Jill Strugatsky
Abbey
Arrowsic, Maine

Cher Colton,
Je sais que ça fait des années que nous ne sommes parlés. Je sais que tu ne veux pas me parler. Tu as sans doute tes raisons, je n’en doute pas. Je ne sais pas pourquoi je t’écris, en fait. J’aurais aimé te parler, mais j’ai l’impression que ça n’est pas réciproque. Au moins, tu sais que je suis là, à Arrowsic. Ça fait un bout de temps que je suis ici, en fait. Je me demande bien comment on a fait pour s’éviter. On est peut-être trop invisibles, l’un pour l’autre, je ne sais pas. Invisibles… Ce mot m’a toujours fait peur. Peut-être que j’ai peur parce que c’est ce que je suis. Invisible. Je suis sure que tu me comprends. Tu m’as toujours comprise, Colton. On s’est toujours compris, n’est-ce pas ? Je veux dire, on était un peu pareils, étant petits, non ? On n’avait pas besoin de se parler pour comprendre. C’était beau, à cette époque. Tu sais, il m’arrive de revenir au temps où nous n’étions que des enfants, avec nos petits sourires innocents, et notre passion pour le dessin. D’ailleurs, je dessine toujours, tu le sais ça ? J’aimerais bien dessiner avec toi, comme avant. Je ne sais plus trop si c’est possible maintenant. Je ne sais plus trop ce que je deviens. Je suis complètement perdue. Je ne sais pas ce que je dois faire. J’aimerais bien que tu sois là, pour m’écouter. Ça me rassurerait beaucoup. Mais bon, je sais que tu n’en as pas envie. Je ne t’en veux pas, je crois. Il faut dire que je fais fuir les gens en ce moment. C’est devenu une habitude… Simplement, j’aurais aimé ne pas te faire fuir. Pas toi, Colton. Tu m’es trop indispensable. Tu sais, tu me manques beaucoup. J’aimerais bien que tout redevienne comme avant. Comme au bon vieux temps. Où tout était si parfait. Je t’ai fait un dessin. J’espère que tu aimeras. J’espère que tu pourras me reparler, un jour. Je l’espère vraiment.

Spoiler:

Ça me ferait vraiment très plaisir si tu répondais.

Je t’embrasse très fort, Abbey.

Jill Strugatsky
Abbey
Arrowsic, Maine

Colton, mon tendre Colton,
Quand je lis tes mots, mon cœur se serre également. Très fort. Tu me transportes dans un autre univers, dans un autre monde, dans un autre temps. Et ça me fait tellement de bien, si tu savais. Colton, je n'ai pas besoin de tes explications. En fait, je ne veux pas savoir, je crois. Je crois surtout que j'ai peur d'affronter la réalité. J'ai peur de la réalité. J'ai peur de ce que je suis. De ce que j'ai été, surtout. Je crois que j'ai dérivé. Mais c'est fini tout ça. La Abbey que tu as fui est partie. Pour toujours. C'est pour cette raison que je suis revenue à Arrowsic. Pour me retrouver. Pour aller mieux. Je ne sais pas pourquoi je te dis ça en fait. Peut-être que tu t'en fiches, après tout. Mais j'avais besoin d'écrire. J'avais besoin de tes mots. J'avais besoin de toi, Colton. J'ai toujours besoin de toi. J'ai toujours eu besoin de toi, en fait. Tu représentes un peu mon enfance. En tout cas, tu es en grande partie responsable de mes années de bonheur. Je pense que tu le sais. J'ai toujours tenu énormément à toi. C'est pour cette raison que je te pardonne. Je tiens tellement à toi, et je ne peux pas t'en vouloir. C'est comme ça. Mais je comprends. A ta place, j'aurais aussi fui, peut-être. Pour éviter de souffrir. Tu as sans doute évité de souffrir. Je l'espère, en tout cas. Quand j'y réfléchis bien, je pense que j'aurais dû fuir, moi aussi. Fuir ce monde. Avant qu'il ne soit trop tard. Mais je n'ai pas été aussi intelligente que toi. Mais Colton, sache-le, je ne t'en veux pas. Je ne t'en voudrais jamais. Tu es bien trop important. Oui, tu as raison. Le temps a changé. Et nous aussi. Cela n'empêche que ça fait toujours autant de bien. C'est dingue. Je pourrais passer ma journée à écrire, si je le voulais. A t'écrire. A toi seul. C'est seulement avec toi que tout devient si magique. C'est fou. Mais j'adore ça, vraiment. Oh tu me flattes Colton ! Pour tout t'avouer, cela fait des années que je n'ai pas dessiné, par manque de temps. Mais je suis contente que ça te plaise. Colton... Tout ce que je veux, c'est t'écrire, et te parler. C'est tout ce dont je souhaite. Et je le fais à cœur joie. Chaque lettre que je reçois de toi me donne une force folle. Alors oui, je vais continuer à t'écrire, Colton. Parce que ça fait énormément de bien. Parce que je pourrais faire ça toute ma vie. Et aussi parce que je veux retrouver ce que nous étions avant. Deux âmes innocentes. Deux enfants. Deux cœurs. Deux corps. Nous. A tout jamais.

