« Et si vous me disiez pourquoi vous êtes ici. » Silence, Gail baissa la tête réfléchissant. « Je ne sais pas. » Répondit-elle simplement, regardant son interlocutrice, désolée. « Parlez-vous de moi, de vos parents, de votre enfance, votre adolescence... » La demoiselle inspira longuement. « Mes parents étaient vraiment géniaux, je... Oui, je les adorais, vous savez, je ne suis pas seule, j'ai quatre frères et deux soeurs, sept, comme une petite tribut. Le problème c'était qu'on était trop pour mes parents, ma mère était secrétaire dans un cabinet d'affaires et mon père pompier. Ils n'avaient pas de quoi nous gâter comme les autres parents pouvaient le faire avec leurs enfants. Le fait est qu'on a jamais souffert d'un "manque", vous savez pourquoi ? » Demanda t-elle, simple question rhétorique... « Parce que mes parents nous aimaient plus que tout au monde, chacun de nous d'une manière différente. Je suis la troisième dans la famille, la première fille, je pense que c'est pour cette raison que mes parents m'ont rapidement laissé plus de responsabilité. Mes deux grands frères... Ce sont des rigolos, mes parents savaient très bien que je savais les remettre dans le droit chemin quand ils en avaient besoin. Mon indépendance, je l'ai pris très tôt je pense. J'ai vécu chez mes parents très longtemps, je ne les ai quitté définitivement qu'à vingt-sept ans il me semble, mais je pouvais vivre par moi-même depuis déjà de nombreuses années. Ma mère a toujours dit que j'étais la plus sage, la plus tranquille... Tout ce que je veux c'est devenir le genre de mère pour mes enfants que ma mère fut pour moi. J'ai grandis dans une famille nombreuse certes mais c'est avec eux que j'ai tout appris, vous savez, la solidarité, l'amitié, l'amour. Avec mes frères et soeurs, surtout mes frères aînés, j'ai compris le sens de cette fameuse phrase "qui aime bien châtie bien". N'allez pas croire que mes frères m'en ont fait voir de toutes les couleurs, non mes frères ont toujours été là pour moi, dans les moments les plus difficiles, j'ai toujours pu compter sur eux, je les couvrais souvent vous savez, je reste, dans leur tête, cette petite soeur venue rapidement compléter leur duo infernal, la soeur à qui on peut tout dire, la soeur qui, malgré toutes les leçons de morale qu'elle pourrait faire, les couvre sans même poser de question. Parfois, j'enviais mes frères, je n'avais pas cette assurance avec moi, ils étaient là pour moi certes mais finalement, j'ai toujours ressentit une certaine pression sur moi, toujours être parfaite et gentille. Je n'étais pas un problème pour mes parents, j'avais des notes excellentes, j'ai même fini major de ma promotion au lycée, j'aidais mes frères et soeurs, même les plus grands, dans leurs études. Le fait est que je suis tombée amoureuse et ce fut au tour de mes frères de me couvrir, de prendre des risques pour moi, pendant cette période, mes notes ont beaucoup chutées, mes parents ne l'ont pas remarqué, ils avaient beaucoup à faire et je ne leur reproche rien de ce qui a pu m'arriver. Ce sont mes frères qui m'ont secoué. C'est ce que je vous disais, la solidarité, je les aidais, ils m'aidaient. Finalement, comme je vous l'ai dit, j'ai fini major de ma promotion, un grand avenir s'offrait à moi, j'aurais pu avoir une bourse, je pouvais choisir l'université que je voulais mais... J'ai préféré rester ici, avec ma famille et j'ai travaillé pour aider mes parents. Mais ils n'étaient pas d'accord avec cette situation, ils voulaient autre chose pour moi et je suis partie faire mes études dans l'édition à New-York, tout en travaillant pour les payer. J'ai suivis un cursus intensif pour finir plus rapidement que les autres et, diplômée, j'ai décidé de m'installer, de prendre du temps pour moi. Je louais un appartement à l'époque, je commençais tout juste dans une maison d'édition assez importante, mes débuts dans la vie active commençait plutôt bien. C'est sans doute ici que j'ai fais la plus belle erreur de ma vie. Vous connaissez cette histoire, cette fille qui tombe amoureuse du mauvais garçon, elle tombe enceinte et le gars décide de prendre en main son avenir en partant à l'autre bout du pays. Et bien c'est exactement ce qui m'ait arrivé. Je suis tombée enceinte et le père de mon enfant est partit sans même savoir ce qui se tramait dans mon ventre, il m'a quitté avant que je ne sois au courant. Quand je l'ai