L'expression c'est de famille semblait ne s'être jamais plus appliquée dans mon cas qu'en cet instant. La planète Terre tournait. Beaucoup trop vite. Les rouages de mon esprit s'entrechoquaient en essayant de suivre le rythme, mais c'était trop rapide. Je perdais pied. Installé depuis bien un quart d'heure sur un rondin en bois, une canette ou deux de bière vides trainant nonchalamment à mes pieds, je m'abîmais dans la contemplation des nuages qui se poursuivaient, tentant désespérément d'oublier. De m'oublier un peu. Me parvenaient la voix du maire et les applaudissements de la foule, mais je n'y prêtais que très peu d'attention. Juste suffisamment pour rire du discours de l'homme du village, emprunt d'hypocrisie à peine voilée. J'avais conscience du sourire cynique qui se dessinait sur mes lèvres. Peut-être n'avais-je pas assez bu ? L'alcool dilué dans mes veines, coulant dans mon sang, n'anesthésiait pas encore mon sens de la réalité. Je m'accrochai alors à mon énième canette avec fièvre, tandis que dans ma gorge se répandait la brûlure de mon précieux breuvage. Sur ma langue, la bière laissait un goût amer - quoi que je ne fusse pas certain que la bière en fut l'unique responsable. Il y avait tout cela. La fête, les habitants qui se souriaient les uns aux autres, qui s'inviteraient bientôt à danser, qui mangeaient, qui buvaient. Cela ne me convenait pas. « Hurtwood, le laissé à l'abandon, le fracassé... » A peine un murmure, juste un souffle dont je connaissais chaque note. Pourtant, j'eus un mouvement de surprise, un sursaut. Abîmé dans mes pensées de vilain petit canard, j'en avais oublié la présence d'êtres chers. De l'être le plus cher. Lonie n'attendit pas la moindre réaction de ma part, s'installa à mes côtés en glissant son bras sur le mien, en ce geste si touchant qu'elle avait parfois. Souvent. Tout le temps, en réalité. Alors je lui souris. Parce que je savais qu'elle lisait en moi, et qu'elle comprendrait. « Alors tu es quand même venu, mon beau... » soupira-t-elle, son regard butant sur mes amies les canettes. « Après combien de bières, hein ? » et puis, elle rit. De ce rire qui me chauffait le cœur, celui qu'elle avait lorsque je lui parlais d'Amsterdam. En réaction, je pris l'air le plus innocent que j'avais en réserve, et je passai mon bras autour de ses épaules, l’amenant contre moi. La bière à la main, je pointai les convives, tous agglutinés vers l'estrade où le maire finissait son - si beau, non ? - discours. « Ils boivent ses paroles. » remarquai-je, la voix perplexe, les yeux lourds. « Tu crois qu'ils se nourrirraient des miennes si j'étais mieux habillé et que j'étais sur la scène ? » questionnai-je ensuite avec un rire jaune, tandis que je me redressai. Je savais qu'elle me retiendrait, qu'elle m'empêcherait de me donner en spectacle. Quoi que ses efforts fussent vains, je le savais. J'étais déjà le spectacle, et elle y participait en m'aimant comme elle le faisait.

Ce soir avait lieu le bal de la commémoration à Arrowsic. Bien entendu, j'avais décidé d'y aller. Cette ville était pour moi une ville qui compte vraiment énormément et je me devais d'y aller, au moins pour ma mère. « Prenez par conséquent le temps de vous arrêter dans la grande bibliothèque de la mairie où vous y trouverez, au même titre que les années précédentes, les albums photos et souvenirs des générations passées ; générations qui ont aidé à faire de Arrowsic ce qu'elle est aujourd'hui... » Comment ne pas penser à elle lorsque ses mots viennent de sortir de la bouche du maire. Elle n'est plus présente parmi nous et la phrase de Monsieur le maire, me fait vraiment pensé à elle. Pendant que la majorité des gens présents ici, sont dans un silence des plus complet en train d'écouter attentivement les paroles de notre représentant. Pour ma part je fais demi-tour et me retrouve un peu plus éloigné de l'assemblée. Je ne suis pas très loin, j'entends encore tout ce qui se dit. Seulement, je suis derrière tout le monde ce qui me permet de passer inaperçus. Je ne veux pas pleurer devant tous ses gens. A quoi sa servirai ? J'ai d'ailleurs pris une bière au passage et je suis là, à écouter les paroles d'un homme, à boire une bière tout en étant seule. Toujours seule...

