Sujet: If we ever meet again ◊ ft Rudy Mer 11 Avr - 19:44
If we ever meet again I WON'T BE READY.. Rudy & Helena
L'air frais de la nuit avait été comme une claque, un coup de fouet sur l'épiderme de la fugitive. Ses idées se firent un peu plus claires, le contraste de température avec la salle la fit sortir de sa torpeur et elle se sentit plus forte, plus énergique, prête à courir un marathon. Pas pour longtemps. « Helena, attends ! » Si quitter la chaleur de la community room avait revigoré Helena, celle dans la voix de Rudy la replongea immédiatement dans un état second. Elle sonnait comme un écho, comme un souvenir lointain et pourtant il était bel et bien là, juste derrière elle. Aussitôt que sa tonalité grave et puissante bien qu'étranglée avait retentit à ses oreilles, la jeune femme avait cessé sa course, net, comme si elle avait été brusquement paralysée. Elle adorait la façon dont il prononçait son prénom et elle détestait aimer ça alors qu'elle s'était employée pendant deux ans à ce que leur relation fasse définitivement partie du passé. Or le simple fait que sa respiration soit haletante à ce point et que son coeur cherche désespérément à lui déchirer la poitrine lui démontraient combien elle avait mal travaillé. Si au moins elle avait été utile là-bas mais non, tout ce qu'elle avait réussi à faire était blesser de nombreuses personnes. Bravo Helena, tu as vraiment foiré sur toute la ligne. Mais les choses étaient ce qu'elles étaient et maintenant, elle devait aller de l'avant. Elle tourna les talons et malgré son stress qui lui donnait une dangereuse envie de vomir, elle regarda Rudy en se pinçant les lèvres. Il était superbe en costume. Maintenant c'était à elle de parler, le moment tant redouté était arrivé. « Rudy, je... » ses mots avaient du mal à franchir ses lèvres. « Je voulais te prévenir.. plus tôt.. je suis rentrée. » évidemment qu'elle était rentrée, il le voyait bien puisqu'elle se tenait là en face de lui. Elle se sentit rougir. Elle se sentit stupide.
Elle ferma les yeux, avala sa salive et prit une profonde inspiration pour essayer de se calmer. Elle releva la tête avec un faible sourire crispé accroché aux lèvres « Voilà maintenant que tu sais, j'ai fait mon devoir. Ca m'a fait plaisir de te voir mais je suis un peu fatiguée alors... je vais penser à y aller. » Elle ne sut comment elle avait réussi à sortir une telle tirade mais petit à petit, elle arrivait à nouveau à raisonner bien que son cerveau lui semblait toujours être une grosse boule de coton enveloppée de brouillard. D'accord, elle avait des souvenirs avec lui mais s'ils avaient cessé de se voir c'était pour une excellente raison, ça ne marchait pas c'était tout. En plus, elle l'avait abandonné de façon suffisamment brutale pour qu'il la déteste. Et puis, elle avait appris par Lenny que Rudy avait définitivement tourné la page, qu'il voyait quelqu'un d'autre. Pourquoi se mettre dans un tel état pour quelqu'un aux yeux duquel elle n'était plus qu'un vague souvenir ? Il l'avait oubliée et elle ne pouvait pas lui en vouloir. La seule à blâmer dans l'affaire c'était elle pour avoir été incapable d'en faire autant (alors qu'il s'agissait de sa décision à elle).
Elle pensait qu'elle allait avoir des choses à lui dire mais elle se rendait subitement compte que ce n'était pas le cas, il n'y avait rien à expliquer à Rudy. Il était au courant de toute l'histoire et il était suffisamment intelligent pour comprendre que c'était principalement pour le fuir qu'elle était partie. Plus elle pensait à sa situation, plus sa gorge se serrait. Ses yeux la piquait mais elle continuait à sourire bravement et à lever le menton. Elle ne savait pas si elle avait vraiment l'air digne et paisible mais elle espérait qu'avec le jeu de l'obscurité son interlocuteur se laisserait berner. Elle se disait qu'elle devrait peut-être penser à partir comme elle l'avait annoncé quand une question s'échappa de ses lèvres, une bouée lancée à la mer. « Pourquoi tu m'as demandé d'attendre ? »
Une lueur d'espoir brilla dans ses yeux, involontaire.
HJ:
J'ai bien peur de n'avoir vraiment aucun talent pour les ouvertures de sujets, je ferai mieux après
Sujet: Re: If we ever meet again ◊ ft Rudy Jeu 12 Avr - 23:04
Elle s'arrêta enfin dans sa course, et le désir d'enlacer cette silhouette restée inchangée l'envahit. Oublier leurs erreurs, et effacer le passé, pour ne pas se retenir d'entourer ce corps chaud à la peau douce, comme il avait l'habitude de faire autrefois. Mais le temps avait coulé, et il était trop tard pour regretter quoi que ce soit. C'est donc gêné et muet qu'il se dressa devant elle, alors qu'elle se retournait. Ses courbes étaient toujours aussi gracieuses, et dansaient si bien dans la belle robe noire qu'elle arborait. Sa beauté était restée intacte, et savoir qu'elle n'était plus sienne le désola. Par un simple regard, on pouvait se demandait facilement pourquoi il avait quitté une telle princesse, pourquoi n'avait-il pas tenté de la garder, dans la jungle qui attendait ce bout de femme, jungle où les animaux se l'arracheraient pour un simple baiser. Lui même se posait la question, et jamais il n'avait de réponse. Relation incomprise, indigeste, et irrécupérable. Pourtant ce n'était pas l'envie de prendre cette peau charnelle entre ses paumes qui manquait. Et sa voix, cette douce voix, qui susurrait aussi doucement qu'une brise passant au travers d'un tympan. Suave et mielleuse, enivrante, il aurait pu l'écouter comme un morceau de Mozart, composant un opéra de voyelles entremêlées par de sensuels mouvements de lèvres. « Je voulais te prévenir.. plus tôt.. je suis rentrée. » L'hésitation rajoutait du charme, tout comme ses pommettes virant au rouge, que Rudy remarqua, sans le montrer. La timidité d'une jolie midinette était toujours attrayante. Mais il n'était pas question de n'importe quelle damoiselle. Ici siégeait Helena. Et l'imbu de sa personne prit le dessus sur la politesse et la délectation de ses retrouvailles, lâchant d'une voix enrouée et seche une question futile, mais vitale pour un égo impropre. « Et... tu comptais me le dire quand ? » Stupidité ingrate, bien sûr. Lui-même aurait mis des mois avant d'oser mettre les pieds dans le cercle d'intimité d'Helena, transgressant son monde pour y pénétrer à nouveau, et reprendre la place envahissante à l'arrogance innée qu'il y tenait deux ans plus tôt.
Tout deux déglutirent, et Rudy osa même soupirer, comme si soutenir ce face à face l'exténuait. Puis elle reprit, ses cordes vocales caressant l'espace qui les séparait. « Voilà maintenant que tu sais, j'ai fait mon devoir. Ça m'a fait plaisir de te voir mais je suis un peu fatiguée alors... je vais penser à y aller. » Les mots qui surgirent chez lui furent la fuite, la lâcheté, et le dédain. La leçon qu'était sa vie ne lui avait donc rien apprise ? Il détourna le regard, comme pour simuler le fait qu'il soit ailleurs, et qu'il n'ait par conséquent rien entendu. Il voulait nier l'embarras qu'elle montrait -car oui, il ne fallait pas avoir soixante-dix ans d'expérience pour comprendre qu'un malaise s'était créé devant ces retrouvailles. Et il ne souhaitait pas non plus prononcer un mot. Car il savait que s'il se mettait à parler, il ne pourrait stopper le flot de paroles. Il avait tellement de questions, tellement de colère mélangée à l'exaltation de la voir ici, bien qu'il restait impassible devant elle. Montrer sa faiblesse l'aurait fait céder et cela aurait signifié perdre. Mais perdre quoi ? La bataille du plus décontracté ? Oui, la tension régnait devant cette belle façade qu'était celle du Hall Communautaire. Mais quelle tension ?
Il la sentait sur le départ. Pourtant elle ne bougea pas. Lui regardait ses pieds, qui n'avait jamais été aussi beaux qu'en cette soirée de printemps, jetant parfois ses yeux sur le doux visage d'Helena. Puis elle parla. Elle l'interrogea plus exactement. Et il ne sut absolument pas quoi répondre, mise à part la réplique qu'il préparait mentalement depuis ces longues minutes défilées qui coulaient leur jeunesse devant des problèmes de couple futiles de la quarantaine. « Je t'ai demandée d'attendre parce que je pense pas que se laisser mutuellement planté là est une bonne chose, tu ne crois pas ? Je sais pas, on pourrait commencer par parler de ces deux dernières années, comme de vieux amis perdus de vue. Je te parle pas de tirer un trait sur ce qu'il s'est passé, parce que personnellement j'ai encore du mal à le digérer, mais ne pas entamer ces retrouvailles chaleureuses -raclement de gorge- par cette froideur gênante. » Il respira. En temps qu'homme viril il avait envie de laisser couler une larme. Que c'était pitoyable. Un affreux tableau qui empestait la langueur. Il était absolument misérable. A cet instant, le bon Dieu aurait dû lui donner un aller simple pour le mur des lamentations. « On retrouvera jamais ce qu'on avait avant, mais tu veux pas essayer... faire un effort pour qu'on soit... amis ? » Ce mot était tellement inapproprié à la relation qu'ils entretenaient. Ça faisait si tâche au milieu de leur binôme. Une énorme goutte de café sur un tee-shirt blanc. Une pêche pourrie à la place d'une cerise sur le gâteau. Ses paroles, il ne les pensait même pas, et espérait qu'un jour, il retrouverait Helena, et le bonheur qu'ils avaient vécu, entre deux mers de mépris et d'altercations. Cependant aujourd'hui, il ne savait plus ce qu'il ressentait réellement, au fond de lui, pour elle. Il voulait juste entendre ses mots, butés et timides, comme s'ils étaient rassurants, et qu'ils l'aidaient à méditer. C'est alors qu'il pensa à voix haute, et que dans un murmure absolument incontrôlé et totalement non voulu il bredouilla: « Je veux pas que tu t'arrêtes de parler. »
Sujet: Re: If we ever meet again ◊ ft Rudy Sam 14 Avr - 0:00
Helena tourna la tête et baissa les yeux pour fuir le regard accusateur de Rudy après qu'il lui ait demandé quand elle avait prévu de lui annoncer son retour à Arrowsic. En fait, elle avait espéré qu'elle n'aurait pas à le faire, que les choses se passent tout simplement – ce qui était évidemment impossible, rien n'était facile dernièrement – et, sachant au fond que ce ne serait pas le cas, elle avait en tout cas décidé de repousser ce moment le plus loin possible dans son agenda. « Je ne sais pas, bientôt. » répondit-elle d'une voix peu assurée. Elle ne mentait pas. Après tout, 'bientôt' était une notion très relative. Déjà le reproche suintait dans la réplique de l'homme qu'elle avait adoré ( qu'elle adorait toujours ? ) Des reproches ils s'en étaient tous les deux fait des centaines lorsqu'ils vivaient sous le même toît.. et cela débouchait à chaque fois sur une dispute explosive.. qui elle même se terminait en étreintes passionnées. Ce soir, la jeune fille ne désirait vraiment pas que la situation s'envenime et qu'ils se retrouvent à se crier dessus comme des poissonniers, comme au bon vieux temps. C'était dur de se dire qu'ils auraient put être de parfaits inséparables sans ces trop fréquentes prises de becs qui, sur le fond, ne concernaient jamais un problème très sérieux.
La réplique suivante ne plut pas beaucoup au jeune homme et son interlocutrice s'en rendit compte. Elle vit une flamme s'allumer dans le fond de son iris avant qu'il feigne l'indifférence en détournant à son tour la tête. Avait-il peur également ? Sans doute. Mais peur de quoi ? De la confrontation ? De s'entendre dire des choses désagréables ? De la vérité ? D'Helena ? De ... de ses sentiments ? En tout cas, elle avait peur des siens qui se révélaient incontrôlables, bien plus sauvages que ce à quoi elle s'attendait. Ils étaient comme un tigre qu'on aurait laissé en cage pendant deux ans. Une bête qui pendant tout ce temps n'aurait eu comme loisir que de tourner en rond et se saisir des misérables steaks qu'on voulait bien lui lancer. Désormais, le plus beau morceau de viande possible était juste devant la porte et l'animal grognait au creux du ventre de la jeune Van Dijck. À la question qu'elle n'aurait pas dû poser, il répondit par une longue tirade pleine de sens qui la laissa bouche-bée. Elle ne sut que répondre et hocha simplement la tête, le laissant continuer sur sa lancée.
