<< Quand tes yeux de miel se mêlent aux miens
Nos cils s'éprennent comme des tout petits chats qui tremblent.>> Miss Acacia - Dionysos

Jouant distraitement avec un brin d'herbe, Zephyr pensait. A quoi ? Elle-même n'aurait pas été capable de le déterminer avec certitude. Elle revoyait les beaux paysages d'Ecosse, son enfance. Puis la Floride et les quelques années de fête qu'elle y avait passé. Elle ne faisait plus attention à ce qui l'entourait, indifférente aux moindres bruits extérieurs. Ses pensées voletaient un peu partout, libres et à des kilomètres de la petite ville qu'était Arrowsic. La dernière chose qu'elle voulait était de repenser à ce qu'il s'était produit la veille. A son intime déclaration faite à celui qu'elle croyait aimer depuis des années. Comment avait-elle pu oser penser que ses sentiments pouvaient s'avérer réciproques ? Il était son cousin, après tout. Un membre de sa famille, semblable à un frère. Un tel amour n'était pas concevable, malsain même. Une chose était sûre : elle s'était fourrée dans un beau pétrin en lui avouant tout ce qu'elle avait sur le cœur. Mais c'était trop tard. A présent il ne lui restait que sa tristesse et ses regrets pour lui tenir compagnie. Une violente douleur lui serra la poitrine, nouant son ventre. Elle revoyait à présent la scène, qui tournait en boucle dans sa tête et envahissait chaque parcelle de son esprit. Elle entendait de nouveaux ses paroles idiotes et désespérées, d'un point de vue extérieur cette fois. Elle se voyait déclarer ses sentiments à quelqu'un qui n'avait aucune envie de les connaître. Pauvre sotte. Pourtant la naïveté ne faisait pas partie des défauts de la jeune fille, bien au contraire. Comme quoi, elle arrivait encore à se surprendre.

Le temps aurait pu défiler à une vitesse folle qu'elle ne s'en serait pas rendue compte. Emergeant finalement de sa profonde "réflexion" intérieure, Zephyr n'aurait pu dire combien de temps s'était écoulé. Plusieurs heures ou quelques minutes, elle n'en avait strictement aucune idée. Elle posa un regard vide sur le paysage qui l'entourait, réalisant peu à peu où elle se trouvait. La fête foraine, encore ? C'était ici-même qu'elle se trouvait la veille. Elle ne se rappelait même plus s'être levée le matin, et encore moins s'être déplacée jusqu'ici. Ce comportement ne lui ressemblait pas, peu habituée à cette passivité morbide dont elle ne se rendait même pas compte. Mais peu lui importait pour le moment. Son regard continuait de se balader sur les alentours, et s'arrêtèrent avec un intérêt distrait vers quelques ateliers de cirque. Un homme attira particulièrement son regard, bien que ce dernier ne soit pas vraiment attentif à ce qu'il percevait. Le jeune homme était d'une agilité surprenante, et s'élançait dans les airs comme s'il avait fait ça toute sa vie. C'est alors que le visage du concerné se détacha du ciel. Zephyr manqua de s'étouffer. Le souffle court, elle se leva. Etait-ce vraiment possible, ou n'était-ce qu'un simple effet d'optique ? Non. Il lui ressemblait bien trop. Décidée à en avoir le cœur net, elle s'approcha de la pelouse occupée par les artistes. Son attention entièrement concentrée sur le jeune homme, elle ne parvint pas à s'empêcher d'émettre un léger cri de surprise. Ses yeux avaient croisé les siens. Des yeux qu'elle aurait reconnu parmi des centaines d'autres. « Guillermo ? » Bien qu'elle ne doutait plus de l'identité du jeune homme, elle s'était sentie obligée de prononcer son prénom à voix haute, histoire de vérifier qu'elle ne rêvait pas, ou pire, ne délirait pas. Ses mouvements souples et gracieux l'émerveillaient, et elle continuait de l'observer avec un plaisir curieux. Peu à peu, la surprise laissa place à un soulagement apaisant.