une once de pluie. Comme si le destin se moquait encore de lui. Muré dans son silence, il n'espérait qu'une chose; qu'Ella s'en aille. Qu'elle se lève. Qu'elle fasse quelques pas. Qu'elle pousse la porte. Qu'elle la referme derrière elle. Mais non. Elle semblait vouloir rester là, à lui tenir compagnie dans cet endroit morbide. Il le voyait bien, dans le coin de son oeil. Mais lui, en tout cas, il ne lui montrait rien. Pas un signe, pas un sourire, pas un regard. Peut-être qu'elle finirait par comprendre. « Les médecins, ils disent quoi ? ». Ces mots sortirent de sa bouche d'une manière toute douce et toute calme. A croire qu'elle ne lui tenait pas rigueur de ces propos avant. Et à croire qu'elle ne comptait pas le laisser seul.
Le regard toujours rivé vers le dehors, Mattia se tut. Il ne comptait pas lui répondre, il ne savait pas quoi lui dire. C'était bien trop dur. Il préférait nier la vérité, et repenser au passer. Oublier le présent. Et surtout ne rien imaginer pour le futur. Le médecin n'était pas très optimiste. Cette chute allait lui coûter sa vie. Ce jour-là, il était pourtant sur les feux des projecteurs. Avec son téléphone portable, il avait un peu guetté les journaux sportifs. Tous racontaient des conneries, les même conneries que les médecins. Secouant alors la tête, Mattia répliqua. « Rien que des conneries. Ils disent que c'est pas bon comme blessure.. » Mais en même temps, c'était tous des incompétents, des gens qui sont censés réussir à vous remettre d'aplomb mais qui au final n'en sont pas capables. « Ma rotule s'est fracturé en six morceaux, il paraît.. Ils ont fait tout ce qu'ils pouvaient pendant l'opération là-bas. » Il haussa les épaules, sa gorge se nouant. Ils avaient été clairs; ils avaient fait tout ce qui était en leur pouvoir, mais ils ne pouvaient faire des miracles. Encore une fois, Mattia n'avait jamais le droit au miracle, et encore une fois, il s'y raccrochait. Jetant alors un regard vers elle, sa voix remplie de mauvaise fois, il lui demanda alors. « C'est bon? Ou tu veux savoir encore autre chose? » et dans sa voix, il n'y avait rien de sympathique.
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MessageSujet: Re: Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella    Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella EmptySam 9 Fév - 15:05

Mattia ne m'accordait pas un sourire. Pas un geste. Pas un regard. Je savais qu’il voulait que je parte. Que je le laisse seule. Et pourtant, je m’entêtais à rester là. Sachant pertinemment que ça n’impliquerait rien de bon. Mais que même énervé comme il l’était, il comprendrait que je serais toujours là pour lui. Je ne pouvais me contenter d’un j’ai essayé. De le faire sourire. De lui parler. Non, je ne pouvais pas me contenter de ça. Venir. Échouer. Repartir. Non, ce que je voulais c’était rester à ses côtés. Essayer encore. Quitte à échouer sans cesse. Je lui demandais ce que les médecins lui avait dit. Le silence s’installa à nouveau. Son regard se posait sur le ciel bleu. En aucun cas sur moi. Et je savais qu’il n’avait pas envie de me répondre non plus. Sinon, il l’aurait déjà fait. Je laissais place au silence. Ce n'était pas ça qui allait me faire partir. Qui allait me mettre hors de moi. Il pouvait prendre tout son temps.