Sa dernière phrase assomma la bête qui s'agitait toujours au sein de la jeune femme. Ils ne retrouveraient jamais ce qu'ils avaient avant. Amis.. il voulait qu'ils soient amis. C'était sans nul doute très raisonnable de penser de la sorte mais elle n'arrivait pas à se faire à cette idée qu'il venait d'exprimer trop brutalement pour elle. Sa gorge se serra tant qu'elle eut du mal à respirer correctement. Elle saisit fébrilement un paquet de mouchoir en papier et en porta un à son nez délicat pour l'essuyer, en profitant pour capturer deux larmes qui s'étaient échappées et s'aventuraient le long de ses joues. Elle sourit tristement et fit d'une voix étranglée « Désolée, il fait un peu froid, je crois que je m'enrhume.. » À qui voulait-elle le faire croire ? Cela dit, il était vrai qu'elle commençait à sentir la fraîcheur de la nuit s'emparer d'elle. Elle n'y avait pas fait attention jusqu'à lors tant le stress que lui insufflait la rencontre de Rudy lui avait donné chaud. Cependant, maintenant elle se rendait compte qu'elle avait la chair de poule et que ses doigts étaient littéralement gelés. Elle entreprit de serrer ceux de sa main droite dans la gauche et ceux de sa gauche dans la droite pour les réchauffer. D'une voix toujours au bord des sanglots elle continua « Je ne sais pas si je pourrais... être ton amie. Rudy, ne le prends pas mal. Je peux te saluer dans la rue, te sourire, peut-être même te faire la bise ou échanger quelques mots avec toi mais... être ton amie, je ne m'en sens pas capable. » Prononcer son prénom lui avait écorché la gorge. Elle hésita à ajouter qu'elle en souffrirait trop, que d'être sa confidente, celle avec qui il plaisanterait, insouciant, celle à qui il présenterait sa nouvelle copine... serait une situation impossible à endurer pour elle. Elle s'étonna d'avoir été aussi franche et de ne pas avoir joué à la femme forte en prétendant que cela lui était égal et que sa vie était merveilleuse avec ou sans lui. « Pas avant longtemps en tout cas. » Elle n'avait aucune idée de ce que longtemps voulait dire ici : deux ans n'avaient pas suffit alors il faudrait peut-être attendre qu'ils aient tous les deux les cheveux blancs, des problèmes de dos et la peau ridée pour qu'ils puissent être amis. Ou alors un miracle, comment devient-on amnésique déjà ?
« Je veux pas que tu t'arrêtes de parler. » Helena ouvrit des yeux ronds d'étonnement puis fronça un sourcil. Les mots qu'il venait de prononcer, la façon dont il les avait dits, tout était en contradiction avec le discours qu'il avait tenu jusque là. Il avait eu l'air tellement fragile, peu sûr de lui, son bredouillement avait été si bas, timide mais néanmoins sincère. Il avait l'air excessivement doux. Helena était profondément touchée. Elle se sentit enveloppée d'un voile de sentiments bienveillants. Elle aurait voulu s'y lover et y passer le restant de ses jours. Elle n'eut qu'une envie : le contenter (et accessoirement se jeter dans ses bras). « D'accord. Je ne sais pas... Qu'est-ce que je pourrais te dire ? Que veux-tu entendre ? » souffla-t-elle doucement en sondant de ses grands yeux clairs et rougis le vert profond de ceux de Rudy. Elle espérait y lire une réponse à ses questions, à toutes les interrogations qui la tracassaient mais qu'elle n'osait s'avouer et moins encore poser au principal intéressé. Elle le fixa avec une telle intensité que sans même s'en rendre compte, obéissant à un automatisme, elle fit un pas vers lui, comme si se rapprocher lui permettrait de voir plus clair.
Sujet: Re: If we ever meet again ◊ ft Rudy Sam 14 Avr - 21:03
Arborer un ton sec devant sa silhouette timide n'était pas facile. Il peinait à garder cette tonalité, cherchant à la faire culpabiliser, pour que ce soit au final elle qui cède, et non pas l'inverse. Il avait beau être absolument perturbé, par un mélange d'excitation et de gêne, avec son retour, ce n'était pas cette ivresse qui le laisserait baisser les bras et tomber aux pieds d'Helena. Même si elle le méritait. Même si elle méritait le respect sous toutes ses formes. Et bien plus encore. Mais l'égoïsme maladif de Rudy ne voulait le faire flancher. Il tiendrait, quitte à puiser jusqu'à la dernière ressource d'énergie. Du moins c'était le discours qu'il tenait. Encore fallait-il l'appliquer. « Bientôt ? Et tu es revenue depuis quand ? » Les mots étaient simples, car il ne fallait pas brusquer ces deux êtres déjà bousculés par leurs retrouvailles. L'atmosphère pesait sur leurs âmes déchues, dénuées de toutes initiatives. Ils se regardaient sans rien entreprendre, à part de la parlote, pour couvrir le silence lourd. Ils se redécouvraient peu à peu dans la pénombre, sous la voûte étoilée. Et sous cette lune, leur vieux quotidien rythmé par les reproches reprenait peu à peu, car Rudy ne pouvait s'empêcher de laisser s'échapper cette voix dénonciatrice. Oui, ça le gênait qu'elle ne l'ait pas prévenu plus tôt. Il aurait aimé être le premier au courant, peu importe leurs rapports. Arrogance, quand tu nous tient.
Puis un long silence. Le mutisme les avait atteint. Ils s'éteignaient, se renfermaient et s'accrochaient aux sentiments auxquels ils croyaient. Ce n'était qu'une question de foi. Rudy vénérait ce qu'il pensait ressentir pour Helena avec une adoration religieuse. Pas de l'amour. Pas de la haine. Ce remord de l'avoir laissée partir, sans qu'il ne puisse y faire quelque chose après tout. Il la désirait en quelques sortes, sans l'aimer, et avec cette boule au milieu de l'estomac, qui le freinait. Puis suite au long suspens qu'avait laissé cette sorte de tirade, elle acquiesça. Et elle attrapa un mouchoir, déclarant s'enrhumer, visiblement sous l'effet de la brise. Un gentleman se serait empressé de lui déposer gracieusement sa veste sur ses épaules. Et pourtant Rudy ne bougea pas. Que s'était-il dit plus tôt ? Qu'elle méritait tout le respect du monde ? Mais alors qu'il s'apprêtait à tirer sur ses manches pour lui tendre avec un de ces sourires forcenés son costume, elle se mit à prononcer des mots cinglants. « ...je ne m'en sens pas capable. » Tous les muscles de Rudy, sans exceptions, se mirent en grève et l'abandonnèrent. Il faillit trébucher en arrière, mais se reprit de justesse, dissimulant alors son pas chancelant. Il voulut alors prendre son visage dans ses mains, comme pour se punir d'avoir évoqué cette sorte de suggestion. Être amis. Bien sûr que ce n'était absolument pas possible. Levant alors les mains, il se dit qu'il aurait l'air fortement stupide, et rattrapa son geste en passant ses doigts dans ses cheveux, faisant mine de les recoiffer -ou de les coiffer tout court au fond. « Je... ce que je veux dire c'est que... je sais pas, c'est bête de perdre contact... comme ça... alors qu'avant nous étions... proches. » Entrecoupées de ces hésitations et bredouillements atroces, Rudy regretta ses paroles, bien qu'il les pensait.
« D'accord. Je ne sais pas... Qu'est-ce que je pourrais te dire ? Que veux-tu entendre ? » A vrai dire, il enchaînait bêtise sur bêtise, se trompant dans les mots à prononcer, mêlant un ton stricte à une intonation mélo-dramatique de série B. Mais d'où avait-il pu sortir cette phrase ? Il s'en racla la gorge. Sûrement d'un épisode de Gossip Girl encore pourri par des extraits d'amour, du romantisme à deux balles. « Excuse-moi, j'aurai pas dû dire ça, c'était déplacé. T'as raison, on devrait pas rester amis. C'est stupide. C'est mauvais. Hein ? » Ce qu'il disait avait enfin évolué en quelque chose de raisonnable, même si son plus grand souhait, là, maintenant, était de serrer cette fille dans ses bras, de l'entourer de caresses, et de gouter à nouveau à la saveurs de ses lèvres, que jamais il n'avait perdue. Mais ça aussi, il le regretterait. Parce qu'il n'avait pas une once d'idée sur ses sentiments vis à vis d'Helena. « Mais je veux juste te poser une question. Après tu pourras rentrer chez toi, fuir à nouveau, partir où bon te semble, je m'en contre fiche. Je veux juste que tu me répondes. Sincèrement. Est-ce que tu regrettes d'être partie ? » Est-ce que tu le regrettes, Helena ?
Spoiler:
Si c'est trop mou et que t'as pas assez de consistance, j'édite ;)
Sujet: Re: If we ever meet again ◊ ft Rudy Lun 16 Avr - 15:12
Lorsque Rudy lui demanda depuis quand elle était revenue avec l'air de ne pas croire qu'elle avait l'intention de le prévenir et, mieux encore, l'air de penser qu'elle aurait dû le faire dès son arrivée (voire peut-être même avant, quand elle avait pris la décision de s'envoler vers les Etats-Unis d'Amérique), Helena sentit le besoin de se mettre sur la défensive. Qu'il lui en veuille d'accord, elle s'y était attendu mais elle n'aimait pas le genre qu'il prenait et qui ne lui disait rien de bon, qui lui rappelait de mauvais souvenirs. Ne comprenait-il pas qu'elle redoutait de se retrouver dans la situation dans laquelle ils étaient maintenant.. c'était une peur qu'il justifiait tout à fait à l'instant présent. Etait-ce impossible pour lui de simplement lui dire qu'il était vexé ou peiné, qu'il comprenait pourquoi elle avait agit comme ça mais qu'il aurait aimé que cela se passe autrement ? Vraiment, ce soir Helena était à fleur de peau. Elle ne pensait pas qu'elle était capable de changer de sentiment aussi rapidement ni aussi souvent au cours d'une seule et même conversation, et pourtant elle avait fréquenté – et même plus que ça - Rudy pendant plusieurs années. Sa voix était toujours étranglée alors qu'elle l'aurait voulue plus assurée lorsqu'elle lui répondit. « Calme toi Rudy, d'accord ? Ca fait quelques jours que je suis là, je ne me suis pas terrée pendant des mois pour t'éviter. Si je ne t'ai pas mis au courant dans la minute ce n'est pas juste pour t'énerver mais est-ce que tu peux comprendre ça ? Est-ce que tu pourrais essayer de te mettre à ma place pendant deux minutes ? » Elle ne voulait pas être celle qui mettrait le feu aux poudres mais elle sentait qu'elle s'aventurait en terrain miné. Tant pis. Elle estimait qu'elle avait suffisamment pris sur elle jusqu'à maintenant et, quelque part, elle préférait se retrouver à lui crier dessus plutôt que de fondre en larmes devant lui comme une gamine trop sensible. Le problème était qu'elle était plutôt bien partie pour faire les deux en réalité.
L'espace d'un moment après qu'elle lui ait annoncé qu'elle ne se sentait pas capable de devenir son amie, elle crut qu'il allait se trouver mal : son visage était soudainement devenu fort pâle et il avait dangereusement vacillé. Cependant, il semblait s'être plus ou moins repris quand il bredouilla « Je... ce que je veux dire c'est que... je sais pas, c'est bête de perdre contact... comme ça... alors qu'avant nous étions... proches. ». Il avait l'air peu confiant, ses émotions jouaient apparemment également aux montagnes russes et Helena fit preuve de compréhension en ne lui répliquant pas que cela faisait deux ans qu'ils n'avaient eu aucun contact et qu'il n'avait rien tenté pour le reprendre. Ses convictions aussi s'amusaient beaucoup en fait. Une vraie girouette. Quelques minutes après seulement, il annonça qu'ils ne devraient pas rester amis, que c'était stupide et mauvais. Mais il dit surtout qu'il n'aurait pas dû lui demander de continuer à parler. Il tentait manifestement d'être raisonnable mais tout ce qu'il parvint à faire fut vexer son ancienne moitié mais au fond à quoi s'attendait-elle ? À ce qu'il la serre dans ses bras, lui dise que tout était oublié et qu'ils prendraient tous les deux le temps qu'il faudrait pour réapprendre à se connaître ? Elle n'y avait pas songé sérieusement mais l'avait secrètement espéré.
