I 7 ans.Les pieds qui se balancent dans le vide et les vagues qui se jettent contre le ponton de bois, j'ai le visage tourné vers le soleil. Des larmes au goût d'océan roulent sur mes joues de gamins. J'ai quitté l'église en courant, fuyant les cierges l'odeur d'encens et les gens qui me regardaient d'un air compatissant. Je ne suis pas grand d'accord, mais je remarquais bien la pitié vomitive qui noie leurs regards. Alors, j'ai pris la poudre d'escampettes ignorant mon prénom qui résonnait sur toutes les lèvres alors qu'ils tentaient de me retenir. Je ne comprends pas en quoi sangloter devant un morceau de bois sombre ressemblant à une grosse boîte à gâteau comme chez mamie va pouvoir m'aider. Maman est partie au ciel, on me l'a bien expliqué, alors ce "cercueil" je ne saisis pas à quoi il sert. Moi je sais que ma maman elle aimait venir ici pour regarder la mer. Elle me racontait qu'un jour, elle en était sûre, mon papa reviendrai sur son bateau avec des trésors fabuleux. J'espère qu'il ne reviendra pas finalement, sinon je serais très triste de devoir lui dire que maman est morte. À cette pensée je replis mes jambes vers mon torse osseux comme seuls savent l'être les gamins, me mettant à pleurer bruyamment, la respiration saccadée. C'est un peu après, je ne saurais dire le temps exacte écoulé, qu'une main se pose sur mon épaule et qu'un petit corps vient se blottir contre moi. Je relève des yeux humides vers ma grand-mère, me serrant contre Cameron. " Viens mon chéri, tu ne veux pas un chocolat chaud ? " J'ignore si je pourrais l'avaler, mais je les suis, main dans la main avec mon copain et ma petite mamie qui se dandine dans ses sabots jusqu'à sa maison. Je sais que je vais maintenant vivre avec elle. Et je me demande soudain si elle voudra bien me faire des frites tous les jours. Maman... Tu m'en voudras pas de là-haut hein, si je mange pas beaucoup de légumes ? Promis quand même, je prendrai un peu de courgettes, le dimanche.

II 16 ans. À nouveau sur le ponton, je suis cette fois debout, un lourd sac reposant à mes pieds. Entre mes doigts calleux des heures que je passe à jouer de ma guitare, une roulée se consume alors que j'oublie de la porter à mes lèvres. Le jour fini de se lever, le soleil revenant prendre place dans le ciel et sa lumière m'attriste tellement. Il n'est pas venu, j'ai patienté plus de la moitié de la nuit en espérant le voir, mais rien. Tirant finalement la dernière tafe de ma cigarette je fais demi-tour et m'ajuste mon sac sur l'épaule. Mon porte-guitare dans la main je rejoins la voiture, range mes affaires dans le coffre avant de me mettre derrière le volant. Je m'allume une indus' et me la coinçant entre les lèvres je démarre le moteur. J'ai laissé une lettre à ma grand-mère pour tout lui expliquer. Lui expliquer le besoin de liberté, de tenter ma chance dans les grandes villes. Mon rêve de devenir chanteur bien sûr étant un leitmotiv prédominant. Cependant, alors que les lignes blanches délimitent une à une les kilomètres me séparant désormais de mon petit village, la déception de ne pas avoir vu Cameron me rejoindre reste fort présente en mon coeur. C'est comme si quelqu'un m'enserrait la gorge, m'empêchant de respirer aussi aisément qu'à l'ordinaire. Mais mince quoi, je lui ai écrit une déclaration d'amour sur ses fichus Malboro. Et j'ai même glissé le paquet dans sa boîte-aux-lettres ! Mais il m'a ignoré, n'est même pas venu déclinait ma proposition. Sale lâche, si tu ne voulais pas de moi, si tu ne voulais pas assumer ce baiser qu'on a échangé, tu aurais pu au moins en personne me dire bon voyage. Mais nous deux c'est impossible. J'appuie sur l'accélérateur les dents serrées, je ne reviendrai pas ici avant d'être célèbre et fou amoureux. Enfin fou amoureux de quelqu'un d'autre hein, parce que pour l'instant c'est plutôt emmerdant d'être gay dans ce coin-ci.

III 21 ans.

Citation :

Putain j'en ai fais des conneries. Si tu savais mamie, je m'en veux tellement aujourd'hui d'être parti comme un couard, un idiot d'adolescent qui menait par ses hormones n'en a fait qu'à sa tête. Los-Angeles ? New-York ? Londres ? Paris ? Toutes vues, toutes hais pour leur grandeur et leur peuple anonymes. Les nuits galères à dormir sous les ponts, à jouer dans la rue sans qu'un seul dollar n'arrive dans ma coupelle. J'étais qu'un gamin inconscient de conséquences. Alors, pardon, pardon pour les premières à ne pas t'envoyer de lettre. Et pour les autres à galèrer à t'appeler, te rassurer. Je vais rentrer, honteux, à la maison. Je crois que tu me manques, que mes amis me manquent et que je suis arrivé au moment où la cavale me fatigue. Pourtant, tu me l'as toujours dis, que j'avais l'âme d'un nomade. Alors, peut-être que je repartirais, plus tard, quand j'en aurai à nouveaux marre de tes délicieux ragoûts de lapin que je refuse de manger. Tu t'en souviens que je suis végétarien ? Cameron est partie dit ? Lui dit pas que je t'ai posé la question, tu sais que c'est un peu pour lui aussi que je me suis enfui... Je t'aime mamie, alors dis, il y a toujours un lit moi ?

Je vois les mains de ma grand-mère trembler, des larmes lourdes, bien rondes dévalées ses joues ridées alors qu'elle finie de lire. Comme je ne sais pas faire les choses dans l'ordre je lui ai donné ma lettre sur le pas de la porte. Mais comme je l'espérai elle me laisse entrer, elle me prend dans ses bras. Moi je lâche mes sacs et je me met à pleurer avec elle. Étant donné je suis encore qu'un mouflet trop sensible, un chanteur loupé que les city ont eues vite fait de recracher. " Il est toujours ici mon ange. " " Et merde... " Cinq ans plus tard, auras-tu changé ?