été, il était trop tard, monsieur était partit et malgré tout les appels que j'avais pu lui passer, il n'a jamais décroché. Je suis rentrée à la maison pour annoncer la nouvelle à mes parents. Nouvelle qui les enchantait plus que moi... Ma fille, Mona, est arrivée avec un mois d'avance, la première d'une nouvelle génération de Reagan. Mona est une fille adorable, même si j'ai toujours quelque peu considéré que son père avait gâché ma vie, ma fille est la chose la plus importante pour moi... Quand elle est née, j'ai décidé de quitter pour de bon ma famille. Si mes grands frères ne vivaient plus à la maison, je ne pouvais pas m'imposer avec ma fille comme ça. J'ai trouvé du travail, un travail ne correspondant pas du tout au prestige de mes diplômes mais qui nous assurait, à Mona et moi, la facilité dont j'avais toujours voulu pour ma famille. C'est dur d'élever seule un enfant. Je n'ai que ma fille et parfois, je me demande comment mes parents ont pu s'acquitter d'une famille de sept enfants... » Gail marqua une pose, réfléchissant finalement au bilan de la vie qu'elle menait aujourd'hui. « Vous savez, le père de Mona ne s'est jamais remontré. Nous avions vécu une belle histoire et malgré mes nombreux appels au début, j'ai fini par abandonner. Il n'a jamais lui-même repris contact. Je ne peux pas m'empêcher de me dire qu'il aurait fait un père formidable. Outre le fait qu'il soit partit, il avait toujours été réglo avec moi... Enfin, aujourd'hui, ma fille a cinq ans et il y a deux ans, quand ma situation s'est stabilisée, j'ai ouvert ma propre maison d'édition ici, me ramenant au sujet principal de mes études. Vous savez le nombre d'écrivains de talents qui se cache dans ce genre de petites villes ? » En face d'elle, la psychologue avec écouté avec patience, sans jamais la couper, elle était là pour ça, pour l'écouter. Le silence qui s'abattit entre les deux femmes annonçait clairement la fin de l'histoire alors, elle se racla la gorge et demanda. « Vous n'avez jamais pensé à recontacter le père de Mona ? » Déstabilisée, Gail baissa la tête, réfléchissant, la naissance de Mona avait été difficile pour elle. Encore jeune et seule pour l'assumer... « J'y ai déjà pensé oui mais... Je ne l'ai jamais fait. » La psychologue hocha la tête, nota quelque chose sur son bloc note et annonça la fin de la séance. En sortant du cabinet, elle regarda longuement la plaque du psychologue, se demandant réellement si c'était utile. Puis, elle détourna la tête pour aller chercher sa fille chez son frère. Sur la route, Gail pensait à ce que pourrait être sa vie si le père de Mona était là pour elle. Pas forcément pour elle, Gail, mais pour Mona. Elle s'occupait de tout depuis déjà cinq ans. N'allez surtout pas croire qu'elle en avait marre, non, Gail aimait sa fille plus que tout au monde. Le fait est qu'elle redoutait le moment où Mona demanderait où se trouvait son père... Gail ne voulait pas passé pour la mère qui n'avait pas pu annoncer à son père qu'elle attendait un enfant de lui. Ces pensées tambourinaient dans sa tête et finalement, la jeune femme attrapa son téléphone dans sa poche, chercha dans son répertoire et arriva rapidement à son prénom. L'effacer avait été trop difficile, laissant finalement la possibilité à Gail de changer d'avis quand elle le voulait, une façon comme une autre de se dire qu'elle l'aurait fait un jour. Inspirant un long coup, elle appuya sur la touche "appeler", le coeur battant. Trois bips avant qu'il ne décroche. « Allô ? » Gail en resta sans voix, en téléphonant, elle espérait sincèrement que sa messagerie lui répondrait comme ça avait été le cas les nombreuses fois qu'elle avait essayer cinq ans plus tôt. « Allô ? » Répéta t-il. Gail se racla la gorge. « Hum oui, désolée, je... Je suis Gail Reagan. » « Gail ? Ça fait... » « Plus de cinq ans. » Le coupa t-elle sans le faire vraiment exprès. « Oui, huum, je suis désolée de te déranger, je me demandais si on pouvait discuter, un de ces quatre. Face à face je veux dire. » Il devait la trouver terriblement bizarre. « Oui bien sûr, je ne vis plus à New-York désormais. » « Moi non plus ! Arrowsic, dans le Maine. » « Augusta ! Eh bien, j'avais l'intention de prendre quelques vacances, pourquoi pas à Arrowsic ? Ça me fait plaisir de t'entendre Gail. » Elle ne pu s'empêcher de sourire. « Moi aussi. Je... Téléphone-moi quand tu décides de prendre tes vacances. » |