Ange Gabriel Cohen. Grand frère de cinq sœurs. Prédestiné à devenir gay. Quoi ? Ce n’était pas ce que j’étais censé dire ? Bon d’accord, peut-être pas. Mais, bon avouez que dis comme ça, c’est ce que tout le pense. Pauvre bichon ! Entouré de tellement de femmes, il ne peut être qu’efféminé ! Le pire dans tout ça c’est que je n’étais pas l’aîné. Je n’avais même pas l’honneur de pouvoir dire je suis le premier. Vous me devez le respect les gamines ! Non au lieu de ça j’étais censé leur prêter mes actions man. Grand traumatisme de l’enfance. Mes sœurs qui me piquaient mes jouets. Parce que bon, Barbie ne peut pas être célibataire. Et comme elles avaient plus de Barbies que de Ken. Forcément c’était trop problématique. Bon je ne vous parle pas, de leur système de torture. Et de leur moquerie. C’est sans intérêt.
Vous allez dire pourquoi on était autant ? Nos parents ne connaissaient pas la capote ? Eh bien non. Du moins, ils ne l’utilisaient pas. En réalité mes sœurs et moi sommes issus d’une famille hyper catho. Le cliché parfait des religieux conservateurs et tout le tralala. Messe tous les dimanches. Prière avant de manger. De dormir aussi. Pas de tenue provocante. Ne pas perdre sa virginité avant le mariage. Ne pas utiliser le préservatif pour ne pas entraver le processus de reproduction. Ah oui, je l’admets, vivre comme ça pouvait s’avérait très compliqué. Extrême. Problématique. Mais, j’ai fait avec. Parce qu’il paraît qu’on ne change pas sa famille. Par conséquent on ne change pas ses parents. Ni son éducation.
On aurait pu rester cinq. J’aurais pu maudire mes sœurs toute ma vie. Tout en les aimants évidemment. Mais, non. On a eu le droit au numéro six. Fille ou garçon ? Je vous laisse deviner. Une fille évidemment. J’aurais pu Hurler. J’aurais pu pleurer. Penser à me suicider. Me travestir. Faire une fugue. Réagir quoi. Mais, dès le début ma petite sœur, s’était la précieuse de toute. Chrysanthème, dès qu’elle est née, il y a eu un truc entre nous.
Chrysanthème ? Ange ? C’est quoi ces noms de merde ? Bah quoi. Je n’allais pas être le seul à me traîner un patronyme pourri. Ma sœur aînée, c’est Pomme. J’ai la deuxième place. Les jumelles, Camélia-Rose et Lilla. La cinquième Marguerite. Et donc ma petite Chrys, enfin Chrysanthème quoi. Oui, je sais. Elles ont des prénoms de fleurs. Le mien fait archi catho. Bref, je viens d’une famille de fifous moi.

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J’attrapais ma veste. Prête à sortir. Quand une petite main s’accrocha à mon jean. « Ange, Ange, je peux venir avec toi ? ». Je baissais les yeux sur ma jeune sœur. Elle avait cinq ans. J’en avais dix. J’allais simplement faire un basket avec mes copains. Mais, Chrys, elle adorait venir. Elle ne supportait pas les ateliers coiffures. Le rose. Les robes. Chrys elle aimait le sport. Elle aimait être avec moi. Traîner dans la boue. Avoir de l’herbe dans les cheveux. Se chamailler avec mes amis. « Bien sûr crapule ! ». Elle se mit à sautiller partout. Toute contente que je la prenne. « Elle doit ranger sa chambre ! ». Je me tournais vers Lilla. Dans le genre chiante, faute respecter toutes les règles c’était elle la meilleure. Même Pomme, en tant qu’aîné n’était pas aussi casse-couille. « Eh bien elle le fera en rentrant, je l’aiderais. Dit à maman qu’elle est avec moi, histoire qu’elle ne s’inquiète pas. ». Vu la tête qu’elle faisait elle n’aimait pas ça. J’en avais rien à faire. Je prenais la main de mon petit mec. Et je l’entraînais avec moi, naturellement.

