S'asseyant sur le canapé, le regard rivé sur la télévision, Mattia souffla un peu. Ces derniers jours avaient été terribles. Le papa d'Ella était décidé, et les jours s'étaient enchainés à une vitesse folle, et d'une tristesse incroyable. Perdre un être cher était horrible, surtout quand quelques temps après, la ville où l'on habite commence à revêtir ses bijoux de fête. Noël allait arriver, et bien que personne ne le disait, ça n'aidait pas au deuil. Pour aider un minimum Ella, et Ashton, Mattia essayait de faire tout ce qui était en son pouvoir. Il tentait de faire la cuisine. Il s'occupait beaucoup de Lleyton. Bref, il essayait d'être un père, petit ami, et beau-frère exemplaire.
Alors, forcément, quand Ella avait embarqué Lleyton pour le mettre au lit, et que la maison s'était retrouvée d'un coup plonger dans le silence -Ashton étant au boulot-, le jeune homme avait ressenti un coup de fatigue énorme. C'est donc en zappant les chaines de la télévision où passaient d'innombrables conneries qu'il se reposait.

Des bétisiers. Une enquête sur les douaniers. Une série nulle. Un documentaire animalier. Un jeu. Il n'eut pas le temps d'en voir plus; ses yeux s'étaient petit à petit fermés, et il chavirait doucement dans les bras de Morphée. Il sursauta lorsqu'il entendit alors Ella redescendre. « Lleyton est couché. ». Couché. Un vrai miracle.
Mattia afficha un sourire. Ils allaient pouvoir souffler pendant quelques minutes, en espérant que ce soit pour deux heures. Il leva le bras, pour laisser Ella venir se coller tout contre lui, et passa son bras autour de ses épaules. Ils étaient bien comme ça. Tous les deux. Serrés l'un contre l'autre. Ensemble. Et c'est ainsi que Mattia ferma de nouveau les yeux, repensant à eux deux. Leur histoire était quelque peu inhabituel. Mais elle était tellement belle.
Il sentit Ella bouger. Il rouvrit alors les yeux. Elle était là, à le regarder, un sourire sur les lèvres. « Je peux te parler de quelque chose d’un peu… fou ? ». Fronçant doucement les sourcils, Mattia l'observa. Il se demandait bien ce qu'elle avait en tête. Qu'est-ce qu'Ella pouvait vouloir parler de « fou »? Ce n'était tellement pas elle ce mot. Ella, c'était le genre de fille à faire les choses les plus réfléchies au monde, à tout prévoir, mais pas à faire quelque chose de fou. Si il se souvenait bien, elle n'avait été bourrée qu'une seule fois dans sa vie. Elle ne faisait jamais d'excès, jamais rien de fou. Alors de quoi voulait-elle parler? Surpris, et un peu amusé, Mattia ne put s'empêcher de sourire et de demander alors. « De quoi as-tu envie? D'aller chez les voisins lancer du papier toilette sous la pluie pour saccager leur jardin? D'aller chez une mamie la cambrioler juste pour le fun? » Il s'arrêta alors. Les deux choses qu'il venait de citer, il les avait faites. Et si pour la première Ella était peut-être au courant, il espérait fortement qu'elle ne sache pas pour la deuxième.. Mais en tout cas, il avait gardé ce sourire sur le visage, certains qu'elle n'allait jamais lui demander ça.

Les secondes s'étaient ralenties au temps de Mattia. Le jeune homme ne savait pas pourquoi, mais il avait l'impression que la suite n'allait pas être tout aussi facile. Le rire d'Ella ne sonnait pas comme d'habitude. « Et pourquoi pas ? ». Son rire était toujours aussi franc, toujours aussi amusant, toujours aussi joyeux, mais disons qu'il ne sonnait pas de la même façon aux oreilles de Mattia; sans doute parce qu'il savait qu'Ella ne voudrait jamais faire quelque chose de fou. « Non en réalité, ce que je veux te demander est un peu fou mais, un peu plus sérieux que ça. ». Le regard du jeune homme se reposa définitivement sur elle. Comment pouvait-on placer ces deux mots, l'un avec l'autre? Comment pouvait-on parler de quelque chose de fou, et de sérieux à la fois? Ses sourcils se froncèrent légèrement, et plus rien ne comptait à ce moment-là, hormis Ella.