Rudy arriva enfin à la question qui semblait lui avoir brûlé les lèvres depuis le début, il déballa le fond de sa pensée d'un coup, de façon tout à fait inattendue. « Mais je veux juste te poser une question. Après tu pourras rentrer chez toi, fuir à nouveau, partir où bon te semble, je m'en contre fiche. Je veux juste que tu me répondes. Sincèrement. Est-ce que tu regrettes d'être partie ? » Elle sentit à nouveau ses yeux la piquer, elle avait mal de voir ce regard accusateur posé sur elle alors qu'elle avait déjà tant de mal à se tenir debout devant lui, tiraillée entre un sentiment d'injustice sans doute dû au fait qu'il pensait qu'elle n'était capable que de fuir, de tristesse de ne plus jamais retrouver ce qu'ils avaient avant et de sentiments refoulés dont de la jalousie envers toutes celles qui devaient être passées dans son lit en son absence et qui continuaient sûrement à défiler. Elle eut l'horrible vision du magasin de sous-vêtements dans lequel il travaillait et pensait à toutes les clients avec lesquelles il n'aurait aucune difficulté à être un peu trop serviable. « Je ne regrette pas d'avoir pris du temps pour me poser, je ne regrette pas d'avoir fait quelque chose d'engagé et de profondément altruiste, je ne regrette pas avoir appris des tas de choses, je ne regrette pas parce que j'ai recommencé à dessiner. Je regrette simplement que ça n'ait servi à rien, je regrette d'avoir pensé que fuir mes problèmes pourrait les résoudre et je regrette surtout... » elle s'arrêta net, elle n'avait aucune envie de dire qu'elle regrettait avoir complètement foiré avec Green Peace. « Oui non... rien. » Trop tard, le simple souvenir de l'incident fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Des larmes commencèrent à rouler le long des joues d'Helena sans qu'elle puisse les arrêter. Elle détourna vivement la tête, certaine que la vision du beau brun ne pourrait qu'empirer la situation. Elle se sentait tellement coupable. Elle ajouta entre deux sanglots « Et puis je regrette que depuis tu ne me voies apparemment plus que comme une lâche » plus doucement « et que tu n'aies même pas pris de mes nouvelles. »
HJ:
Non c'est très bien t'en fais pas :D Cela dit si jamais il y a un problème avec les miens n'hésite pas à me le dire non plus :)
Sujet: Re: If we ever meet again ◊ ft Rudy Mar 17 Avr - 15:24
La tonalité de sa voix s'éraillait. Rudy comprenait à quel point il blessait Helena, à quel point ses mots heurtaient, bousculaient. Mais il ne voulait pas s'excuser, il n'en était pas capable. Il ne voulait pas montrer à quel point la vision de la silhouette de plus en plus frêle de son Helena l'affectait. Car il allait commencer par lui demander pardon pour son ton affreusement sec et désobligeant et finirait par lui sauter au coup. S'il flanchait à nouveau, ne serait-ce que pour un mot de trop, il se perdrait au milieu de cette mer de sentiments confus, sentiments brusques qui s'entrechoquaient pour courir aux lèvres d'Helena, sans connaissance de causes, mais des conséquences. Alors de sa voix cassée elle lui demanda de se calmer. Elle sentait la colère des émotions dans la voix de Rudy. Puis elle appela à la comprendre. A se mettre à sa place. Chose qu'il était à moitié capable d'exécuter. Dans son esprit, tout était fini entre eux, même si une minuscule flamme d'espoir ne s'était pas encore éteinte. Dans son esprit, le couple qu'ils représentaient n'était absolument que néant. Ça ne pouvait pas marcher, hein ? Puis la danse des chefs d'accusations reprit, sur une musique composée par l'Amertume elle-même, l'Amertume la Grande. « Et la mienne ? Tu veux pas la mienne, de place, par hasard ? C'est toi qui m'a fui, qui m'a complétement laissé à l'aéroport, avec autant d'insignifiance que pour le premier jour de ta vie où t'as enfilé une chaussette. Donc non Helena, je ne comprends pas pourquoi tu n'es pas venue me prévenir de ton retour, pour t'excuser d'être partie. » Bordel, ce qu'il pouvait être infâme. C'était même plus des blessures qu'il lui infligeait, mais une vraie torture. Il s'en rendait compte, une fois les paroles prononcées. Mais au fond, il était tout aussi déchiré qu'elle. Il avait juste la force de ne pas le montrer.
Elle ne commenta pas sa phrase suivante, celle dénuée d'assurance. Recommença alors ce blanc entre eux, celui où ils analysaient précisément ce qu'ils s'étaient dit et ce qu'ils s'apprêtaient à dire. Puis la question. Celle qu'il avait peiné à prononcer, mais qui lui avait fait du bien. La satisfaction d'avoir eut le courage de la poser, bien que la réponse était tout bonnement cinglante. « Je ne regrette pas d'avoir pris du temps pour me poser, je ne regrette pas d'avoir fait quelque chose d'engagé et de profondément altruiste, je ne regrette pas avoir appris des tas de choses, je ne regrette pas parce que j'ai recommencé à dessiner. Je regrette simplement que ça n'ait servi à rien, je regrette d'avoir pensé que fuir mes problèmes pourrait les résoudre et je regrette surtout... » Et cette hésitation, avait de conclure sur un “non rien” pauvre en confiance. Mais peu importait, il avait eut ce qu'il voulait. Il avait réussi à la faire parler, entre deux persécutions. Il avait réussi à la faire parler et à faire naître des sanglots abattus. Le spectacle était douloureux. Une scène bonne à crever les cœurs. Rudy voulait la prendre dans ses bras, couvrir ses joues de ses mains, pour essuyer ses larmes qui se déversaient, prenant leur source dans ces yeux sombres et pourtant toujours aussi envoutants. Elle embaumait le chagrin à plein nez. Et lui il était là, devant elle, les bras ballants, en attendant que Dieu sèche les larmoiements de cette fille qu'il avait tant chérie. Puis elle l'accusa à son tour, de ne voir en elle que le visage d'une lâche. Ce qui était absolument vrai, et il ne s'en voulait presque pas de le penser. La voir comme une lâche et l'aimer n'était pas incompatible, dans son esprit.
« et que tu n'aies même pas pris de mes nouvelles. » Vas-y Rudy. Le diable t'embrase déjà, alors laisse ta bile couler de ta bouche salie. Achève la un peu plus, elle en raffole. Crache lui les mots qui brûlent tes lèvres putrides, les mots qui font mal. Amplifie encore un peu son calvaire, histoire qu'elle se souvienne à jamais de ton regard haineux. Elle a tort, et tu le sais. Alors pourquoi ne pas lui lâcher ce qui dévore tes entrailles, de lui lâcher la vérité sur ta version des faits. Au fond l'aimer ne sert plus à rien, pas vrai ? Votre dévouement pour l'amour était pris au piège par un cul-de-sac et fonçait droit dans un mur de toute façon. S'enflammer à nouveau pour elle n'était qu'un aller simple pour l'échec. Vous ne pouvez garder cette tendresse pour l'autre en vous, vous êtes voués à avorter de votre mielleuse étincelle. Alors vas-y, fais la choir sur le pavé humide. « C'est toi qui m'a dit presque mot pour mot avant de partir de t'oublier, Helena. » Il avait une voix outrée, qui vacillait néanmoins, beaucoup trop endolorie. Il était en train de lâcher. Le ton que prenait cette discussion était d'un pathétique sans pareil. Même Twilight n'aurait pas fait pire. « Et tu crois sérieusement que j'avais envie de prendre des nouvelles d'une fille qui s'est tout simplement barrée ? Je m'excuserai pas pour ça, tu sais. Faut que t'assumes tes choix. T'as voulu joué les âmes charitables avec ton Greenpeace, tu en subis les conséquences toute seule. » Il sentait la violence de ses propos en lui. Son estomac se nouait avec force, ne voulant se défaire, face aux dires qu'il pêchait il ne savait où. Paroles exacerbée et totalement immodérées. Mais l'effet était volontaire. Au fond il voulait faire subir à Helena ce que lui avait ressenti après son départ. L'abandon, la tristesse, la colère. Ses yeux le piquèrent et il dut cligner plusieurs fois pour effacer ce qui naissait au dessous de ses paupières. Une dernière pensée lui traversa l'esprit; celle d'enlacer son corps, de la rassurer, de se faire pardonner. Il secoua la tête pour chasser cette intention déplacée et inappropriée. Peut-être que c'était sa raison qui parlait, mais il ne voulut pas savoir.
Spoiler:
Les tiens sont toujours parfaits Et désolée de faire un Rudy méchant
Sujet: Re: If we ever meet again ◊ ft Rudy Jeu 19 Avr - 15:46
Plus le temps passait et plus Rudy haussait le ton. Plus il reprenait pied et plus le personnage arrogant qui sommeillait en lui prenait le dessus. La colère gagnait progressivement Helena. La colère et l’anxiété, celle de voir cette dispute devenir inévitable, comme si un orage se profilait à l’horizon. On avait beau courir pour y échapper, il était peu probable de ne pas être rattrapé par la pluie, la foudre et le tonnerre. La différence était que l’orage nettoyait tout sur son passage, laissant derrière lui un air doux et embaumé alors qu’Helena sortirait d’ici amère et brisée. Elle entendait son requiem gronder au loin.
On dit que le roseau plie mais ne cède pas. C’est sans nul doute une belle image mais à force de plier, il devient de plus en plus dur de se relever. Quitte à jouer le rôle du chêne arraché, Helena décida d’arrêter de courber l’échine. Sans cela, c’était sa fierté qu’elle n’allait pas tarder à voir être violemment déracinée. Elle s’était sentie fautive mais elle ne savait plus pourquoi. Tout ce qu’elle voyait désormais c’était ce visage accusateur. En fait, c’était de sa faute. Il n’avait même pas été content de la revoir, il avait juste attendu deux ans pour lui cracher sa bile au visage. Elle avait beau l’avoir partiellement mérité, elle n’en avait pas vraiment conscience, persuadée d’avoir agi pour le bien de tous. Elle refusa de tendre l’autre joue pour que Rudy puisse y poser sa main brûlante et prendre plaisir à voir sa pommette se réduire en cendres.
« M’excuser ! Franchement, tu ne manques pas d’air ! Tu penses que je suis revenue pour ça ? Si c’est le cas, détrompe-toi. Quant à savoir pourquoi je ne t’ai pas prévenu directement… tu as vu la situation dans laquelle on est, là ? Tu penses que j’avais envie de me retrouver devant toi dans cet état ? Honnêtement, réfléchis, j’ai l’air d’apprécier ? » s’offusqua-t-elle.
Un regard, un de plus sur l’être qui, haï ou aimé, avait été au centre de son monde pendant environ cinq ans. Sa bouche au dessin pointu, au sourire en coin arrogant, à l’infinie douceur quand elle rencontrait la sienne. Sa bouche capable de laisser s’échapper les pires horreurs sans une hésitation. Elle crachait des couteaux avec plus d’aisance et de rapidité qu’un cobra ne délivrait son venin. Ses yeux pétillants, parfois rieurs. Ses yeux d’acier, illisibles et froids. Était-ce là le reflet de son âme ? Ses mains caresses, ses mains coup de poing, qui blessent autant qu’elles guérissent. Elle avait peut-être un côté masochiste après tout. Coup de poing… c’était ce qu’elle avait envie de faire à l’instant présent, le frapper de toutes ses forces, le secouer, qu’il change d’attitude, qu’il arrête de la rabaisser encore et encore. Elle serrait ses poings et, se rendant compte que ses joues étaient humides, elle effaça vigoureusement, sûrement les dernières traces de sa faiblesse momentanée. Si elle devait craquer, ce serait plus tard et l’abri des regards. Pendant une fraction de secondes elle se demanda ce qu’il se passerait si quelqu’un qu’elle connaissait, pire, ses parents, venait à sortir de la salle et tombait sur la scène.
Rudy n’arrêta pas là son discours acerbe. « Eh bien, tu vas oublier que j’ai dit ça, comme j’ai oublié ta demande de ‘ne pas m’arrêter de parler’ et comme tu m’as oubliée quand je suis partie puisque tu sembles y être si bien arrivé. C’était sans doute une très bonne suggestion que j’avais faite à l’époque. Il paraît même que tu t’y es beaucoup employé, je suis fière de toi. » Elle ne citerait pas le nom de Lenny s’il lui demandait d’où elle tenait des informations sur ses relations amoureuses. Le seul problème c’est qu’elle-même n’avait pas su se tenir à ce simple conseil. Pauvre Helena incapable de suivre ses propres idées, trop émotive, trop profondément attachée, trop idiote. Elle était persuadée qu’ils étaient destinés à sauter à pieds joints dans le fossé. Le fossé ? La bouche des enfers, plutôt. Et pourtant… il y avait cette petite flamme en elle qui continuait à osciller faiblement.
