« Euh… Allô ? » Mon portable venait de sonner alors que je dormais encore. Je n’avais même pas pris la peine de regarder qui m’appelait de si bon matin. Ah, il est treize heures ? « Eva, c’est Balian ! Ne me dis pas que tu dormais encore ? » Je me relevais doucement dans lit tout en passant ma main sur mon visage. « Moi ? Mais il est treize heures ! L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt ! » Je me mis instantanément à rire sachant que mon ami n’était pas du tout dupe. N’importe qui aurait remarqué que je venais de me réveiller. « Oh bah oui ! Ce n’est pas ton genre de te lever tard, n’est-ce pas ? » Je rigolais encore en entendant son ton ironique et j’attendis de savoir pourquoi il m’appelait. « Je t’appelle pour te faire une proposition que tu n’as pas le droit de refuser. Tu viens dîner demain soir ? » Il me posait la question, mais au fond, il savait que je n’allais pas refuser. J’aime passer du temps avec lui et j’ai rencontré sa femme une fois, et c’est une femme formidable. J’aime aussi passer du temps avec elle. « Bien sûr ! A quelle heure tu auras besoin de moi ? » Je me mets à bailler très bruyamment et même si ce n’est pas très poli, je sais que Balian ne m’en voudra pas. Après tout, c’est lui qui m’a réveillé. « Vingt-heures ? Viens avec ton mec, je ne l’ai pas rencontré et je vais finir par croire qu’il est imaginaire, tu sais ? » Je rigolais avant de raccrocher. C’est vrai qu’il n’a jamais eu le plaisir de voir mon petit chéri, mais il travaille beaucoup et je le trouve moi-même assez distant depuis qu’on est venus s’installer à Arrowsic. Mais ça, je pense que c’est parce que je l’ai amené loin de chez lui et qu’il lui faut un temps d’adaptation.

Le lendemain.
Je cherche dans tous le loft si ma chaussure ne traîne pas quelque part. Impossible de la trouver et il est déjà dix-neuf heures cinquante-cinq. Je suis déjà en retard, mais je n’ai pas envie d’aggraver les choses. Et impossible de trouver cette foutue chaussure. Tant pis, je change, je prends de simples ballerines noires. J’attrape mes clefs de voiture et je sors en trombe de chez moi, après avoir laissé un petit mot à mon amoureux. « Je suis chez Balian et Rose, rejoins-moi si tu ne rentres pas trop tard. Sinon, à ce soir. Je t’aime » Je n’ai jamais été si affective qu’avec lui et pourtant il est distant. Bref, je me rends rapidement chez les Thompson et c’est avec à peine dix minutes de retard que j’arrive chez eux. Je suis une retardataire née, alors je pense que ça ne va pas étonner mon petit Balian. Je sonne à la porte et j’attends tranquillement que l’on vienne m’ouvrir.

Tout était fin prêt. La table était dressée pour trois, vêtue d’une nappe blanche récemment achetée (peut-être même que c’était la première fois que nous l’utilisions), le couvert était disposé façon restaurant, comme Reed me l’avait enseigné lorsque je travaillais sous ses ordres incessants, un bouquet ornait le tout pour rendre le meuble plus attrayant. Non, Rose et moi n’attendions ni un ministre, ni une star hollywoodienne, et encore moins ma belle-mère Heureusement d’ailleurs, elle me rendait toujours nerveux ! Non, ce soir, nous avions d’un commun accord invité mon amie de toujours à dîner, Evalee. Cela me fait encore bizarre de songer à notre enfance, et de l’avoir retrouvée à Arrowsic tant d’années plus tard, mariés tous deux – ou presque dans son cas. Je me souvenais de tant de choses… tant de flashs qui me revenaient en sa présence. Finalement, force est de constater que le lien que nous avions créé n’avait pas disparu tant d’années après. Que malgré tout, rien n’avait complètement changé. J’avoue qu’il nous avait fallu un peu de tant avant de retrouver nos clins d’œil complices, nos sourires entendus, mais c’était logique ; lorsque nous nous étions quittés, nous venions de rompre après avoir tenté d’être un couple. Nous avions dû constater que l’amitié était meilleure pour nous, après un échec cuisant… Mais passons là-dessus, je ne suis du genre à remuer le passé et à en faire une histoire. Je suis un homme qui va de l’avant, et je suis sûr que nous avions tous deux tourné la page depuis. 10 ans déjà…

