« On va faire les courses, arrête de faire ta tronche de cake. » Je restais assise sur le canapé, les bras croisés et la tête baissée. Je ne voulais pas faire les courses. Je ne voulait pas mettre mes bottines. J'étais peut-être une tronche de cake, mais une tronche de cake qui s'assume. Je boudais assise sur mon canapé. D'ailleurs à ce moment là, je sentais une latte qui commençait à se casser en dessous de mes grosses fesses et si jamais celle-ci cédait, j'allais encore me faire engueuler. Et puis zut, je resterais assise là. Ça lui apprendra à éteindre la télé avant que Titeuf soit terminé. Non je n'étais pas une gosse capricieuse, jamais de la vie, mais quand on touche à mes dessins animés, je peux faire un meurtre. Bref elle me regardait avec ses grands yeux bleu vert avec un sourire mesquin aux lèvres. « Tant pis pour toi, t'auras pas de kinder pingui. » Han la chanteuse, han la chanteuse ! Mère indigne. Ne pas acheter de kinder à ses enfants, enfin à son unique enfant qui est aussi génial, beau, drôle et intelligent que moi, c'est un crime, un délit. En plus c'était les kinders de chez nous, fait avec notre chocolat milka et notre lait de vache. Les vaches suisses étaient tout simplement les meilleures et les plus jolies -il n'y a aucune différence et alors ?- avec des tâches tellement bien dessinées. J'étais fan de nos vaches. Pas la peine de te dire que j'ai cédé. Oui je suis faible mais on en rivalise pas avec des kinders. Les vaches étaient fidèles, je savais qu'elles ne m'abandonneraient jamais et qu'elles seraient toujours près de moi pas comme papa. Enfin mon géniteur, le porteur de mon spermatozoïdes, le baiseur, l'amant de ma mère. Il pensait peut-être que sa thune allait changer quoique se soit à son absence mais il avait tout faux. « Il fait quoi ton papa dans la vie Joanne ? » Il t'emmerde. Enfin c'est ce que j'aurais aimé dire à ce moment présent devant toute ma classe de CE1 qui semblait -en plus- en avoir rien à carrer de savoir ce que mon père faisait pas la vie. Les enfants de cet âge sont trop égocentrique, ils s'en balancent de savoir si mon père s'amuse à retirer les poils de madame ou s'il vit sur Saturne. « Mon papa il est astronaute de l'espace. » C'est vrai que je restais sur le cul quand on me posait cette question. Je ne savais rien de mon père, même pas son nom. J'aurais bien voulu voir son visage pour m'identifier un peu à lui mais ma mère me répétait souvent que je ne ressemblais en rien à mon père, enfin si surtout mon caractère de cochon. Je ne sais pas pourquoi elle a toujours refusé que je rencontre mon daddy, après tout c'est mon père quoi. Plus je grandissais et plus le manque d'un repère masculin se faisait sentir et plus j'en voulais à ma mère. Lui. Le brun, le désirable, l'homme que je voulais. Putain je le sentais se rapprocher de moi et puis m'ignorer comme si je ne représentais rien pour lui. Je savais qu'il m'aimait bien, c'était un des seuls qui rigolait à mes vannes foireuses. Je l'avais vu la première fois dans ce parc. Le bordel dans ma tête comme si tout se mélangeait d'un coup. Comme si une voix me disait "wesh ma grosse, c'est qu'il est pas mal le brun là bas." « Chiche tu vas lui demander son numéro. » Je regardais l'autre affolé du zboub qui bavait littéralement sur le mystérieux inconnu et qui ne semblait pas s'empêcher d'en parler avec sa pouffiasse de meilleure copine. Lui avec des pisseuses comme elles ? Non j'crois pas non. Je regardais donc les deux blondasses à l'oeuvre... mais rien. Aucune allait lui parler ou du moins essayer de l'accoster. De toute manière elles n'avaient aucune classe. Je réagissais comme une gamine, je le savais mais osef on ne loupe pas une occasion de connaître un garçon comme lui. Le truc c'est qu'il était bien tranquille le cul posé sur un banc avec des écouteurs dans les oreilles. J'attendais qu'il pose un simple regard sur moi. Un putain de petit regard. Quand il a levé les yeux pour les poser sur moi, j'aurais pu pourrir sur place, je pourrirais heureuse. Son petit sourire au coin me faisait craquer. Tout a commencé par un regard. « J'suis prête. » Une grande respiration avant de poser mon regard sur Fernando. Je regardais le garçon en me mordillant la lèvre inférieure, ces mots étaient surement les plus importants de ma vie. J'avais dix-sept ans et demi et j'étais prête -et surtout raide dingue de Fernando- à sauter le pas, à devenir une femme. Surement la période la plus importante dans la vie d'une fille. C'était une soirée... euhm, pas top. L'amour que je portais à Ferny m'avait soulagé mais je t'avoue que j'ai souffert. Enfin, c'était rien par rapport au mal qu'il avait osé me faire en me brisant le coeur sans me donner une raison potable. Je me souviendrais toujours de ce jour où il m'a fait comprendre que c'était terminé, qu'il ne voulait plus sortir avec moi. Putain je suis une petite copine parfaite, je ne comprends toujours pas pourquoi il m'a laissé moi et mon coeur comme une merde sur le bord de la route. « Pourquoi tu pleures ? » Je regardais avec insistance ma mère qui semblait être vraiment chamboulée. Je m'inquiétais pour elle, c'était la première fois qu'elle craquait de cette manière. Cette lettre l'avait perturbé et moi de même, enfin j'étais plus choquée qu'autre chose. J'avais dû la lire une bonne vingtaine de fois avant de comprendre que je ne rêvais pas, que cette putain de lettre venait de bousculer ma vie, ma vie entière. A dix-huit ans, je venais de lire pour la première fois le nom de mon paternel. Pour la première fois de ma vie je savais qui était la personne qui m'avait donné la moitié de son ADN. Je restais sans voix. Mon père était mort, mort. « Il a légué son héritage à son fils. » J'étais rouge de colère, d'une à peine je connaissais mon père j'apprenais qu'il était mort, en plus son fils -qui est donc mon demi frère- est Fernando, l'ex qui reste malheureusement gravé dans mon coeur. De plus j'étais sur la paille avec ma mère parce que l'héritage avait disparu en même temps que le brun. Mon demi-frère. J'avais couché avec mon demi-frère. J'étais tombée amoureuse de mon demi-frère. Non mais attends, j'avais couché avec mon demi-frère. « T'inquiètes pas maman, je vais retrouver Fernando. Il nous doit de l'argent. » Notre manière de vivre avait bien changé depuis la mort de mon père. En plus maman avait le moral dans ses culottes alors ce n'était plus très joyeux à la maison, une raison de plus pour me pousser à quitter le cocon familial et quitter la Suisse pour retrouver Fernando. Arrowsic, ma nouvelle vie. C'était donc ici que vivait Fernando. J'avais mis du temps pour retrouver sa trace et maintenant j'arrivais à la fin de ma recherche. Je ne savais pas comment faire, ni par ou commencer mais je savais que j'allais croiser Fernando un jour ou l'autre.