« Mesdames, mesdemoiselles et messieurs, bonsoir. Comme chaque année à Arrowsic a lieu le bal de la commémoration. » Je n’avais pas assisté à ce bal depuis mon départ d’Arrowsic – question de logique – et pourtant ce soir je n’avais en rien le cœur à la fête. Depuis des jours durant, je n’avais pas revu Nate et cette absence ne laissait présager rien de bon. Compressée dans la foule de monde se bousculant sur le parvis de la mairie, je tentais tant bien que mal de me rapprocher de l’estrade donnant de petits coups de coude de-ci de-là.
J’avais mis des heures à me préparer, à choisir la robe adéquat et la coiffure qui l’accompagnerais, mais je ne l’avais pas fais pour l’élection de Miss Arrowsic ni-même pour rencontré quelqu’un, la seule qu’il m’était passé par la tête en posant mon regard sur la tenue avait été Nate, je voulais l’impressionner, qu’il me trouve belle, je voulais faire la différence à ses yeux. Malgré tout je m’étais bien trompée. Perdue seule dans la foule je pris rapidement conscience que malgré les quelques mois écoulés depuis mon retour ici je ne connaissais pas grand monde, pour ne pas dire personne. La soirée s’annonçait merveilleusement bien.

« Je tiens néanmoins à adresser mes condoléances les plus sincères aux parents, aux frères et aux sœurs, aux amis, aux voisins, des victimes. » A peine le maire eut-il terminé son discourt que de petits groupes de personnes, toutes plus habillées les unes que les autres, se détachèrent de la foule. Je me mis alors à les suivre, l’œil aux aguets à la recherche du blondinet, plus l’éviter que lui parler. Je ne me sentais pas à ma place ici, les parures et les soirée en grandes pompes représentaient tout ce que j’avais passé ma vie à fuir, tout ce que je détestais le plus dans mon passé parisien. C’est à cet instant, perdu dans cette pensée que je les vis tout deux. Nathanael et Loneleï, je n’avais jamais réellement détestée cette fille mais la vision d’eux ensembles, Nate la serrant par les épaules me fit l’effet d’un électrochoc et après quelque minutes à les observer je pris la direction opposée sans même demander mon reste.

Hermanito, je suis au bal annuel de la commémoration si tu me cherches. On se voit là-bas, de toute façon ?

Et merde. J’avais oublié le bal annuel de la ville dans laquelle je vis depuis mes six ans. La honte. En plus, Tennessee me l’avait rappelé hier, me disant qu’elle voulait y aller. Doublement la honte. Je me précipitais dans ma chambre afin de trouver une tenue correcte. En fouillant bien, je trouvais un pantalon noir que j’avais porté lors du mariage de l’une de mes collègues. Il fera l’affaire. Je cherche encore un peu et je trouve une chemise couleur prune. Parfait. Je repasse le tout rapidement et dès que je suis prêt, je monte dans ma voiture et fonce en direction de la mairie.
« Je souhaiterais cependant, avant de commencer les festivités, adresser une pensée commune à tous ces gens qui ont perdu un être cher durant l'ouragan Ivan. Arrowsic est une grande famille et toutes ces pertes nous touchent personnellement. Je tiens néanmoins à adresser mes condoléances les plus sincères aux parents, aux frères et aux sœurs, aux amis, aux voisins, des victimes. » J’arrive apparemment à la fin du –désormais- mythique discours du maire. J’essaye de me faire le plus discret possible pour ne déranger personne, ce n’est pas mon genre. Je recule donc, pour ne pas me faire voir dès le début de la soirée. Je décide alors de me rendre au bar, c’est toujours là qu’il faut aller quand on ne sait pas trop quoi faire. Le barman me propose toutes sortes de cocktails alcoolisés que je refuse catégoriquement. Je ne bois pas d’alcool. Puisqu’il ne me propose rien qui me plaise, j’abandonne mon refuge. En me retournant, je vois ma petite Tennessee assise au loin. D’ailleurs, si je n’étais pas aussi désespéré de ne trouver aucune boisson me convenant, je ne l’aurais même pas remarquée. Pourquoi donc se cache-t-elle ? Je m’avance tranquillement vers elle et je remarque de suite son air triste. « C’est de ne pas m’avoir vu de la journée qui te rend triste ? » Bien entendu, je savais que ce n’était pas la raison de sa tristesse mais je n’étais pas le meilleur pour remonter le moral des gens, alors j’utilise la plaisanterie.