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Posté dans ma chambre, je faisais mes devoirs. Des maths. Une petite musique en fond. Pas trop fort. Parce que ma mère risquait de faire une crise. Quelqu’un frappa à ma porte. « Oui ? ». Des yeux maquillés de noirs se montrèrent à moi. Deux yeux. Oui, il y avait le reste du visage. Mais ce qui choquait c’était ses yeux. Le pire c’est que son maquillage avait coulé. Conclusion, elle avait pleuré. « Qu’est-ce qui se passe ? ». Elle se précipita vers moi. Dans sa tenue en rouge et noir. Ses collants rayés. « J’ai eu un mot dans mon carnet… parce que je dessinais en court de maths… ». Et elle pleurait. Mais, j’avais compris le principe. Chrys était dingue de dessin. C’était sa passion. Et elle était très douée. Mais surtout incapable de s’arrêter. Alors que mes parents ne voulaient pas en entendre parler. Ils voulaient qu’elle fasse des études de médecine. Comme moi en somme. Ou de grandes études. Mais rien qui soit de l’art. Ce n’était pas sérieux. Ni honorable. C’était de la paresse à leurs yeux. Un des péchés capitaux. S’ils voyaient ce mot, Chrys risquaient de prendre cher. « Montre-moi ça, je vais signer… par contre… je te vole ton dessin ! ». Ma petite gothique me fit un sourire. Tendant son fameux carnet. Et le dessin qui était glissé dedans. On aurait pu croire à quelque chose de sombre. Déprimant. Vu son look ça aurait pu. Mais en réalité, elle avait dessiné un magnifique paysage de clair de lune dans lequel on retrouvait deux personnages. Timides et amoureux. Rien de glauque ou suicidaire. Ma petite Chrysanthème, elle était simplement en rebellions contre nos parents. C’était uniquement parce que ça allait contre leurs convictions qu’elle s’habillait comme ça. Parce qu’elle était comme moi. Ni croyante. Ni à l’aise avec la religion.

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Allongé dans mon lit, je caressais la peau de la demoiselle qui se trouvait dans mon lit. Elle afficha alors un sourire radieux. Se laissant guider par mes caresses. Elle était tellement belle comme ça. Sans rien. Ni maquillage. Ni vêtement. Un simple sourire. « T’as pris tes médocs mon amour ? ». Oui, ça pouvait paraitre déplacé comme question. Surtout après avoir fait l’amour. Mais pas entre nous. « Non, je vais aller les prendre. ». Je l’embrassais alors tendrement. « Laisse faire, je me charge de t’amener tout ça. ». Son sourire s’amplifia. Et elle m’embrassa à son tour alors que je glissais hors du lit.
Lilou était bipolaire. Une pathologie qui peut causer des dégâts. Mais une pathologie qui a un traitement. Elle n’avait jamais compris pourquoi j’étais avec elle. Comment je faisais pour être avec elle. Elle ne comprenait tout simplement pas que j’étais amoureux d’elle. Et je ne pouvais pas le contrôler. Et la maladie ne lui interdisait pas l’amour. Ni l’accès au bonheur. Du coup, on faisait avec. Et ça ne me gênait pas. Ça ne gênait que mes parents. Mais, ça, c’était une autre histoire.