Alors que l’heure approchait, je déambulais nerveusement dans le couloir pour diverses raisons. Premièrement, j’étais anxieux à l’idée de partager tout un repas en la compagnie d’Eva et de Rose en même temps, non pas que cette dernière soit jalouse, mais j’étais de nature paranoïaque parfois. Secondement, j’avais finalement du céder à mon épouse lorsqu’elle avait insisté pour préparer le repas du soir. Connaissant l’étendue de ses talents culinaires, j’avais peur que notre habitat ne prenne feu en cours de repas. Au cas où, j’avais en secret déjà tapé le numéro des pompiers, pour aller plus vite… Je plaisante ! Je ne suis pas un mari insupportable, tout de même… Je lui avais laissé le choix des plats, sans même m’informer de ce qu’elle préparait, préférant qu’elle nous réserve la surprise – et je ne doutais pas qu’elle parviendrait sûrement à nous étonner, mais qui sait dans quel sens. Après tout, je me souvenais de tellement de ratés de Rose que j’étais obligé aujourd’hui d’en rire, car c’était franchement touchant de sa part de se donner autant de mal. Je crois qu’au fond, elle le faisait autant pour elle que pour nous, pour me montrer qu’en se donnant la peine d’y arriver, elle réussirait. Et croyez-moi, j’étais le premier à vouloir qu’elle réussisse, puisque j’étais aussi le premier à toucher à ses plats ! Mais pour l’instant, Rose avait quitté les fourneaux pour attendre avec moi sur le pas de la porte. Elle voyait bien que j’étais tendu, et me lançait des sourires engageants. Enfin… je crois.

J’avais appelé Eva’ la veille, un peu plus tard que midi. A entendre sa voix endormie, je n’avais pu m’empêcher de rire. Je l’avais limite forcée à venir, et en présence de son futur mari, désireux de le rencontrer et de me faire un avis – positif je l’espère -, sur lui. Aussi, c’était une raison de plus d’angoisser. Elle était déjà en retard, mais pas de quoi se formaliser ; elle ne changerait sans doute jamais. Lorsque la sonnette retentit, je me jetais littéralement sur la porte, impatient. J’ouvris le rectangle de bois à la volée, un grand sourire aux lèvres, un peu étonné cependant de ne voir… qu’Evalee. Sans son copain. Quoi, on n’était pas assez bien pour qu’il vienne ? Je tirais une rapide moue boudeuse, avant de la prendre dans mes bras. Ma réjouissance l’avait emportée, c’était visible. Je la lâchais et la poussais à l’intérieur, excité comme une puce : « allez, entre ! ». Dans ma précipitation, je ne lui avais même pas laissé le temps de dire bonjour à Rose. « Bon, alors, qu’est ce que tu racontes de beau ? Tu vas bien ? Ou pas ? Le travail, la santé, les enfants ? » J’éclatais d’un grand rire. A vrai dire, je ne me reconnaissait pas dans ce personnage, mais je crois que c’était ma présente façon de repousser le stress et de passer la meilleure des soirées, parce que, finalement, il n’y avait aucune raison pour qu’il en soit autrement.

Eva sa meilleure amie pour l'inviter à dîner ce soir. En gros le lendemain, et avec son mari. Je connaissais assez Eva depuis que nous avions aménagé ici à Arrowsic. En tout cas ce soir allait e^tre une bonne soirée entre amis. C'était l’expression adéquate. Alors j'avais forcément passé ma journée à la maison pour qu'elle soit impeccable. Nous n'étions pas très très ordonnés, bon pas trop non plus bordélique, mais disons qu'il y avait ménage à faire pour que la maison soit propre et convenable. Je ne voulais pas recevoir Eva et son mari dans le fouillis. J'avais donc laissé l'animalerie pour une journée. J'avais confié ma boutique à ma deuxième vendeuse pour la journée. Je lui faisais suffisamment confiance pour ça. Et puis s'il se passait un truc grave elle serait renvoyée.. Quoi que c'était vraiment en dernier recours. Enfin bon.