J'étais toujours toute seule, dans un coin assez loin du reste de la population. D'ailleurs porter une robe comme la mienne et être assise comme je le suis avec une bière à la main ne font pas bon ménage. Si des gens me voient, ils doivent vraiment me prendre pour une dépressive. Mais à dire vrai, je m'en fiche complètement. Au bout d'une dizaine de minutes, je sentis la présence de quelqu'un. Puis entendis ses paroles. « C'est de ne pas m'avoir vu de la journée qui te rend triste ? » Leandro. Bien entendu, ça pouvait être que lui. Sa remarque me fit sourire. Il venait de me remonter le moral en deux secondes top chrono, en n'ayant dit qu'une petite phrase. Je lui fis alors un petit sourire avant de lui répondre. « C'est exactement ça, comment tu as deviné ? » Bon d'accord ma réponse est nul et je sais qu'il sait parfaitement que ma réponse n'est pas sincère. D'ailleurs sa question n'était pas sincère non plus. Mais il est tout de même arrivé à me redonner le sourire. Certes un petit sourire, mais un sourire quand même. « Ça va toi sinon ? » Lui demandai-je dans un sourire qui se voulait sincère. Je savais parfaitement qu'avec la présence de Leandro ma soirée allait peut-être mieux se finir qu'elle avait commencé. Il était là et juste avec une petite phrase il était arrivé à me redonner le sourire. Je posa alors la bouteille de bière par terre et me voilà prête pour passer une super soirée...

Le bal de quoi ? Encore une idée farfelue de ces habitants. Décidemment, ils ne manquent pas d’imagination ici et là. Voilà bien là les pensées qui se baladèrent dans l’esprit de Lip. A peine venait-elle d’arriver qu’une foule vivante s’était dessinée en cercle autour du maire. La jeune femme se tenait éloignée de toute cette agitation. Gardant un certain œil sur ce qu’il se disait tout de même. A chacune des phrases prononcées par l’homme d’un certain âge, un soupire s’échappait méchamment de la bouche de Lip. Bien entendu, ça ne l’enthousiasmait pas tout cela. Un piètre spectacle pour la jeune femme. Oui voilà, c’est cela : un piètre spectacle. Et l’acteur principal ? Le maire. Elle n’avait nulle idée de qui il était, il n’était qu’un… inconnu pour elle. Inconnu. Comme cette fameuse soirée qu’elle allait passer ce soir. Tout cela avait un arrière goût de première fois. Ce bal de la commémoration n’avait vraiment rien à ce genre de soirées auxquelles elle avait prit goût. A croire que c’était une façon comme une autre d’occuper les rentiers, voilà bien là ce que pensait la jolie blonde de ce fichu bal. A vrai dire, elle ne prêtait guère attention à ce qu’il disait et après murmure réflexion, elle ne savait pas vraiment ce qui l’avait poussé à venir ici. Une chose est sûre : au moins là, elle n’avait pas à se balader avec son meilleur ami, lui tenant la main. Oui, elle n’avait pas besoin de le sortir, vous savez comme on le fait avec un chien. Avec soulagement, Lip put constater que le monologue tenu par le maire fut terminé. C’était facile de le deviner à vrai dire : c’était le moment où il se taisait enfin pour une bonne fois et l’instant précis où les applaudissements retentirent. C’était presque résigné qu’elle se mit à applaudir. Le geste était mou et vraiment sans enthousiasme. A l’inverse de toutes ces personnes. Un dernier soupir s’échappa de la bouche de Lip. Puis, elle se mit à faire quelques pas. S’approchant de plus près de tous ces visages inconnus. La jeune femme se posa prêt d’une petite buvette de fortune. Pouvant constater que tout cela n’avait rien à avoir avec l’environnement qu’elle chérissait tant. Aussitôt, elle commanda une boisson. Après quoi, elle attendit sans un mot, regardant avec une étrange curiosité toute cette animation qui s’agitait autour d’elle.