Il secoua alors la tête. Vivement et négativement. Comme s’il voulait chasser cette pensée. Comme si la réponse qu’il allait me donner n’était pas envisageable. Et bien sûr qu’elle ne l’était pas. Il ne pouvait pas l’accepter. Il ne pouvait pas croire que c’était vrai. C’était trop brutal. Trop douloureux. « Rien que des conneries. Ils disent que c'est pas bon comme blessure.. ». Ce n’était pas des conneries. Mais, je ne disais rien. J’écoutais simplement. Même son coach l’avait su dès le début que ce n’était pas bon. Pour qu’il ne relève pas, je l’avais su aussi. Mais, je ne disais rien. Je ne pouvais pas lui reprocher de dire que c’était des conneries. Parce qu’il avait encore besoin de le nier. Parce qu’accepter une telle chose ça ne se faisait pas en cinq minutes. D’autant plus que l’accepter, c’était faire une croix sur son plus grand rêve. Sur le rêve qui avait guidé sa vie. Ce rêve qui avait commencé à devenir réalité. Et qui venait de tourner cours. Devenir joueur professionnel. « Ma rotule s'est fracturé en six morceaux, il paraît.. Ils ont fait tout ce qu'ils pouvaient pendant l'opération là-bas. ». Oh ça je n’en doutais pas. Qu’il avait tout fait pour sauver son genou. Il haussa les épaules. Je le sentais retenir ses larmes. Sa colère. Je le savais à deux doigts de péter un plomb. Pare que ce jour ça sur cette table d’opération, il n’y avait pas eu de miracle. Pas de colle pour recoller une rotule. Ni de soudure. Ou je ne sais quel moyen bizarre les médecins pourrait avoir. Non, ils n’avaient pas pu sauver son genou et ça ne pouvait que le rendre fou.

Il tourna alors le regard vers. Un regard froid. Pour ne pas dire glacial. « C'est bon? Ou tu veux savoir encore autre chose? ». Sa voix n’avait rien de sympathique. Et malgré moi, mon cœur se serra. Je savais que je ne pouvais pas lui en vouloir. Mais ça faisait de l’entendre dire ça. De l’entendre parler ainsi. « Ils n’ont rien dit sur la suite ? ». La rééducation. La date de sortie. Tous ces machins là. Et oui, j’avais pris sa fausse question au sérieux. Parce que quoiqu’il arrive, je lui aurais demandé ça. Même s’il s’était mis à hurler avant. Mon ton ne changeait pas contrairement au sien. Mon regard non plus. Et tout ce que j’espérais c’est qu’il aille mieux. Mais, je savais pertinemment que si le bilan était sans appel, s’il ne pouvait plus jouer au tennis, la situation allait devenir un enfer. Pour lui. Et pour tous ceux qu’il aimait.


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MessageSujet: Re: Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella    Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella EmptySam 9 Fév - 18:20

Il s'en voulait terriblement. Il lui parlait mal, il lui parlait comme si elle n'était qu'un vulgaire chien. Mais c'était sa petite amie, la femme de sa vie. Elle était là pour lui, à ses côtés. Elle n'avait pas fuit, avait accepté de venir, et semblait ne pas vouloir se détacher du lit. Il en était encore plus malade. Savoir qu'on parle mal à quelqu'un et voir cette personne vous regarder toujours avec autant d'amour était dur à supporter. Surtout qu'il avait énormément de mal à lui parler correctement justement. Son timbre de voix était cassé. Toute sa haine contre le mauvais sort retombait sur elle. Elle qui n'y pouvait rien. Elle qui était juste là au mauvais moment.
Son regard posé sur elle, quelque peu embué, Mattia luttait pour ne pas laisser toutes les larmes de son corps couler le long de ses joues. Il n'était pas triste. Il était juste terriblement en colère. Il avait envie de prendre encore d'autres plateaux, et de les jeter de tout son coeur contre le mur. Il voulait voir d'autres haricots et poulets dégueulasses habillés ce blanc du sol. « Ils n’ont rien dit sur la suite ? ». La suite de quoi? Sur sa suite? Sur sa vie? Eux, ils parlaient que médecine, hôpital, et rééducation. Ils ne parlaient pas encore de la suite, celle qui intéressait Mattia. Mais cette suite ne serait pas aussi rose que ces derniers mois. Il le savait d'avance. Il avait entendu deux médecins en parler, alors qu'il faisait semblant de dormir. il devra mettre une croix sur le tennis. Le tennis. Son tennis. Sa vie. Il n'avait même pas envie de le dire à Ella, même pas envie de lui avouer qu'il n'était qu'un raté, et que tous les sacrifices qu'il avait fait jusqu'à maintenant ne servaient plus à rien. Le regard dérivant petit à petit hors d'Ella, il murmura alors ce qu'ils savaient. « Je commence la kiné demain. Je dois rester allité comme ça pendant six semaines.. Après seulement je pourrais commencer à remarcher. » Et après.. Après ce sera encore pire.. Après, il ne serait qu'un incapable, qu'un handicapé de plus. Fermant les yeux, Mattia essaya sa technique de concentration. Il respira doucement, se forçant à penser à autre chose. Comme à chaque fois qu'il était sur le terrain, et qu'il sentait l'énervement monter. Il s'imaginait sur une plage de sable fin, le doudou de Lleyton dans les mains. Ca le calmait. Il ne savait pas pourquoi, mais ça avait toujours marché.
Toujours.
Jusqu'à aujourd'hui.
En pensant à Lleyton, il avait encore plus mal. Pas mal physiquement; il avait assez d'antidouleurs dans sa perfusion, mais mal psychologiquement. Il voulait réussir pour son fils. Il allait échouer. Tout ça à cause d'une blessure. Comment il avait fait Ashton? Comment avait-il pu supporter le fait de ne pouvoir continuer à être pro? Il secoua la tête, et reposa son regard de nouveau embué sur Ella. « et après, je serai un empoté de plus dans le monde du sport. » Un empoté. Un raté. Voilà comment il se voyait maintenant. Voilà à quoi il allait ressembler. A quelqu'un qui aurait voulu attendre un rêve, et qui n'y sera jamais arrivé. Il secoua sa tête, et murmura ces quelques autres mots. « Il y a très peu de chance que ma jambe se plie de nouveau comme il faut.. » Et là, là, parce qu'il ressentait une terrible envie de s'énerver, il se retourna vers la table de chevet, attrapa d'un geste violent le téléphone qui était dessus, et l'envoya valser à l'autre bout de la salle.
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MessageSujet: Re: Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella    Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella EmptyLun 11 Fév - 20:28

