Je n'avais pas vraiment contrôler mon geste lorsque j'avais arrêté la main de John qui allait rapidement s'écraser sur la joue de Neela. C'est là que j'avais remarqué que Neela faisait partie des personnes auxquelles je tenais plus que tout, et si sa main avait atteint sa joue, j'aurais sûrement été plus loin que lui attraper simplement le poignet. J'affichais un petit sourire lorsqu'elle me remercia. Mais effectivement, nous n'avions plus de baby-sitter... Et en faisant passer des entretiens pour en trouver une autre, nous ne pourrions jamais savoir si elle était du genre à ramener ses copains et à s'envoyer en l'air chez Neela...

« On s'arrangera ! Le semaine prochaine, je suis chez moi, je peux la prendre le temps qu'on en trouve une autre. Une semaine c'est suffisant pour trouver une baby-sitter non ? »

J'avais encore ce genre de questions qui montraient clairement que je débutais dans mon rôle de papa. Je n'avais que trois semaines d'expérience après tout ! Neela avait déjà dix ans d'expérience dans le rôle de maman, et elle s'en sortait admirablement bien. Mes parents et Carlie ne comprenaient rien à ce qui venait d'arriver, mais Neela résuma assez bien la situation. Cependant, Carlie avait les larmes aux yeux à l'idée de laisser sa baby-sitter, alors quand elle demanda à Neela si elle pouvait aller lui dire au revoir, et que cette dernière se retourna vers moi, je n'avais pu m'empêcher de faire un petit signe de tête qui signifiait qu'elle pouvait bien y aller. Je détestais voir Carlie pleurer ou être triste, alors je l'avoue, il m'arrivait parfois de céder à quelques uns de ses désirs, surtout lorsque nous n'étions qu'à deux et que Neela ne le savais donc pas. Carlie s'en alla vers la baby-sitter, mais je gardais quand même un œil sur le tas de muscles. Les deux filles se prirent dans les bras, puis je me retournais vers mes parents et Neela.

« J'en reviens pas ! Il est aussi culotté qu'elle ce mec ! »

Je n'en revenais tout simplement pas qu'il ait failli gifler Neela juste pour ça, parce qu'elle s'était énervée à cause d'une inquiétude pour sa fille. D'accord, elle n'aurait peut-être pas du l'insulter, mais quand même ! Je m'étais finalement rassit dans le sable, puis Carlie était revenue. Elle était toujours triste, et en prime refusait de nous adresser la parole. Carlie boudeuse avait pris la place de Carlie heureuse.

« Carlie... Si tes parents ont fait ça, c'est parce qu'ils t'aiment beaucoup. Ta baby-sitter a fait une grosse bêtise, et ça aurait pu être dangereux pour toi. »

Felix avait accepté de laisser Carlie dire un dernier au revoir à sa baby-sitter. Je les virent se serrer dans les bras toutes les deux et se quitter douloureusement après s'être échangés des sourires complices. J'avais le sentiment que tout cela était de ma faute, d'être la méchante dans l'histoire, la grande coupable de ce déchirement, alors que tout cela n'était que le résultat du comportement inacceptable que la baby-sitter avait adopté. D'ailleurs, il fallait la remplacer, et Felix était adorable à s’inquiéter du temps qu'il faudrait pour en trouver une autre. Il avait même réussi à me faire légèrement rire. « Oui t'inquiète pas, c'est largement suffisant ! » C'était elle la fautive, et sur toute la ligne. Le problème c'est qu'elle était en train de faire souffrir Carlie indirectement. D'ailleurs, peinée, celle-ci passa devant nous sans un mot et couru s'asseoir près de l'eau pour bouder seule.

« Un fou furieux ! T'as vu comment il s'est jeté sur moi !? » J'affichais une mine hébétée en regardant Felix, heureuse qu'il pense comme moi. Je revoyais le poing de ce gros lourdingue arriver sur mon visage avec une vitesse ahurissante, et son regard plus que menaçant à vous glacer le sang. Bon, en même temps, j'étais pas mieux dans le genre folle avec mon 'petite salope' qui s'était malencontreusement glissé au beau milieu de mon brillant discours. D'ailleurs, c'était la vérité, mais au moins, je n'en étais pas venue aux mains, du moins pas la première.