Son verre de whisky en main, Lip fut forcé de constater le dépaysement total. Ici, pas de tête connue. Juste des inconnus. L’odeur du luxe et de l’argent était quasi-inexistante ici. Ca n’avait rien de si contemporain pour la jeune femme. Dépaysement total, oui. Et elle ne trouvait en cela rien d’exaltant. Ils n’avaient rien à envier selon elle. Elle porta délicatement son verre à ses lèvres, buvant quelques gorges de sa boisson. L’air ailleurs, elle continua d’examiner avec attention toutes ces marionnettes qui l’entouraient. Puis il y eut une voix. Cette voix. Une voix étrangère et douce. Celle-ci vint alors tirer Lip de ses pensées. La jeune femme tourna légèrement la tête vers son interlocutrice. Un silence. Elle prit le temps de la dévisager. « Tu te demandes ce que tu fais là, toi aussi ? ». Ca, c’était ce qu’elle venait de lui dire. Oui, c’est vrai, elle se demandait ce qu’elle faisait là. Et la pathétique idée de tourner les talons et de rentrer chez-lui lui était venue plus d’une fois. Mais Lip ne prêta guère à ces paroles, mais dévisagea longuement cette jeune fille. Cette fille venue de nulle part qui semblait avoir décrypté Lip. C’était sûrement une façon comme une autre d’aborder les gens. Une coutume d’ici. Une coutume locale. Après quelques secondes, peut-être bien quelques minutes, elle prit le temps de répondre. « Hmm, oui. C’est bel et bien la question que je me pose vois-tu. » dit-elle calmement, hochant doucement la tête. Son attention se reporta alors une nouvelle fois sur son verre. Objet qu’elle déposa. Elle lança quelques regards vers la jeune fille qui lui tenait alors compagnie. « Disons que… ça me dépayse. » répliqua-t-elle. Haussant les épaules. Elle l’avait dit : ça l’a dépayse, mais cela, sincèrement, on l’avait compris. Et pour Lip, la soirée allait être mortelle. Mortelle d’ennui. Le silence s’imposa aux deux jeunes femmes et leur conversation s’éteignit à petit feu.
Lip but une nouvelle fois. En fait, d’après elle, il n’y avait que cela à faire : boire. A croire que c’était une façon de s’occuper. Pour certains, ce bal, c’était comme LA soirée de l’année. Vous savez : le rendez-vous à ne pas manquer. Et une nouvelle fois, elle fut tirée de ses pensées, elle fut tirée de son ennui. Cette fois-ci, ce ne fut pas des dires, mais un geste. Une bousculade plus précisément. Décidément ici, les personnes avaient de drôle de manière d’aborder les gens. Aussitôt, la jeune femme qui l’avait bousculé s’excusa. Un sourire s’était alors dessiné sur les lèvres de cette inconnue. Lip porta son attention sur elle. Un rictus vint alors tirer les fines lèvres de Wheelers. Non, ne pas s’énerver. Il fallait essayer de se socialiser avec ces personnes. « Ce n’est pas grave. ». Alors Lip s’efforça de se montrer ‘aimable’, dessinant un doux sourire sur son visage.