« Quant à t’excuser, je ne te l’ai pas demandé, je ne peux pas demander quelque chose qui doit être spontané sinon cela n’a plus de sens. Et pour ce qui est de subir les conséquences de mes actes, je n’ai jamais demandé d’aide, d’accord ? J’assumerai toutes – sa voix flancha – les conséquences. » De toutes façons, ça n’allait pas rater, on n’allait certainement pas tarder à lui demander de retourner sur le continent pour entendre sa version des faits. Très peu de personnes étaient au courant mais si les autorités cherchaient l’organisateur du désastre, ils la retrouveraient facilement. Elle était vraiment dans une belle embrouille mais cela lui importait peu en ce moment, frissonnant sur le parvis glacé de la community room. Elle espérait néanmoins qu’ils n’aient pas besoin d’elle trop rapidement.
Elle lança un regard arrogant à Rudy, d’un air de défi, sûre d’elle. Elle n’allait plus le laisser mener la danse. Elle était arrivée avec le cœur comme du chewing-gum et il avait suffit qu’elle fréquente à nouveau ce garçon quelques minutes pour qu’elle se décide à le changer en pierre.
« Tu vois, tu voulais qu’on reste amis mais tu m’en veux manifestement beaucoup trop pour que ce soit possible. » Arborant un sourire en coin du même genre que celui pour lequel Rudy était passé maître, elle ajouta en le regardant avec le regard de défi qu’elle n’avait pas quitté « Au moins je constate que je ne te laisse pas indifférent. » Elle n’aurait pas été étonnée de se prendre une baffe dans la seconde mais ç’avait été plus fort qu’elle.
Sujet: Re: If we ever meet again ◊ ft Rudy Ven 20 Avr - 16:50
Il avait envie que cela cesse, qu'ils se disent des mots d'amour et se quittent sur un sourire enjoué. Il avait envie de lui crier ô combien elle lui avait manqué, comment l'oublier lui avait d'abord semblé insurmontable et comment il avait peiné à effacer son souvenir dans les bras d'une autre, qu'il n'arrivait même pas à gâter de compliment tant le visage d'Helena Van Dijk était imprégné dans son esprit. Il avait cru enfin que le son de sa voix s'était terré dans les méandres de l'amnistie de l'esprit, pour ne plus jamais le rencontrer. Et pourtant aujourd'hui il remettait en cause sa capacité à ne plus penser à elle, et à dompter les sentiments qu'il avait eut à la vision de son doux visage. Elle n'avait jamais quitté son cœur, au grand jamais, elle s'était juste tapie dans son inconscient, inaccessible, guettant le moment pour ressurgir et anéantir le travail émotionnel qu'il pensait avoir accompli. Elle était en train de le descendre et il luttait pour ne pas se jeter à son coup de la faire disparaître de l'espère humaine, histoire qu'il n'ait plus en lui le regret d'avoir laissé traîné son souvenir.
Sa voix continua alors de crier au scandale, avec un ton dorénavant moins déchiré, comme pour montrer qu'elle n'était pas finie, que la course de son courage était inachevée et courait une dernière ligne droite, emplissant chaque faille dont Rudy laissait entrevoir de mots corrosifs. Il s'étouffait face à ces phrases abruptes, qui le déchiraient de l'intérieur. Il avait l'estomac noué, troué, la gorge bouchée qui ne laissait plus une bribe d'air passer au travers, une hémorragie interne de chagrin, à défaut de ne pas pouvoir laisser couler sa peine face à Helena. Il aurait voulu fermer les yeux, pour les rouvrir au milieu de la nuit, se découvrant dans ses draps humides face à cet affreux cauchemar. Cette Helena qu'il avait devant lui, à cet instant, n'était qu'un monstre de plus parmi les immondices créés par ses chimères endolories. Il aurait voulu fermer les yeux et découvrir qu'elle n'était jamais partie, ou jamais revenue. Il n'arrivait même pas à savoir laquelle de ces deux options était la plus préférable pour leur santé mentale. Mais de toute manière, les deux le tourmenteraient. « Et tu crois que ça me fait plaisir de te crier ces choses là ? J'ai jamais voulu autant t'engueuler, c'est toi et ta faiblesse qui le cherchent. Ton envie de partir, puis de revenir comme ça. Tu peux pas sortir et pénétrer ainsi dans la vie des autres, surtout après le mal que tu leur fais subir. Tu sais j'ai jamais voulu que tu t'en ailles, et aujourd'hui encore moins que tu ne reviennes. »
Ça l'avait tellement achevé de prononcer ces mots. Pourquoi ? Pourquoi recherchaient-ils ainsi le malheur, la désolation, le désespoir, par leurs répliques dénuées de tout âme ? Il avait envie que cela cesse, que leurs mots redeviennent doux et suaves, comme avant. Qu'ils scellent cette dispute une bonne fois pour toute et la laisse filer dans une brise, aussi volatile qu'une poussière. Voilà, il voulait que leur altercation actuelle se réduise en poussière, pour qu'il puisse l'écraser, la réduire à néant. Il voulait la faire taire, entourer ses lèvres occupées à déverser un flot d'acide hargneux d'une étreinte rassurante, pour que la sérénité les embaume, les baigne dans une parfaite harmonie où alors ils pourraient parler de ce qu'ils ressentaient au fond, et non pas la colère de la couche superficielle de leur être. Mais elle reprit par des insinuations faussement fondées. Comment pouvait-elle savoir qu'il s'était employé à l'oublier comme elle disait ? Ce ton diffamateur sonnait avec horreur. Elle cherchait à le faire culpabiliser. Peut-être qu'elle était jalouse. Jalouse de ses pseudo-conquêtes -car oui, il fallait vraiment être con pour supposer oublier quelqu'un autrement, ou alors ne pas être dénué de raison- avec qui il avait tenter de ternir l'image d'Helena. Mais elle n'avait pas à l'être, jalouse, car il n'avait jamais réussi à trouver plus beau que sa vanité ardente. « Au fond j'ai jamais réussi à t'oublier, tu sais. Et ça me tue, d'avoir encore ces pensées pour toi. Et ce qui me tue aussi, c'est qu'on ait entretenue ma fausse image de salaud, et que t'y ait cru. Au moins c'est donnant/donnant; t'es une lâche, je suis un connard. On se complète bien. Une paire de désenchantés. »
Il lui lança un regard noir. Un regard sur lequel elle enchaîna avec la promesse d'assumer toutes les conséquences de ses actes. Et ce fut sur ses derniers mots que sa voix s'enroua, comme si elle avait expiré son dernier souffle. Très bien, elle assumerait. Mais elle n'avait pas à se plaindre de ne pas avoir eut de ses nouvelles pendant son séjour en Australie. Personne de censé n'aurait gardé contact avec le meurtrier de ses sentiments. Et elle, en s'extirpant du pays, avait mis fin à leur dévotion, n'y portant qu'un seul et unique coup, celui du départ. Il ne répondit alors pas, se contentant d'acquiescer par un « Très bien ! » sec et désintéressé. Puis les paroles suivantes retirèrent le poignard qu'elle avait enfoncé quelques minutes plus tôt, achevant avec panache son exécution. Et là, devant ce rictus en coin, ce regard arrogant, ces manies dominatrices, il allait retirer son chapeau, il allait s'incliner. Il s'apprêtait à flancher pour la première fois, à se laisser contrôler docilement par ce qu'il aurait bien voulu recracher comme la bile de son intestin, se laisser contrôler par ses sentiments. L'aboutissement d'une épreuve destructrice, le dénouement d'un drame cornélien, quitte à en venir au suicide pour ne pas assister à la réplique qu'opérerait cette fille qu'il avait tant aimée. Il ouvrit alors la bouche, pour laisser couler ses paroles non maîtrisées, qu'il voulait pourtant cracher au visage d'Helena, pour qu'elle comprenne que son égoïsme avait une limite, que son orgueil était arrivé au terme de sa puissance, que son impudence était en plein déclin, et qu'il pliait devant sa conscience. « C'est bien ça le problème, tu me laisses pas indifférent. Tu sais pourquoi ? Parce que te voir partir m'a complétement détruit. Alors oui, j'ai essayé de t'oublier, mais j'y arrive pas. Et tu te pointes, deux ans plus tard, avec tes cliques et tes claques, et j'ai le bon goût de te croiser, innocemment, et j'arrive pas à exprimer la joie que je ressens à l'idée de te voir, parce qu'elle est mélangée à trop de rancœur. J'arrive pas à savoir ce que je veux avec toi, parce que je te trouve lâche, mais je te trouve merveilleusement lâche. Donc je joue au con. Ouais, au con. » Il reprit son souffle, complètement désorienté. Et en reprenant ses esprits, il conclut: « Et non, cette tirade là, je la regrette pas. » Helena, j'espère que tu me comprendras.
Sujet: Re: If we ever meet again ◊ ft Rudy Sam 21 Avr - 19:44
Maintenant qu'elle s'était reprise, Helena se sentait prête à escalader des montagnes. Elle avait l'impression qu'elle venait de courir un cent mètre haies tant son souffle était court et tant la fraîcheur de l'air qu'elle respirait brûlait sa gorge chaude. Malgré cela, elle était d'attaque. Elle ne céderait plus rien du tout à Rudy, elle était décidée à le pousser dans ses retranchements, à ne pas se laisser faire, à ne pas continuer à se laisser réprimander docilement. Elle serait forte, déterminée. Mulan n'avait qu'à bien se tenir. Rudy continua à plaider sa cause. Elle regrettait qu'il soit manifestement vain d'essayer de s'expliquer calmement avec lui. Tous deux avaient besoin de se quereller pour exprimer ce qu'ils ressentaient. C'était sans doute bien dommage. Elle parla sèchement. « Je n'ai rien cherché du tout, c'est toi qui est incapable de garder ton calme. Si tu n'avais pas envie de m'engueuler, comme tu dis, tu ne le ferais pas, point. Et je suis désolée de chambouler autant ta vie, ça n'a jamais été mon intention. » Elle n'avait aucune envie d'abonder dans son sens mais elle devait reconnaître qu'il avait raison sur ce point précis. Elle n'avait jamais voulu lui faire ça et elle aurait certainement fait son mea culpa spontanément s'il ne l'avait pas agressée de prime abord. Elle était arrivée la queue entre les jambes et lui aurait sans doute accordé tout ce qu'il voulait. N'importe quoi pourvu de faire baisser le poids de la culpabilité qui pesait sur ses épaules... s'il n'était pas directement monté sur ses grands chevaux. Certes, elle ne lui aurait pas demandé pardon pour s'être envolée à l'étranger. En revanche, elle l'aurait fait pour son manque de délicatesse. Elle savait que par deux fois désormais elle avait bousculé le quotidien du jeune homme, envoyé grand coup de pied dans sa routine, sauté à pied joint sur son château de sable. Pauvre petit désemparé devant les ruines du travail qu'il avait accompli. Il aurait juste fallu qu'il comprenne qu'elle ne le faisait pas par plaisir mais plutôt par maladresse. Malheureusement, elle seule savait combien elle aurait aimé éteindre ses frustrations aussi facilement qu'elle les enflammait en lui. Sa remarque suivante, stipulant clairement qu'il n'avait pas eu envie qu'elle revienne, l'avait piquée au vif. Pour cette raison, elle décida de l'ignorer. Lui dire qu'elle était vexée qu'il n'ait pas souhaité son retour était non seulement très égoïste – qu'à cela ne tienne - mais c'était également lui dévoiler une nouvelle faiblesse. Il était tout simplement hors de question de lui offrir ce superbe angle d'attaque. C'aurait été comme lui présenter un poignard sur un plateau d'argent en lui susurrant doucereusement "Tiens, achève-moi. Crève-moi le coeur, tu en meurs d'envie. Au moins pourras-tu te rendre compte que j'en ai un aussi. Brise-moi définitivement, anéantis-moi, je serai docile." Helena ne se laisserait pas faire, elle tomberait au combat sinon rien.
« Au fond j'ai jamais réussi à t'oublier, tu sais. » Eh bien la voilà, la phrase qu'elle voulait entendre ! Etrangement, elle ne lui fit pas le bien qu'elle avait escompté. En vérité, la défaite lui semblait presque plus amère maintenant qu'elle était partagée. Elle sourit ironiquement, ils étaient vraiment deux foutus incapables, pas un pour rattraper l'autre. Maintenant, qu'il lui avait fait cette confession tout se compliquait pour elle. Il devenait beaucoup plus dur de faire taire cette petite voix dans le fond de sa tête qui continuait à espérer que rompre n'ait été qu'une grosse erreur. Pour le moment, sa hargne avait toujours le dessus mais sa colère était fugace, un bouclier si lourd pour ses petits bras qu'elle serait bien obligée de l'abaisser à un moment. D'un ton railleur, elle compléta la tirade de Rudy. « Une paire de beaux imbéciles, oui. » Elle ne voulait pas répondre à sa remarque sur le fait qu'elle ait cru qu'il était un salaud. Parce que n'était pas vrai. Elle avait juste été jalouse mais ça, jamais elle ne se l'avouerait. Elle préférait encore qu'il pense qu'elle l'avait mésestimé.
