« Alors, tu me crois pas capable de le faire? Tu peux parler, toi ! J'suis sûr, t'oserais pas! » « J'oserai pas?? Moi??! Nan, mais tu m'as vu? Bien sûr que je serai capable de le faire !! » « Ouais, c'est ça.. » « On parie? » « Tu sais que t'as affaire à un fort Caleb? Nan, parce que la voiture du vieux Mitchell, c'est Mattia qui l'a volé l'année dernière.. » Les yeux de Caleb se posèrent aussitôt sur le jeune Jarvis. « Vrai?? » Mattia se mit alors à sourire. « Evidemment que c'est vrai! Mais ce n'était pas ma meilleure réussite, je me suis fait choppé. » Faisant tourner la bouteille de tequila vide entre ses mains, Mattia lui fit encore un grand sourire. « Mais allez, on a parié! On lance la bouteille, et celui qu'elle indique va tenter! Il y a une maison un peu plus loin, là-bas. On dit que c'est un jeune qui vient d'y aménager; il sera sûrement de sorti ce soir, on le fera là-bas. Ca te va? » Les yeux rivés sur le dénommé Caleb, Mattia attendait patiemment son autorisation. Finalement, celui-ci se décida, la peur au ventre, à acquiescer. Parfait. Le sourire de Mattia s'élargit un peu plus. « Ok. Tiens Mike, lance-la! » Il tendit la bouteille à Mike, et vint se placer, face à face avec Caleb, le petit nouveau du groupe. Les yeux embués d'alcool, Mattia ne cessait de regarder la bouteille. Mike la fit tourner à même le sol. Elle tourna. Tourna. Tourna. Tourna. Et puis, elle commença à ralentir. Pointant un coup Mattia. Un coup Caleb. Mattia. Caleb. Mattia. Caleb. Et... Mattia.


C'est comme ça que près d'une heure après, Mattia se retrouva devant une grande maison avec ces copains. La maison, plus demeure, que petite maison, semblait être vide. C'était l'idéal. Surtout qu'il se faisait tard, et que malgré tout, Mattia commençait à sentir quelques signes de fatigue. Dû au tennis, et à l'alcool qu'il venait d'ingurgiter. Il n'avait guère envie de se retrouver face à face avec un homme dont les gestes seront bien plus précis que son agilité pourtant très bonne. Se frottant les mains l'une contre l'autre, Mattia jeta un coup d'oeil à ses amis. « Alors, je vous ramène quoi comme preuve? » Mike sourit, amusé de le voir si pressé de partir en mission périlleuse. « ce que tu veux. » Ok. Mattia hocha la tête, et détourna leur regard pour regarder en direction de la maison. Il aperçut alors la boîte aux lettres, sur laquelle un Mulligan était noté. Avec un grand sourire, il observa ses amis avant de dire à haute voix. « Allez! A plus tard! Je dois aller voir Mulligan! » Il leur fit un dernier signe de la main, avant de se faufiler vers la maison, en prenant bien soin de passer le plus loin possible.

Arrivé près du mur, Mattia poussa légèrement sur ses pieds pour observer à l'intérieur de la maison à travers la fenêtre. Personne en vue. Tant mieux.. Il sentait une petite boule se nouer à travers son estomac. Peut-être parce que c'était du suicide que de s'aventurer dans une maison comme ça. Surtout que Mattia avait beau y réfléchir, il savait que Mulligan n'était pas un nom inconnu. Et ne le connaissant pas personnellement, il avait peur que ce nom soit le nom d'un ami de son beau-père. Et que par conséquent, s'il se faisait prendre, ça craignait.. Mais l'idée de faire ça lui plaisait malgré tout. Et même si un noeud se formait dans le creux de son ventre, il sentait monter en lui l'excitation et l'adrénaline. Le genre de choses qu'on déteste échapper. Alors, reboosté, il se fraya un chemin, et observa cette fois encore une autre pièce. Niquel! Il n'y avait personne. Il en observa encore deux autres, et conclut qu'il était temps pour lui de rentrer dans la maison. Soit, le bonhomme n'était pas là. Soit, il était là, mais à l'étage. Autrement dit, le rez-de-chaussée était libre, et à ses risques et péril, il n'avait plus qu'à trouver le chemin pour y entrer.

