Il était à peine plus de dix sept heures. Je déposais mon sac devant l’entrée. Je poussais un long soupir. Longue journée de cours sans pouvoir me détendre à la piscine. Je n’avais pas entraînement aujourd’hui. D’ailleurs, j’avais du mal à m’y faire. Depuis un certain temps, j’en faisais chaque jour. Avoir du temps pour autre chose me semblait vraiment étrange. M’enfin, j’en avais un demain. « Ella ? Tu es déjà de retour ? » Ma mère semblait aux anges. C’est vrai que j’enchaînais les activités sans passer beaucoup de temps à la maison. Je lui souriais gentiment. Oui, j’étais là. « Eh bah oui, j’ai pas entraînement aujourd’hui… » J’aurais presque rajouté malheureusement mais, elle aurait ragé. Elle a du mal. Pas avec la natation synchronisée mais, plutôt avec le fait que je passe moins de temps dans ses jupes. « On va enfin pouvoir passé un peu de temps ensemble. » Je la regardais, désolée, avec un doux sourire. Eu… Maman, comment te dire que, non ? J’avais autre de chose de prévu. Je voulais prendre des nouvelles d’un ami. Et puis, quitte à l’appeler, je n’en avais pas pour cinq minutes. Son visage changea face à mon expression. « Fait pas cette tête Mam’ ! On passera du temps en famille ce week-end si tu veux. Je dois appeler un ami. » Elle me regarda genre Sherlock Holmes. Je soufflais. « Un ami ? Nohlan ou alors il s’agit d’un petit ami ? » Je prenais mon sac sur l’épaule, montant les premières marches avant de cracher quelques mots. « Un ami, un simple ami. Je te ferais signe quand il y aura quelqu’un. » Elle m’énervait quand elle faisait ça. Nombre de fois où elle avait prêché le faux pour savoir le vrai. Et puis, depuis peu, elle pensait que j’étais attirée par les femmes. Du coup, elle était relativement insupportable.

Une fois dans ma chambre, je jetais mon sac. Je m’étalais sur mon lit avant de saisir mon portable.Je l'appelais. Une tonalité. Une deuxième. Je regardais le plafond. Pourvu qu’il réponde. Une troisième tonalité. « Cassandre ? C’est Ella. » Je souriais même s’il ne pouvait le voir. Enfin? Je suis certaine qu’il percevait mon enthousiasme. Je l’espérais. « Comment tu vas ? » Je regardais le plafond, encore. J’étais soucieuse de sa réponse. Ce n’était pas une simple banalité. Il en avait sans doute conscience. Il faut dire qu’il avait tendance à déprimer ici. Je m’entêtais à vouloir le voir sourire. J’avais sans cesse envie de l’entendre rire. Peut-être parce que le malheur des autres m’affecte. Peut-être parce que j’aimerais que les personnes que j’apprécie voient la vie en couleur.

En tout cas, Cassandre c'est un mec extraordinaire. Et un excellent auteur. C’est d’ailleurs grâce à cela que nos chemins se sont croisés. J’ai adoré lire son livre bien que ce ne soit pas forcément mon univers littéraire. Il a su me transporter. J’ai dévoré son histoire, sans a priori. J’ai compris l’extase de beaucoup de personne autour de ce bouquin. Alors, forcément, en le croisant ici, je me sentais obligée de l’aborder. Même si je n’étais pas une fan hystérique ou je ne sais quoi. Enfin soit, de fil en aiguille, nous sommes devenus amis. Et malgré les quelques tensions qu’il peut y avoir, la faute à nos caractères opposés, je l’apprécie vraiment. Je ne peux pas m’empêcher de prendre de ses nouvelles. De le voir régulièrement.