La journée était passée à une vitesse phénoménale. Lorsque Balian rencontra, tôt pour une fois, du travail, tous était propre sauf moi. J'étais dans son jogging ( parce que j'avais cette manie de lui piquer des affaires qui m'étaient toujours trop grandes ) J'étais du coup montée en vitesse pour aller me préparer. Une bonne douche et une jolie robe toutes simple et noire. Je ne faisais jamais trop de fanfreluches. Lorsque j'étais prête il ne restait plus qu'à faire à manger. Je voulais m'essayer à la recette préférée de ma mère. Un poulet rôti à l'abricot. J'adorais ça et je voulais faire cette recette. Bon maintenant il y avait le soucis du faite que j'étais terriblement une quiche en cuisine mais après tout j'avais le droit de commandé en cachette des pizzas...

En tout cas pour l'instant la recette semblé bien partie et l'odeur aussi. Il restait peu de temps avant que mon poulet soit cuit et que Eva et son mari n'arrivent. J'attendais dans le couloir. J'essayais de la réconforter. Je soupirais de soulagement lorsque j'entendis la sonnerie retentir. Je souriais et je me plaçais dans la salle à manger en attendant Eva. Oh et puis je les rejoignis dans le couloir pour saluer Eva et.. oh bah elle n'était pas avec son mari apparemment..

- Bonsoir Eva !

Je repartis d'un coup en courant dans la cuisine ou j'avais senti un odeur de brûler. Merde ! Mon poulet ! Dix minutes ça passe vite bon sang ! J'ouvris le four ou de la fumer noire en sortie. Ok pour foirer un repas appeler moi. Je pris des maniques pour le sortir. Les abricots étaient tous craqués.. Et le poulet trop sec.

Je n’aurais jamais pensé que Balian serait aussi excité de me voir, il avait l’air très impatient. Et au fond, j’aurais dû m’en douter. Il n’avait jamais été de nature très patient. Je remarquais sa petite moue boudeuse lorsqu’il m’aperçut mais je ne m’en formalisais pas, je devins très vite aussi excitée que lui. « Bon, alors, qu’est-ce que tu racontes de beau ? Tu vas bien ? Ou pas ? Le travail, la santé, les enfants ? » J’éclatais de rire en même temps que lui, il ne m’avait même pas laissé le temps de dire un seul mot, ou même de saluer Rose. Je le pris dans mes bras une seconde fois, heureuse de pouvoir passer du temps avec mon meilleur ami. « Calme-toi, Bali ! On a toute la soirée pour parler ! » Je lui fis un petit clin d’œil complice avant de me tourner vers Rose, qui était sublime tout en simplicité. Balian et elle formaient un très joli couple. « Bonsoir, Rose. » Je lui fis un sourire sincère, contente de la voir également et après m’avoir lancé un « Bonsoir Eva ! » elle s’en alla en courant, certainement vers la cuisine.

Je me retournais vers mon meilleur ami, perplexe. C’est le fait de me voir qui la faisait fuir ? Bon, je me doutais bien que ce n’était pas la vraie raison, mais j’y ai tout de même pensé pendant un quart de seconde. Mon petit Balian –comme j’aimais l’appeler de temps en temps- se rendit dans la cuisine à la suite de sa femme après m’avoir fait signe de le suivre. Je le suivis donc. Arrivés dans la cuisine, une douce odeur de brûlé arriva dans mes narines et un large sourire vint prendre place sur mes lèvres. Je m’approchais doucement et je vis un poulet trop sec et des abricots craqués. C’est dommage, ça avait l’air bon. Je lançais un sourire rassurant à la blonde. « Je suis sûre que c’est très bon ! » Et j’étais plus que sincère en disant ça. Je ne suis une pitoyable cuisinière et je rate absolument tous les plats que j’essaye de faire, j’ai même faillit mettre le feu plusieurs fois. C’est pourquoi quand je me retrouve seule le soir, je préfère commander des pizzas ou chinois ou même sortir manger un sandwich à Subway. Une fois, j’ai voulu concocter un dîner romantique, et il s’est transformé en dîner catastrophe. Le poulet rôti qui avait l’air succulent dans la recette est devenu un poulet carbonisé. C’est donc pour ça que j’étais certaine que le repas de Rose était comestible. « Hein Baloo ? » Baloo est un surnom que je donnais à Balian lorsque nous étions plus jeunes, en référence à mon dessin-animé préféré : le livre de la jungle.