Avec tout mon amour, Abbey.

Jill Strugatsky
Abbey
Arrowsic, Maine

Mon doux Colton,
Tes mots sont tellement beaux, tu vas finir par me faire rougir. Mais continue à écrire, cela me fait tellement de bien. Tu as toujours eu raison. On sera toujours liés, je te le promets. On l'a toujours été. On le sera toujours. Toi et moi. Ensemble. C'est tout. Je t'aime beaucoup Colton, si tu savais. J'aimerais tellement te prendre dans mes bras, m'allonger à côté de toi sur la plage, explorer la forêt avec toi, courir dans les plaines sans se soucier du reste du monde. J'aimerais beaucoup tout ça. Mais je sais qu'il faut que je me montre patiente. Je t'attendrais, Colton. Je t'attendrais, jusqu'à ce que tu sois prêt. Aussi longtemps qu'il le faudra. Nous avons tout notre temps. Nous avons la vie devant nous, n'est-ce pas ? C'est ce que je m'efforce à croire tous les jours. Oh, je t'ai compris toujours, tu sais. Et toi aussi. Nous vivons dans le même monde, ne l'oublie pas. Dans notre monde, qui est si beau, et si effrayant à la fois. Je serais toujours là. Toujours. Quoiqu'il arrive. J'aimerais te dire que je vais bien, j'aimerais te dire que je me suis remise de New York, et que je peux continuer à sourire, comme avant. C'est ce que je fais à croire à tout le monde, que je suis heureuse. Mais à toi, je peux le dire : je ne le suis pas. J'ai essayé, tu sais. Vraiment. Et j'essaierais toujours, jusqu'à ce que j'y arrive. Au fond de moi, je garde toujours espoir. Il y a une petite étincelle, qui me pousse à avancer. J'espère seulement que cette étincelle ne s'éteindra pas... Alors oui, j'essaye d'avancer, chaque jour. J'essaye de faire un pas avant. J'essaye d'aller vers les autres. Je ne sais pas ce que je dois faire, en fait. J'ai l'impression de ne plus rien contrôler. J'ai l'impression de voir ma vie défiler, sans même pouvoir la changer. Je ne sais pas ce qu'il me faudrait. Je sais que j'ai toujours eu besoin des autres, pour être heureuse. Mais ce n'est pas aussi simple que ça. On m'en veut, Colton. On m'en veut d'être partie, sans rien dire. Et maintenant, certains m'ont oublié. Certains ne m'en veulent pas. Certains sont là pour moi. Ça fait du bien, tu sais, d'avoir des gens autour de soi. Alors pourquoi je me sens incroyablement seule ? Je pense que j'ai besoin de toi, Colton. Je pense que tu me manques énormément, et que ce manque s'accroit de jour en jour. Savoir que tu es là, à quelques kilomètres de moi, fait battre mon cœur un peu plus fort. J'aimerais te chercher dans tout Arrowsic. Mais je ne le ferais pas. Je sais qu'il faut que je sois patiente. Voilà, tu sais tout. Je sais que je peux te faire confiance. Tes mots me font sourire, Colton. Je me demande à quoi tu ressembles. Si tu as grandi. Si tu as toujours les cheveux bruns. Si tu as toujours cette douceur sur ton visage qui m'attendrissait, autrefois. Crois-moi, je ne suis pas certaine que la grande pomme soit une ville faite pour nous. Enfin je sais que pour ma part, je l'ai définitivement rayée de ma vie. Qu'en penses-tu Colton ? Tu n'aimes pas Arrowsic ? Dis-moi tout, je veux tout savoir. J'aime savoir que tu es encore là, et que je suis encore là, dans tes pensées. Je crois que nous sommes deux âmes solitaires. J'ai l'impression de me voir en te lisant. C'est dingue. Tu me ressembles encore plus que je ne le pensais. Ça fait du bien de savoir que tu me comprends, et je te comprends, moi aussi. C'est promis, Colton. Je t'écrirais, jusqu'à ce que je ne puisse plus. Je t'écrirais autant qu'il le faudra. Oui, deux enfants perdus dans le monde des grands. C'est bien ce que nous sommes. Au moins, pour une fois, nous ne sommes pas complètement seuls. Je sais que tu es là, aujourd'hui. Et j'espère que tu ne me quitteras plus. J'ai besoin de savoir que tu resteras toujours à mes côtés. Car j'ai besoin de toi Colton. Irrémédiablement.