Je regardais Mattia. Débordant de colère dans son lit. Je ne pouvais rien faire contre ça. Aucun de mes gestes ne pourrait l’apaiser. Ni aucun de mes mots. Mais j’étais là. « Je commence la kiné demain. Je dois rester alité comme ça pendant six semaines.. Après seulement je pourrais commencer à remarcher. ». Mattia ferma les yeux. Inspirant profondément. Comme à chaque fois qu’il voulait se calmer. Six semaines dans un lit. Ce n’était pas lui. Il allait devenir fou. Six semaines sans marcher. Tout ceci raisonnait dans ma tête. Rien n’allait être facile. Les semaines à venir allait être un véritable enfer. Pour lui. Pour moi. Mais, qu’importe je serais là.

Je le vis secouer la tête. Avant de poser son regard sur moi. Son regard au bord des larmes. Mon cœur se serrait. J’aurais voulu m’allonger à ses côtés. Ou le serrer dans mes bras. Tout faire pour le rassurer. Lui apporter un peu de tendresse. D’amour. Juste je sais pas…le sortir de cet enfer. « Et après, je serai un empoté de plus dans le monde du sport. ». Mes yeux se firent ronds. Un empoté ? Oh non il ne l’était pas. Il avait cru en ses rêves. Il s’était battu pour ses rêves. Il n’avait jamais abandonné. Les empotés ce sont ceux qui lâchent prise. Qui prennent une retraite anticipé. Qui quitte le monde du sport sans raison. Les empotés sont ceux qui font de meilleurs pubs que de performances. Mattia, non. Il avait tout donné. C’était un prodige. Il avait illuminé tout le monde à tous ses matchs. Il avait gravit les échelons. Surprenant tous ceux qui ne le connaissaient pas. Faisant la fierté de tous ceux qui l’aimait. Faisant ma fierté. Il ‘était blessé. Et ça ne pouvait pas faire de lui un empoté. Parce qu’il n’y pouvait rien. Parce qu’il n’avait rien choisit. Et que ça ne changeait rien à l'admiration que je pouvais avoir pour lui. Ni au respect que les autres joueurs pouvaient avoir. Non, non. Ça ne changeait rien. Il n’était PAS un empoté. « Il y a très peu de chance que ma jambe se plie de nouveau comme il faut.. ». Et là, d’un coup, il se tourna vers sa table de chevet. Le téléphone se retrouva par terre. A l’autre bout de la pièce.