Au moment même où la porte s’était ouverte, j’avais scellé le début d’une soirée qui promettait déjà d’être mémorable. Finalement, passée mon excitation contre nature, Rose trouva un moment pour saluer mon amie d’enfance. D’ailleurs cette dernière semblait fortement s’amuser de mon enthousiasme et répondit à mon éloquence par un éclat de rire significatif. Comme pour surenchérir, elle se sentit obligée de me tanner d’un diminutif gamin, signifiant à la fois que rien n’avait changé, et qu’elle se moquait gentiment de moi. « Calme-toi, Bali ! On a toute la soirée pour parler ! » Je souris, tant intimidé que flatté par l’appellation, bien que j’imaginât Rose en train de pouffer silencieusement derrière-moi. Lorsque je me retournais, pour m’assurer que ce que je considérais comme abstrait était en fait réalité, je constatais que ma chère épouse courait à grand pas vers la cuisine. Mon esprit, encore un peu embrumé par le stress d’avant soirée, prit un certain temps à assimiler le fait devant lequel nous étions confrontés. L’odeur âcre et pesante de la fumée s’engouffra dans mes narines, me faisait prendre conscience de la catastrophe, et, un minimum paniqué, j’enjambais à grands pas les quelques mètres qui me séparaient de la pièce où se situait Rose.

Eva m’y suivit, et lorsque nous arrivâmes tous deux, cela s’imposa comme une évidence : ce qui est (ou avait été) notre dîner venait de se consumer dans le four, après une cuisson trop longue. Je me mordais la lèvre, sans oser reprocher quoi que ce soit à ma femme. D’une part, cela ne m’étonnait pas vraiment que le repas tourne au feu de joie, et d’autre part, je pensais que l’arrivée d’Evalee avait fait perdre notion du temps à la maîtresse de maison. J’adressais à Rose un sourire réconfortant, et ouvrit la fenêtre pour aérer la maison. Je remarquais au passage qu’elle avait prévu un poulet aux abricots, ce qui me toucha encore plus. Non seulement en plus de se donner la peine de tenter de réussir un plat, elle avait choisi une recette à laquelle tenait sa mère. « Je suis sûre que c’est très bon ! Hein Baloo ?» Je me retournais vers mon amie en lui adressant un petit sourire pour la remerciant de son effort, tout en étant un peu gêné par ce surnom datant d’une époque révolue, et qui me ramenait au gamin apprécié que j’étais autrefois (en d’autres circonstances, j’aurais certainement légèrement rougi) – en plus, ce n’était pas son genre de critiquer quelqu’un ; puis je fis quelques pas en direction de Rose pour la prendre dans mes bras. Déposant un baiser sur sa joue, j’ajoutais « Et puis, même si, rien que ton effort vaut la peine qu’on y goûte. » Je lui fis un clin d’œil qui se voulait rassurant, pour ne pas qu’elle s’énerve trop contre elle-même ; si j’avais voulu la décrire en un mot, j’aurais sûrement choisi celui de perfection. Non pas qu’elle soit parfaite, sans aucun défaut, mais plutôt que par fierté personnelle et altruisme, Rose tendait toujours à vouloir rendre les choses merveilleuses par elle-même, autant pour se faire plaisir que pour faire plaisir. Aussi ne lui en tenais-je pas trop rigueur les minces fois où tout ne tournait pas comme elle le souhaitait.

« T’en fais pas chérie, je vais commander quelque chose d’autre, si tu préfère. Vous voulez quoi les filles ? » Je passais de Rose à Eva, de Eva à Rose en attendant une réponse commune de leur part. Reconsidérant l’état de la cuisine d’un œil plus pragmatique et sensé, je considérais que finalement, nous nous en tirions à bon comte. Mis à part le brouillard à l’odeur de brûlé et le poulet raté, rien n’était endommagé. Entraînant mon amie d’enfance hors de la pièce, et laissant à Rose le soin de remettre un peu en ordre la cuisine, je pris le téléphone, effaçait le numéro des pompiers non sans laisser échapper un rire discret, puis composait le numéro qui nous permettrait de sauver le repas.
A la bonne heure, car mon ventre criait famine, ni plus ni moins.