J'arrivais à la place centrale, devant la mairie, alors que le maire commençait à peine son discours. Tous les ans, à la même date, se déroule le bal de la commémoration. Tous les ans, à la même date, il y a énormément de monde. Il faut dire que tous les habitants de la ville aiment Arrowsic, consciemment ou non. Et pourtant, tous les ans, à la même date, je reste étonné devant la foule qui se forme sur la plus grande place de cette si petite ville. Je n’ai que très peu de souvenirs d’Hawaï mais je ne me souviens pas d’autant d’unité entre les habitants. Bref, j’écoute le discours du maire d’une seule oreille. C’est pratiquement le même tous les ans, seulement, cette année il y a rajouté l’hommage aux disparus de l’ouragan Ivan. Heureusement pour moi, je n’ai perdu personne de très proche dans cette tragédie, mais ce n’est pas le cas de tout le monde et je respecte leur deuil. C’est pourquoi, lors des quelques minutes de silence, je n’ose même pas bouger de peur de déranger qui que ce soit.
Dès que les mouvements reprennent, je me remets à la recherche de ma meilleure amie, Robyn. On avait prévu de s’y retrouver, mais il m’était impossible de la voir au milieu de toutes ces personnes. Et il fallait absolument que je la retrouve, puisqu’on avait parié ! J’étais persuadé qu’elle n’était pas capable de mettre une robe. Je marchais et tournais ma tête de chaque côté afin de l’apercevoir et au lieu de ça, je voyais des têtes, connues certes, mais pas les têtes que j’avais envie de voir. A vrai dire, il y avait Zachary, mon demi-frère, près de la piste de danse. Pour le fuir, je décidais de me rendre au bar. Je trouverais certainement quelqu’un qui m’aidera à fuir mon enfoiré de demi-frère. Arrivé au bar, je vis –sans être étonné- Abbey, ma cousine. Un grand sourire vint illuminer mon visage. « Abbey ! Comment tu vas depuis tout ce temps ? » J’étais content de la voir, puisqu’effectivement, la dernière fois datait d’un bon moment. Alors que j’allais entamer une conversation avec ma cousine, une voix intercepta mon attention. « Alors Bey, on ne dit plus bonjour à ses vieilles amies ? » Je me retourne doucement et là, le choc. « Putain Robyn ! T’es… Wow, putain ! »

Marchant lentement, à la suite de certains groupes se détachant de la foule, je pris sur moi de faire un tri évasif dans le brouillard de mes pensées. Nate et Lonie, Lonie et Nate, depuis que notre histoire c’était terminée les ragots allaient bon train sur eux. Et bien que, durant toute mon enfance j’ai pris soin de ne jamais accordée la moindre importance à ce genre de langues de vipères, je ne pouvais qu’être blessée par ce que j’entendais et voyait même de mes propres yeux. Pourtant j’avais cette étincelle, cette petite voix intérieur qui me dictais de croire en moi, de croire encore en notre amour à tout les deux.

Perdue dans l’océan chargé de tristesse je le remarquais à peine lorsque le blondinet et la brune canon qui lui servait « d’amie » passèrent à quelques enjambées de moi. Puis je fus surprise de le voir s’arrêter près d’un groupe de trois jolies demoiselles et encore plus lorsque je l’entendis leur lancer « Tiens, trois blondes pour le prix d'une. Un verre ? » Ce qu’il pouvait être idiot parfois, mais c’est aussi cette bêtise de gamin que j’aimais tant chez lui, ces bêtises qui seraient capables de me faire craquer d’un instant à l’autre. Aussi une fois qu’il eurent pris de la distance je m’élançait à la rencontrer des demoiselles et ne mis que quelques minutes à reconnaitre la belle Abbey Strugastsky, rencontrée dans un bar à mon retour à Arrowsic et revue parfois dans ma boutique. « Salut Abbey ! Les filles.. Il faut l’excuser, Nate n’est comme qui dirait, pas vraiment dans son assiette ces derniers temps » puis fixant Aby du regard j’ajoutais a son attention « tu le connais, tu sais comment il est quand ça ne va pas… ». Je joignis un sourire à mes paroles dans l’espoir que les trois jolies blondes ne tiennent pas rigueur au blondinet de son comportement mal placé. « Au fait moi c’est Celestine.. » dis-je en tendant la main a Robyn avant d’adresser à Lip Wheeler quelques mots « Il me semble qu’on se connait déjà aussi, ravi de te revoir.. »