Je n’avais pu retenir un sursaut. « Non… non. ». Je me mordais la lèvre inférieure. Les mots étaient bloqués dans ma gorge. Et je craignais l’énerver davantage. « Tu n’es pas un empoté, je peux pas te laisser dire ça. ». Vraiment pas. Ça me faisait du mal. De l’entendre se descendre ainsi. Lui qui avait confiance en lui habituellement. C’était trop douloureux. « Tu ne pouvais pas prévoir cette chute Mattia, tu ne pouvais pas prévoir cette blessure. ». Ça ne changeait rien certes. Ça ne changeait pas sa douleur. Ni le fait qu’il soit blessé. Mais, il n’aurait rien pu éviter. Il n’y était pour rien. Il ne pouvait pas placer de "et si…". Et s’il n’était pas tombé ? Non, ça ne fonctionnait pas. S’il n’était pas tombé il y a trois jours, ça aurait été une autre fois.

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MessageSujet: Re: Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella    Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella EmptyJeu 14 Fév - 19:30

Il se sentait terriblement perdu. Jusqu'à maintenant, il se levait pour le sport. Il se couchait en pensant sport. Chaque minute de sa vie était rythmé par ce mode de vie. Il ne mangeait jamais trop de sucreries, jamais trop de gâteaux, jamais trop de choses caloriques pour justement pouvoir se dépenser. Sa vie, c'était ça. Mais là, avec une jambe en moins, un genou tellement empoté qu'il n'était même pas sûr de pouvoir le plier correctement un jour, Mattia ne voyait plus rien. Il n'avait plus aucune raison de vivre. Il lui manquait son oxygène; il lui fallait absolument trouver une bouteille de secours, avant de dériver petit à petit vers des lacunes profondes. Mais en attendant, c'était la colère qui le rongeait. Ce vilain sentiment qui le faisait péter les plombs, et qui le faisait balancer ce pauvre téléphone dans le vide, effrayant au passage Ella. Son sursaut ne lui avait pas échappé; il ne s'en voulait même pas.

« Non… non. ». Quoi? Son regard se reposa sur elle. Elle était là, à ses côtés, se mordant doucement les lèvres. Elle voulait parler, ça se voyait. Elle allait sans doute lui dire quelque chose qu'il n'allait pas apprécié. Il le sentait d'avance. « Tu n’es pas un empoté, je peux pas te laisser dire ça. ». Ah ouais? Bien sûr que si c'en était un. Incapable d'aller au bout de ses objectifs. Incapable d'aller plus loin. Incapable de rivaliser avec les meilleurs. « Tu ne pouvais pas prévoir cette chute Mattia, tu ne pouvais pas prévoir cette blessure. ». Prévoir cette blessure, et cette chute? Peut-être bien que si justement. Il aurait dû se douter que le destin avait toujours été contre lui, et que ça n'aurait rien changé. Il aurait peut-être dû aussi s'inquiéter quand il avait ressenti cette douleur à son genou. Il aurait peut-être pu briser le hasard en jouant autrement. Bref, il aurait pu l'éviter. Vraiment.