Tendrement, Abbey.

Jill Strugatsky
Abbey
Arrowsic, Maine

Mon cher Colton,
A chaque fois que je reçois une lettre de ta part, mon cœur s'emballe et s'accélère. Je ne pouvais pas imaginer à quel point des mots pouvaient me réconforter et m'apaiser. Tes mots sont magiques, Colton ! Quand je te lis, je me coupe du monde entier, je me plonge dans ton écriture, dans ton doux papier, dans ton doux parfum que tu laisses sur ta plume. C'est comme une drogue, une addiction. Oh, je ne m'en lasse vraiment pas, Colton. Ah, j'aurais aimé te dire que j'allais bien, moi aussi. J'aurais pu, en fait. Mais te mentir à toi, mon ami de toujours, c'est au dessus de mes forces. Je ne pouvais pas. J'aurais pu te dire, comme à d'autres, que tout allait bien. Mais je pense que je te dois la vérité. A toi, je peux te la dire. Je sais que je peux te faire confiance. Tu n'es pas idiot. Pourquoi serait-ce idiot de croire en ses rêves, de croire en la vie ? Croire. Comme j'aimerais y croire, moi aussi. Tu en as de la chance, Colton. Ne perds pas tes rêves, garde espoir, et tiens bon. C'est ce qui rendra ta vie magique. J'en suis persuadée. Tu sais ce que je pense ? Je pense que te retrouver serait la meilleure des choses qui puisse m'arriver. Peut-être que je me trompe, mais je ne pense pas. Rien que penser pouvoir te revoir et te serrer dans mes bras un jour provoque des frissons partout dans ma peau. Si tu savais comme j'en ai envie... Mais je sais que pour le moment, il faut attendre. Encore un peu. On a la vie devant nous, n'est-ce pas ? J'essaye d'y croire. J'essaye de croire que j'ai le temps. Qu'on a le temps. Que le temps nous appartient. De toute façon, rien ne pourra nous arrêter. Ensemble, on sera plus fort. Je te le promets. S'il te plait, non, ne pars pas, Colton. J'espère que tu resteras ici pour toujours. Et je sais que je m'attache, encore une fois, mais je ne peux m'y résoudre. Je veux que tu restes. Et c'est peut-être égoïste de penser ça, mais j'espère que tu vivras à Arrowsic pour toujours. Comme avant. S'il te plait... Je t'aime énormément, moi aussi, Colton. Je l'ai toujours fait. Ton dessin est magnifique, Colton. Une bouffée de chaleur m'a envahie en le voyant. Je l'ai conservé très précieusement dans ma chambre, en souvenir de notre belle amitié. Je veux te revoir, maintenant. Sentir ton parfum, sentir tes bras contre les miens, sentir ta présence, tout simplement. J'en ai tellement envie, mon Colton. Quand seras-tu prêt ? Penses-tu l'être un jour ? Je suis impatiente, je suis désolé. Tu sais, moi aussi j'ai peur. Mais on affrontera ça à deux. On peut le faire, n'est-ce pas ? En tout cas moi j'y crois. Très fort.

Je t'embrasse, Abbey.