La suite le conforta dans son idée. Ella gardait ses yeux rivés sur lui, et après un instant d'inspiration, elle entama une grande tirade. Au fil des mots, le visage de Mattia se décomposa. Son ton blémit. Son regard se fit plus vague. Il avait entendu juste quelques mots, quelques mots pourtant suffisamment importants pour lui faire prendre conscience de tout ce qu'elle disait. « J’aimerai qu’on se marie… Toi et moi... lier mon nom au tien... le même que Lleyton...Ta femme…ce soit toi qui prenne les décisions importante ...l’Homme de ma vie». Avait-il bien entendu? Elle avait bien parlé de ce mot? de.. mariage? Perdu dans ses pensées, Mattia restait bouche-bée, pensif. En dix secondes, elle avait réussit à lui clouer le bec, à l'assommer au silence, à le perdre complètement dans un futur furtif. Ella voulait sa marier. Ella voulait devenir sa femme. Ella voulait ne faire plus qu'un avec lui.
Cette idée était sans doute la plus merveilleuse qu'elle eut eu, mais elle était aussi sans doute l'une des plus effrayantes. Si on oublie le côté bien être, le fait d'être un mari, et d'avoir une femme, si on oublie le fait qu'on ne forme plus qu'une famille, si on oublie le côté fête, il reste le côté le plus sombre. Etre lié à jamais à quelqu'un. Devoir prendre soin de cette personne. A la vie. A la mort. Rien que ces deux derniers termes étaient flippant. Le mariage, c'était un engagement, au présent, et pour l'avenir. Et ça avait de quoi effrayé un jeune adulte de dix-neuf ans, tant bien même qu'il aimait plus que tout la jeune femme.

Se rendant compte qu'il était silencieux depuis quelques longues secondes déjà -voire minutes-, l'ancien tennisman ferma sa bouche légèrement entre-ouverte. Il observa encore une fois Ella, et passa doucement sa main sur son visage. Il n'arrivait toujours pas à sourire, mais ce geste pouvait au moins rassurer sa petite amie. Ses yeux restaient rivés sur elle. Il la mangeait littéralement du visage, tout en dessinant avec son pouce quelques petits gestes sur sa joue. D'une voix quelque peu rauque, sans doute rongée par tous les sentiments qu'il ressentait, Mattia répondit alors. « Tu sais Ella, je t'aime. » Et pour l'aimer, il l'aimait. «  Je t'aime plus que tout, ça, tu peux en être sûr mais je... » Il s'arrêta un instant. Il avait peur de la décevoir, peur de la rendre triste; bref, il avait peur tout court. « pourquoi tu le veux? Je veux dire, pourquoi tu souhaiterais ça, maintenant? »

En gros, Mattia ne poulait pas dire non, et ne le voulait pas non plus mais il n'arrivait pas à dire oui. C'est bien compliqué l'amour.

Quand Ella avait avoué ce qu'elle avait en tête, Mattia était bien heureux d'être déjà assis. Cette révélation lui avait cloué le bec. Et lui avait scié les jambes. Il n'en revenait pas. Jusqu'à présent, il ne s'était jamais dis qu'Ella en voudrait plus. Il vivait sa vie, au jour le jour, oubliant tout le reste. Maintenant qu'il n'avait plus de soucis à se faire, maintenant qu'il avait une vie toute tracée, et qu'il pouvait enfin soufflé en voyant un avenir calme et paisible, voilà qu'Ella venait de tout chamboulé. Elle parlait mariage. Mariage.. MA-RI-A-GE... Un mariage, ça voulait dire tellement de choses; un engagement, et tellement d'autres choses. Il n'était évidemment pas contre cette idée de se marier avec Ella. Il ne se voyait qu'avec elle comme femme. Il ne se voyait pas avec quelqu'un d'autre. Elle était tellement tout pour lui. Mais c'était surtout l'avenir qui lui posait problème. Il vivait tellement au jour le jour qu'il se sentait tout chamboulé quand il entendait parler d'avenir.. et surtout de cet avenir.