Alors, doucement, il secoua la tête. « Putain ! Tu peux pas comprendre pas Ella ! J'ai toujours tout fait pour arriver à jouer à un meilleur niveau. » Tu peux pas comprendre. il avait dit ces mots avec un tel énervement qu'il commençait lui même à s'effrayer. Il fallait qu'il se calme. Qu'il se reprenne. Ella n'y pouvait rien du tout. Elle n'avait pas à supporter sa tristesse, et tout son malheur. Fermant un instant les yeux, il attrapa la main d'Ella. Sa manière détournée de dire qu'il était désolée. Tout doucement, il caressa sa main. Rouvrant les yeux, il prit aussi de nouveau la parole, la voix un peu enrouée. «  Quand j'avais quatre ans, et que mon père m'a mis dans les mains ma toute première raquette, j'étais super fier. J'avais l'impression d'être un grand, j'avais envie d'imiter ceux que je voyais à la télé. Et tu sais quoi? Quand mon père est tombé malade, j'avais dix ans, et je pleurais. Je pleurais pas parce que mon père était malade sur un lit d'hôpital. Non.. Je pleurais parce que je n'avais personne pour m'amener au tennis. Je comprenais pas ce que c'était le cancer, je comprenais même pas qu'il était en train de crever, et que c'était pour ça que ma mère avait les yeux rouges en rentrant chaque soir! Moi, ce que je comprenais vraiment, c'est que je pouvais pas aller jouer au tennis, et ça me minait. » En parlant de ces souvenirs, de ces meilleures années, Mattia eut de nouveau les larmes aux yeux. Pour sa mère, toujours avec ce connard de nouveau mari. Pour son père, enterré six pieds sous terre. Pour Ella, le supportant. Pour Lleyton, ayant un père raté. Pour Ashton, qui aura tout fait. Il s'interrompit donc, et se mordit les lèvres, caressant avec son pouce la douce main de sa chérie. Le regard dans le vide, il dit alors. « Je peux pas vivre sans le tennis. Si je dois arrêter, j'aurai juste l'impression d'être un imbécile de plus qui a été incapable d'aller au bout de ses objectifs. » Incapable. Ce mot revenait sans cesse dans sa tête.
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MessageSujet: Re: Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella    Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella EmptyLun 18 Fév - 19:01

Pour moi Mattia n’était pas un raté. Il n’avait rien pu prévoir. Rien du tout. Mais, lui il ne voyait pas les choses sous cette angle. Il secoua la tête. « Putain ! Tu peux pas comprendre Ella ! J'ai toujours tout fait pour arriver à jouer à un meilleur niveau. ». La colère était là dans sa voix. Mon cœur se serrait. Je renonçais à mes larmes. Avalant péniblement ma salive. Si je comprenais. J’avais eu Ash faire la même chose. J’avais vu Ash dépérir lorsque son genou l’avait lâché. J’avais déjà eu cette place une fois. De spectatrice de cette douleur. Et je l’avais vécu aussi. J’avais renoncé à mon rêve en décident de garder Lleyton. Certes, j’avais le choix. Je pouvais être égoïste. Et surtout ambitieuse. Mais, je me savais incapable de nager à nouveau avec cette douleur. Celle d’avoir tué un bébé par pur égoïsme. Je n’allais pas lui dire, non. Je n’allais en parler à personne d’ailleurs. Parce que ce n’était pas pareil. Ce n’était la même situation. Mais, pourtant, le fait était là. J’avais dû renoncer.

Il ferma les yeux un instant, les miens étaient toujours baissés sur le sol. Jusqu’à ce qu’il attrape ma main. La caressant doucement. Et parlant avec une voix enrouée. « Quand j'avais quatre ans, et que mon père m'a mis dans les mains ma toute première raquette, j'étais super fier. J'avais l'impression d'être un grand, j'avais envie d'imiter ceux que je voyais à la télé. Et tu sais quoi? Quand mon père est tombé malade, j'avais dix ans, et je pleurais. Je pleurais pas parce que mon père était malade sur un lit d'hôpital. Non.. Je pleurais parce que je n'avais personne pour m'amener au tennis. Je comprenais pas ce que c'était le cancer, je comprenais même pas qu'il était en train de crever, et que c'était pour ça que ma mère avait les yeux rouges en rentrant chaque soir! Moi, ce que je comprenais vraiment, c'est que je pouvais pas aller jouer au tennis, et ça me minait. ». Il avait à nouveau les larmes au bord des yeux. Je le regardais sans rien dire. Le laissant caresser tendrement mon pouce. Le laissant me raconter ses souvenirs. Je savais pertinemment que pour lui, il n’y avait rien de plus dur. Absolument rien. Qu’à cet instant il avait l’impression d’avoir tout perdu. De ne plus avoir de raison de vivre. Et rien de ce que je pourrais dire ou faire ne changerait cette pensée. Donc, je ne disais rien. J’étais là. J’écoutais. Mais, je ne promettais pas. « Je peux pas vivre sans le tennis. Si je dois arrêter, j'aurai juste l'impression d'être un imbécile de plus qui a été incapable d'aller au bout de ses objectifs. ». Oh il ne le serait pas. Mais, il le penserait ça c’était certain. Je n’avais pas envie de le laisser dire une telle chose. Mais, je savais que je ne pourrais pas lutter. Mais tout de même, j’essayais. « Tu n’es ni un imbécile, ni un incapable Mattia. ». Il fallait qu’il le sache, que je lui répète. Peu importe qu’il le croit ou non. Il n’était ni l’un ni l’autre, il ne le serait jamais. « Et je sais que tu ne peux pas imaginer ta vie sans le tennis. Je le sais et je le comprends. Mais si tu dois arrêter, ça ne changera rien. Tu ne seras jamais un imbécile ou un incapable. ». Oui, je le répétais, encore.