« Si tu ne m'aurais pas retenue, je crois que … enfin bref, c'est du passé maintenant ! » J'avais balayé l'air avec main, histoire de couper ma phrase mais aussi de balayer toute cette histoire. Je ne souhaitais plus en parler, ni même évoquer le sujet. Ces deux abrutis ne méritaient même pas qu'on gâche notre après-midi à parler d'eux. Je crois que … que je lui aurais rendu sa gifle, tout simplement, et cela aurait pris une tournure plus dramatique si Felix n'avait pas été là. J'étais encore énervée en repensant à la scène, je bouillonnais toujours intérieurement; il fallait à tout prix que je me calme et que j'arrête de ressasser cette histoire ridicule. Felix alla s'asseoir dans le sable avec ses parents aux côtés de Carlie et je les rejoignis finalement. Je ne savais plus quoi dire à Carlie pour la consoler et lui redonner son merveilleux sourire. Son grand-père avait trouvé les mots justes, et je ne voyais pas quoi rajouter à cela. Pourtant, cela n'avait pas suffit, Carlie ne répondait pas, elle s'était cachée dans ses bras et pleurait à chaudes larmes. Le père de Felix nous regarda en haussant les épaules, démuni.

Entre temps, j'avais enfilé ma robe qui avait eu le temps de sécher un peu au soleil, et rendu sa chemise à Felix. Je me sentais mal, et étais donc restée silencieuse. Puis finalement je m'approcha de ma fille pour la prendre dans mes bras et poser ma tête sur la sienne. « C'est pas méchant, chérie. Tu comprendras plus tard pourquoi on a fait ça. » Carlie fit un geste étrange auquel je ne m'attendais pas du tout. Elle me repoussa de ses bras pour retrouver sa position d'origine. Désespérée par son attitude, je décidais de la laisser tranquille faire son 'deuil'. Je ne pensais pas qu'elle tenait à ce point à cette baby-sitter, au point de me rejeter. Je jetais un regard triste à Felix qui se tenait un peu plus loin de l'autre côté de Carlie. Puis une idée me traversa l'esprit, et je lui lança un clin d'œil après avoir malicieusement sourit à ses parents. « Bon. Papa et maman s'en vont alors Carlie. » Je me leva, entrainant Felix avec moi.

Carlie passa devant nous sans rien dire, en nous ignorant complètement, et elle alla s'asseoir un peu plus loin sur la plage, fourrant sa tête dans ses genoux. À voir son dos qui faisait quelques petits sauts de temps à autre, j'étais certain qu'elle pleurait, et cette situation me mettait mal à l'aise. J'avais rapidement enfilé ma chemise avant d'aller la rejoindre avec mes parents, bientôt suivis par Neela. Carlie faisait bel et bien la tête et refusait de nous parler, allant même jusqu'à rejeter Neela qui avait tenté de la prendre dans ses bras pour la réconforter. Je haussais les épaules en voyant qu'il n'y avait pas grand chose à faire, mis à part la laisser seule un moment, mais Neela semblait avoir trouver une idée, d'après le clin d'œil qu'elle m'avait adressé. J'affichais moi aussi un sourire en comprenant son idée et m'en allait avec elle... Pendant quelques secondes, il n'y eut rien, pas un bruit venant de Carlie, je pensais que ce plan allait tomber à l'eau et qu'elle allait rester là assise sur la plage. Mais je sentis finalement quelqu'un me tirer ma chemise vers l'arrière, et vit que Carlie nous avait attrapé tous les deux. Elle avait encore ses petits yeux tout rouges après ses larmes, mais elle souriait légèrement, ce qui était beaucoup plus plaisant à voir !

« Mais pourquoi vous voulez plus qu'elle vienne à la maison ? Elle est gentille avec moi ! »
« Elle est peut-être gentille, mais elle était aussi censée te surveiller. Et pendant qu'elle était avec le "monsieur", elle ne l'a pas fait. »

Carlie n'avait rien répondu, et je pris ce silence pour un accord. En fait, nous avions encore tous marché un peu avant de rentrer chez mes parents. Carlie arriva en courant entre Neela et moi et nous attrapa chacun la main. En arrivant chez mes parents, j'étais encore un peu mouillé, mais cela n'avait plus rien à voir avec le moment où j'étais à peine sorti de l'eau, forcément.

« Je te retiens toi ! »

J'adressais un petit sourire complice à Neela et profitais du fait que Carlie soit déjà repartie vers le salon avec ses grands-parents pour prendre Neela par la taille et l'embrasser.

« Il faudra qu'on refasse des soirées comme celle d'hier. »

Après dix années de séparation, j'avais l'impression que plus rien ne pouvait nous séparer...