Après mes quelques paroles que je trouvais bien ridicules pour remonter le moral de quelqu’un, je vis un sourire apparaître sur les lèvres de ma petite-amie. Ce n’était pas le plus grand sourire du monde, mais je savais qu’il était sincère et c’était le plus important. « C’est exactement ça, comment tu as deviné ? » Contrairement à son sourire, sa remarque n’était pas ce qu’il y avait de plus sincère, mais ce n’était pas le lieu idéal pour parler de nos problèmes alors je fis comme si je ne l’avais pas remarqué, c’était le mieux à faire. « Ça va toi sinon ? » Je lui lançais un sourire à la Leandro Dos Santos, c’est-à-dire, un sourire rayonnant, charmeur, parfait. Il faut savoir que je vais toujours bien. Quelques soient mes problèmes, dès que je passe le pas de ma porte, j’oublie tout et je souris comme si ce jour était le dernier. « Tu me connais, je vais toujours bien. »
Mon attention se reposa sur le bruit derrière moi et je décidais qu’il ne fallait pas que l’on reste toute la soirée, affalés sur un petit rondin de bois, à l’écart de la foule. N’étions-nous pas venus pour faire des rencontres, danser, boire, s’amuser, quoi ? Je me levais et tendis ma main à la jolie blonde qui me faisait désormais face. « Tu as l’intention de rester là toute la soirée ? Parce que je doute que tu aies mis une aussi jolie robe pour plaire aux fourmis, n’est-ce pas ? » Je lui lançais un énième sourire, espérant arriver à la convaincre de bouger un peu. « En plus, je meurs de soif ! »

La question de la jeune inconnue vint raisonner dans la tête de Lip. Bien entendu, elle était nouvelle. La réponse allait même de soi. A vrai dire, la jeune femme ne prit même pas la peine d’y répondre. Observant attentivement cette inconnue, elle nota que cette dernière fut éprise d’une gène naissante. C’est alors qu’elle reprit aussitôt la parole. A peine venait-elle de finir sa phrase que Lip répliqua. « Ne t’en fais pas pour ça. ». Phrase brève ponctuée par un sourire. Signe de politesse voyez-vous. Après quoi, elle reprit son verre. Nouvelle activité favorite en ce temps ennuyeux, il fallait croire. La femme d’affaire resta silencieuse, posant sans regard tantôt sur la jeune femme qui se tenait à sa droite, tantôt sur celle qui se tenait à sa gauche. C’est ainsi qu’après quelques paroles échangées entre elles, elle constatait qu’elles se connaissaient. Plutôt bien à noter la familiarité des mots employée par la jeune femme qui l’avait bousculé quelques minutes auparavant. Le dépaysement était plus que total pour la jeune femme. Et toutes ces têtes inconnues qui s’approchèrent du petit trio rendirent la jolie blonde un peu plus méfiante et sur ses gardes à chaque instant. Sur ses gardes, oui. A en croire le niveau de certaines personnes, oui, il fallait bien être sur ses gardes. Lip arqua légèrement un sourcil lorsqu’un « Tiens, trois blondes pour le prix d'une. Un verre ? » retentit à ses oreilles. Comment pouvait-on tenir de tes paroles, vraiment. C’était bien là, la question qui s’imprégnait sur les lèvres de Wheelers. Et à chaque question, sa réponse. Normalement. Lip cherchait, cherchait oui, mais rien. Ici, c’était un tout autre univers que le sien. Et à cela venait s’ajouter l’incrustation de cet inconnu. Quelques paroles et son « t’es… wow putain. » qui surprit la jeune femme. Un raclement de gorge de la part de Lip et puis un silence. Décidément, elle n’avait pas sa place ici. Entre cette ambiance dépaysante et ces personnages qui semblaient suivre des codes bien particuliers.
Lip secoua légèrement la tête. Se disant que ce n’était qu’un mauvais moment à passer, ou seulement un vilain cauchemar. Ca aurait trop beau pour que ce soit ce dernier choix. Et une jeune femme les aborda. Aborda Lip et ses deux compagnonnes de soirée. C’était plutôt ces deux dernières. Elle ne prêta guère attention à ce qu’elle était entrain de le dire. Après tout, elle ne manquait sûrement pas grand-chose à cette conversation. « Il me semble qu’on se connait déjà aussi, ravi de te revoir.. », c’était sûrement là, la seule chose qui avait captivé son attention. Peut-être bien parce que c’était à elle que ces dires étaient adressés. Lip resta silencieuse, portant son regard sur le visage de cette nouvelle jeune femme. Après tout, elles ne savaient le nom d’aucune. Pour elle, ils étaient tous des inconnus, des personnes sans nom. Néanmoins, ce visage lui semblait familier... « En effet. » dit-elle distinctement, appuyant ses mots par un signe de la tête. Oui, en effet. Elle se connaissait déjà. Son prénom ? Oh, Cé-quelquechose. « J’en suis ravie aussi. ». Quelques mots articulés et un large sourire.