Il contourna alors la maison, et trouva rapidement la porte de derrière. Dans la plupart des films, cette porte est ouverte. La réalité n'était pas si différente. Il mit la main sur la poignée, et aussitôt la porte s'ouvrit. Surprit par tant de facilité, Mattia se demanda si ses potes ne lui avaient pas fait une mauvaise blague. Genre, ils auraient prévenu ce type que quelqu'un allait entrer chez lui. Se souvenant alors que c'était lui-même qui avait proposé de venir dans cette maison là précisément, Mattia se sentit rassuré. Le propriétaire avait dû oublier de la fermer. C'est tout.

Posant un pied dans la batisse, Mattia prit son portable, et l'utilisa comme lampe torche. Il se fraya alors un chemin, et atterrit bien rapidement dans une pièce qui, vraisemblablement, était la cuisine. Là, un plat trainait encore. Ayant encore faim, Mattia se surprit à soulever le couvercle de la casserole. Apparemment, Monsieur -ou Madame- avait mangé des pâtes ce soir. Il sourit à cette idée, et essaya de l'oublier. Non, il n'allait pas manger le reste. C'est à ce moment-là que, sous l'emprise de l'alcool sans doute, Mattia se mit à tituber. De peur de tomber, il se rattrapa alors à une chaise, qui, entraina une autre chaise dans sa chute. Dans un boucan d'enfer, Mattia se retrouva au sol. MERDE! Il se releva alors aussitôt, et se pressa de trouver un endroit plus tranquille. Car là, il avait peur que sa chute ne réveille un hypothétique habitant dormant à l'étage, ou se douchant dans la salle de bains.. Ne trouvant rien de mieux à faire que de se faufiler derrière le canapé, il s'y rendit prestement, quelque peu apeuré de se faire prendre. Et puis, se faire prendre de cette façon, c'était quand même con, non???

Caché derrière ce canapé, Mattia se dit que ça y est, c'était fini. Son escapade de nuit prenait fin, là, derrière ce putain de canapé, à cause de sa putain de chute. Les mains posées sur le canapé, il essaya de guetter le moindre bruit trahissant la présence d'un autre individu dans la maison. Il espérait, secrètement, flipper pour rien. Qu'un chien vienne. Un chat. Mais pas un humain! Il s'était déjà fait prendre une fois. Ce jour-là, il y a un an, Mattia avait aussi fait un pari avec ses amis. Voler la voiture d'un vieux. Rien n'avait été plus facile que ça. Pourtant, il n'avait pas fait quelques kilomètres que les flics l'avaient arrêté. Derrière les barreaux à la gendarmerie, il avait attendu que son beau-père vienne le chercher. Son passage futur chez le juge ne l'avait même pas effrayé. Il s'en était pourtant sorti avec des heures de travaux d'intérêt général. N'empêche qu'avec toute cette histoire, il était devenu l'Homme de la bande.

Son espérance de voir surgir un quelconque animal se retrouvera réduit à néant lorsque la lumière s'alluma. Aveuglante. Déstabilisante. Fronçant les yeux, Mattia tenta de rester caché, espérant ne pas voir apparaître un bout d'humain devant lui. Homme ou femme. Qu'importe. Sa respiration devenant de plus en plus haletante, il avait l'impression que l'homme présent dans sa maison allait l'entendre, et allait surgir devant lui. Le stress n'arrangeait pas. Alors, caché, la tête posée contre le canapé, il essaye de se calmer. T'inquiète. Tout va bien se passer.

Peine perdue.