À sa remarque déplacée en revanche, la claque n'arriva pas. À la place, son adversaire fougueux sembla se laisser aller. Elle ne s'attendait pas à le voir flancher si vite. Certes, il n'était pas tombé à genoux en sanglots mais ses paroles n'en étaient pas moins bouleversantes. Alors c'était ça ? Il avait suffit qu'elle lui tienne tête pour qu'il abaisse ses défenses. Stupéfaite, Helena posa sur lui un regard incrédule. Cherchait-il à la distraire ? Détournait-il son attention avant de passer à une offensive fatale ? Si c'était le cas, c'était un excellent joueur. Helena sentait ses sourcils se détendre, sa lèvre inférieure retomber lui entrouvrant légèrement la bouche. Il avait l'air sincère. Il avait beau la traiter de lâche une fois de plus, elle ne pouvait s'empêcher de fondre en l'écoutant se mettre à nu. Elle sentait ses mots la bousculer comme une série de vagues. Elle oublia de respirer, n'inspirant plus que ses paroles.
« Et non, cette tirade là, je la regrette pas. » Sans qu'elle ait envoyé d'ordre à ses muscles, Helena se jeta littéralement contre Rudy, avec une telle force qu'elle manqua de les envoyer valser sur le sol. Elle le serra intensément, espérant lui faire comprendre à quel point elle était désolée de la situation dans laquelle ils étaient. Ce n'était sans doute pas la réaction qu'elle aurait dû avoir mais elle l'avait senti tellement déboussolé qu'elle n'avait pu s'empêcher de lui sauter dessus. C'était un bien piètre réconfort qu'elle lui apportait là mais c'était le meilleur de ce qu'elle pouvait lui offrir en ce moment, les mots étaient devenus dérisoires. Sa poitrine serrée contre son torse, elle sentait davantage les embardées de son coeur. Etait-ce son coeur ? Le parfum de Rudy et la chaleur de son corps l'enivraient. C'était la première fois depuis longtemps qu'elle se retrouvait aussi proche de lui.. peut-être la dernière aussi. Elle ne savait pas ce qu'elle devait en penser... En fait, elle n'avait plus envie de penser, cela ne lui avait pas fait de bien récemment. À cet instant, avancer tête baissée, sans réfléchir, lui semblait la meilleure des choses à faire. Au pire, il la pousserait, lui donnerait un coup de pied et lui dirait gentiment d'aller se faire foutre. Elle n'était plus à ça près, cette conversation avec lui l'avait complètement vidée. Elle aurait put comparer son expérience avec un grand huit émotionnel. Merde, elle avait dit qu'elle ne cèderait pas. La mort en guerrière, au milieu du champ de bataille, ne s'en souvenait-elle pas ? N'avait-elle donc aucune suite dans les idées ?
Doucement, s'en voulant un peu de s'être laissée aller, elle fit glisser ses mains sur les épaules de Rudy et se décolla de lui. Relevant son visage troublé vers le sien, elle lui lança avec un sourire narquois. « Je pense que tu es merveilleusement con. » En fait, ils l'étaient tous les deux, cons.
Dernière édition par Helena L. Van Dijck le Dim 22 Avr - 22:30, édité 1 fois
Sujet: Re: If we ever meet again ◊ ft Rudy Dim 22 Avr - 17:02
Elle avait retrouvé sa voix assurée, sèche, destructrice. La voix de cette Helena entreprenante, qui ne cédait plus. Celle qui allait l'achevait pour de bon, qui allait lui soumettre deux uniques options; celle de céder, ou celle de lui tenir tête. Pas question de la voir flancher, dorénavant elle dominait la scène, parce qu'elle avait laissé couler ses larmes, pour finalement se relever au combat. Elle avait tout calculé. Elle l'aurait à l'usure. Il allait mourir sous la fatigue. « Si t'avais pas voulu chambouler ma vie comme tu dis, Helena, tu serais pas partie. Tu savais que ça allait claquer, si tu partais, que ça allait semer le malheur. C'était ce que tu voulais, non ? Te venger de toutes ces disputes ? Et si c'est pas pour ça, alors dis moi pourquoi t'as voulu me fuir ! » C'était un débat sans fin, ça tournait en rond. Au fond ils savaient tous les deux pourquoi chacun réagissait comme ça. C'était leur façon de s'exprimer, leur manière de vomir leurs sentiments. De cracher ce truc qu'il y avait entre eux. Elle avait raison, Helena. S'il avait pas eu envie de lui crier dessus il ne l'aurait pas fait. Mais c'était ce qu'il voulait, Rudy. Il voulait lui faire comprendre, avec ses airs arrogants, qu'elle constituait une des seules faiblesses qui le possédaient, ce qu'il détestait le plus en un sens. Il ne pouvait pas lutter contre cette fille très longtemps, et ça le désolait, ça l'anéantissait. Sa faille maudite, son venin incurable, qui sommeillait en lui, et qui lui pourrissait sa raison et sa vanité.
Puis elle ne répondit pas à la remarque suivante. C'était le même manège. Dès qu'une réplique ouvrait sur le potentiel aveu d'une fissure, ils se taisaient. Ils auraient pu crier leur jalousie, leur tristesse, ça n'aurait été qu'une plaie de plus à raviver, un trou béant dans leur cœur à étendre de part et d'autre de leur dépit. Ils se martyrisaient l'un après l'autre. Se heurtaient aux phrases douteuses bourrées de sens dont ils niaient la vraie signification. C'était ça leur jeu; le démenti. Ils choisissaient la simplicité, ils choisissaient de ne pas se confronter à ce qui les poussait l'un comme l'autre à se jeter dans cette symphonie d'altercations les plus orageuses les unes après les autres. C'était leur partition, leur rôle à jouer, la soumission à la fatalité. Puis soudain, dans ce silence, la voix d'Helena résonna. « Une paire de beaux imbéciles, oui. » Rudy baissa les yeux. Ce ton, il ne savait y discerner le sarcasme de l'accusation. Alors il voulait se faire petit. Petit devant la grandeur de ces mots. Il acquiesça, discrètement, en lançant quelques regards vers sa silhouette. Cette silhouette qu'il avait chérie, et serrée dans ses bras, pendant de longues heures, n'écoutant que le souffle s'échapper d'entre ses lèvres pour seule berceuse. Parfois il n'y avait pas besoin de mots.
S'enchaina à cela un regard perplexe, alors qu'il venait de signer son contrat d'exécution. La mort de son égo, décédé entre ses mots qui le déshabillaient. Alors qu'il s'attendait à une phrase cinglante, à une claque verbale qui l'achèverait au combat, à un dernier coup de poing diffamateur qu'elle aurait eu le plaisir de porter à ses restes de dignité, Helena se jeta à lui. Comme une enfant bouleversée de retrouver sa mère. Stupéfaction. Rudy voulut bredouiller quelques mots, mais ses cordes vocales semblaient aussi figées que le reste de ses muscles. Pourtant il pouvait sentir le corps d'Helena. Rassurant, chaud, enivrant, blotti contre lui. Il aurait voulu que cet instant dure une éternité, que ces retrouvailles soient à jamais infinies. Puis il put enfin l'entourer d'une étreinte douce et sereine. Délectable bonheur. Il aurait été jusqu'à prier pour qu'il ne s'échappe pas et les abandonne à nouveau. Il posa alors son menton sur le sommet de sa chevelure, l'enlaçant plus intensément, pour ne pas la laisser fuir. Pour se faire implicitement pardonner pour ses mots destructeurs et virulents. Il était encore ébahi, par ce geste qui venait de briser une distance ancrée entre eux pendant deux ans. La distance entre Arrowsic et Sidney, la distance entre leur affection et leurs disputes incessantes. La distance qu'ils avaient pris avec l'ancien couple qu'ils formaient. Et si il en avait vraiment envie, au final, de retrouver ce couple ? Tiraillé ou non, il ne voulait pas y penser, juste se la tenir, là, contre elle, encore quelques siècles. Elle se décolla ensuite, légèrement, et son visage doré émergea de leur caresse, un sourire y étant accroché. Elle lâcha un murmure. Des mots qui vinrent compléter les paroles de Rudy. Il était con. Ils étaient con. Il n'était plus à ça près, de toute façon.
« Et tu crois que si on recommence, ça va marcher ? » Il en doutait. Il en doutait tellement qu'il avait peur de gâcher à nouveau les derniers sentiments qu'il avait pour elle pour une relation vouée à l'échec. De toute façon ils en étaient conscients. Après tout c'était ça, le crédo de l'amour, l'inconscience, le manque de raison, toutes ces conneries. Néanmoins, il fallait poser des limites à l'auto destruction. Parce qu'ils fonçaient droit dedans, dans ce gouffre de souffrance. Est-ce qu'un jour ils formeront un couple normal ? Seul Dieu pouvait le prévoir, et encore. Au fond de lui, il l'espérait si fort. Si fort que cette entité suprême logeant aux cieux serait apte à l'entendre, si l'on supposait qu'elle existe. Il voulait que ça marche, et il était prêt à beaucoup pour faire renaître ce qu'ils partageaient, autrefois. Il prit ensuite le visage d'Helena au creux de ses paumes, chassant une mèche derrière son oreille et la regarda, avec ces yeux pétillants d'admiration devant sa splendeur, avant de s'emparer de ses lèvres, avec la même spontanéité que celle dont elle avait fait preuve quelques minutes plus tôt. Il voulait retrouver ce souvenir, le goût de ces baisers volés, de ces peaux mêlées, le relief de ses courbes, qui dansaient sous ses mains, se promenant de part et d'autre de sa silhouette, pour ne plus jamais le laisser s'en aller. Parce que quand cette sensation disparaît, on la perd, et courir après est chose vaine.
Sujet: Re: If we ever meet again ◊ ft Rudy Mer 25 Avr - 22:29
« Et tu crois que si on recommence, ça va marcher ? » Ces mots firent tourner la tête d'Helena. La question était grande. Et elle, était petite. Elle n'avait pas vraiment envie de penser à leur avenir, elle désirait surtout savourer l'instant présent, se réchauffer dans les bras qui s'étaient refermés autour d'elle, lui procurant une douce sensation de captivité. Les paroles de son geôlier signifiaient qu'il envisageait, ne serait-ce que furtivement, un futur avec elle. Elle se sentit flatté, rassurée et terrorisée devant l'ampleur de la problématique. Elle n'avait aucune envie de passer encore pour la responsable de leurs malheurs mais aucune non plus de le laisser lui échapper. Elle ne voulait pas avoir de regrets parce qu'elle n'avait pas, au moins, essayé. Si elle croyait que ça marcherait, elle était bien incapable de le dire. Elle ne savait même pas ce que Rudy était devenu après tout ce temps. Elle posa ses yeux sur lui, sondant méticuleusement les traits de son visage, une fois de plus, ne sachant pas vraiment ce qu'elle désirait y découvrir. Jusqu'ici, il avait été conforme au souvenir qu'elle avait gardé de lui : impulsif, borné, prétentieux,... tout ce qui faisait qu'il était lui, tout ce qui l'exaspérait au plus haut point, tout ce qui faisait son charme. Néanmoins, elle ne voulut pas se fier à ses impressions. Elle-même avait gardé les manières qu'elle avait deux ans auparavant mais elle sentait que son expérience en Australie avait changé quelque chose en elle. Une infime partie de sa personne avait comme éclos, nuançant sa personnalité. Elle avait évolué. Il pouvait en avoir été de même pour le jeune homme. Et si c'était ce qui leur avait manqué la première fois ?
Elle en était à ce point dans ses réflexions lorsqu'elle sentit les paumes de Rudy se poser sur ses joues. Elle l'observa, surprise et découvrit un regard bouleversant. Il la fixait avec une telle intensité qu'elle eut subitement très chaud. Son souffle se fit court alors que leurs deux visages se rapprochaient inexorablement l'un de l'autre. Elle sentit alors la caresse des lèvres se pressant contre les siennes. Elle fut heureuse d'être toujours prisonnière de l'étreinte de leurs corps ; ses jambes de la portaient plus. Elle ne pensa pas un moment à le repousser, tout comme il n'avait semblé le faire lorsqu'elle s'était jetée contre son torse. Devant une telle spontanéité, seul répondre à l'urgence de son invitation lui était possible. Elle se laissa aller, comme dans un rêve. Mais cette fois-ci, elle ne voulait plus se réveiller en sursaut pour s'apercevoir qu'elle avait perdu son Monsieur Gavennham. Elle enroula son bras gauche autour de sa nuque alors que, de ses fébriles doigts droits, elle redessinait délicatement ses abdominaux. Elle s'accrochait à lui autant qu'à ses souvenirs, se demandant si elle pourrait un jour lâcher prise. La volupté du moment l'enrobait toute entière. Elle sentait ses mains courir sur son corps. Elle s'enivrait de son parfum aux notes musquées sur fond de patchouli. Elle se délectait de sa bouche. Plus rien n'existait autour d'elle sinon lui.
