J’ouvre les yeux : c’est dimanche. Il fait plutôt froid dans ma petite chambre, je frissonne. J’avais laissé la fenêtre ouverte pendant la nuit. J’aime bien quand il fait froid, comme ça je peux me cacher sous la couette. Je sais, c’est ridicule. Bref, je me lève tranquillement, en gémissant quelque peu. Que serai un matin sans un petit gémissement ? Je me secoue les cheveux, ça va, ils ne sont pas trop en désordre, mais faut quand même que je prenne une douche. Je me dirige tranquillement vers la salle de bain, sans me presser. C’est ça que j’aime le dimanche, pas de stress. Tout le contraire de ma vie en semaine, à l’hôpital. Aujourd’hui je vais peindre, comme j’en ai l’habitude chaque semaine. Je regarde par la fenêtre pendant que je me fais couler un bain : il fait beau. Impossible que je reste dans mon atelier. C’est la première fois qu’il fait beau depuis une dizaine de jour. Tout le monde sera dehors, je verrai surement de belles choses qui m’inspireront.

Je me laisse glisser dans l’eau chaude de mon bain. Je ferme les yeux quelques instants, histoire de mieux apprécier cet instant. Depuis que je suis arrivé à Arrowsic, il y a plus de deux ans, je savoure chaque instant. Je sais pertinemment que ce seront bientôt les derniers. Je suis même plutôt étonné qu’ils ne m’aient pas encore retrouvé. Je les pensais plus fûtés que ça. Je ne saurai dire combien de temps je reste comme ça, allongé dans ma baignoire, à penser. À un moment, je daigne quand même sortir. Je passe un linge autour de ma taille et je me brosse les dents. Je me débarbouille le visage et je retourne dans ma tanière pour m’habiller. Il est dix heures tapantes apparemment. Parfait, il me reste un bon bout de journée devant moi. J’enfile une chemise blanche et un petit pull over bleu ciel. Je mets mon jeans préféré et mes chaussures toute situation. C’est comme ça que je les appelle, parce qu’elles sont extrêmement pratique. Je file dans mon atelier, dans la chambre d’amis et embarque tout ce dont j’ai besoin : une petite boîte de gouache, deux ou trois petit pinceau, une bouteille d’eau et mon petit carnet à dessin. J’emporte tout ça dans un sac à dos et je me mets en route.
Je me dirige vers les falaises, c’est un coin magnifique que je n’ai pas encore eu l’occasion d’explorer. C’est à environ vingt minutes de marche. Je hâte le pas, car je ne veux pas perdre une seule seconde. Une fois arrivé à destination, je regarde autour de moi afin de choisir le parfait endroit. Je suis plutôt indécis donc je laisse le sort en décider. Je ferme les yeux et tourne sur moi-même. J’ouvre les yeux, c’est parfait, l’endroit est parfait. Heureusement qu’il n’y a personne par ici, j’aurai l’air bête à tourner sur moi-même comme une petite fille de dix ans. Je pose mes fesses par terre et je sors tout mon petit matériel. Je commence par poser des traits grossiers, sans chercher à ce que les choses soient parfaites. Je suis totalement pris par mon dessin, comme toujours. Je ne remarque même pas le papillon qui vole autour de ma tête, je n’entends rien. Je ne vois que l’arbre que je suis en train de peindre. Mais soudain, quelque chose change dans mon paysage. Une tâche rouge apparait sur ma feuille au niveau des racines. Je m’arrête quelque instant, qu’est-ce qui se passe ?

Une jeune fille aux cheveux roux flamboyants était allongée sous l’arbre. Elle était magnifique. Tout, ses traits, son corps et ses cheveux semblaient résonner avec la nature environnante. Elle fit partie intégrante de mon œuvre, elle sembla être la fleur au milieu des prés. Elle était tellement parfaite, si bien imprégné de l’endroit. Je finissais mon croquis à la va vite, pressé d’aller lui parler. Il fallait qu’elle devienne mon modèle. Je n’avais encore jamais eu une telle illumination.
« Excuses moi… » commençai-je un peu gêné et plus trop sûr de moi tout à coup. « J’étais en train de peindre, puis je t’ai vu sous cet arbre. Regardes, je t’ai introduis à mon dessin ». Je lui montrai mon petit carnet et je notai dans ma tête qu’un petit sourire vint illuminer son visage. « Est-ce que je pourrais… Te prendre comme modèle ? »