Une voix d'homme s'éleva alors. « … Sors » Hors de question. «  Sors sinon j’appelle les flics. Et j’suis sérieux. J’ai mon portable là. » Il pouvait toujours bluffer. Si ça se trouve, ce type n'avait pas son portable en main. Il faisait semblant. Oui, il devait faire semblant. Bluffer. Alors, Mattia resta là, immobile derrière ce meuble qu'était le canapé, la tête posée dessus. Il ferma même les yeux, essayant de se dire que non, son coeur battant la chamade, ou sa respiration haletante qui résonnaient fortement pour lui étaient inaudibles aux oreilles de ce Mulligan. Mais l'habitant de cette maison commençait apparemment à s'énerver. Son ton de voix se faisait plus vif. Ses paroles plus piquantes. « Bon tu bouges ton cul ou je te sors moi-même. »

S'il avait le choix? Oui, il l'avait. Pressé contre le canapé, Mattia savait qu'il avait le choix. Soit, sortir de sa cachette. Soit, y rester planqué. La première solution impliquait que les flics ne seraient peut-être pas appeler. La deuxième impliquait forcément un appel chez eux. Et lui, là, il se maudissait d'avoir lancé ce stupide pari. Même si l'excitation et l'adrénaline qu'il ressentait l'amusait, le fait de se faire prendre l'amusait beaucoup moins. Et sérieusement, il avait été idiot de balancer ça. « J'oserai pas?? Moi??! Nan, mais tu m'as vu? Bien sûr que je serai capable de le faire !! » Mais quel idiot! Il aurait mieux fait de se taire, de laisser Caleb penser ce qu'il voulait. Après tout, il n'en avait rien à faire de lui.

Il y avait aussi une troisième possibilité qui s'offrait à lui; quitter cette maison, fuir, sans se faire prendre. C'était bien plus souhaitable, et pourtant, bien moins réalisable. Mais il pouvait toujours tenter. Essayer. Qui ne tente rien n'a rien. Alors, Mattia bougea un peu. Il fit quelques pas de souris, et tenta un regard vers la pièce. L'homme en question n'était pas là. Du moins, pas dans son champ de vision. Alors, il fit encore un léger petit pas, et tenta de nouveau un regard vers la salle, tout en se relevant. Qu'advienne ce qui adviendra! Et là, il se stoppa net dans son élan.

Mulligan -sans doute était-ce bien lui- était présent dans la pièce. Le bras levé. Le regard tournant autour de la salle. Et là, il croisa son regard. Son sang se glaça. Il jeta un rapide coup d'oeil sur le côté, et fonça là-bas. Au hasard dans une maison inconnue; c'était clairement une mission suicide. Il s'en aperçut quand il se retrouva nez-à-nez devant, ce qui devait être, la porte d'entrée principale. Fermée. Pas de clef à sa serrure. Laissant sa main sur la poignée de la porte, il fit demi-tour, doucement, conscient que ce type, pouvait, sait-on jamais, être armé. Alors, il ouvrit la bouche. « Ok! Ok » Laissant tomber sa poignée, il leva les deux mains, pour montrer qu'elles étaient vides, qu'il n'avait aucune arme sur lui, et il ajouta « J'vous veux pas de mal, et j'ai rien volé! » Au moins, c'était dit.

En venant ici, il voulait juste se la péter devant ces copains. C'est tout. Il n'avait aucunement l'intention de lui faire du mal; mais dans la position où il était, ce type pouvait tout croire. Qu'il allait le blesser. Qu'il allait le voler. Et puis, soudain, le cerveau de Mattia s'illumina. Mais oui, pourquoi n'y avait-il pas pensé plus tôt? Avec un petit sourire, il s'exclama « En fait, ça va vous paraître con, mais je cherche mon chat.. Il était près du canapé là, et j'ai cru le voir ici.. » Décidément, pour trouver des excuses, Mattia Jarvis était un génie. Fier de lui, il fit un petit sourire à ce Mulligan. Comme pour le convaincre.