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MessageSujet: Re: Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella    Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella EmptySam 23 Fév - 15:45

Pour l'une des toutes premières fois, Mattia racontait un souvenir. Il parlait très rarement de son père, et de ses souvenirs d'avec lui. Mais plus rare encore, il n'avait jamais osé dire pourquoi il pleurait quand son père était malade. Il en était lui-même terriblement choqué. Pleurer parce qu'on ne peut pas aller jouer, alors que son père était en train de crever sur un lit dans un hôpital sordide. Même l'enfant qu'il était alors aurait du le comprendre. Mais pour lui, tout tournait autour du tennis. Sa vie n'avait tourné que là-dessus depuis qu'il avait eu, un jour lors de ses quatre ans, cette raquette entre ses mains. Peut-être même qu'au moment de la maladie de son père, il était dans le déni, et qu'il se réfugiait dans le tennis. Il avait tout supporté grâce à ce sport. Tout. Alors mettre une croix sur son oxygène, c'était devoir supporter tout ça sans aide. C'était devoir accepté le reste. Pourquoi n'avait-il rien dit? Pourquoi s'était-il tu aussi longtemps? Pourquoi se taisait-il encore? Seule Ella était vraiment au courant. Et maintenant, si il n'y avait plus le tennis, il pouvait se poser cette question; à quoi ça avait servi de se taire?
« Tu n’es ni un imbécile, ni un incapable Mattia. ». Relevant les yeux vers elle, il l'observa un instant. Bien sûr que si, il n'était que ça. Il était incapable d'avoir été plus loin, incapable d'aller viser plus haut que ce qu'il avait fait jusqu'à maintenant. Merde quoi! Il venait de faire une semaine de folie! Il avait battu ce type; on commençait sérieusement à parler de lui dans les journaux pour d'autres raisons que des rumeurs. Pour autre chose que son beau-père, son fils, ou Liam. On parlait de lui pour son sport, pour sa façon qu'il avait eu de ne rien lâcher. Pour une fois, il était dans les pages sports pour quelque chose de sportif. « Et je sais que tu ne peux pas imaginer ta vie sans le tennis. Je le sais et je le comprends. Mais si tu dois arrêter, ça ne changera rien. Tu ne seras jamais un imbécile ou un incapable. ». Elle était vraiment têtue Ella. Elle ne cessait pas de dire autre chose que ça. Qu'il ne sera jamais un imbécile ou un incapable. Mais bien sûr que si! Elle avait un bandeau sur les yeux; elle n'arrivait pas à le voir comme ça. L'amour peut-être. C'était peut-être ça; on dit souvent que l'amour rend aveugle.