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Ma mère me regardait surprise, comme si je lui avais annoncé que j’étais homosexuel. Parce qu’avouons-le, ça serait un drame pour elle. Mon père ne disait pas un mot. Il avait le visage fermé. Mes sœurs écoutaient sûrement dans l’escalier. Sauf Chrys. Parce qu’elle savait ce que j’avais à annoncer. Et qu’elle avait préféré être avec moi. « Tu ne peux pas épouser cette fille, elle ne t’apporteras que des problèmes. ». Le ton de ma mère était sec. Elle ne voulait pas me voir avec Lilou. Elle refusait que j’épouse une fille comme elle. Une fille comme elle, ça voulait dire quoi ? Rien, en soit. Lilou était une fille de bonne famille. Père avocat. Une mère infirmière. Ce qu’elle voulait dire, c’est qu’elle était malade. Qu’elle avait des troubles psychologiques. Alors forcément, ce n’était pas assez bien pour son fils. « Précise ta pensée… ». Mon père se tourna vers moi. Se décidant enfin à ouvrir la bouche. « Ce que ta mère veut dire c’est que tu n’épouseras pas une folle. ». Aussitôt, Chrys attrapa ma mère qu’elle serra. Elle savait combien je ne supportais pas qu’on dise ça d’elle. « FOLLE ?! Mais qui est le plus fous ? Celle qui fait tout pour être constante malgré la MALADIE ou celui qui prétend être constant sans même se rendre compte qu’il ne suit pas ses beaux principes ? Dans ta religion, on ne te dit pas d’aimer ton prochain, le prêtre ne nous rabâche-t-il pas d’accepter les différences des uns et des autres ? Franchement j’en passe ! Et vous entendre, maman et toi, ce n’est que du blabla et vous deux, vous n’êtes même pas fichu de vous tenir à vos belles paroles, peut-être parce que c’est plus facile de conseiller que d’appliquer. ». Je quittais la pièce sans attendre. Avec ou sans leur accord, j’allais épouser Lilou.
Et en effet, j’avais épousé ma Lilou. On a été heureux. Mes parents se sont décidés à venir au mariage malgré leur désaccord. On a réellement été heureux.. Jusqu’à il y a quelques mois. Jusqu’à ce qu’on constate que les pilules ne faisaient plus effet. Jusqu’à qu’on nous révèle qu’elle avait une tumeur papillon. Une tumeur inopérable. Jusqu’à qu’on nous annonce qu’elle était en fin de vie. Et qu’on ne pouvait rien y faire.

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Assis dans le canapé avec un café, la petite de Chrys sur mon épaule, je soufflais. J’étais épuisé. Par le déménagement. Pas par la garde pour une fois. « Tu crois qu’elle va tenir encore longtemps ? ». Elle parlait de Lilou. Elle était la seule qui savait ici. Puisqu’on était arrivé aujourd’hui. Mais, elle était la seule à qui je voulais en parler. A qui j’acceptais d’en parler. « En quelques mois son état n’a fait que s’empirer, elle est vulnérable et le médecin dit que la tumeur progresse très rapidement. Mais, à vrai dire, je sais pas combien de temps elle peut tenir. ». Elle caressa doucement ma main. Elle était rassurante ma petite sœur. Elle me permettait de ne pas perdre la tête. Et de relever la tête. « Tu sais, Lilou n’est plus Lilou, elle est déjà… morte, c’est ma femme j’ai énormément de respect pour elle, le souvenir de notre amour mais, elle n’est plus ma vie. ». C’était dur à expliquer, et peu de monde le comprenait. Moi-même avant je ne le comprenais pas. Quand Lilou me disait que je me devais de refaire ma vie qu’elle ne serait plus une personne, je lui disais de se taire. Qu’elle serait toujours une personne. En fait elle avait compris, elle. Qu’elle ne finirait pas n’être qu’un corps malade. Et que je finirais par accepter la mort de mon amour. De mon être aimé. Aussi difficile que soit la situation. Elle savait que j’allais rencontrer d’autres femmes. Et c’est ce qu’elle voulait plus que tout au monde. Que je ne reste pas amer d’une vie perdue trop vite. « Je sais Ange, je sais. ». Elle embrassa ma joue. Arrowsic, c’était pour elle et moi. Pour s’éloigner de nos parents. Pour qu’elle puisse faire sa fac de dessin. Pour que je puisse me refaire une vie sans le jugement de mes parents. De mes sœurs. Arrowsic, pourquoi cette ville ? Tout simplement parce qu’on m’avait proposé un poste et que je n’avais pas réfléchis. J’avais accepté.