Nous étions rentrés de la plage tandis que le soleil commençait à se coucher. Carlie s'était mise entre nous pour nous prendre la main. Enfin, elle avait retrouvé son joli petit sourire, et semblait déjà avoir oublié sa séparation avec la baby-sitter. En tout cas, avec Felix, nous avions tout fait pour, et Carlie aimait ses parents plus que tout. C'était désormais prouvé, notre petit plan avait marché. Sur le chemin, ma robe avait eu le temps de finir de sécher, et la chemise de Felix aussi, même si on était vraiment très mal coiffés. En rentrant à la maison, Carlie nous lâcha la main et se précipita dans le salon pour suivre ses grands-parents.

Enfin seule dans l'entrée avec Felix, il me prit par la taille pour m'attirer tout contre lui, après m'avoir doucement menacé pour lui avoir essoré ma robe sur la tête. Ce contact m'avait manqué, jusqu'à présent nous étions forcés de rester un peu éloignés l'un de l'autre, et j'avais eu du mal à m'y faire. J'avais de nouveau envie de rester seule avec lui, rien que lui. Après avoir échangé un langoureux baiser l'un contre l'autre, je détacha mes lèvres des siennes pour le regarder dans les yeux. A la vue de son sourire, je crois qu'il pensait exactement à la même chose que moi, et je ne m'étais pas trompée puisque Felix me fit part de son envie de renouveler notre magnifique soirée d'hier, qui nous était décidément bien restée en mémoire. Elle était si belle, si unique, que je doutais presque de pouvoir revivre une seconde fois la même émotion. J'avais eu raison sur le fait qu'elle resterait longtemps gravée en moi en tout cas.

« Quand tu veux, vraiment. » Je lui souris avant de l'embrasser tendrement, passant une main dans ses cheveux un peu décoiffés. « C'était tellement merveilleux ... » je me mordis la lèvre inférieure en le dévorant du regard. Encore une fois, je n'avais pas pu céder à l'envie de l'embrasser une troisième fois en passant mes mains sur ses joues, mais qui était peut-être une fois de trop d'ailleurs. En effet, la petite tête de Carlie surgit soudain de derrière le mur et un rire enfantin se fit entendre. Intriguée, je me détacha de Felix pour la regarder, bouche bée. « J'en étais sûre ! » s'exclama t-elle en continuant de rire doucement, sa main plaquée contre sa bouche. Mon cœur battait à cent à l'heure, j'étais extrêmement gênée et regardait Felix d'un air qui signifiait que cette fois ci, c'était définitivement cuit et qu'aucune excuse n'était possible pour espérer s'en sortir.

La nuit que j'avais passé avec Neela la veille était tout simplement magique. Après dix ans sans se voir, c'était des retrouvailles bien méritées, et même inoubliables. J'avais déjà envie de recommencer ce genre de soirée et de nuit, mais pour le moment c'était physiquement impossible. Cependant, j'en profitais quand même pour embrasser Neela assez langoureusement, la collant légèrement contre le mur du couloir. Elle m'embrassait elle aussi, deux fois. Je serais bien resté là avec Neela pendant des heures, mais un petit rire d'enfant nous fit nous reculer l'un de l'autre. Carlie se tenait dans l'embrasure de la porte, toujours en riant après nous avoir lancé un "j'en étais sûre !" très fier et convaincu. J'échangeais un petit regard avec Neela, ne sachant plus trop quoi faire ou inventer pour sauver ce petit secret que nous aurions voulu garder pour plus tard. Cette fois-ci, il n'y avait plus rien d'autre à faire que de tout avouer à Carlie...

« Hem... On était censés te le dire un peu plus tard ma puce... Mais bon... Enfin voilà quoi. »

Magnifique argumentation. En fait, j'avais pris la parole pour combler un blanc qui allait s'installer à coup sûr, mais je n'avais pas su quoi dire. De toutes manières, nous ne pouvions plus nous défendre, elle nous avait pris sur le fait. Sur le moment, j'avais eu l'impression d'être un adolescent qui s'était fait prendre la main dans le sac en train de faire une bêtise. Ma mère arriva elle aussi dans le couloir, regardant d'abord Carlie, puis Neela et moi.

« Qu'est-ce qui se passe ici ? »
« Euh tu peux nous laisser juste quelques minutes s'il te plâit ? Je t'expliquerai. Enfin même si tu sais déjà. »

Ma mère hocha simplement la tête puis retourna vers la salle à manger. Carlie nous regardait toujours avec un petit sourire, et elle se mit à sautiller plusieurs fois sur place.