Elle n'aurait sut dire combien de temps avaient duré leurs embrassades mais elle eut l'impression de n'en avoir pas assez profité lorsqu'ils y mirent un terme. D'une certaine façon, elle se sentait soulagée, comme si son anxiété avait été aspirée. Elle était désormais plus calme, prompte à la discussion. Si la réconciliation de leurs corps n'avaient pas éteint toutes ses craintes ni assagi la course effrénée de son coeur, elle avait néanmoins fortement apaisé son esprit. Elle parla posément pour la première fois depuis qu'elle l'avait revu. Elle répondit aux questions qu'il lui avait posées et qu'elle avait oubliées le temps de leurs caresses.
« Tu sais, je n'ai pas voulu me venger. Ce n'était pas ça. Je me doutais que ça allait claquer mais je croyais que c'était un mal pour un bien. J'avais tort. » Ne voulant pas que Rudy s'emporte à nouveau parce qu'ils abordaient un sujet sensible, elle attrapa tendrement sa main. Un moment d'hésitation encore et elle ajouta « et c'était peut-être un peu lâche, effectivement » Cet aveu lui arracha une grimace. Elle espéra qu'il apprécierait sa concession à sa juste valeur.
« Et si ça marcherait, je ne sais pas. » elle laissa quelques secondes s'écouler « Mais je crois qu'après ça » elle ne put réprimer un sourire en repensant à la façon dont Rudy s'était laissé emporté. « ...peut-être qu'on mérite une deuxième chance. » Elle paraissait plus optimiste qu'elle ne l'était vraiment. Au fond, elle avait beaucoup de doutes. Malgré cela, elle pensait sincèrement qu'ils ne devraient pas laisser filer une occasion comme celle-ci. Il faudrait faire des efforts, elle le savait et elle y était prête.. mais lui ? Elle eut peur de ternir le climat qui s'était installé, de rappeler à eux la tension et le malaise qui les guettaient toujours du coin de l'oeil. Elle se rembrunit quand elle ajouta « À condition de ne pas recommencer à faire les mêmes erreurs. »
Elle regarda ensuite distraitement le ciel étoilé et se dit que le parvis de la community room ne se prêtait pas vraiment aux discussions. Ils étaient au beau milieu du chemin depuis le début et c'était un véritable miracle que personne ne soit venu les dégager à coups de jurons parce qu'ils gênaient tous ceux qui voudraient passer. En fait les invités ne semblaient pas vouloir sortir, la soirée battait sûrement son plein mais quoi qu'il eut pu s'y passer à l'instant même, Helena n'aurait pas voulu être ailleurs. Et elle n'avait surtout pas envie de retourner au milieu de ce tumulte et de ces faux semblants. Rudy et elle avaient sans doute le chic pour s'engueuler mais au moins, ils s'étaient toujours dit ce qu'ils pensaient. Cela ne leur avait certes pas porté bonheur et ils auraient dû modérer leurs ardeurs mais, bien qu'elle convienne que le mensonge puisse être une nécessité, cela écoeurait moins la jeune femme que ces gens tout lisses qui déambulaient là, à l'intérieur.
« On pourrait aller marcher pour parler de tout ça... ou s'asseoir. À moins que tu ne veuilles prendre racines ? » Elle espérait au fond qu'il opterait pour la promenade. Elle n'avait pas vraiment eu le loisir de courir les champs depuis son retour et déambuler dans Arrowsic lui avait terriblement manqué. Quand elle se retrouvait au milieu des prairies ou le long de l'eau, elle retombait en enfance. Elle avait une véritable affection pour la bourgade qui l'avait accueillie à sa naissance. C'était peut-être pour ça qu'elle y revenait toujours. Elle avait l'impression que c'était sa juste place, que son identité même était toute imprégnée d'Arrowsic. En attendant le choix de Rudy, elle se laissa bercer par les mélodies enfantines de sa mémoire.
Sujet: Re: If we ever meet again ◊ ft Rudy Sam 28 Avr - 13:11
Elle l'apaisait. Elle avait cette sérénité qui émanait d'elle. Le parfum de l'harmonie. Helena était sa muse, sa fée dansante, emmitouflée dans une poussière d'étoiles. Il l'idéalisait. Il se persuadait qu'elle avait changé, qu'elle n'était plus aussi têtue, aussi envieuse d'un monde où tout irait dans le sens où elle l'imagine. Il la voulait métamorphosée en une créature merveilleuse qui arborerait toutes les qualités du monde. Alors qu'elle avait sûrement gardé ce caractère têtu. Cette manie de ne pas écouter l'autre, de faire comme elle l'entend. Le problème était qu'ils étaient pareils. Qu'ils avaient les mêmes défauts, le même honneur, la même fierté à élever. Et quand les deux égos se confrontaient, ça faisait l'effet d'une bombe atomique. Mais elle avait changé, hein ?
Il espérait qu'en deux ans il avait gagné en maturité. Qu'ils avaient gagné en maturité. Qu'ils avaient tous deux grandi, qu'ils avaient tous les deux changé. Peut-être que c'était aussi ce qui lui faisait peur. Avec un plaisir malsain il aimait ce qu'ils étaient avant, autant qu'il détestait leur ancien couple. Il se sentait vivant au milieu de cette mélasse haineuse et douce à la fois. Perdre cela, serait créer quelque chose de nouveau. Et la nouveauté, parfois, ça faisait frissonner de peur, de doutes, de préoccupations. Il préférait s'effacer dans cette étreinte plutôt que d'imaginer ce que ce serait de recommencer. Il préférait garder Helena auprès d'elle, et ne pas la voir s'envoler. Il voulait l'avoir pour force, pour retrouver ce qu'il pensait oublié. Il ne voulait pas laisser filer ce sentiment de moins en moins palpable. Le sentiment délicat, la caresse de leur affection pour l'autre. Ces émotions avaient une histoire, leur histoire, et elles l'ancraient dans leurs veines, profondément, avant de se diluer dans leur sang, pour qu'au final ils tentent désespérément de s'y raccrocher, en vain et qu'ils voient leur flamme se dissiper dans la brume de l'oubli, dans le brouillard du temps.
Il relâcha délicatement son étreinte. Le goût de ses lèvres lui manquait déjà. Il aurait bien voulu ne jamais la quitter, ne jamais la lâcher. Puis pour compenser leurs caresses, il eut droit à sa voix doucereuse. Elle aussi elle assumait sa lâcheté, même si prononcer ce mot en ce moment sonnait avec atrocité. Il était apte à une discussion virulente, pas à l'échange qu'ils partageaient en cet instant de réconciliation. Elle parla ensuite d'une deuxième chance. Ces mots lui arrachèrent un sourire, autant à lui qu'à elle. Mais lui le voulait presque forcé, parce qu'il était baigné dans un questionnement sombre sans réponses. Elle était enthousiaste. Il en était honoré. Elle ne le repoussait pas, pas autant que durant leur dispute. Elle imaginait un futur avec lui. Avec cet être égoïste et insupportable, à l'arrogance et aux paroles brusques. Ça lui donnait envie d'être sûr de lui.
Elle l'invita ensuite à marcher. Pour parler de tout ça. Il commença à ressentir une boule dans le creux de sa gorge. Il avait peur. Peur de devoir évoquer quelque chose dont il ignorait la nature. Il acquiesça, innocemment, et se laissa porter par ses pas, alors qu'ils longeait la salle communautaire. Ils marchaient, et il ne pouvait savoir si Helena parlait ou non au rythme de leur promenade. Il s'était déconnecté du monde réel, le temps d'un instant, voulant éviter toute altercation avec lui-même, à travers les mots d'Helena. Il voulait fuir ses paroles, qui risquaient de le tourmentaient. Il était effrayé, et il ne voulait pas le lui montrer, en bredouillant. Alors il préférait se taire, et déambuler, dans un silence presque mortuaire. Il s'en voulait, de passer d'une chaude étreinte à ce froid glacial. Il aurait au moins voulu avoir la force de saisir sa main, de ne pas briser leurs retrouvailles.
Il s'arrêta alors brusquement. Il avait une voix presque cassée. Il se racla lentement la gorge, en prenant le temps de rassembler le peu de courage qui lui restait. Il tenta de ralentir son souffle, pour ne pas se retrouver haletant lorsque ses mots mourraient sur ses lèvres. Puis ses paroles basses résonnèrent quand elle se retourna, interloquée. Comme un coup de fusil fatal. Les oiseaux auraient pu partir, s'envoler brusquement, la scène aurait été aussi solennelle. « Tu ne veux pas qu'on... prenne notre temps pour réfléchir à... nous ? » Clac. Bim. Il avait la manie de chasser toute la volupté de l'instant. Il aurait pu sortir “Bon, maintenant dégage et va voir ailleurs si j'y suis”, la claque aurait été la même. Il venait d'abattre une mur de béton entre eux. Il venait n'anéantir tout ce qu'ils avaient entrepris depuis ces regards furtifs et angoissés de la community room. Il avait détruit ce bonheur affable dans lequel ils baignaient depuis un paquet de minutes. Minutes précieuses qui venaient de perdre leur saveurs délectables. Elles étaient maintenant longues, et douloureuses, un supplice, une torture. Rudy, bordel, t'es con. Mais non, il restait là, à un mètre d'elle, à la regarder presque impassible. Il ne pouvait avoir pleinement ce regard indifférent parce qu'elle était trop gracieuse, trop belle, trop enviable. Elle était superbe, dans cette robe noire, avec ces cheveux relâchés sur ses lisses épaules. Il ne pouvait pas la regarder de haut, avec cette sorte de frigidité. Il voulait juste lui montrer ses doutes, lui dire implicitement qu'il avait besoin de réfléchir, de faire le point, de savoir ce qu'il voulait avec elle, et comment il le voulait. Il avait besoin de connaître quel était ce sentiment toujours enflammé en lui, si c'était plus qu'une affection poussée mais anodine en soi. Pour ne pas recommencer les mêmes erreurs.
Et bien qu'il ne regrettait pas, il s'en voulait. Parce qu'il avait détruit le bonheur de l'instant pour lequel il avait prié. Celui pour lequel il avait espérait qu'il ne s'efface. Et il le regardait se consumer à petit feu, embrasé par l'allumette de ses dires. Il souhaita alors de toute son âme qu'elle le comprenne, et que sa violence ne ressurgisse pas pour les frapper à nouveau.
Sujet: Re: If we ever meet again ◊ ft Rudy Sam 28 Avr - 19:03
Au rythme de leurs pas, Helena se surprit à ne plus penser à eux deux que comme si elle n'était pas vraiment concernée. Elle humait le frais parfum de la nuit en posant doucement un pied devant l'autre. Elle ne se souciait plus d'avoir froid, la morsure de la brise la faisait se sentir vivante. Tous ses sens étaient en éveil. Le parfum des tilleuls. Elle revoyait le jardin de la maison tel qu'il était vingt auparavant. Tout le monde pensait qu'elle n'avait que peu de souvenirs de sa petite enfance, que le déménagement ne l'avait pas atteinte. C'était faux. Vivre à Londres ne lui avait servi qu'à s'apercevoir qu'elle n'était pas faite pour vivre en appartement, même s'il y avait une coquette petite cour intérieure et qu'aller au parc n'était pas un problème. La caresse des éclats de lune. Elle fermait parfois les yeux pendant quelques pas, imperceptible jeu enfantin qui lui faisait prendre conscience de la texture des graviers qu'elle foulait, du bruit qu'ils faisaient et des clameurs étouffées de la fête. La saveur des lèvres de Rudy. Elle essaya de se rappeler, quelle sorte de prince charmant attendait-elle quand elle était jeune ? Les commissures de ses lèvres tressaillirent. Aucun. Elle n'était pas stupide alors, elle était juste heureuse, elle se contentait de sauter dans les flaques à pieds joints. Il était vrai qu'elle avait raté beaucoup de choses ces derniers temps mais elle s'apprêtait à tout réparer. Alors elle pourrait récupérer sa quiétude, son insouciance.