Essayant de se calmer, il tenta de trouver les bons mots pour ne pas la vexer. Il ne voulait tellement pas la blesser dans ses propos.   Il associait des sourires, des petits gestes tendres, mais il avait malgré tout l'impression de lui briser le coeur.  « Je sais que c’est une idée complètement folle et bien loin de tout ce qu’on avait pu prévoir… » Là, elle avait parfaitement raison. Il ne s'était pas du tout attendu à ça. Rien de rien. « J’aimerai qu’on se marie maintenant parce qu’on ne sait pas ce que nous réserve l’avenir mais, je veux passer ma vie avec toi. ». Il hocha la tête, et caressa de nouveau sa joue. Au moins, là-dessus, ils étaient totalement d'accord. Il ne se voyait pas passer sa vie avec quelqu'un d'autre. Il n'y avait que elle dans son futur -elle, et Lleyton évidemment-. « Je t’avoue que depuis la mort de mon père, ma vision de l’avenir à changer et je me dis pourquoi remettre à demain ce qu’on peut faire aujourd’hui ? Après tout, ça arrivera un jour… ». Elle passa alors sa main dans ses cheveux, et il ferma un instant les yeux. Ce geste, elle le faisait assez souvent quand elle n'allait pas trop bien. Et puis, en plus, elle se mordait la lèvre. C'était clairement le signe qu'elle n'était pas en forme; qu'elle était gênée « C’est… sûrement trop ce que je demande… et c’est peut-être bête de penser comme ça. ». Il la vit baisser les yeux, et aussitôt, il posa sa main sur ses cheveux, et l'attira vers lui.
Il l'embrassa.
Bon sang, ce qu'il l'aimait ! Il respira son odeur, et prit alors la parole. « C'est loin d'être bête Ella.. Je suis juste.. surpris. » Il s'arrêta net et l'observa. Ses yeux étaient plongés dans les siens. Sa main était toujours posée derrière la tête d'Ella; il la caressait encore avec son pouce. Il avait du mal à trouver ses mots; les bons mots. « Je ne sais pas. Je veux dire, ma vie, mon avenir, je le voyais déjà avec toi. Il n'y a pas besoin de mariage -il frissonna d'ailleurs en prononçant ce mot – pour que ça change. » Il s'arrêta encore une fois. En réalité, c'était bien ce mot 'MARIAGE' qui l'effrayait. Ca le mettait mal à l'aise. Pourquoi? Il n'en savait rien. « Attends, je n'ai pas dis non hein.. Laisse moi le temps de m'y faire, d'y penser. Tu sais, ça me fait.. flipper. » Voilà, il l'avait dit. Cette histoire de mariage, ça l'effrayait, et c'était dit.

C'est bête hein? Etre effrayé par un mariage, alors qu'à 17 ans, il s'était retrouvé papa? Mais c'était ce qu'il ressentait là; il était paniqué, vraiment paniqué. Parce qu'un mariage, ce n'était pas rien, c'était se promettre tout plein de bonnes choses... jusqu'à la mort.

Malgré qu'il essaye de ne rien laisser paraître -et il n'y arrivait pas malgré tout-, Mattia était un peu paniqué. Dès qu'il entendait le mot 'mariage' il ne pensait pas du tout au divorce. Il avait encore en tête la vision du mariage de ses parents; sa maman et son papa. Ils s'étaient mariés, et ils avaient vécu leurs vies en pensant passer de nombreuses années ensemble. Ils étaient heureux, très heureux jusqu'à ce que ce cancer ne vienne les frapper. Mattia se souvenait que chaque dimanche matin, son papa allait chercher des viennoiseries françaises et leur apportait; sa mère en raffolait. Il se souvenait aussi que quand ils se baladaient, en famille, ses parents se tenaient toujours par la main. Il se souvenait de tout ces petits détails qui rend le mariage enviable. Mais quand il entendant aussi ce mot, 'mariage', il repensait aussi à celui de sa mère et de son beau-père. Et là, ça n'avait plus rien à voir. Il le détestait tellement qu'il ne voyait que le mal qu'il avait fait. Il voyait sa mère, malheureuse, sans réellement savoir si elle était malheureuse suite au destin tragique de son premier époux, ou si c'était à cause de son nouveau mari. Alors, forcément, il n'avait pas envie de se marier quand il pensait à ce mariage là.

Mais leur histoire, à Ella et à lui, ressemblait beaucoup plus à celle de ses vrais parents. La preuve; bien qu'il ne soit pas capable de dire oui, de suite à Ella, elle gardait le sourire. Elle avait attrapé les deux mains de Mattia, et les gardait, bien au chaud des siennes. « A vrai dire, je n’ai pas non plus besoin d’un mariage pour imaginer mon avenir à tes côtés mais…je en sais pas trop pourquoi je voudrais que ce soit officiel. Je crois que j’ai envie que toutes nos décisions importantes puisse se prendre à deux… j’ai envie qu’à tous les points de vues, on soit ensemble… Je comprends que tu ais peur… c’est un sacrée promesse après tout alors prends tout le temps que tu voudras. ». Là, elle s'approcha de lui, et l'embrassa. Encore. Ce baiser fut trop court à son goût. Mais au moins, il était rassuré. Quoiqu'il dise, elle l'aimait quand même. « Je me rends simplement compte qu’il y a tellement de projets qui me tiennent à cœur et me donnent envie d’avancer, il y a aussi tout un tas de choses que je n’ai jamais faites et que j’aimerai faire… je veux juste ne pas avoir de regret et je tiens réellement à passer ma vie avec toi… avec ou sans mariage. ». Elle souriait. Elle ne lui en voulait pas.