« Alors, ça veut dire qu'on va être tous ensemble à la maison ?? »

En résumé, est-ce que j'allais vivre avec elles ? Je n'y avais même pas pensé. Après tout, je venais de retrouver Neela comme je l'avais connu il y a à peine un jour, même pas, alors l'idée de déménager ne m'était pas encore venue à l'esprit. Je regardais Neela, ne sachant pas trop quoi répondre à cette question.

Mon visage tendu avait laissé place à une mine beaucoup plus sereine, j'avais même souris, amusée par la situation. Le fait que Carlie soit enchantée de découvrir la nouvelle me rassurait, et apparemment elle ne nous en voulait pas de ne pas lui avoir dit plus tôt. Il n'y avait rien à expliquer, c'était assez clair et explicite ce qu'elle venait de voir, d'autant plus que, comme elle l'avait elle-même dit, elle s'en était fortement doutée. Entre temps, la mère de Felix apparut à son tour, nous demandant ce qu'il se passait puisque nous étions tous les trois maintenant réunis dans l'entrée. Felix lui fit clairement comprendre que le moment était pour nous venu de passer aux aveux avec notre fille.

Felix avait l'air un peu embêté face à cette question que lui avait soudain posé Carlie tout en sautillant sur place. Elle avait le don de poser des questions plus que gênantes aujourd'hui cette petite ! Carlie explosait déjà de joie à l'idée que nous puissions vivre tous les trois ensemble sous le même toit. C'était une idée qui ne me déplaisait pas. J'avais déjà fais quelques petites allusions à Felix par rapport à cela, mais je ne voulais absolument pas le brusquer en lui imposant de venir vivre avec nous. Je craignais qu'il se sente obligé de venir vivre avec nous alors qu'il n'en avais peut-être pas envie. Toutefois, il savait très bien que cela ne me dérangerait pas, au contraire. Sa présence me manquait terriblement dans ma grande maison. Je ne manquais pas d'un homme, je manquais de Felix, tout simplement. Il était seul avec qui j'avais envie de partager ma vie, mon quotidien. Je jetais un regard à Felix qui ne savait pas quoi répondre apparemment, et pris donc l'initiative de répondre à sa place. J'avançai vers elle et me mis à sa hauteur pour poser mes mains sur ses épaules.

« Pour l'instant, je ne sais pas Carlie. C'est à papa de décider, mais il va lui falloir du temps pour réfléchir tu sais. C'est pas une décision qu'on prend comme ça. » Je lui souris en passant ma main dans ses cheveux blonds, espérant qu'elle comprenne ma réponse.

Carlie était très futée et très intelligente, et comme nous le devinions tous les deux, elle était déjà au courant de notre relation et s'en doutait depuis sûrement pas mal de temps. Elle avait si bien compris la situation qu'elle me demanda même indirectement si j'avais l'intention de vivre chez Neela, avec elles deux. Je ne savais pas trop quoi répondre à tout ça. Bien sûr j'avais envie de vivre avec Neela et Carlie, histoire d'être avec elles, de rattraper les années perdues. Mais en même temps, j'étais avec Neela depuis à peine un jour, pas tout à fait d'ailleurs, et j'avais peur que m'installer chez elle soit un peu précipité. Sa réponse à Carlie me convenait d'ailleurs parfaitement. Je préférais y réfléchir avant de débarquer comme ça, même si cette réflexion ne devait durer qu'une toute petite semaine. Une fois de plus, Carlie était un peu déçue que je ne vienne pas tout de suite habiter avec elles. Je me mis moi aussi à sa hauteur, posant ma main sur sa joue.

« Hey mais je viendrai dans pas longtemps, promis. »

Elle me sourit, et je répondis à son sourire. Je vis soudain un petit air malicieux dans le regard de ma fille, et me doutais qu'elle allait encore avoir une question.

« Alors vous êtes vraiment amoureux ?? »
« Oui on est vraiment amoureux ! »

Je n'avais pu m'empêcher de rire légèrement en regardant Neela. Elle était adorable quand elle posait des questions comme ça avec son petit air excité et heureux. Elle sautilla encore un peu puis s'en alla dans le salon en chantant :

« Ils sont amoureux !! Ils sont amoureux ! »

Je me relevais vers Neela en souriant. En fait, depuis que je l'avais retrouvée, je passais mon temps à la dévorer des yeux dès que je la regardais ou dès que je lui parlais.

« Bon ben, voilà, c'est fait. »

J'avais finalement pris la main de Neela pour l'emmener avec moi dans le salon. Nous n'allions probablement plus rester très longtemps chez mes parents, puisque la journée était déjà bien avancée, mais j'avais bien l'intention de rester encore un peu avec Neela.