« Tu ne veux pas qu'on... prenne notre temps pour réfléchir à... nous ? » Le bruit assourdissant du silence qui suivit sa déclaration. Elle avait oublié qu'elle avait vingt-trois ans, plus trois. Elle s'arrêta à quelques centimètres de lui, sans oser se retourner. Un goût se répandit dans sa bouche. C'était écoeurant et poussiéreux, comme un vieux morceau de nougat. C'était très désagréable. Ses papilles protestèrent violemment tandis que ses sentiments remontaient le long de son oesophage, prêts à être rendus aux pieds de Rudy. Il n'avait plus rien dit depuis qu'ils avaient commencé à s'éloigner de la salle. Elle s'en était à peine rendu compte. Mais alors que ses pensées à elle l'avaient emmenée loin de là, dans une époque simple et légère, celles du jeune homme avaient manifestement été moins tendres, bien plus réalistes. Elle sentait toute la mièvrerie qui l'avait envahie à peine quelques instants plus tôt la déchirer de l'intérieur. Elle avait l'impression qu'ils avaient fait un timide pas en avant pour en refaire trois en arrière. Si elle avait pensé que ç'aurait eu un quelconque effet, elle se serait tranché les veines ou mis deux doigts dans le fond de la gorge dans l'espoir de faire sortir toute cette niaiserie de son corps, de la voir s'échapper en de longs flots continus. Malheureusement pour elle, cela ne coulait pas dans ses veines, cela ne stagnait pas dans son estomac. Elle ne pouvait avoir aucune prise physique sur ses pensées. Elle se renfrogna. Naïve.
Quelque part, elle devait admettre qu'elle était soulagée qu'il ait soulevé la proposition lui-même, qu'il ait été celui à faire part de son inquiétude. Elle s'était doutée que la conversation aboutirait sur quelque chose de ce genre. Elle n'avait simplement pas envisagé qu'il puisse le lui balancer au visage sans qu'ils aient encore échangé quelques phrases. Elle avait la sale impression d'avoir été utilisée. L'impression qu'il avait attendu qu'elle lui dise qu'elle voulait bien de lui, qu'elle était même prête à faire des sacrifices pour retrouver un semblant de ce qu'ils avaient eu, uniquement pour flatter son égo. Elle essaya de se persuader que ce n'était pas possible, qu'il était peut-être simplement devenu le plus mûr, le plus réfléchi d'eux deux et qu'il essayait de raisonner sagement. Elle se mit à respirer calmement et se tourna en essayant de ne pas laisser transparaître sa frustration. N'aurait-il pu se montrer uniquement flatté qu'elle admette vouloir encore de lui ? Mieux, elle ne voulait que lui. Elle hésite à lui lancer qu'elle aurait pu se caser avec n'importe quel surfeur-australien-blond-bronzé-sexy-riche. Elle chassa rapidement cette idée de sa tête. Il lui aurait certainement répliqué qu'elle n'était qu'une égoïste - ce qui n'était pas faux - et qu'il aurait pu faire pareil avec n'importe quelle bimbo-refaite-bonnet-E-voulant-son-aide-pour-agrafer-un-soutien-gorge... voire le dégrafer. Restant le plus digne possible, elle se tourna vers lui, lèvres et dents serrées, ongles gauches broyant le bras droit.
En le découvrant arrêté à un mètre d'elle, imperturbable, elle eut deux envies. La première fut de courir vers lui, entremêler ses doigts dans sa tignasse et faire courir sa bouche sur chaque centimètre carré de sa peau, la deuxième de lui envoyer quelque chose – n'importe quoi pourvu que ce fut dur et lourd – sur la tête, histoire de susciter une réaction. La première, elle n'aurait sans doute plus l'occasion de le faire et elle s'en voulut de n'avoir pas assez profité de leur baiser. La seconde aurait été terriblement impolie, dégradante et n'aurait rien fait avancer du tout. Elle se contenta de poser sur lui un coup d'oeil flamboyant avant de détourner la tête pour observer les feuilles d'un bouleau danser sereinement sous les étoiles. Cette vision la tranquillisa légèrement. Elle avait un port de reine lorsqu'elle reporta son attention sur lui pour hocher calmement la tête. Il n'y avait pas mots pour lui répondre. De plus, elle voulait le laisser encore un peu dans le pesant silence qu'il avait engendré. Qu'aurait-elle pu dire ? Ok, génial, réfléchissons alors. Au fait, merci de t'être moqué de moi. J'ai adoré me rouler à tes pieds pour te rassurer sur ta désirabilité. Bon, je ne savais pas que j'embrassais tellement mal que tu m'enverrais bouler après trente secondes mais au moins je suis fixée, merci de ton honnêteté. En vérité, elle aurait juste eu besoin d'un peu de temps pour réfléchir à ce qu'il avait dit. Elle sentait bien qu'elle extrapolait complètement et qu'elle ferait mieux de ne pas relancer la conversation si elle ne voulait pas avoir l'air totalement ridicule, voire cinglée, en laissant échapper ce à quoi elle pensait à ce moment. Elle chuchota, préférant diminuer le volume de sa voix plutôt que de l'entendre flancher. « Tes amis doivent t'attendre à l'intérieur, non? Tu peux les rejoindre, moi, je vais rester ici encore un peu. » Elle avait besoin de s'asseoir dans la pelouse, à l'abri des regards et de réfléchir. Si elle avait eu son carnet de croquis sur elle, elle l'aurait sorti pour tenter de coucher ce qu'elle ressentait sur le papier à coups de grands traits psychotiques. Elle savait qu'elle ne retournerait pas à la fête. Il faudrait qu'elle envoie un message à sa mère avec un prétexte stupide – du genre 'j'ai cassé mon talon' – pour justifier son départ. Elle la prierait également de reprendre son trench qui l'attendait toujours au vestiaire; elle n'avait pas le courage de retourner jusque là. Avec une grimace qu'elle avait voulu être un sourire compréhensif, elle ajouta « Pour la suite, on verra alors... » Elle détesta dire cela, elle avait l'impression qu'elle donnait à Rudy le droit de s'enfuir, sans certitude qu'il reviendrait jamais vers elle. Dès qu'il serait parti, elle n'aurait plus qu'à attendre et espérer. Elle se mordit les joues en attendant qu'il lui dise au revoir et tourne les talons. Elle se demanda où, quand et dans quelles circonstances ils se reverraient. Elle se demanda combien de temps elle devrait attendre avant qu'il lui dise à quelle conclusion il était arrivé. Helena, elle, avait déjà donné son avis sur la question. Elle le rappela à tout hasard. « Et tu sais déjà ce que j'en pense. Je ne retire pas ce que j'ai dit. » Non, elle n'avait toujours pas envie de le laisser aller sans s'être battue mais le retenir de force eut été stupide. Quel prisonnier pourrait donc aimer son geôlier ?
Sujet: Re: If we ever meet again ◊ ft Rudy Dim 29 Avr - 2:26
Tous les efforts alors entrepris jusqu'ici venaient de s'anéantir. Ça sonnait comme une pluie de verre qui se brisait doucement, en prenant le temps de crier à chaque éclat, sur le goudron ferme. Ces grincements retentissaient dans toute la rue, et faisaient exploser ses tympans, alors qu'il commençait à se frotter les yeux derrière ses montures noires, pendant qu'elle détournait le regard. Se frotter les yeux de dépit, de regret. C'était comme si sa tête s'était entièrement vidée, ne laissant plus aucun son pénétrer son esprit, et que ces éclats de cristal volaient dans l'espace clos de son corps, tuant peu à peu chacune de ses veines. Il pourrissait alors de l'intérieur. Il avait d'ailleurs ce goût dégueulasse, amer et acide à la fois, dans la bouche, qui titillait son palais avec un plaisir malsain, l'envie de lui faire vomir la violence de ses paroles. Ça lui rongeait ses tripes, c'était corrosif. Pire que de déglutir sa bile. Bordel, au moment où t'aurais pu te rattraper, où t'aurais pu effacer tes putains d'années de conneries, tu gâches tout. Un cas social.
Elle ne se retourna pas tout de suite. Ça se sentait, qu'elle était vexée, pire que ça, qu'elle était attaquée par ces mots si durs, bien que prononcés dans un murmure presque charnel. D'une même voix il aurait pu lui susurrer de doux compliments, d'affables “je t'aime”. Seul le sens changeait, sur ce ton similaire. Seules les conséquences étaient différentes. Mais non, il se contentait de lui lancer ces cristaux éclatés et les laisser pénétrer son âme, de laisser choir ce corps inerte, ensanglanté, sur le bas côté de ce trottoir qu'ils hantaient avec le seul but de remettre sur le tapis une dispute inachevée. Il était tellement chiant. Tellement chiant, là, debout, avec sa gueule de môme perdu, alors qu'il venait d'assassiner un instant de bonheur. Il était chiant avec sa tête d'innocent, alors qu'il puait la culpabilité et le crime à plein nez, lui et son impassibilité qui laissait transparaître ses doutes, et ses regrets. Il était chiant à toujours jouer au con, à toujours brandir sa pancarte “je suis beau, mais je suis méga-arrogant, bande de bonnets B”, à toujours laisser parler son égo quand il ne contrôlait plus la situation. Il était chiant, là, à sortir des insanités, alors qu'ils avaient retrouver le courage de recommencer, comme il disait. Il voulait que ça marche, c'était raté. Il avait détruit leur espoir, à eux deux.
Elle se tourna enfin, ne laissant rien entrevoir. Alors que lui relâchait peu à peu les muscles de sa mâchoire, tant il était affecté par la réaction -tout à fait recevable- qu'elle arborait, elle restait froide, et impassible. Elle ne laissait rien paraître. Et lui il regrettait l'effleurement de sa peau lisse, le contact de leurs phalanges enlacées, entremêlées. Il regrettait le chatouillement de ses lèvres parcourant son coup, le parfum mielleux et enviable qui l'enivrait alors que son visage se tapissait dans le creux de sa nuque. Sa silhouette si paisible qui dansait sous ses paumes lui manquait, parce qu'Helena était belle, parce qu'elle était ce souvenir qui le suivait partout, inconsciemment ou non. C'était cette fille qu'on jalousait, aux soirées étudiantes. C'était cette fille enviée, que l'on imaginerait bien célibataire et dans son lit. Mais non, il avait la chance de l'avoir, pour lui tout seul, pour lui et son égo insatiable, et il gâchait cette muse pour un peu de vanité en plus. Alors elle était là, avec son œil diffamateur, qui lui crachait des éclairs meurtriers. Et lui il ne bougeait pas, comme s'il en voulait encore. Au fond il voulait juste pouvoir la regarder le plus longtemps possible, avant d'être complètement exécuté par ses yeux calomnieux, et de se laisser tomber sur un lit de mort déjà doré. Il restait là, planté comme un putain d'arbre sur le bord de la route, à atteindre qu'elle expire et inspire. A rythmer son souffle comme un énorme nigaud. Ouais, t'es un nigaud Rudy. Merde.
« Tes amis doivent t'attendre à l'intérieur, non? Tu peux les rejoindre, moi, je vais rester ici encore un peu. » C'était la fin. L'épilogue se dessinait devant ses yeux. Le clocher sonnait minuit. L'heure de rentrer, l'heure de mettre un terme à cette scène trop longue. Il se croyait dans un film en noir et blanc, avec ce couple de quarantenaires, voire cinquantenaires, qui se regardaient dans le blanc des yeux, avant que elle ne tourne le regard, la tête haute, parce que lui vient de lui révéler l'adultère. Lui et sa grosse bedaine, pompe à vin rouge, qui écrase un cigare et qui déballe une tirade inspirée par Nietzsche parce que c'est un couple bourgeois, et intellectuel. Il se croit aussi humaniste, et prône le bienfait de la société. Il s'en fout et elle, elle souffre en silence. Parce que c'est un film des années 50, peut-être des années 60. Mais il est en noir et blanc. Et dans ces années là, la femme, elle se tait. Pas volontairement. Elle pourrait se révolter, oui, mais elle préfère rester impassible, parce qu'elle est forte. Helena c'est cette femme. Rudy aimerait ne pas être comparé à cet homme. Mais Helena c'est cette femme. Elle a un peu trop vécu, elle a déjà beaucoup derrière elle, et elle se surprend à encore trop vivre. Parce qu'elle a face à elle un petit con qui la pourrit jusqu'aux entrailles. Mais Helena elle souffre en silence, parce qu'elle est forte. Elle a cette volonté, celle de garder la tête haute, et de retenir la rage qui doit l'envahir, qui doit dévorer chaque parcelle de son corps. Mais vas-y, achève le, qu'est-ce que t'attends ! Vous êtes désabusés, jusqu'à la moelle, et vous réussissez à vous regarder encore en face.