Secouant doucement la tête, pour montrer toujours son mécontentement, Mattia renonça cependant à le lui dire haut et fort. Il se contenta de marmonner quatre mots. Bien sûr que si. Bien sûr que si, il en serait un. Et puis, pour couronner le tout, il allait mourir. Au sens propre du terme. Il ne disait pas ça parce qu'il avait mal, que cette douleur lui serrait tellement le coeur qu'il avait l'impression qu'il allait se désagréger en mille morceaux, et que sa vie allait s'arrêter là. Comme ça. Net. Sur ce lit d'hôpital. Il pensait ça parce qu'il n'aurait plus de but. Rien. Il se retrouverait démuni. Alors, il secoua la tête, et tout en continuant de caresser la main d'Ella, il ouvrit la bouche. « Pense ce que tu veux Ella, mais je te jure, que sans tennis, j'y arriverai pas. » Son regard se posa alors sur sa jambe, cette jambe, celle dont la douleur commençait à se réveiller. Les médecins avaient été clairs; il y avait de très peu de chance qu'il s'en sorte avec une jambe comme neuve. Un dixième de millième de chance.. Son genou l'avait maudit; il ne comprenait même pas pourquoi cette rotule avait lâché; et pourquoi il avait eu mal avant de tomber. « Je suis fatigué. » Il jeta un coup d'oeil à Ella. Il n'était pas si fatigué que cela. De toute façon, dans sa nouvelle vie d'handicapé, il allait avoir le temps de se reposer. Mais si il disait ça, c'était pour éviter qu'elle parle encore, et qu'elle dise encore une fois qu'il s'en sortirait. Parce que non; il ne s'en sortirait pas.
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MessageSujet: Re: Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella    Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella EmptyLun 25 Fév - 20:52

Pour moi Mattia n’était rien de tout ce qu’il disait. Mais lui, il n’était pas moi. Il ne voyait pas les choses comme moi. Pour lui je devais sans doute être aveuglé par l’amour. Ou une connerie toujours. Si tel était le cas, lui il l’était par sa déception. Il secoua doucement la tête. Refusant de changer la tête. Bien sûr que si, sifflait-il entre ses dents. Je ne savais plus quoi dire, quoi faire. Je ne l’avais jamais su d’ailleurs. Comment lui faire entendre raison alors qu’il souffre ? Comment lui faire comprendre que ça ne changeait rien à qui il était alors que ça changeait toute sa vie ? J’en étais incapable. Je ne pouvais rien faire contre ça. Je devais m’y résoudre. J’essayais vraiment. Mais mon cœur se serrait malgré moi. C’était difficile d’être aussi impuissante. En fait, je l’étais autant que lui. Lui face à sa blessure. Et moi de le voir si démuni.

Il secoua à nouveau la tête, tout en me caressant la main. « Pense ce que tu veux Ella, mais je te jure, que sans tennis, j'y arriverai pas. ». Il regarda alors sa jambe. Ma gorge se serrait. Sans le tennis, il n’y arriverait pas. Et cette jambe ne pouvait refonctionnait correctement. Il n’y arriverait pas. C’est ce qu’il avait dit. Je craignais l’avenir. Je craignais d’être incapable de lui venir en aide. Je craignais qu’il ne se perde lui. De le perdre. Je n’ajoutais rien. Parce que la situation commençait à devenir trop douloureuse. Parce que prendre conscience qu’il allait se dénigrer comme ça autant que possible, c’était tout sauf facile. Mon cœur se serrait. Mon ventre se tordait. Et ma gorge, elle m’étouffait. Je me retenais de pleurer. De montrer la moindre émotion négative. Je le regardais amoureusement. Mais, je ne pouvais pas parler. Du moins, je ne pouvais pas répondre à cela. Parce que je n’arriverais pas à me montrer forte. Et quelque part, je me détestais d’être aussi faible. Je l’avais toujours été. Et je me le prouvais une fois de plus. Faible.

Je caressais doucement sa main. Je le regardais. Je ne faisais rien de plus. J’étais juste là. « Je suis fatigué. ». Il me regarda alors. Mon visage était toujours aussi paisible. Alors qu’à l’intérieur de moi tout s’écroulait, tout était douloureux. Il n’était pas réellement fatigué. Ce qu’il voulait c’était que je parte. Il ne voulait plus me voir. Il n’avait pas voulu me voir. Et il fallait que e m’y fasse. Il allait sans doute préféré sa solitude à ma présence. Pendant un long, très long moment. Broyer du noir, plutôt que de se forcer à sourire.