Cassandre c'était vraiment le garçon à qui je voulais donner un peu de joie de vivre. Je voulais lui montrer à quel point la vie pouvait être belle. Je voulais lui montrer que le Maine n'était pas si terrible. J'étais prête à donner beaucoup pour un sourire. Je crois que plus le temps passe plus il prend de l'importance. Je n'ai pas envie de le perdre. C'est un ami précieux. « J'sais pas trop. Peut-être que c'est le temps, que mon chat est mort, que... Bref, peu importe après tout. What's up? » Alors, forcément, quand je l'entends dire ça, je m'inquiète. Je devine une mine triste. J'ai envie d'être à ses côtés pour dessiner un sourire sur son visage. J'ai la sensation qu'il est prêt pour le pire quand il déprime. Je n'aime pas ça du tout. « Peu importe ? Non, dis-moi, qu'est-ce qui ne va pas ? » J'étais toujours curieuse mais, là c'était de l'anxiété. Anxieuse qu'il déprime, qu'il fasse n'importe quoi. Le besoin de l'écouter. Un truc bizarre en somme.

Je me mets à lui raconter un peu les dernières nouvelles. Mon frère qui me surveille de près. Ma mère qui s'inquiète un peu trop pour moi. Enfin, rien de bien passionnant. Je lui parle aussi des choses qui me plaisent. De la natation synchronisée par exemple. Je suis une pipelette mais, j'espère au moins qu'il écoute. Pour que ça lui change les idées. Ou du moins qu'il évite de ses perdre dans ses pensées. Au téléphone, pour remonter le moral, ce n'est jamais facile. « Et côté sexe, rien de neuf sous le soleil? » Je souris en regardant le plafond. Je ne réponds rien. Je ne m'étais pas attendue à cette question. Il me prend au dépourvu. Et il faut dire que je suis mal à l'aise avec ce sujet. Enfin, non, rien de neuf ? Que pourrait-il y avoir de toute façon ? Pas grand-chose certainement. « Ella? Je déconne hein. C'tait juste une petite boutade en passant... Et sinon, un tour sur la plage, ça te tente? J'me sens seul. Terriblement. » Je n'avais même pas calculé le blanc qui s'était installé. Je me lève de mon lit sans attendre. Je prends ma veste. « Oh mais, ne t'en fais pas je l'ai pas mal pris. » Non ma vie sexuelle était simplement aussi vide que ce blanc. Mais, pour être honnête je ne l'avais mal pris. « Bref, j'arrive ! » Je riais tout en enfilant ma veste. Le téléphone coincé entre mon épaule et mon oreille.

Ma mère avait décidé de me déposer devant la plage. Pour me faire gagner du temps. Il faut dire qu'en me voyant dévaler les escaliers quatre à quatre, elle avait compris que j'étais pressée. Je lui avais dit que je rentrais tard. Qu'elle ne surveille pas mon retour. En fait c'était surtout pour qu'elle ne m'harcèle pas. Je ne savais pas à quelle heure j'allais rentrer. Je ne voulais pas qu'elle m'attende pas pour manger, en ronchonnant. Je descendais de la voiture claquant la portière. Je me dirigeais vers la grande étendue d'eau alors que la voiture redémarrait. Il m'avait indiqué l'endroit précis où il était. Je croisais les doigts pour ne pas me perdre. J'étais trop nulle en orientation. Mais, d'après lui, je ne pouvais pas me tromper. Ouais, ça restait à prouver.

Il me fallut quelques minutes avant de le retrouver sur la petite crique. Je ne m'étais pas perdue, miracle. Ou plutôt excellentes indications. Il me faisait dos. Son regard semblait se perdre dans les vagues. Le soleil se couchait sur cette grande étendue d'eau. Pour un peu, je pensais aux poètes romantiques. C'était tellement cliché. Mais, c'est vrai que c'était beau. Enfin je m'avançais près de Cassandre pour arriver dans son dos. J'ébouriffais ses cheveux, gentiment avant de m'asseoir à ses côtés. « J'ai pas été trop longue ? » Non mais, parce que j'avais quand même fait plusieurs détours avant de trouver cette petite crique. C'était une plage. Pour s'orienter, y avait mieux. Et puis, sans me chercher d'excuses, j'étais incapable de m'orienter, même avec une boussole, une carte et un plan détaillé.