Il a envie de répondre qu'il n'a pas d'amis à aller voir. Il pourrait courir chercher Abbey, qu'il ne trouverait pas. Il pourrait tenter de dénicher un visage familier, dans cette belle brochette d'Arrowsic. Mais il a pas envie. Il a pas l'endurance de supporter une conversation normale à la suite de ça. Il reste encore un peu enraciné aux pavés, trop serré dans son costume banal, pour l'admirer encore quelques secondes. Dans un soupir en apparence presque exténuant il murmure son prénom. « Helena.. » Puis un suspens. « Pour la suite, on verra alors... » Il le sait, que c'est finit. Que s'il ne déserte pas son cercle vital -à savoir les deux cents mètres qui l'entourent- c'est elle qui partirait. Il le sait. Mais il veut chasser de ses pensées cette idée. La pression l'étouffe. Et alors qu'il fait un pas l'éloignant d'elle, peu assurant, il a envie d'éclater. Il a envie qu'elle comprenne elle aussi, qu'il puisse avoir des doutes, des peurs, des préoccupations, merde. « Et tu sais déjà ce que j'en pense. Je ne retire pas ce que j'ai dit. » Elle n'a pas finit sa symphonie. La dernière note n'est pas encore jouée, et elle attend, dans les airs, comme l'épée de Damoclès. Et lui il grince des dents, de la même façon que les éclats de verres brisaient le bruit du vent à l'orée de ses tympans. « Arrête ! Arrête de me regarder comme si j'étais coupable, merde. J'ai rien fait, j'ai juste pas envie qu'on fonce dans un mur, qu'on se lance à l'aveuglette dans un truc qui a déjà échoué. Et tu sais aussi bien que moi comment ça a finit. Je suis pas le seul à avoir tout fait foirer, alors fais pas comme si c'était moi le seul responsable. » Sur ces mots, il avait envie de partir, de la laisser là, de rentrer chez lui, et de la quitter. Mais il en avait pas la force. Il voulait connaître l'impact de ces dernières paroles. Parce que oui, après c'était définitivement fini. Plus de dénouement, non, c'était la dernière page, celle encore après les remerciements, celle de l'imprimeur, du dépôt légal, de l'ISBN et de l'édition. Cette page insignifiante qu'on délaisse si facilement, qu'on aperçoit parfois, parce qu'on a tant apprécié l'histoire qu'on ne souhaite pas cette fin brutale. Pourtant, même si on l'ignore, elle existe. C'est la toute dernière.
Sujet: Re: If we ever meet again ◊ ft Rudy Lun 30 Avr - 15:00
Il était beau dans son costume. Il avait cet arrogante élégance, cette superbe suffisance qui transpiraient par tous les pores de sa peau. Son image était un piège sournois. Dès que l'attention d'Helena glissait dessus, ses yeux s'y retrouvaient englués comme des papillons sur un attrape-mouches. Et ils y prenaient du plaisir, ces masochistes. Plus ils y restaient, plus leur syndrome de Stockholm se développait, s'insinuant sournoisement en eux, leur bouffant les entrailles. C'est pourquoi Helena se sentit dépouillée lorsque la silhouette endimanchée en face d'elle menaça de s'évaporer. Déjà, elle n'était plus aussi nette, ses contours se troublaient, le noir environnant viendrait bientôt la cueillir, il l'emmènerait sous son froid manteau et ce serait la fin. Alors seule l'expectative resterait à Helena. Plus de répliques tranchantes à brandir, plus de mots velouteux dans lesquels se border l'un l'autre. Juste l'attente, glacée, impersonnelle, à durée indéterminée. Et autant de temps à faire comme si de rien n'était, comme si elle ne se rongerait pas les sangs dès qu'on l'oublierait, dès qu'elle serait seule. Comme cette perspective l'enchantait. En attendant, elle le regardait. Elle contemplait la dernière vision qu'elle aurait de lui avant un certain temps.
Lorsqu'il prononça son prénom, elle se sentit fondre, encore. Alors que son coeur se transformait en caramel mou, elle ne put s'empêcher de se demander comment un seul mot pouvait avoir autant d'emprise sur elle. Sa voix la faisait frissonner autant que l'aurait fait un contact de leurs peaux. L'agacement d'avoir pu être utilisée par Rudy sans plus de considération qu'une petite marionnette retrouvée dans une malle au fin fond du grenier était toujours là. Mais la peur reprit le dessus. Peur d'être rejetée, condamnée à sentir sa poitrine se serrer à chaque allusion à lui, à chaque détail qui pourrait le lui rappeler. Son regard devint suppliant, carrément pathétique. Elle ne voulait pas partager son désarroi avec lui mais elle ne contrôlait pas la lueur dans le fond de ses iris. Les paroles qui suivirent, en revanche, furent plus dures avec l'oreille d'Helena. « Arrête ! Arrête de me regarder comme si j'étais coupable, merde. J'ai rien fait, j'ai juste pas envie qu'on fonce dans un mur, qu'on se lance à l'aveuglette dans un truc qui a déjà échoué. Et tu sais aussi bien que moi comment ça a finit. Je suis pas le seul à avoir tout fait foirer, alors fais pas comme si c'était moi le seul responsable. »
Pourquoi ? Mais pourquoi fallait-il toujours qu'il finisse par s'emporter ? Helena était lasse. Elle avait l'impression de jouer à une interminable partie de démineur. À chaque fois qu'elle choisissait une case, elle était heureusement vide mais alors apparaissaient d'une multitude de petits '4' rouge vif tout autour d'elle. Elle jouait toujours la carte de la prudence mais la menace de l'explosion imminente la fatiguait. Un peu de courage Helena, ce sera bientôt la fin de la partie, contente toi de continuer à frôler les armes sans jamais les déclencher. Certes le terrain est miné, mais la balade en vaut la peine, tu verras. Accroche-toi encore un peu. Alors elle essaya de contrôler la brillance de sa cornée. S'il avait pu lire un doute quelconque en elle, cela n'aurait fait que renforcer les siens. Car elle devinait que derrière cette tirade agressive se cachaient les mêmes craintes que celles qui l'habitaient. Ils ne l'exprimaient pas de la même manière mais tous deux étaient emportés par le même esquif, frêle, soumis aux caprices de la tempête. Et elle était désespérée car elle ne voyait pas comment sortir de l'oeil du cyclone sans se foutre en l'air. Quel que soit le chemin qu'elle envisage, il était toujours trop risqué et elle ne voulait pas gâcher ce moment de relative accalmie parce qu'elle n'était pas assez reposée pour affronter les vents déchaînés qui rugissaient non loin d'eux.
Plus le temps passait et plus elle avait l'impression de jouer, contre son gré, dans un épisode particulièrement alambiqué des Feux de l'amour. Elle n'avait jamais apprécié ce genre de série qu'elle jugeait sans aucun intérêt mais elle eut subitement un élan de sympathie envers les protagonistes. Pour un peu, elle s'en serait voulu de ne jamais avoir suivi ces dramas. Elle était persuadée que la situation dans laquelle elle se trouvait avait déjà dû être exploitée. Elle aurait payé cher pour savoir quelle acrobatie du destin avait été utilisée pour y échapper. Elle secoua doucement la tête à cette pensée ; dans une sitcom pareille, elle aurait certainement appris que Rudy était son frère jumeau dont elle avait été séparée à la naissance et ce, de la bouche de leur mère biologique, supposée être décédée, qui aurait surgit d'un buisson derrière eux. C'était glauque et peu probable. Toutefois, elle décida de prendre la parole, histoire de couper l'herbe sous le pied à quiconque voudrait repousser des branchages pour venir leur faire une sinistre déclaration. Simple précaution. « Je ne te regarde pas comme si tu étais coupable, Rudy. Je te regarde, c'est tout. Je ne peux pas ? » Il ne pouvait pas l'empêcher de poser ses yeux sur lui, de s'abandonner entièrement à la contemplation du tableau de maître qu'il était. Elle se raccrochait à chaque détail qui s'était estompé dans sa mémoire après deux ans à l'imaginer, comme si l'évocation répétée de son image l'avait usée. Elle découvrait d'imperceptibles changements, provoqués par le temps et les expériences qu'il avait vécues sans elle. Plus vivement, elle poursuivit « Et arrête de penser que je t'accable tout le temps, c'est faux, ça te fait du mal, ça me fait du mal. Sinon, à ce rythme là on ferait aussi bien de s'avouer qu'on est juste sado-masochistes. Passe tes nerfs une bonne fois si tu en as besoin. Je ne sais pas moi, mets-moi une grosse claque s'il n'y a que ça pour te soulager. Je t'ai juste dit que je ne pensais pas changer d'avis sur la question parce que ce que je ressens.. » sa voix se brisa et elle eut envie de se donner des claques pour avoir l'air aussi pitoyable alors qu'elle avait décidé de jouer les femmes fortes. « ..je-ne-peux-simplement-pas-l'ignorer. » mâcha-t-elle le plus rapidement possible. Et voilà, elle venait encore de parler trop vite, s'il n'avait pas envie de prendre ses jambes à son cou, il était champion. Elle sentit le besoin urgent de tempérer ses propos, bien qu'elle eut surtout espéré qu'il n'eut pas compris ce qu'elle venait de marmonner. Elle se disait également qu'elle ferait mieux de le calmer après l'avoir clairement provoqué en lui proposant de lui en coller une. De sa voix la plus suave, elle conclut : « Mais tu as parfaitement raison, je suis responsable et j'ai pas envie non plus de répéter le même schéma. »
Fourbue, elle s'assit sur les dalles gelées, préférant penser au point auquel elle avait froid plutôt qu'aux conneries qu'elle avait faites et aux conséquences qu'elles pourraient avoir. Elle l'observa sous ses cils, lui signifiant que si Rudy voulait mettre fin à la discussion, il était libre d'aller, elle ne lui en tiendrait pas rigueur. Elle n'avait plus envie d'être ici à se faire engueuler par Rudy. Elle rêvait de s'enfoncer dans un cocon de couvertures avec un thé au jasmin et un carnet sur lequel elle gribouillerait jusqu'à ce que qu'elle soit apaisée, jusqu'à ce que ses yeux commencent à picoter. Alors Morphée la bercerait doucement contre lui et seul le chatoiement du soleil levant à travers les rideaux diaphanes l'arracherait poliment à ses rêveries... pour un sévère retour à la réalité.
Sujet: Re: If we ever meet again ◊ ft Rudy Mar 1 Mai - 12:11
A chaque mot, à chaque murmure qu'elle prononçait, son sang se glaçait. Parce qu'elle avait ce timbre de voix qui le faisait frissonner, tant il l'avait écouté s'élever, ou se glisser au creux de son oreille, avec des mots qui coulaient sur un fleuve doux et charnel. Mais les paroles qu'elle lui susurrait aujourd'hui n'étaient pas si délectables. Un flot de bulles en putréfaction, immondes et atroces qui se déferlaient sur lui, alors que tout son corps était tétanisé, ne sachant que faire, comment agir, ni quoi dire pour réparer ces morceaux de verres brisés. Il était là, penaud, et il ne savait pas quoi lui répondre. Parce qu'il avait la lèvre figée par les glaçons qui parcouraient ses veines. Parce qu'il n'avait plus de contrôle sur ses membres, trop affaiblis par l'impact qu'elle avait sur lui. Il encaissait toutes ses phrases, et chaque lettre pénétrait chaque parcelle de son être. Il était imprégné d'elle, de sa fureur, pour ne jamais avoir à l'oublier. Il l'écoutait parler, enfiler ses phrases, comme si elle ne voulait pas qu'il les comprenne. Au milieu de sa tirade devenue monologue, elle lui demandait même de la frapper. La frapper. Cet acte qui l'aurait encore plus désolé que soulagé. Puis elle prit la faute en son nom. Putain, c'est la faute de personne, Helena. Merde. Quand est-ce que t'auras compris ça ? Quand lui aura compris la hauteur de sa connerie ? Puis elle se laissa choir sur le gravier froid et austère.
Helena. Ce doux prénom résonnait encore, et il avait du mal à la laisser là, seule, dans la rue, à la portée de tous, à la portée d'un chagrin dont il était sûrement responsable. Ça lui aurait presque arraché une larme. Mais non, il jouait à la perfection son rôle de mec qui ne laisse rien paraître, impassible et la tête haute, presque sans pitié. Pourtant il en avait même pour lui, derrière ses yeux pourris par le portrait fade et visqueux qu'elle devait avoir de lui.
C'est sans un mot de plus, et en portant sur ses épaules une éternité de regrets qu'il tourna les talons avec la force de sa culpabilité, sans un regard de plus, tant il tentait de dissimuler le gâchis qu'il venait de faire, et qu'il ne se pardonnait pas. Merde.