Il lui fit un petit sourire, et l'embrassa aussi. Le baiser ne fut pas long, mais il lui montrait ainsi, qu'il était content de ce qu'elle disait. « Tu sais, je comprends tout ça. J'ai envie de tout ça, qu'on prenne des discussions, à deux, qu'on ait besoin l'un de l'autre pour toutes les décisions que l'on voudrait prendre. Je veux tout ça aussi. » Il essayait de la rassurer comme il pouvait. Il ne pouvait pas dire oui, comme il ne pouvait pas non plus dire non. « Ca m'effraie juste. » Il s'arrêta une seconde. Il savait que sa peur était injuste. « Mes parents ont été très heureux, ensemble et mariés. Mais regarde les autres. Il y a beaucoup de gens qui divorcent, et ça me fait peur. Tu imagines ? Là, on est libre et tout se passe bien, mais le mariage, c'est comme être un peu enchainé l'un et l'autre. On ne sera plus libre, on sera forcément ensemble, et si ça se passe mal, tout sera fini. » Il se stoppa, et observa sa petite amie. Il se sentait vraiment nul. « Je sais, c'est bête de penser comme ça. » Il détourna le regard, et délaissa les mains d'Ella pour se coller contre le fond du canapé. Il se sentait complètement nul, complètement idiot, et complètement sans coeur. Mais il n'y pouvait rien. C'était peut-être à cause de son adolescence difficile, coincé avec ce beau-père à cause du mariage avec sa mère. Ou peut-être aimait-il trop la liberté. Il n'en savait rien, mais il avait vraiment l'impression d'être un salaud là.

Spoiler:

Il était gêné, très gêné. Il s'en voulait terriblement. Il avait l'impression de briser le rêve que toutes les petites filles ont; épouser un jour le prince charmant. Mais le soucis, c'est qu'à ses yeux, il n'avait rien d'un prince charmant. Il avait un caractère horrible, il en était bien conscient. Et puis surtout, si ils se mariaient, ils s'enchaineraient l'un et l'autre pour l'éternité. Ca, ça voulait dire beaucoup pour lui. Si tout se passait bien, ce serait le paradis assuré. Mais si quelque chose se passait mal, ça deviendrait l'enfer. Un peu comme ce qu'il avait vécu avec ses parents. Sa mère était enchainée à son beau-père; liée par les liens du mariage. Elle ne savait peut-être rien de l'histoire, mais il restait persuadé que sa mère n'était pas heureuse avec lui. Ce n'était tout simplement pas un homme pour elle. Mais ils partageaient tout; et en particulier une alliance qui les liait pour toujours..
N'empêche que de parler de tout ça avec Ella le soulageait d'une part, mais lui faisait terriblement de mal de l'autre côté. Ella; elle ne méritait pas ça. Ella; elle méritait tout ce qu'il y avait de mieux. Notamment de l'amour à profusion.

Et malgré tout ce qu'il venait de dire, elle l'observait toujours, avec pire; un petit sourire. « Non ce n’est pas bête de penser comme ça… C’est juste que…on est tout aussi libre dans le mariage. Je veux dire une séparation avec ou sans mariage c’est douloureux, ça se décide de la même façon… ». Elle n'avait pas faux, dans le fond. Qu'ils se séparent en divorçant ou qu'ils se séparent comme ça, ça changeait quoi? Des heures de galère en moins dans la deuxième solution, mais après? Le résultat serait le même; leurs coeurs seraient brisés. Oui, mais ils seraient brisés, mais libres. Et ça, ça changeait tout. « Mais je ne veux pas que tu te sentes prisonnier d’un mariage... ».  Elle s'approcha de lui, et posa sa tête sur son épaule. Ella était ravissante. Son odeur le faisait chavirer. Il posa sa main autour d'elle, et ferma un instant les yeux. « Au moins, on en aura parlé, tu n’as pas à t’en vouloir. ». Il sentit un tendre baiser sur sa joue. Décidément; cette femme était juste parfaite.

Il l'observa un instant avant de poser ses lèvres sur son front. Comment pouvait-il être égoiste à ce point? Comment pouvait-il avoir peur de cette façon? Après tout, pleins de gens survivent au mariage. La mère et le défunt père d'Ella en particulier. Ils avaient été heureux, pleinement heureux. Il soupira un coup, et ajouta alors simplement deux petits mots. « Je m'excuse Ella. Pas maintenant. » Je m'excuse. C'était rare qu'ils disent ces mots, surtout alors qu'il n'avait pas vraiment d'excuse à fournir. Mais il était sincèrement désolé pour elle; elle avait de quoi rêver mieux, et il lui gâchait son rêve. « Mais sache juste que je vous aime, très très très fortement, toi, et notre fils. » Sur ce, il l'embrassa.