Ma main quitta la sienne. « Je vais te laisser te reposer alors… ». Et si tu as besoin de quoique ce soit, tu m’appelles ? Oh non, je n’allais pas rajouter cela. Il le savait. Et il s’en moquait probablement. Je me dirigeais vers la sortie. Je m’apprêtais à le laisser seul dans ce lit blanc. Dans cette chambre. Pourtant mes pas s’arrêtèrent. Je retournais vers le lit. Je me penchais pour embrasser ses lèvres. Je sais, il n’en avait pas envie. Mais, je n’y arrivais à partir comme ça. Je n’ajoutais rien. Je le regardais une dernière fois. Avant de réellement quitter la chambre cette fois.

Je retournais à la voiture. A peine m’étais-je assise que je fondais en larmes.



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MessageSujet: Re: Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella    Aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie. De ta vie de merde, ouais | Ella EmptyMar 26 Fév - 19:10

Il n'allait pas s'en sortir, c'était évident. A ses yeux, rien d'autres ne comptait que le tennis. Il vivait jaune. Il mangeait jaune. Il dormait jaune. Il voyait jaune. Il n'avait en tête que cette petite balle de couleur si fluorescente qu'on la repérait de loin. Il vivait de cette façon depuis tellement de temps que ses quatre premières années de vie sans elle ne comptaient pas. Et puis, à ce moment-là, il n'était qu'un bébé; il se contentait de boire et manger, ça suffisait amplement à son bonheur. Mais depuis que son père lui avait mis sa première raquette de tennis entre les mains, dans l'optique de passer un agréable moment entre père et fils, il n'avait rêvé que de cette petite balle. Il aimait la martyriser. Il aimait la frapper avec toute sa force. Il aimait l'envoyer valser, et lui donner de beaux effets. Il aimait sentir son contact. Il aimait même enlever du fond de ses poches les doudous jaunes qu'elle lui laissait. Il aimait tellement ça qu'il ne se voyait pas ne plus en tenir une dans ses mains.

C'en était vital.

D'une voix peu fatiguée, il lui raconta un mensonge. Prétextant qu'il était fatigué. Il désirait juste un peu de solitude. Il refusait tellement de se montrer sous ce nouveau angle. Parce que malgré tous les mots qu'elle avait usé pour le convaincre, il se sentait nul. Nul, blessé, et incroyablement malchanceux. Il ne pourrait pas offrir une vie de rêve à Ella. Plus jamais. Et il refusait qu'elle le voit comme ça, prostré dans son lit, à attendre que ça passe. Son regard rivé sur elle, il essayait de comprendre d'où venait la force qu'elle avait, cette force qu'elle avait de ne pas pleurer, de ne pas hurler, de ne pas montrer toute sa colère. Il lui parlait mal, il la faisait souffrir, mais elle ne montrait rien. Juste que quand elle enleva sa main de la sienne, il se sentit encore plus mal. « Je vais te laisser te reposer alors… ». Il la vit se lever et faire demi-tour. Là, il eut mal. Mal de la voir partir comme cela et de ne rien pouvoir faire. Il se sentait tellement incapable, que même lui demander de rester et de pleurer dans ses bras lui était impossible. Mais son coeur s'était resserré, et il avait vite détourné les yeux. Il ne voulait pas voir le mal qu'il faisait autour de lui.
Il aperçut alors la jeune femme faire demi-tour, et se rapprocher de lui. Ses lèvres se posèrent sur lui; il était surprit, agréablement surprit. Mais son humeur maussade se lisant sur son visage ne laissa aucune place à cet infime bonheur qu'était ce petit bisou. Ceci dit, intérieurement, il la remerciait. Intérieurement, il se demandait comment il avait fait pour l'avoir. Et parce qu'il ne la méritait pas, il la laissa s'en aller. Sans un mot. Presque sans un regard.

Dès qu'il entendit le bruit familier de la porte se refermer, il jeta un coup d'oeil autour de lui. Rien n'était à portée de mains. Il n'avait plus de plateaux. Il n'avait plus de téléphone. Il n'avait plus rien à balancer. Ca lui aurait fait tellement de bien pourtant! Alors, il serra son poing, le serra, serra, serra très fortement, et l'enfonça dans le matelas. Et là, ses yeux embués de larmes se transformèrent en torrent. Il se laissa aller. Ne sachant pas que presque cent mètres plus loin, à l'extérieur de cette enceinte blanche, sa petite amie pleurait elle aussi.

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